jeudi 31 janvier 2013

3618 - nouvel appât pour nouveau monstre

... 20 décembre 1943

Si le courage de l'amiral Bey ne souffre aucune discussion, on peut tout de même se demander si cet homme, qui n’a jamais commandé que des flottilles de destroyers - petits bâtiments agiles et rapides - est bien la personne la plus qualifiée pour mener un croiseur de bataille de 32 000 tonnes dans une opération aussi risquée qu’Ostfront.

D’autant qu’en face, Bey va devoir affronter un authentique vétéran de la Royal Navy, l’amiral Bruce Fraser qui, en plus d’avoir servi sur des cuirassés, a également commandé un croiseur, et même un porte-avions, avant d'être finalement nommé commandant-en-chef de la Home Fleet en mai 1943, en remplacement de John Tovey

Pour ne rien arranger, et contrairement à la situation qui prévalait en juin 1942 au moment de l’appareillage du convoi PQ-17, les Britanniques savent depuis des mois que le Scharnhorst se trouve dans l’Altenfjord, et ils sont cette fois parfaitement renseignés sur les intentions allemandes.

De fait, et comme cela avait déjà été le cas pour le PQ-17, le convoi JW-55B, qui appareille de Liverpool le 20 décembre, est aussi, et peut-être surtout, un appât tendu à un grand navire de surface allemand - le Scharnhorst ayant simplement remplacé le Tirpitz dans le rôle du monstre à piéger...

mercredi 30 janvier 2013

3617 - Operation Ostfront

... 19 décembre 1943

Le 12 décembre 1943, un troisième convoi - JW-55A - a quitté Liverpool à destination de l’URSS.

Bien que repérés par un U-boot près de l’Île de l’Ours, tous ses navires vont également atteindre Mourmansk sans que bombardiers ou sous-marins allemands soient en mesure de s’interposer.

Mortifié par ce nouvel affront, l’État-major de la Kriegsmarine décide alors, après un an d’immobilisme, de relancer ses navires de surface à l’attaque du convoi suivant - JW-55B.

Reste à obtenir l’autorisation d’Hitler, une autorisation que le grand-amiral Doenitz va néanmoins obtenir sans trop de difficultés le 19 décembre.

Toutefois, suite à la mise en "congés de longue durée" de l’amiral Kummetz (1), cette "Operation Ostfront", va se trouver placée sous le commandement de l’amiral Bey qui, comme nous l’avons vu, a passé toute sa carrière à commander des destroyers et des flottilles de destroyers.

Du fait de sa vaste expérience en ce domaine, Bey s’attendait tout naturellement à ce qu’Ostfront soit une opérations de destroyers, aussi est-il quelque peu surpris d’apprendre que si les destroyers seront bel et bien de la partie, ceux-ci ne serviront en fait qu’à protéger un bâtiment de bien plus vastes dimensions, en l’occurrence le croiseur de bataille Scharnhorst, que Bey ne connaît pour ainsi dire que pour l’avoir escorté à plusieurs reprises, et en particulier lors de la traversée de La Manche, en février 1942...

(1) Kummetz ne reprendra du service qu’en mars 1944, en recevant le commandement de la Flotte allemande en Baltique


mardi 29 janvier 2013

3616 - le remplaçant

... à 45 ans, le contre-amiral Erich Bey n'est pas un inconnu.

Engagé dans la Kaiserlische Marine, il a servi sur un destroyer dès l'âge de 18 ans, puis a poursuivi sa toute sa carrière sur ce type de bâtiments.

Lors de la Campagne de Norvège, au printemps de 1940, il s'est encore illustré comme commandant d'une petite flottille de destroyers. 

Mais c'est à l'occasion de l'Opération Cerberus, en février 1942, qu'il s'est particulièrement distingué, puisque c'est à lui, et à ses destroyers, qu'est revenue la délicate mission d'escorter les Scharnhorst, Gneisenau et Prinz Eugen à travers La Manche.

En juillet de la même année, Bey et ses destroyers ont également accompagné les Tirpitz, Admiral Scheer et Admiral Hipper lors de leur - fort brève - sortie contre le convoi PQ-17,... et goûté en leur compagnie à l'amertume d'un retour prématuré dans l'Altenfjord.

Tout comme son supérieur Oskar Kummetz, Bey a lui aussi sollicité l'autorisation de reprendre aussitôt la mer avec ses destroyers... et a essuyé la même rebuffade.

En décembre 1943, promu contre-amiral, c'est pourtant d'un tout autre genre de navire que Bey a été appelé à prendre le commandement en remplacement de Kummetz...

... le croiseur de bataille Scharnhorst 

lundi 28 janvier 2013

3615 - moins visible, moins sensible...

... au demeurant, l'idée d'utiliser des navires de surface à la fois moins "visibles" mais aussi moins "sensibles" que le Tirpitz n'est pas nouvelle.

En s'en revenant piteusement dans l'Altenfjord le 6 juillet 1942 avec le reste de la flottille allemande, l'amiral Oskar Kummetz avait déjà parfaitement compris que le Tirpitz, bien trop précieux et symbolique pour le Reich, ne pouvait plus être risqué au combat, ce pourquoi il s'était proposé sitôt leur ravitaillement en mazout complété, de repartir en mer avec les seuls Admiral Scheer et Admiral Hipper.

Encore sous le choc de l'abandon prématuré de Rösselsprung, et ne voyant pas ce que cette sortie pourrait apporter de plus contre un convoi PQ-17 occupé à se faire tailler en pièces par les seuls avions et sous-marins, l'État-major l'avait poliment éconduit, ce qui n'avait pourtant nullement découragé Kummetz qui, dans les mois suivants, avait à plusieurs reprises tenté de mettre son idée en pratique.

Malheureusement pour lui, et pour la Kriegsmarine, toutes ces tentatives avaient dû être prématurément abandonnées ou s'étaient soldées par de lamentables fiascos dont le dernier en date, celui de la Mer de Barents, en décembre 1942, avait d'ailleurs valu à son supérieur, le grand-amiral Raeder, de perdre sa place.

Un an plus tard, l'Histoire semblait revenue à son point de départ puisqu'un autre navire de surface de la Kriegsmarine, le croiseur de bataille Scharnhorst, s'apprêtait à repartir en mer et à mettre en pratique les idées défendues par un Kummetz qui, par une étrange ironie, venait juste de quitter son poste...


dimanche 27 janvier 2013

3614 - mieux vaut l'un que l'autre...

... en cette fin d’année 1943, l’Allemagne nazie, contrainte de renoncer à la Méditerranée et d’évacuer toute l’Afrique du Nord, est partout sur la défensive.

Écrasée à l’Est après son échec de Koursk (1), et contrainte de pallier la perte de l’allié italien après la chute de Mussolini (2) la Wehrmacht n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était à peine deux ans plus tôt.

Dans les airs, et malgré tous ses efforts, la Luftwaffe s’avère quant à elle incapable d’empêcher le Bomber Command britannique et la 8ème Air Force américaine d’incinérer villes et usines allemandes les unes après les autres.

Privé de la moindre bonne nouvelle à offrir à son peuple, Adolf Hitler a donc accepté le principe de réactiver les derniers grands navires de surface de la Kriegsmarine,... ces mêmes navires qu’il avait pourtant voué aux gémonies et voulu tous envoyer à la ferraille après leur échec en Mer de Barents, fin 1942 !

Un succès, fut-il limité, de ceux-ci contre un des convois britanniques en route vers l’URSS remonterait assurément le moral de la Nation et, considérant le contexte général de la guerre, les dits navires sont de toute manière bien moins essentiels au prestige du Reich, et donc plus facilement "sacrifiables" qu’en 1940-1941.

Et au strict plan militaire, s’il n’est toujours pas question de risquer le cuirassé Tirpitz dans pareille aventure, le croiseur de bataille Scharnhorst peut tout aussi bien faire l’affaire,... et même mieux puisque, bien moins symbolique que le premier, l'éventuelle disparition au combat du second ne provoquerait pas un drame national dans toute l'Allemagne...

(1) Saviez-vous que... - Citadelle
(2) Saviez-vous que... - Forza Italia

samedi 26 janvier 2013

3613 - et pourquoi pas ?

... si le retour des convois alliés dans l’Arctique a naturellement réveillé l’attention de la Kriegsmarine comme de la Luftwaffe, ni les U-boot ni les bombardiers partis de Norvège n’ont jusqu’ici été en mesure de leur barrer le passage, que ce soit en raison des rigueurs de la météo ou de la présence d’une escorte britannique de plus en plus nombreuse et de mieux en mieux équipée.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas tenter de recourir à nouveau aux navires de surface ?

A priori, l’idée a de quoi surprendre : depuis leur échec contre le convoi PQ-17, en juin 1942, et leur pitoyable prestation en Mer de Barents, en décembre de la même année, les grands bâtiments de la Kriegsmarine sont en effet en complète disgrâce et considérés comme justes bons à (im)mobiliser d’importantes forces britanniques.

De plus, les dits bâtiments, déjà en nombre insuffisant en 1942, se limitent à présent... au seul croiseur de bataille Scharnhorst, encore moins capable que le Tirpitz de tenir tête à un éventuel cuirassé britannique en maraude !

A l’État-major de la Kriegsmarine, où Karl Doenitz a remplacé Erich Raeder, l’idée fait pourtant son chemin et, plus incroyable encore, même Hitler n’y semble plus viscéralement opposé...

vendredi 25 janvier 2013

3612 - le retour des convois

... novembre 1943

En cet automne 1943, avec le Tirpitz en réparations pour plusieurs mois, et le Lützow reparti en Allemagne, le Scharnhorst se retrouve donc le seul grand navire allemand opérationnel en Norvège.

Mais c’est aussi un navire qui, faute de tout ennemi à se mettre sous les canons, n’a strictement rien d’autre à faire que de se morfondre à son mouillage de l’Altenfjord.

Les choses vont néanmoins changer à la mi-novembre, avec le retour des convois vers l’URSS, que l’Amirauté britannique, soucieuse de ne pas revivre le drame du PQ-17, avait suspendu dès la mi-février 1943, aussitôt après l’appareillage du JW-53.

Dans l’Arctique, l’arrivée de l’automne, puis de l’hiver, est en effet synonyme d’une météo épouvantable mais aussi d’une nuit quasi-permanente, laquelle dissimule donc les cargos aux regards des avions et des sous-marins allemands... à supposer-même que ceux-ci soient capables de décoller ou de prendre la mer !

De fait, repartis de Liverpool les 15 et 22 novembre 1943, les deux premiers convois - JW-54A et JW-54B - vont tous deux arriver en URSS sans essuyer la moindre perte et surtout sans qu’aucun U-boot ou bombardier partis de Norvège soit en mesure de s’interposer...

jeudi 24 janvier 2013

3611 - le rescapé de l'Altenfjord

... Kafjord, 22 septembre 1943, 08h12

Après de nombreuses tentatives infructueuses, les Britanniques sont enfin arrivés à leur but : endommager le cuirassé Tirpitz dans son fjord norvégien.

L’exploit - car c’en est bien un - revient à deux sous-marins miniatures, les X-6 et X-7 qui, en dépit des patrouilles, des mines et des filets pare-torpilles, sont parvenus à placer des charges explosives sous la coque du cuirassé allemand.

Certes, le Tirpitz n’a pas été coulé, mais les dommages qu’il a subi sont tels qu’il va rester immobilisé jusqu’en février 1944  (1)

Le Scharnhorst, dont le mouillage se trouve à quelques kilomètres, était également visé mais, pour une fois, la guigne qui s’acharnait sur lui depuis plus d’un an a décidé de détourner le regard : lorsque le X-10 s’est présenté à l’emplacement qu’il était supposé occuper, le croiseur de bataille avait déjà vidé les lieux depuis plusieurs heures afin de participer à des manœuvres en mer.

Le Tirpitz hors-service pour plusieurs mois, le Scharnhorst se retrouve donc le plus puissant navire de ligne allemand en service en Norvège,... et bientôt le seul puisque le Panzerschiff Lützow, au prise avec d’insondables problèmes de machines, va bientôt devoir quitter l’Altenfjord et rentrer en Allemagne pour des réparations qui s’étireront jusqu’en janvier 1944 !

(1) Saviez-vous que... 3501-3506

mercredi 23 janvier 2013

3610 - enfin en mer !

... Gotenhafen, 7 janvier 1943.

Alors que débute une nouvelle année de guerre, les grands navires de la Kriegsmarine sont plus que jamais sur la sellette.

Pourchassés dans l’Atlantique par la Royal Navy, et attaqués sans relâche par le Bomber Command jusque dans les ports allemands, il n’y a plus guère qu’en Norvège, contre les convois alliés à destination de l’URSS, que ces derniers semblent encore en mesure de jouer un rôle - au demeurant fort modeste (1) - au plan militaire.

Mais encore faut-il qu’ils parviennent à se rendre jusque-là !

Le 23 février 1942, le croiseur lourd Prinz Eugen a en effet été torpillé sur la route qui le menait au Faettenfjord de Trondheim, et contraint de repasser par un chantier naval allemand, qui l’a ensuite hébergé pendant près d’un an !

Pour éviter de revivre pareille déconvenue, Hitler, après avoir une fois de plus jonglé, fin décembre, avec l’idée d’envoyer tous les grands navires à la ferraille suite à la débâcle de la Mer de Barents (sur laquelle nous reviendrons dans une autre chronique), Hitler, donc, a encore renforcé les règles non seulement d’engagement, mais aussi de déploiement : à présent réparés, les Scharnhorst et Prinz Eugen ne pourront entreprendre la traversée vers la Norvège que si et seulement si leur sécurité peut être assurée tout au long du parcours.

Et l’affaire est loin d’être évidente : une première tentative, menée le 7 janvier 1943, doit être abandonnée après que les deux navires aient été repérés en mer par des avions britanniques

Même problème, et même retour au port, le 23 janvier, en sorte qu’il faut finalement attendre la troisième tentative (!), début mars, pour que le Scharnhorst seul parvienne enfin à rejoindre le cuirassé Tirpitz et le Panzerschiff Lützow (2) dans le Bogenfjord de Narvik...

(1) Saviez-vous que.... PQ-17
(2) le 3 juillet 1942, dans le cadre de l'Opération Rösselsprung, le Lützow s'était échoué au sortir de son fjord norvégien et s'était occasionné de tels dommages qu'il avait fallu le renvoyer en Allemagne pour des réparations qui s'étaient prolongées jusque fin octobre



mardi 22 janvier 2013

3609 - une litanie de déboires

... en juillet 1942, après quatre mois de réparations suite à sa traversée de La Manche, le Scharnhorst a en effet quitté sa cale sèche pour quelques essais en Baltique, lesquels ont révélé d’inquiétants problèmes de chaudières.

Une fois ceux-ci résolus - du moins en principe ! - le croiseur de bataille a participé, en août, à des manœuvres en mer, lesquelles se sont soldées par un abordage avec un sous-marin... allemand, entraînant un nouveau retour forcé en cale sèche !

Fin octobre, il a pris la route de Gotenhafen afin de s’y faire poser un nouveau modèle de gouvernail censé mieux résister aux dommages provoqués par l’explosion de torpilles, dommages qui avaient d’ailleurs provoqué l’immobilisation. puis finalement la destruction, du cuirassé Bismarck.

Si le bien-fondé de cette installation reste à démontrer, les problèmes de chaudières, de turbines, et d’arbres d’hélice, eux, n’ont toujours pas trouvé de solution et n'ont cessé de réclamer d’incessantes et fort lourdes réparations, qui l’ont maintenu au port jusqu’au mois de décembre !

En cette fin d’année 1942, après quasiment une année d’immobilisation forcée, le Scharnhorst semble cependant en mesure de reprendre enfin le service actif, mais le plus difficile reste pourtant à faire...

... l’acheminer sain et sauf jusqu’en Norvège...

lundi 21 janvier 2013

3608 - un bilan catastrophique

... décembre 1942

Alors que s’achève l’année 1942, le bilan des Scharnhorst et Gneisenau est cette fois franchement catastrophique.

Partis de Brest début février, ils ont certes réussi l’exploit de franchir La Manche et de rentrer en Allemagne au nez et à la barbe des Britanniques, mais au-delà de la prouesse sportive, cette manœuvre n'a rien apporté au plan militaire et constituait en fait l’aveu d’une défaite.

Surtout, et depuis lors, les deux croiseurs de bataille n’ont cessé d’accumuler les déconvenues.

Fin février, alors qu’il s’apprêtait à partir pour la Norvège, le Gneisenau a en effet été victime d’un bombardement britannique, lequel lui a occasionné de tels dégâts que la Kriegmarine n’a eu d’autre choix que de l’expédier à Gotenhafen pour ce qui s’apparente bien plus à une reconstruction complète qu’à de simples réparations, et à une reconstruction qui, menée à un rythme d’escargot, est par ailleurs loin d’être achevée dix mois plus tard !

Fortement endommagé lors de son retour par La Manche, son jumeau Scharnhorst n’a pas été plus heureux : mis en cale sèche dès son arrivée à Wilhemshaven, le grand navire y est resté quatre mois pour des réparations qui n’ont cependant constitué que le début de ses problèmes...

dimanche 20 janvier 2013

3607 - de Kiel à Gotenhafen

... Kiel, 4 avril 1942

Prévu de longue date, le remplacement des tourelles triples de 280mm des Scharnhorst et Gneisenau par des tourelles doubles de 380mm (les mêmes que sur les cuirassés Bismarck et Tirpitz), n’avait jamais pu être mené à bien, du fait de la guerre bien sûr mais aussi parce que ce remplacement aurait exigé, ne serait-ce que pour maintenir la flottabilité du navire, d’importantes modifications structurelles, dont la pose d’une nouvelle étrave, opération qui, on s’en doute, aurait exigé de longs mois d’immobilisation.

Mais à présent que le Gneisenau est hors-service pour près d’un an, et son étrave proprement pulvérisée, l’occasion paraît enfin favorable.

Pour autant, il ne saurait être question de donner une quelconque priorité à cette transformation, ni de l’effectuer dans un chantier naval allemand : toutes les ressources du Reich sont en effet mobilisées pour des tâches bien plus essentielles à l’effort de guerre.

C’est donc à Gotenhafen (aujourd’hui Gnydia, Pologne) que celle-ci sera entreprise. 

Le 4 avril, le croiseur de bataille - encore qu'il conviendrait plutôt de parler de son épave - est donc  Gotenhafen où les travaux de réparation et de conversion vont débuter dans les jours suivants.

Des travaux que chacun appréhende longs et difficiles...


samedi 19 janvier 2013

3606 - l'Apocalypse

... Kiel, 26 février 1942

Si le Gneisenau a lui aussi subi quelques dommages lors de la traversée de La Manche, ces derniers ne sont cependant que peu de choses par rapport à ceux dont a été victime son jumeau Scharnhorst, en sorte qu’à la fin février, après moins de deux semaines de réparations, le grand navire est prêt à prendre la mer pour la Norvège.

Le Destin, et les bombardiers britanniques, en ont cependant décidé autrement : dans la nuit du 26 au 27 février 1942, le port de Kiel est en effet victime d’une violente attaque du Bomber Command.

Une bombe au moins frappe le Gneisenau à l’avant, traverse le pont blindé et explose dans la soute à munitions de la tourelle "A", déclenchant aussitôt l’Apocalypse...

Sous la violence de l’explosion, la tourelle est arrachée de son socle, et toute la partie avant du navire, de la tourelle jusqu’à l’étrave, transformée en un immense amas de ferrailles calcinées.

Plus d’une centaine de marins ont également été tués, et si le Gneisenau apparaît réparable, il est dores et déjà évident que les travaux dureront plus d’un an !

Dans ces conditions, pourquoi ne pas en profiter pour remplacer les tourelles triples et de leurs canons de 280mm (les mêmes que sur les Panzerschiff de la génération précédente) par les tourelles doubles, et les canons de 380mm, des Bismarck/Tirpitz...


vendredi 18 janvier 2013

3605 - ... mais une défaite stratégique

... la traversée des Scharnhorst, Gneisenau et Prinz Eugen va naturellement susciter des réactions diamétralement opposées selon que l’on soit Allemands ou Britanniques.

Si les premiers exultent à bon droit, et se réjouissent du beau tour qu’ils viennent de jouer à leurs adversaires, les seconds enragent, exigent des comptes et ne parviennent pas à comprendre comment la Royal Navy a pu ainsi faillir à sa tâche.

Pour autant, cette victoire allemande masque en réalité une défaite.

D’abord parce qu’elle consacre le retrait définitif de l’Atlantique des grands navires de surface de la Kriegsmarine - ce qui restreint encore un peu plus leur utilité, déjà fort limitée

Ensuite parce que si ces trois bâtiments ont échappé à une destruction qui semblait a priori assurée, le Scharnhorst n’en a pas moins subi de lourds dommages, dont la réparation va retarder son déploiement en Norvège d’au moins quatre mois, ce qui laissera donc aux seuls Gneisenau et Prinz Eugen le privilège de s’en aller rejoindre le cuirassé Tirpitz dans le Faettenfjord de Trondheim

... ou plutôt au Gneisenau seul car le 23 février, alors qu’il se dirige précisément vers la Norvège en compagnie du Panzerschiff Admiral Scheer, le Prinz Eugen se retrouve sur la route d’une torpille tirée par le sous-marin britannique Trident, laquelle lui arrache proprement tout son arrière, le contraignant à faire demi-tour et à prendre lui aussi la route d’un chantier naval qui va l’héberger jusqu’en septembre !

Et ce n’est encore rien par rapport à la tragédie qui va maintenant s’abattre sur le Gneisenau...

jeudi 17 janvier 2013

3604 - un exploit tactique...

... 15h30

En début d’après-midi, l’Unternehmen Cerberus peut déjà être considérée comme un succès puisque les Scharnhorst, Gneisenau et Prinz Eugen ont réussi à franchir La Manche au nez et à la barbe des Britanniques et sans le moindre dommage, réussissant ainsi un exploit qui n’avait plus été réalisé depuis la traversée de l’Invincible Armada espagnole en... 1588 !

Cerise sur le gâteau, le Worcester (D-96), un des rares destroyers britanniques qui soit parvenu à portée des navires allemands a été transformé en amas de ferrailles, et laissé pour mort, par les tirs de ces derniers.

A vrai dire, le triomphe allemand serait complet si, vers 15h30, le Scharnhorst ne frappait pas une première mine à l’embouchure de l’Escaut, puis une seconde vers 22h30, s‘occasionnant des dommages qui, à nouveau, vont l’immobiliser pour plusieurs mois dans un chantier naval.

Et comme il est décidément dit que l’un de ces croiseurs de bataille ne va jamais sans l’autre, le Gneisenau va aussi frapper une mine vers 20h00, puis une épave submergée quelques heures plus tard !

N’empêche : aux premières heures du 13 février, les trois navires sont bel et bien en sécurité dans des ports allemands.

Une sécurité malheureusement toute relative...

mercredi 16 janvier 2013

3603 - la chance sourit aux audacieux

... Brest, 11 février 1942, 23h00

Début février, et en toute discrétion, des dragueurs de mines allemands ont commencé à libérer un passage à travers La Manche tandis que, de leur côté, les équipages des Scharnhorst, Gneisenau et Prinz Eugen faisaient tout - en ce compris charger des caisses de casques coloniaux ! - pour accréditer leur départ vers l’Atlantique sud.

Le 11 février, vers 23h00, les trois navires quittent finalement ce port de Brest où ils ont passé, à quai ou en cale sèche, la plus grande partie de l’année 1941.

Vers minuit, lancés à près de 30 nœuds, et accompagnés de leurs destroyers d’escorte, ils pénètrent en Manche et entament leur remontée vers l’Allemagne. A 06h30, ils sont rejoints par une flottille de vedettes lance-torpilles parties de Cherbourg, et bientôt survolés par des dizaines de chasseurs Messerschmitt spécialement mobilisés pour l’occasion et qui vont se relayer dans le ciel durant toute la journée.

Et comme l’avait prévu Hitler, les Britanniques, totalement pris au dépourvu, tardent à réagir, puis s’avèrent incapables de lancer une attaque un tant soit peu coordonnée : les quelques vedettes lance-torpilles britanniques qui ont pris la mer sont repoussées sans difficulté par l’escorte des navires allemands, et six biplans Swordfish descendus les uns après les autres bien avant d’avoir pu arriver à portée.

Quant aux batteries côtières de Douvres, qui entrent en action vers midi, celles-ci s’avèrent en dessous de tout, et parfaitement incapables d'atteindre les Allemands qui, à 13h00 sont déjà hors de portée...

mardi 15 janvier 2013

3602 - Unternehmen Cerberus

... Adolf Hitler n'est pas un marin, et il ne sort pas d'une École de Guerre.

Mais s'il n'est pas un génie militaire, et s'il confond trop souvent ses rêves de conquête avec des objectifs réalisables sur le terrain, ce n'est pas non plus le complet béotien, ni le total hystérique, que ses généraux, pour se dédouaner eux-mêmes de la défaite, s'acharneront à décrire après la guerre.

En maintes occasions, comme lors de la Campagne de France où il a forcé l'État-major à revoir complètement le plan d'invasion, l'homme est capable de subtilité et même d'une surprenante compréhension des forces, faiblesses et desseins de ses adversaires,

S'agissant de l'Unternehmen Cerberus, "Opération Cerberus", c-à-d du retour en Allemagne des Scharnhorst, Gneisenau et Prinz Eugen, le Führer tient le pari que les Britanniques raisonnent comme ses propres amiraux et, parce qu'ils le jugent impossible, n'ont rien prévu pour faire face un retour à travers La Manche.

De fait, malgré son écrasante supériorité numérique sur la Kriegsmarine, la Royal Navy n'entretient en Manche qu'une dizaine de destroyers à plusieurs heures d'appareillage, et une trentaine de vedettes lance-torpilles pas du tout préparées à affronter de grands navires de lignes.

Pour ne rien arranger, ces bâtiments ne pourront compter sur le soutien de la RAF et de la Fleet Air Arm, totalement prises au dépourvu et incapables de lancer une attaque coordonnée alors que - pour une fois ! - la collaboration entre la Kriegsmarine et la Luftwaffe va au contraire s'avérer excellente, ce qui offrira aux navires allemands une solide couverture aérienne tout au long de leur parcours...


lundi 14 janvier 2013

3601 - se faire La Manche

... pour aller de Brest à Wilhemshaven, la route la plus courte consiste évidemment à longer les côtes de France et à traverser La Manche.

Mais ce n’est certes pas pour rien qu’en anglais cette voie porte le nom d’"English Channel" : depuis 1939, elle est en effet impraticable aux navires de surface allemands qui, en plus des champs de mines, devraient affronter les canons des défenses côtières de Douvres ainsi que les bombes et torpilles de centaines d’avions anglais, sans même parler du ban et de l’arrière-ban de la Royal Navy !

L’unique alternative est de prendre la route de l’Atlantique, de remonter vers l’Islande, puis de piquer au sud-est avant de pénétrer en Mer du Nord en se tenant le plus éloigné que possible des côtes anglaises.

Si un tel périple, en plus d’être extrêmement long, a peu de chances de rester longtemps inaperçu (particulièrement entre l’Islande et l’Écosse, puis entre l’Écosse et la Norvège), il constitue néanmoins, et d’un point de vue militaire, la seule possibilité envisageable pour les Scharnhorst, Gneisenau et Prinz Eugen.

Mais à la consternation de l’État-major de la Kriegsmarine, Hitler, dont l’approbation est évidemment indispensable, se prononce pour la voie la plus courte : celle de La Manche, que les amiraux allemands jugent pourtant absurde et parfaitement suicidaire !

Heureusement pour eux, les amiraux britanniques sont également de cet avis...

dimanche 13 janvier 2013

3600 - ciels de Norvège

... Janvier 1942

En ce début d’année 1942, et qu’ils le veuillent ou non, les responsables de la Kriegsmarine sont bien forcés d’admettre que les jours de leurs derniers grands navires de surface sont désormais comptés.

Depuis la destruction du cuirassé Bismarck, en mai de l’année précédente, aucun d’entre eux n’a d’ailleurs repris la route de l’Atlantique pour s’en prendre à un quelconque cargo allié, en sorte que la question de leur simple utilité se trouve plus que jamais posée.

Leur ferraillage pur et simple demeurant exclu, la seule alternative envisageable est de tous les expédier en Norvège, où ils seront à la fois loin des terrains d’aviation britanniques et proches des convois qui, partis d’Islande vers Arkhangelsk ou Mourmansk, sont contraints de longer les côtes norvégiennes avant d’atteindre l’URSS (1)

Le cuirassé Tirpitz, jumeau du Bismark et donc devenu le plus puissant navire allemand à flots après la disparition de ce dernier, va ouvrir le bal, quittant Kiel le 14 janvier 1942 à destination du Faettenfjord de Trondheim.

Bien plus menacés que lui, dans leur port de Brest, par les bombardements anglais, les croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau, et le croiseur lourd Prinz Eugen, sont naturellement les suivants sur la liste.

Mais avant de pouvoir les redéployer en Norvège, encore conviendrait-il de les ramener d’abord en Allemagne, tâche ardue que les Britanniques - on s’en doute - ne sont pas disposés à faciliter...

(1) Saviez-vous que... PQ-17

samedi 12 janvier 2013

3599 - ... et le Prinz Eugen pour finir !

... en cette fin d’année 1941, le bilan des Scharnhorst et Gneisenau est aussi mitigé que celui des deux années précédentes.

En février-mars, ils ont certes réussi la croisière la plus fructueuse de leur courte existence, en parvenant à couler 22 cargos alliés, pour un total de quelque 116 000 tonnes.

Mais depuis leur arrivée à Brest, le 22 mars, ils n’ont plus repris la mer, alternant entre la rade et la cale sèche au fil des bombardements britanniques et des dégâts causés par ceux-ci.

A leur décharge, la destruction, en mai, du Bismarck, qui était à cette époque le puissant navire allemand à flots, et un des plus puissants cuirassés du monde, cette destruction n’a certes pas incité les responsables de la Kriegsmarine - et encore moins Hitler ! - à pousser les réparations pour qu’ils puissent reprendre la mer au plus vite.

Du reste, les deux croiseurs de bataille ne sont pas seuls dans cette triste situation puisque le croiseur lourd Prinz Eugen, compagnon de route du Bismarck, se trouve lui aussi à Brest, et lui aussi en réparation, depuis le 1er juin !

De toute manière - et sans même parler de ceux des sous-marins ! - les résultats de ces gros navires de surface font pâle figure en regard de ceux obtenus - et pour un coût infiniment moindre ! - par de simples cargos armés comme comme le Thor (100 000 tonnes), l'Atlantis (146 000 tonnes) ou encore le Pinguin (qui était parvenu à couler quelque 155 000 tonnes de navires alliés avant de succomber en mai 1941 sous les obus du croiseur britannique Cornwall).

Trop voyants, trop vulnérables, trop coûteux, pas assez efficaces, les Scharnhorst et Gneisenau ne sont plus que des dinosaures, qu’une bombe perdue peut à tout instant faire disparaître...

vendredi 11 janvier 2013

3598 - le Scharnhorst ensuite

... dès son arrivée à Brest, le Scharnhorst, qui depuis des semaines était victime de divers problèmes de chaudières, a été expédié en cale sèche.

Au fil des jours, les dits problèmes se révèlent hélas bien plus graves qu’espéré. Entrecoupées d’alertes aériennes et de bombardements britanniques, les semaines s’écoulent sans que la lumière apparaisse au bout de la salle des machines.

Début juillet, soit après quasiment quatre mois de réparations (!), le croiseur de bataille est enfin capable de quitter Brest, non pas pour l’Atlantique et une mission de combat mais, bien plus modestement, pour La Rochelle, quelques centaines de kms plus au sud, pour divers essais en mer.

Mais malheureusement pour les Allemands, et le Scharnhorst, La Rochelle n’est pas un endroit plus sûr que Brest : le 24 juillet 1941, les avions britanniques y déversent en effet quelques dizaines de tonnes de bombes !

Deux projectiles explosifs de 500 livres (227 kilos) et trois perforants de 1 000 livres (454 kilos) frappent le croiseur de bataille. 

Contenues par le blindage, les deux premiers ne causent que des dégâts mineurs tandis que les trois autres se contentent de percer la coque de part en part puis de se ficher dans la vase du fond sans exploser (1), ce qui sauve assurément le Scharnhorst de la destruction mais lui fait tout de même embarquer quelque 3 000 tonnes d’eau, précipitant ainsi le retour du navire vers Brest, et une cale sèche qui va l’héberger elle aussi jusqu’à la fin de l’année...

(1) pour éviter d'exploser directement à l'impact, ce qui ne provoquerait aucun dommage sur des surfaces blindées, les bombes perforantes sont toutes tributaires d'un détonateur à retardement, qui ne doit déclencher l'explosion qu'après que la bombe ait transpercé le blindage. Soumis - et pour cause - à d'énormes chocs et pressions, ce mécanisme s'avère souvent défectueux


jeudi 10 janvier 2013

3597 - le Gneisenau d'abord...

... et de fait, dès leur arrivée à Brest, le 22 mars, les Scharnhorst et Gneisenau, qui sont à l’époque les plus puissantes unités allemandes en service (1), font l’objet d’une attention toute particulière de la Royal Air Force britannique.

Le 6 avril 1941 - nous en sommes déjà à la troisième attaque en deux semaines ! - le Gneisenau essuie une torpille d’avion par l’arrière, laquelle lui fait embarquer 3 000 tonnes d’eau, met ses machines hors-service et l’expédie illico en cale sèche pour plusieurs semaines.

Mais la cale sèche ne protège nullement des bombes : dans la nuit du 9 avril, les avions  britanniques en larguent d’ailleurs une trentaine de tonnes (!).

Quatre projectiles au moins frappent le Gneisenau par tribord. Et même s’ils ne causent que des dommages relativement mineurs, ils n’en tuent pas moins près d’une centaine de marins, et contraignent la Kriegsmarine à maintenir le croiseur de bataille en cale sèche bien plus longtemps que prévu, et à profiter - si l’on peut dire - de l’occasion pour le doter d’une quinzaine de pièces de DCA supplémentaires dans une tentative, finalement assez vaine, d’améliorer sa sécurité contre la menace venue du ciel.

Ponctuées d’attaques britanniques, les semaines, puis les mois s’écoulent sans que le grand navire ne soit en mesure de reprendre la mer.

Fin décembre, le Gneisenau est toujours à Brest, et encore loin de pouvoir en sortir pour participer à une nouvelle mission...

(1) à cette date, le cuirassé Bismarck est encore à l’entraînement et ne participera à sa première - et dernière - mission de guerre qu’en mai 1941

mercredi 9 janvier 2013

3596 - "à un détail-près"

... la chute de la France, à l’été 1940, n’avait pas seulement privé la Kriegsmarine d’un adversaire : elle lui avait surtout livré de nombreux ports qui, à la différence des ports allemands, offraient un accès direct sur l’Atlantique.

"A un détail-près", ces ports, qui avaient cruellement manqué à la Kaiserlische Marine en 1914-1918, constituaient des bases opérationnelles idéales pour cette Kriegsmarine de 1941, dont les rares bâtiments de surface ne pouvaient être engagés que contre le trafic marchand allié, à l’image des croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau qui, après deux mois de mer et 22 cargos détruits, avaient finalement rallié Brest le 22 mars.

"A un détail-près"... c-à-d l’Aviation de bombardement qui, en l’espace d’une génération, avait atteint l’âge adulte et représentait à présent un danger mortel pour tous les navires en mer et, a fortiori, pour tous ceux immobilisés au mouillage !

Pour protéger ces derniers dans des ports aussi exposés que les ports français, il fallait toujours davantage de chasseurs, et toujours davantage de pièces de DCA, ce qui coûtait extrêmement cher et ne pouvait de toute manière garantir une sécurité totale, comme les Scharnhorst et Gneisenau allaient bientôt en faire la douloureuse expérience...

mardi 8 janvier 2013

3595 - hauts et bas


... avec ce nouveau cuirassé britannique en invité-surprise, l’attaque contre le SL-67 s’avère donc tout aussi infructueuse que celle contre le HX-106 un mois auparavant.

Mais cette fois du moins, les croiseurs de bataille allemands ont-ils la possibilité de suivre le SL-67 à distance, et de servir ainsi de rabatteurs pour tous les U-boot du voisinage, lesquels vont bientôt s’adjuger quatre cargos, et sept autres dans les jours qui suivent, parvenant même, le 20 mars, à mettre une torpille au but sur le Malaya, dès lors forcé de gagner Trinidad pour des réparations d’urgence, puis New-York et une cale sèche qui va le tenir immobilisé pendant quatre mois.

La guerre étant elle aussi un travail d’équipe, les équipages des Scharnhorst et Gneisenau peuvent donc s’estimer satisfaits... et d’autant plus que leur croisière est loin d’être terminée.

Le 9 mars, c’est en effet le Marathon, un 6 000 tonnes grec isolé, qui fait les frais de leurs obus; le 15, alors que les deux navires remontent lentement vers le nord-ouest, un autre convoi se présente, largement dispersé et surtout non-escorté, ce qui lui fait perdre six cargos dans l’immédiat, et une dizaine d’autres le lendemain !

Mais une fois de plus, les survivants ont rempli l’éther de messages de détresse, rameutant les cuirassés Rodney et King George V.

Inutile d’insister : le même jour, l’amiral Lütjens décide donc de retraiter vers l’Est et le port de Brest, que ses navires atteignent sans encombre le 22 mars...

lundi 7 janvier 2013

3594 - premiers succès

... 22 février 1941

Après leur échec du 8 février contre le HX-106, les Scharnhorst et Gneisenau ont disparu dans l’Atlantique puis, le 15 février, se sont ravitaillés en toute discrétion auprès des pétroliers Schlettstadt et Esso Hamburg.

Mais il leur faut attendre le 22 février avant que se présente enfin la proie tant espérée : un petit convoi de navires marchands alliés... non escorté, lequel s’il se disperse aussitôt, va néanmoins perdre cinq navires, dont un pétrolier de 6 000 tonnes, qui succombent les uns après les autres sous les obus des croiseurs de bataille allemands.

Comme les cargos survivants couvrent évidemment les ondes de messages de détresse, les Scharnhorst et Gneisenau jugent plus sages de changer d’air, et de troquer l’Atlantique Nord pour l’Atlantique Sud.

Le 7 mars, après un nouveau ravitaillement en mer, les voilà donc au large du Cap Vert, en vue du convoi SL-67... et de son chien de garde, le cuirassé Malaya, tout aussi vieux et époumoné que le Ramillies, mais lui aussi doté des mêmes et inévitables canons de 380mm.

Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, les deux croiseurs de bataille allemands n’ont à nouveau d’autre choix que de décrocher sans demander leur reste...

dimanche 6 janvier 2013

3593 - le paradoxe fondamental


... à un an d’intervalle, l’affaire du convoi HX-106, le 8 février 1941, et celle de Narvik, le 9 avril 1940, illustrent à merveille la faiblesse, et le paradoxe fondamental, des Scharnhorst et Gneisenau, à la fois largement surarmés pour s’en prendre à leurs proies désignées (de simples cargos) mais dramatiquement sous-armés pour affronter les navires qui les escortent !

Sur le papier, ces deux croiseurs de bataille sont pourtant des navires modernes, par ailleurs plus lourds - à quelque 32 000 tonnes - que la plupart des cuirassés et croiseurs de bataille britanniques vétérans de la Première Guerre mondiale.

Mais les navires britanniques, eux, sont dotés de pièces de 356 ou 380mm, qui ne portent pas plus loin que les 280mm allemands, mais peuvent en revanche frapper plus fort. On pourrait certes - et c'était d'ailleurs prévu à l'origine - remplacer ces canons par les tourelles doubles et les pièces de 380mm des Bismarck et Tirpitz, mais cette conversion prendrait des mois et, comme il n'existe aucune relève, diminuerait encore un peu plus les capacités déjà dramatiquement insuffisantes de la Kriegsmarine.

De toute manière, parce qu’elle dispose d’un grand nombre de navires, la Royal Navy peut se permettre d’en perdre quelques uns au combat, et d’en voir quelques autres expédiés plusieurs mois durant dans un chantier naval pour réparations, alors que pour la Kriegsmarine, toute perte, et même tout dommage, constitue, comme nous l’avons vu, une tragédie qui obère sévèrement les capacités opérationnelles, ce qui contraint donc les commandants à ne pas engager le combat, ou à le rompre, bien plus souvent qu’ils ne le voudraient...

samedi 5 janvier 2013

3592 - prudence, retraitons

... 8 février 1941

Au matin du 8 février, les guetteurs du Scharnhorst aperçoivent les premiers cargos du convoi HX-106, mais aussi - et c’est bien là le problème - la silhouette caractéristique d’un cuirassé britannique, en l'occurrence le Ramillies, certes fort vieux (il a été lancé en 1916) et passablement époumoné (ses machines lui autorisent à peine une vingtaine de nœuds) mais néanmoins doté d’un solide blindage et - beaucoup plus inquiétant - de 8 pièces de 380mm.

Sur le papier, il suffirait sans doute que le Scharnhorst, comme le propose d’ailleurs son commandant, profite de son considérable avantage de vitesse (au moins une dizaine de nœuds) pour jouer au chat et à la souris avec le Ramillies, ce qui laisserait alors au Gneisenau tout le loisir de s’en prendre aux cargos du convoi.

Le problème, c'est que pour préserver leurs rares navires de surface, les responsables de Kriegsmarine, et Hitler lui-même, ont promulgué des ordres stricts et appelés à le devenir encore davantage au fil des mois : pas question d’engager le combat contre un porte-avions ou même un cuirassé ennemi.

De toute manière, l’exemple du Renown, l’année précédente, est encore dans toutes les mémoires : si les 280mm allemands n’avaient fait qu’égratigner l’anglais, un seul 380mm de ce dernier avait suffi à occasionner de gros dommages au Gneisenau, en mettant notamment sa tourelle arrière hors de combat.

L’un dans l’autre, Lütjens préfère donc battre en retraite, laissant ainsi le HX-106 poursuivre sa route sous la seule menace des U-Boot qui, quelques jours plus tard, réussiront quant à eux à envoyer deux cargos par le fond...

vendredi 4 janvier 2013

3591 - Opération Berlin

... 22 janvier 1941

Le 22 janvier 1941, après plusieurs mois passés en cale sèche, les Scharnhorst et Gneisenau ont donc repris la mer dans le cadre de l’Opération Berlin, qui vise à s’en prendre aux convois alliés dans l’Atlantique

Et l’appareillage ne s’est pas fait sans mal, puisque cette opération, placée sous le commandement de l’amiral Günther Lütjens (1), avait déjà dû être annulé le 28 décembre 1940 suite à de nouveaux dégâts contractés par le Gneisenau dans la tempête, dégâts qui avaient contraint le croiseur de bataille à s’en retourner piteusement à Kiel pour des réparations supplémentaires !

Cette fois-ci, du moins, l’affaire débute bien, puisque les deux navires, après avoir réussi à tromper la vigilance de la Royal Navy britannique, parviennent, le 3 février suivant, à percer dans l’Atlantique puis, trois jours plus tard, à se ravitailler près du Cap Farvel (Groenland) sans être détectés.

Leur première tâche est d’intercepter et de détruire le convoi HX-106, soit une quarantaine de cargos partis d’Halifax (Nouvelle-Écosse) le 30 janvier à destination de Liverpool.

Sur le papier, l’affaire ne devrait pas poser de gros problèmes et correspond d’ailleurs en tout point au type de mission - la guerre de course - pour laquelle ces deux navires sont conçus.

Mais un invité-surprise est bien décidé à jouer les trouble-fêtes...

(1) l’amiral Günther Lütjens est surtout connu pour le rôle qu’il joua en mai 1941 dans le cadre de l’Opération Rheinübung - la première et dernière croisière du cuirassé Bismarck - où il trouva d’ailleurs la mort

jeudi 3 janvier 2013

3590 - avec la plus extrême parcimonie


... le ferraillage étant exclu pour des raisons aussi politiques que pratiques, ne restait donc plus qu’à tout mettre en œuvre pour préserver la flotte existante.

Après la destruction de l’Admiral Graf Spee, en décembre 1939, la première mesure, symbolique, mais essentielle, avait consisté à rebaptiser en "Lützow" le Panzerschiff "Deutschland" ce qui, à défaut d’autre chose, et s’il venait un jour à subir le même sort que son jumeau, priverait ainsi les Alliés de la satisfaction d’avoir "coulé l’Allemagne".

Mais la meilleure manière d’éviter les pertes consistait tout bonnement... à ne jamais se trouver dans la position d’en subir (!), ce qui, en pratique, revenait donc à maintenir les navires au port - et plus tard dans de lointains fjords norvégiens - le plus longtemps et le plus souvent possible, et à ne les en faire sortir qu’avec la plus extrême parcimonie et aussi la certitude qu’ils ne courraient aucun risque en mer.

Quels que soient la valeur des navires et le courage des marins et officiers allemands, la flotte de surface du Reich se trouvait donc plongée dans un cercle vicieux dont il lui était impossible d’émerger : en mer, son utilité s’avérait très limitée et elle était confrontée en permanence à la perspective d’être anéantie, mais au port, elle était encore moins utile à qui ou quoi que ce soit, et donnait finalement raison à tous ceux qui ne voyaient en elle qu’un scandaleux gaspillage d’acier et d’hommes, empêchant de fabriquer plus de tanks et de constituer davantage de régiments terrestres !

C’est dans ce contexte pour le moins délétère qu’au début de 1941, après plusieurs mois de réparations, les Scharnhorst et Gneisenau s’apprêtaient à reprendre du service...

mercredi 2 janvier 2013

3589 - l'art nazi du gâchis

... Hitler s’était toujours méfié de sa flotte de surface, grande consommatrice d’acier, de main d’oeuvre et de mazout, et d’une utilité qui, avant-même le début des hostilités, s’annonçait déjà discutable pour une nation aussi continentale que l’Allemagne, laquelle, à l’exception de la brève parenthèse wilhelmienne, n’avait jamais eu de tradition, ni de vocation, maritime.

Sa décision, prise dès le début de la guerre, de suspendre les constructions en cours avait donc été logique et parfaitement justifiable.

Mais cette décision avait aussi condamné les navires déjà construits à ne bénéficier d’aucune relève, car même si les travaux allaient reprendre ici et là au fil des mois et des années à venir, ceux-ci ne bénéficieraient jamais ni de gros moyens ni de la moindre priorité et, en conséquence, ne constituerait qu’une immense perte de temps et d’énergie sans aucun résultat concret : lancé le 1er avril 1939, le cuirassé Tirpitz demeurerait jusqu’au bout le dernier grand navire mis en service (1) par la Kriegsmarine.

Déjà très limitée avant 1939, l’efficacité militaire des bâtiments à flots ne pouvait donc aller qu’en s’amenuisant au fil des pertes et des inévitables dommages dus aux combats ou, comme pour les Scharnhorst et Gneisenau, aux simples caprices de la météo, ce qui ne laissait à la Kriegsmarine, et à Hitler, que le choix entre ferrailler les navires existants, ou les préserver par tous les moyens possibles,... quitte à ne plus les utiliser du tout.

(1) le 25 février 1941

mardi 1 janvier 2013

3588 - sans espoir de relève

... alors que s'achève l'année 1940, le bilan des Scharnhorst et Gneisenau s'avère pour le moins mitigé.

Comme l'année précédente, les deux croiseurs de bataille ont certes remporté quelques succès et même, avec le porte-avions Glorious, une victoire plus significative que celle obtenue en 1939 sur le modeste croiseur auxiliaire Rawalpindi.

Mais ces succès ont hélas été obtenus au prix de dommages encore plus importants que l'année précédente, et des dommages qui n'ont fait qu'aggraver la situation d'une flotte de surface allemande déjà à bout de souffle.

Car contrairement à la Royal Navy (ou bientôt à l'US Navy) qui peut se permettre de perdre croiseurs, cuirassés et même porte-avions sans véritablement perdre son efficacité opérationnelle, la Kriegsmarine n'a aucun espoir de relève : tout navire coulé, ou même simplement endommagé, est pour elle un navire irremplaçable depuis que le Führer, dès le début des hostilités, a ordonné la suspension des travaux sur tous les bâtiments de surface en construction, en ce compris sur le porte-avions Graf von Zeppelin, pourtant achevé à 80%...