dimanche 31 octobre 2004

602 - la dernière séance















.. le 3 mai 1945, trois jours après le suicide d'Adolf Hitler, des chasseurs-bombardiers Typhoons de la Royal Air Force attaquèrent à la roquette plusieurs navires de commerce allemands mouillés en baie de Lübeck (Baltique).

Parmi eux, se trouvait le paquebot de 27 000 tonnes "Cap Arcona", qui venait d'embarquer... plus de 4 500 déportés et prisonniers de guerre des camps de concentration de Neuengamme, Stutthof et Dora-Mittelbau. Autrement dit des Alliés, bientôt victimes de ce que l'on appellerait aujourd'hui des "tirs amis"

"Les SS maintenaient les prisonniers au-dessous de l'entrepont du navire incendié et rempli de fumée, et les menaçaient avec le tir de leurs mitrailleuses. Parmi ceux-là, presque tous les prisonniers y furent tués. Beaucoup de canots de sauvetage étaient percés et, de toute façon, les prisonniers ne savaient pas comment les descendre. Un seul canot de sauvetage fut mis à la mer.

Dans une panique indescriptible, les déportés qui ne furent pas tués durant l'attaque ni brûlés ni noyés dans leur prison renversée, se ruèrent sur le pont, se jetèrent à l'eau, tentèrent de s'accrocher à une planche flottante ou aux canots allemands de la base-école des Sous-mariniers, mais la plupart se noyèrent. Quelques prisonniers furent récupérés dans un canot en dépit de l'ordre donné par le commandant de garnison de Neustadt, le capitaine de frégate Heinrich Schmidt et de son quartier général de la base-école des Sous-mariniers, de ne pas secourir de prisonniers.

Les autres déportés nageant dans la Mer Baltique glaciale furent mitraillés par les canons de 20 mm des chasseurs-bombardiers "Typhoons" qui, volant au ras des flots, revinrent à plusieurs reprises. Sur la plage, ils subirent le tir des mitrailleuses des Verdammten SS.

En atteignant Neustadt, les derniers rescapés prièrent les troupes britanniques d'envoyer d'urgence des canots de sauvetage. Des 4 500 déportés de camps de concentration à bord, 350 survécurent. Des 600 gardes, SS et infanterie de marine, des 24 femmes SS et des 70 membres d'équipage, approximativement 490 furent sauvés dont, parmi eux, le capitaine Bertram et son officier en second Dommenget"
(http://www.rrz.uni-hamburg.de/rz3a035/alain.html)

Cinq jours plus tard, l'Allemagne capitulait...

samedi 30 octobre 2004

601 - l'exode le plus massif, le plus meurtrier et le plus méconnu de l'Histoire humaine

... les 8000 morts du Wilhelm Gustloff ne mirent évidemment pas un terme aux souffrances des quatorze millions de germanophones d'Europe de l'Est qui, depuis les derniers mois de 1944, fuyaient éperdument vers l'Ouest, sans le moindre espoir de retrouver un jour les maisons, villes et contrées où leurs familles étaient pourtant établies depuis des siècles.

En chemin, deux millions d'entre eux, hommes, femmes, enfants, vieillards, laissèrent la vie dans ce qui fut l'exode le plus massif, le plus meurtrier, et finalement le plus méconnu de toute l'Histoire humaine, déchiquetés par les balles et les bombes des avions russes, piétinés par la foule des autres candidats à la survie, broyés par les chenilles des tanks, gelés à mort au bord des routes ou dans les trains immobilisés en pleine campagne, ou alors noyés dans ces navires surchargés de réfugiés qui, comme le Wilhelm Gustloff, coulèrent bien avant d'arriver à l'Ouest.

L'Allemagne avait voulu dominer le monde par le feu et le sang. Son linceul en avait à présent les couleurs.

Le 10 février 1945, deux semaines après le torpillage du Gustloff, Alexander Marinesko avait doublé la mise, en envoyant par le fond le navire-hôpital General Von Steuben, faisant plus de 3000 morts, pour la plupart des blessés sur civières.

Le 16 avril, le sous-marin russe L-3, commandé par le Capitaine Vladimir Konovalov, logeait à son tour deux torpilles dans les flancs du cargo mixte Goya, lui aussi surchargé de réfugiés. Brisé en deux, le Goya coula en moins de 4 minutes, entraînant dans la mort près de 7000 personnes. Après ce nouvel exploit patriotique, Konovalov fut ensuite, tout comme Marinesko, décoré du titre de Héros de l'Union soviétique.

La guerre touchait à sa fin, mais les tragédies maritimes n'étaient pas encore terminées...

vendredi 29 octobre 2004

600 - Vae Victis

... touché par trois torpilles, le Wilhem Gustloff, incliné sur le flanc babord, va sombrer en moins de 50 minutes. Les rares chaloupes que l'on sait mettre à l'eau, vu l'inclinaison des ponts, sont immédiatement prises d'assaut. A coups de pistolets dans la foule, les officiers s'efforcent, le plus souvent en vain, de maintenir l'ordre.

Ceux qui n'ont pu y prendre place sautent à la mer. Mais dehors, il fait - 18 degrés, et la température de l'eau ne dépasse guère les 2 ou 3 degrés centigrades.

Dans ces conditions, l'espérance de vie ne dépasse pas quelques secondes,... ce qui ne serait pas le pire si - ultime caprice du Destin - ne surgissait alors le croiseur lourd Admiral Hipper, une des dernières grosses unités de la Kriegsmarine, flanqué de l'escorteur T36.

Également surchargé de réfugiés, le Hipper, lancé à pleine vitesse au milieu des centaines de personnes occupées à se noyer, donne un coup de barre pour éviter l'épave du Gustloff,... et aspire dans son sillage des dizaines de naufragés, qui finiront broyés par ses hélices. Encore ceux-là auront-ils eu la chance d'échapper aux détonations des grenades sous-marines lancées par le T36, qui en déchiquètent des dizaines d'autres...

Alexander Marinesko a quitté les lieux du massacre sans demander son reste. Douze jours plus tard, il doublera même la mise contre le navire-hôpital General Von Steuben, faisant plus de 3000 morts, dont une bonne part de blessés sur civières. Pour cette participation héroïque à la défense de la Mère patrie, il sera décoré du titre envié de héros de l'Union soviétique...

Seules quelques centaines de personnes - sur les quelques 10 000 que transportait le Gustloff - ont échappé au massacre, grâce aux canots de sauvetage ou secourus par d'autres navires...

Beaucoup moins célèbre que celui du Titanic, le naufrage du Wilhelm Gustloff a pourtant fait six fois plus de victimes. Mais comme celles-ci n'étaient que de simples numéros dans une guerre qui en avait déjà tué des dizaines de millions, et comme ils étaient allemands, c-à-d ennemis et donc forcément coupables d'une manière ou d'une autre, elles tombèrent presque aussitôt dans l'oubli, à la plus grande satisfaction des autorités soviétiques.

Vae Victis

jeudi 28 octobre 2004

599 - la tragédie du Gustloff

... en cette soirée du 30 janvier 1945, le sous-marin russe S13, commandé par Alexander Marinesko, aperçoit un grand paquebot sur sa route.

C'est le Wilhelm Gustloff, qui a appareillé le matin-même de Gotenhafen - aujourd'hui Gnydia, Pologne - à destination de Hambourg, avec à son bord plus de 10 000 réfugiés fuyant l'avancée russe.

Très vite, Marinesko fait charger les quatre tubes lance-torpilles. Comme c'est la coutume en temps de guerre, celles-ci ont été décorées de slogans vengeurs ou patriotiques. Ainsi, l'une d'elle est ornée d'un "Pour la Mère patrie", une autre d'un "Pour le Peuple soviétique". La troisième s'appelle "Pour Leningrad"

La quatrième torpille fait long feu, et doit être retirée du tube puis désamorcée en catastrophe. Elle s'intitule tout simplement "Pour Staline".

Tout un symbole.

Les trois torpilles restantes s'en vont exploser contre les flanc babord du grand paquebot allemand. La première pulvérise le compartiment de l'équipage à l'avant. La seconde détonne juste en dessous de la piscine où des dizaines d'auxiliaires féminines de l'armée ont trouvé refuge, projetant des morceaux de corps humain dans toutes les directions. La troisième explose dans la salle des machines, plongeant instantanément le bâtiment dans le noir.

Dans ce navire surchargé, le carnage est bientôt épouvantable. Des dizaines de femmes et d'enfants ont déjà été déchiquetés. Des milliers d'autres, dont la quasi totalité des quelques 4000 bébés et enfants en bas âge qui ont pris place à bord, sont piétinés à mort par les adultes - parfois leurs propres parents - qui s'efforcent de grimper vers les ponts supérieurs.

"À travers les vitres blindées, je ne pouvais les entendre crier. Mais les gens étaient serrés comme des sardines et le pont inférieur était déjà à moitié couvert d'eau. Et j'ai vu des éclairs; des coups de feu. Les officiers tuaient leur propre famille"...

mercredi 27 octobre 2004

598 - l'arche de Noé

... En Prusse orientale, du fait de l'avancée des troupes soviétiques bousculant tout sur leur passage, "une population de 2 200 000 habitants en 1940 avait été réduite à 193 000 personnes à la fin du mois de mai 1945 (...) La terre même avait été rendue impropre à l'exploitation pour plusieurs années. Les maisons avaient été soit brûlées soit dépouillées de leurs installations les plus élémentaires. Des ampoules électriques avaient été volées par des paysans soviétiques qui n'avaient même pas l'électricité chez eux. Les fermes étaient zone morte, tout le bétail ayant été abattu ou envoyé en Russie"

Rien d'étonnant dès lors à ce que des milliers de réfugiés se soient pressés sur ce quai de Gotenhafen - aujourd'hui Gnydia, Pologne - pour y embarquer sur le Wilhelm Gustloff, cet ancien paquebot de la KdF devenu hôpital puis caserne flottante, qui devait appareiller pour Hambourg au matin du 30 janvier 1945.

Combien étaient-ils ? Soixante ans plus tard, nul ne le sait encore avec précision, puisqu'à la liste officielle de 6 050 personnes - dans leur immense majorité des femmes et des enfants, les hommes ayant depuis longtemps été enrôlés dans l'armée ou la Volkssturm - sont venus s'ajouter plusieurs milliers de réfugiés embarqués en dernière minute.

On considère aujourd'hui qu'au moment de son appareillage, le Gustloff, ne transportait pas moins de 10 000 personnes, un chiffre d'autant plus énorme lorsque rapporté à la capacité normale du paquebot, conçu pour moins de 2 000 passagers (!)

De fait, ces malheureux ont dû s'entasser dans tous les coins possibles et imaginables, y compris dans la piscine depuis longtemps vidée. Les conditions de promiscuité et d'hygiène sont bien entendu indescriptibles, surtout lorsqu'on sait que sur les quelque 10 000 passagers, plus de 4 000 sont des bébés ou des enfants en bas âge.

Parmi les réfugiés, ont également pris place près de 2 000 militaires, sous-mariniers, cadets de la marine, servants des pièces de DCA et auxiliaires féminines de l'armée de terre.

Une présence qui fera dire aux Soviétiques que le Gustloff n'était en fait qu'une cible militaire parmi d'autres...

mardi 26 octobre 2004

597 - le sauve-qui-peut général

... Conçu pour transporter 1 865 passagers en classe unique, le Wilhelm Gustloff eut le temps d'effectuer quelques croisières d'agrément fort prisées par les ouvriers allemands, avant d'être rattrapé par les vélléités guerrières d'Adolf Hitler.

En mai 1939, le grand paquebot de la Kraft durch Freude fut lui aussi réquisitionné pour rapatrier d'Espagne les soldats allemands de la Légion Condor, qui avaient victorieusement combattu aux côtés du général Franco. Une croisière hautement médiatique, qui fit à nouveau les délices de la propagande nazie.

En septembre de la même année, il dut définitivement renoncer aux croisières d'agrément ou de propagande, et endosser l'uniforme. Devenu navire hôpital, repeint entièrement en blanc, et orné de toutes les croix rouge possibles et imaginables, il servit de la Pologne à la Norvège jusqu'en novembre 1940, avant de se retrouver en Prusse orientale, sur un quai de Gotenhafen - aujourd'hui Gnydia, Pologne - pour y servir de casernement flottant.

La guerre se déroulait maintenant fort loin, et pendant quatre ans, le Gustloff resta à quai, oublié du monde après que le régime hitlérien eut définitivement renoncé à son rêve chimérique de déporter les juifs d'Europe vers Madagascar grâce aux paquebots de la Kraft durch Freude, pour lui préférer une solution autrement plus finale.

Mais en janvier 1945, l'effondrement du Front de l'Est sous les coups de boutoir d'une armée rouge occupée à chasser quatorze millions d'Allemands devant elle, dans le froid et la neige, redonna vie au fleuron de "la Force par la Joie"

Avec des dizaines d'autres navires, civils ou militaires, grands ou petits, paquebots de croisière, croiseurs lourds, cargo ou simples chalutiers, le Gustloff devait maintenant, dans un véritable sauve-qui-peut général, évacuer le maximum de réfugiés vers le Sud, vers ce que l'on supposait être la sécurité.

Une sécurité bien illusoire.

lundi 25 octobre 2004

596 - la Force par la Joie

... Si les Allemands torpillèrent énormément durant la Seconde Guerre mondiale, et détruisirent près de 20 millions de tonnes de navires alliés, ils furent aussi, de temps à autres, victimes du même sort.

La tragédie la plus connue, et de loin la plus meurtrière, fut incontestablement celle du paquebot Wilhelm Gustloff, torpillé au soir du 30 janvier 1945 par le sous-marin russe S3 commandé par Alexander Marinesko.

Si le nom de Herschel Grynszpan, qui assassina Ernst vom Rath, troisième secrétaire de l'ambassade d'Allemagne à Paris, le 7 novembre 1938, est passé à la postérité pour avoir servi de prétexte à la célèbre "Nuit de Cristal", celui de David Frankfurter qui, deux ans et demi plus tôt, en fit de même sur la personne de Wilhelm Gustloff, leader du mouvement nazi en Suisse, serait totalement tombé dans l'oubli si la propagande nazie n'avait ensuite récupéré le nom de ce "martyr" pour baptiser le nouveau paquebot de la Kraft durch Freude ("la Force par la Joie"), construit par cette organisation de loisirs à même les caisses des anciens syndicats allemands désormais interdits.

Chef d'État aussi populiste que populaire, Adolf Hitler entendait en effet offrir quelques loisirs aux millions d'Allemands qu'il avait remis au travail, fut-ce pour construire des tanks. Bien avant la création du Club Méditerranée, la KdF organisait donc des croisières d'agrément gratuites au profit des ouvriers allemands méritants.

Avec ses 26 000 tonnes et ses 208 mètres de long, ce paquebot à classe unique était en cours de finition lorsque Adolf Hitler décida de lui attribuer le nom de Wilhelm Gustloff.

Dans son roman "En Crabe", écrit longtemps après la guerre, l'écrivain Gunther Grass décrit le lancement de ce nouveau fleuron de la KdF le 5 mai 1937, en présence de la veuve de Wilhelm, mais aussi d'une foule innombrable venue spécialement pour l'occasion.

(...) "tout Hambourg était là (...) Le train spécial d'Hitler entra à dix heures du matin en gare de Dammtor. Puis le trajet fut poursuivi en Mercedes décapotable, le bras saluant, tantôt tendu, tantôt replié, à travers les rues de Hambourg, au milieu des cris d'allégresse, cela va de soi (...) Les ouvriers des chantiers se bousculaient au pied de la tribune tandis qu'il en montait les marches. Lors des dernières élections libres, à peine quatre ans auparavant, la plupart d'entre eux avaient voté socialiste ou communiste. Il n'y avait plus maintenant qu'un seul et unique parti; et en chair et en os, il y avait le Führer"

dimanche 24 octobre 2004

595 - la fin de la Kriegsmarine













... à l'entrée en guerre de l'Allemagne, la Kriegsmarine était une flotte peu importante, qui comprenait les bâtiments suivants (*)

* Porte-avions : 23 000 tonnes max (prévus). Armement : 16 x 150mm
- Graf Zeppelin. Lancement : décembre 1938, jamais terminé, sabordé en avril 1945, renfloué par les Russes et coulé comme navire-cible en août 1947.

* Cuirassés : environ 51 000 tonnes max. Armement : 8 x 380mm, 12 x 150mm
- Bismarck. Lancement : février 1939. Mise en service : août 1940. Coulé par cuirassés britanniques dans l'Atlantique Nord le 27 mai 1942.
- Tirpitz. Lancement : avril 1939. Mise en service : février 1941. Coulé en Norvège par bombardiers britanniques le 12 novembre 1944. Ferraillé.

* Croiseurs de bataille : 38 000 tonnes max. Armement : 9 x 280mm, 12 x 150mm
- Scharnhorst. Lancement : octobre 1936. Mise en service : janvier 1939. Coulé par cuirassés britanniques lors de la Bataille du Cap Nord le 26 décembre 1943.
- Gneisenau. Lancement : décembre 1936. Mise en service : mai 1938. Gravement endommagé par des bombardiers britanniques en février 1942, désarmé, sabordé à Gotenhafen (Gnydia) le 27 mars 1945. Ferraillé.

* Cuirassés de poche (Panzerschiff) - reclassés comme croiseurs lourds fin 1940 : de 14 000 à 16 000 tonnes max. Armement : 6 x 280mm, 8 x 150mm
- Deutschland. Lancement : mai 1931. Mise en service : avril 1933. Rebaptisé Lützow au printemps 1940. Gravement endommagé par des bombardements russes à Swinemünde (Poméranie) le 16 avril 1945, utilisé comme artillerie fixe, puis incendié le 4 mai 1945, renfloué par les Russes et coulé comme navire-cible le 22 juillet 1947.
- Admiral Scheer. Lancement : avril 1933. Mise en service : novembre 1934. Ses canons hors d'usage, le navire est ramené à Kiel en mars 1945 et détruit par l'aviation britannique en mai. Ferraillé en 1946.
- Admiral Graf Spee. Lancement : juin 1934. Mise en service : janvier 1936. Sabordé par son équipage à Montevideo (Uruguay) le 17 décembre 1939.

* Croiseurs lourds : 18 000 tonnes max. Armement : 8 x 203mm
- Prinz Eugen. Lancement : août 1938. Mise en service : août 1940. Capturé intact par les Britanniques à Copenhague en mai 1945. Cédé aux États-Unis. Utilisé comme cible lors d'essais de bombes atomiques et coulé à Kwajalein le 22 décembre 1946.
- Admiral Hipper. Lancement : février 1937. Mise en service : avril 1939. Gravement endommagé à Kiel par l'aviation britannique les 3 et 9 avril 1945. Sabordé par son équipage le 3 mai 1945. Ferraillé.
- Blücher. Lancement : juin 1937. Mise en service : septembre 1939. Coulé par batteries côtières devant Oslo le 9 avril 1940.
-Lützow. Lancement : juillet 1939, jamais terminé, cédé à l'URSS en mai 1940. Rebaptisé Petropavolvsk. Utilisé comme batterie flottante contre l'armée allemande devant Leningrad jusqu'en janvier 1944. Ferraillé à la fin des années 1950.
- Seydlitz. Lancement : janvier 1939, jamais terminé. Travaux de conversion comme porte-avions abandonnés en janvier 1943. Sabordé à Königsberg (Kaliningrad) le 29 janvier 1945. Ferraillé après la guerre

* Pre-dreadnought : 14 000 tonnes (max). Armement : 4 x 280mm
- Schlesien. Lancement : mai 1906. Mise en service : mai 1908. Couvre l'évacuation de Gotenhafen (Gnydia) de mars à avril 1945. Échoué après avoir heurté une mine. Sabordé par son équipage le 4 mai 1945. Ferraillé
- Schleswig-Holstein. Lancement : décembre 1906. Mise en service : juillet 1908. Devant Gotenhafen (Gnydia), tire les premiers obus de la 2ème GM le 1er septembre 1939 et participe à la défense de ce même port jusqu'en décembre 1944. Sabordé le 21 mars 1945, renfloué par les Russes, puis coulé comme navire-cible en 1948

(*) cette liste ne reprend que les grosses unités de surface, et donc pas les croiseurs légers, destroyers, torpilleurs ni - a fortiori - les sous-marin

samedi 23 octobre 2004

594 - Gotterdamerung

... après l'échec de l'opération "Rösselsprung"contre le convoi PQ17, le Tirpitz était pitoyablement rentré dans son fjord norvégien, dont il ne bougea plus guère. Mais aussi potentielle fut-elle, la menace qu'il continuait de représenter pour la sécurité des convois vers l'URSS incita la marine et l'aviation britanniques à lui régler son compte le plus rapidement possible.

En septembre 1943, une première attaque effectuée avec des sous-marins de poche l'immobilisa pour six mois. Ce fut ensuite au tour du Bomber Command. En avril 1944, un premier raid endommagea ses superstructures et fit plus de 200 morts parmi l'équipage. En septembre, 28 bombardiers Lancaster le pilonnèrent avec des bombes "Tallboy" de 6 tonnes.

Gravement endommagé, le Tirpitz n'était plus réparable sur place. Il fallait le ramener en Allemagne et le mettre en cale sèche. L'effondrement de la situation militaire interdisait pareille opération. Au lieu de cela, on décida de le remorquer jusqu'à Tromsöe où, échoué sur un lit de pierre, il pourrait au moins servir à la défense côtière.

Le Bomber Command mit un terme définitif à cet espoir. Le 12 novembre 1944, 32 bombardiers Lancaster l'attaquèrent à nouveau avec des "Tallboy". Touché trois fois, le Tirpitz s'inclina de 30 degrés sur la gauche, puis chavira, entraînant 700 marins allemands dans la mort.

Mauvaise joueuse, l'amirauté britannique, qui n'était jamais parvenue à le détruire, prétendit alors que l'aviation - sa grande rivale - n'avait pas réellement coulé le Tirpitz puisqu'il flottait encore... la quille en l'air.

Avec la disparition du Tirpitz, il ne restait plus à la Kriegsmarine que quelques croiseurs, qui continuèrent pourtant la lutte jusqu'à la capitulation de l'Allemagne, se rachetant en Mer Baltique d'une guerre finalement sans gloire, mais arrachant du moins, à l'image de l'Admiral Hipper, plusieurs centaines de milliers de civils allemands aux griffes de l'Armée rouge, en tirant leurs derniers obus sur les tanks russes plutôt que sur les navires alliés contre lesquels ils avaient été conçus...

vendredi 22 octobre 2004

593 - le drame du Scharnhorst












... même s'il se termina par une incontestable victoire allemande, le massacre du PQ17 avait clairement mis en évidence l'inefficacité des dernières grandes unités de la Kriegsmarine qui, non contentes d'être largement surarmées pour s'en prendre à de simples cargos, restaient bien trop vulnérables aux attaques des navires de surface alliés.

Ce constat sans appel incita Hitler a réclamer le ferraillage des cuirassés et croiseurs, et l'utilisation de leur acier pour fabriquer des tanks. Et comme il fallait un responsable, l'amiral Raeder fut contraint de donner sa démission. Son successeur, l'amiral Doenitz, ne jurait que par la flotte sous-marine, dont il était commandant en chef depuis des années. Mais il parvint néanmoins à arracher à Hitler un sursis pour la flotte de surface.

Dans le grand Nord, la Kriegsmarine continua donc de jouer son rôle de "menace potentielle", sortant rarement de ses fjords, et laissant aux avions et aux sous-marins le soin de s'en prendre aux convois qui, au grand désespoir de Hitler, reprirent bientôt la mer et la route de l'Union soviétique. La guerre se poursuivit dès lors dans cette région désolée du monde, dans les conditions inhumaines décrites par Alistair MacLean dans son roman "HMS Ulysses", avec ces marins exposés en permanence aux embruns et au froid glacial, n'ayant que quelques secondes d'espérance de vie s'ils tombaient dans les eaux arctiques.

Interrompus jusqu'en septembre, les convois avaient repris de plus belle avec le PQ18 qui, en dépit d'un porte-avions cette fois directement incorporé à l'escorte, perdit quand même 12 navires sur 39.

Conçu contre le Tirpitz, le piège de l'amirauté britannique ne se referma jamais sur le grand cuirassé allemand, mais plutôt sur le plus modeste croiseur de bataille Scharnhorst.

Surpris en mer le 26 décembre 1943 alors qu'il s'apprêtait à fondre sur le convoi JW55B, le Scharnhorst fut attaqué par un cuirassé, quatre croiseurs et huit torpilleurs britanniques. Atteint par un véritable déluge d'obus et de torpilles, il se battit jusqu'au bout et sombra d'un coup par l'avant, comme son homologue de la Première Guerre mondiale.

Sur les quelques 2 000 officiers et marins de l'équipage, les Britanniques ne recueillirent que 36 survivants...

jeudi 21 octobre 2004

592 - le massacre du PQ17

... dans l'après-midi du 5 juillet 1942, alors qu'il vient à peine d'envoyer l'ordre d'appareillage au Tirpitz, Adolf Hitler convoque l'amiral Raeder pour lui réitérer ses "ordres personnels" : pas question d'exposer le Tirpitz... surtout si un porte-avions britannique opère à proximité.

Or, à 16H00, un sous-marin russe a aperçu le monstre au sortir du Kaafjord, et aussitôt empli l'atmosphère de messages d'alerte. La sortie du Tirpitz n'est pas passée inaperçue. La Home Fleet va probablement revenir à toute vitesse avec son porte-avions. On ne peut donc plus garantir au Führer que son précieux cuirassé ne court aucun danger.

A 21H50, le message de battre en retraite apparaît aux drisses du Tirpitz qui, dès le lendemain matin, réintègre tristement son mouillage du Kaafjord, sans avoir tiré un seul obus.

Côté britannique, en revanche, la crainte de l'arrivée du même monstre a poussé l'amirauté à ordonner, dans la soirée du 4 juillet, non seulement le repli des croiseurs d'escorte, mais aussi celui des destroyers pourtant attachés à la protection du convoi (!) Ordre de dispersion a ensuite été donné aux cargos qui se retrouvent désormais seuls, à la merci des avions et sous-marins allemands.

Jusqu'au 9 juillet, ceux-ci vont alors pouvoir s'en donner à coeur-joie, coulant 22 navires sur 33, et 130 000 tonnes sur 200 000 (!) Terrés le long des côtes de Nouvelle Zemble, les derniers survivants du PQ17 ne rallieront Arkhangelsk qu'à la fin du mois,... sans avoir eu à affronter le moindre navire de surface allemand.

Plus que tout autre, le massacre du PQ17 constitue l'exemple-même d'une bataille qui, du début à la fin, fut menée contre les espoirs et prévisions des deux protagonistes. Et si elle se solda en définitive par une grande victoire allemande, ce ne fut certes pas du fait de la clairvoyance ou du meilleur sens stratégique de leurs chefs, mais plutôt en dépit d'eux...

mercredi 20 octobre 2004

591 - l'île de l'Ours

... le 1er juillet 1942, le convoi PQ17 est repéré par le U-255 à environ 60 milles de l'est de l'île Jan Mayen. Attaqué le lendemain par les sous-marins allemands et plusieurs appareils de la Luftwaffe, le convoi n'en continue pas moins sa route sans dommages jusqu'à l'île de l'Ours, soit au plus près des bases aériennes allemandes du Cap Nord.

Et c'est alors que les choses se gâtent.

Aussi soucieuse soit-elle d'attirer le Tirpitz en haute mer, l'amirauté britannique n'entend pas pour autant exposer ses précieux cuirassés aux avions allemands. Dans son esprit, le Tirpitz, attiré par le convoi comme le tigre par une chèvre attachée à un pieu, doit en effet sortir de sa tanière *avant* l'île de l'Ours, soit pratiquement hors de portée des forces aériennes allemandes.

S'il ne s'est pas encore manifesté à cette date, soit le 4 juillet, le gros des forces britanniques doit se replier vers l'ouest, laissant le convoi se débrouiller contre les seuls sous-marins et avions allemands, contre lesquels les cuirassés britanniques ne sont de toute manière d'aucune utilité.

De leur côté, les Allemands tiennent évidemment le raisonnement inverse. Les "ordres personnels du Führer" interdisant de prendre le moindre risque, l'amiral Carls n'a aucune intention de faire sortir le Tirpitz tant que le convoi ne sera pas parvenu à proximité des forces aériennes du général Stumpff. Mais avec la brume qui couvre la zone depuis près de 36 heures, plus personne ne sait où se trouve le convoi.

Le 4 juillet, au moment-même où les forces de surface britannique se replient vers l'ouest, le convoi est finalement retrouvé par un avion de la Luftwaffe au Nord de l'île de l'Ours. Le Tirpitz est encore à trois heures d'appareillage lorsque les premiers appareils allemands passent à l'attaque, coulant un cargo américain de 7 000 tonnes, bourré de chars de combat. Trois autres sont touchés peu avant la tombée de la nuit, alors que le Tirpitz n'a toujours pas levé l'ancre.

Le lendemain, 5 juillet, un avion de reconnaissance allemand aperçoit la Home Fleet en plein repli vers l'Ouest. Plus rien - sauf Hitler - ne s'oppose donc à l'appareillage du Tirpitz. Le temps que l'information parvienne aux oreilles du Führer, puis remonte jusque Trondhjem avec l'accord de ce dernier, et ce n'est qu'à 13H00 que le Tirpitz appareille enfin.

Pour ne pas aller bien loin...

mardi 19 octobre 2004

590 - l'agneau du sacrifice

... du côté allié, on n'ignore évidemment rien des menaces qui se trament contre le convoi PQ17, dont l'escorte propre ne comprend pas moins de six destroyers, deux croiseurs antiaériens, et une dizaine de corvettes et dragueurs de mines. Un groupe de quatre croiseurs lourds patrouilleront également à une centaine de milles à l'avant du convoi, tandis que, de Scapa-Flow, appareilleront le cuirassé britannique Duke of York, l'américain Washington, le porte-avions Victorious et trois croiseurs.

Si on y ajoute neuf sous-marins alliés et quatre ou cinq sous-marins russes, échelonnés tout au long du Cap Nord et à proximité des fjords norvégiens, on en arrive à une force... très supérieure à celle que les Allemands peuvent raisonnablement aligner (!)

Car l'amiral Tovey, commandant en chef de la Home Fleet, compte bien se servir du passage du PQ17 pour forcer le Tirpitz, et si possible d'autres bâtiments de ligne allemands, à sortir de leurs tanières et à prendre la mer, où il ne lui restera plus qu'à les intercepter.

Essentiel pour le ravitaillement russe, le PQ17 est tout autant un piège tendu aux Allemands, mais un piège qui va bientôt se retourner contre ses auteurs et, autre paradoxe, sans que le Tirpitz et son groupe d'attaque y soient pour grand-chose (!)

Mais nous n'en sommes pas encore là en ce 27 juin 1942, jour de l'appareillage du PQ17, qui comprend 35 navires de commerce (dont 22 cargos américains) chargés de 297 avions, 594 tanks, 4 246 camions et tracteurs, et 156 000 tonnes de marchandises diverses, soit 700 millions de dollars de l'époque. Assez pour équiper une armée de 50 000 hommes.

Comme à l'ordinaire, les bâtiments du convoi se sont rassemblés en Islande. Certains sont partis de Hvalfjordur sur la côte ouest, et ont emprunté le détroit du Danemark vers l'île Jan Mayen. Les autres ont appareillé de Seydisfjord, sur la côte est, pour les rejoindre 48 heures plus tard.

Un cargo s'est déjà échoué peu après l'appareillage, un autre a dû rentrer au port à la suite d'avaries causées par les glaces du détroit du Danemark.

D'emblée, les choses ont donc mal commencé. Mais ce n'est rien à côté de ce qui va suivre...

lundi 18 octobre 2004

589 - le saut du cavalier

... avec un cuirassé, deux cuirassés de poche, un croiseur, une dizaine de destroyers, une douzaine de sous-marins et près de 300 avions mobilisés pour l'opération "Rösselsprung" ("saut du cavalier"), l'amiral Carls, commandant en chef du théâtre Nord, dispose de forces considérables pour attaquer le convoi PQ17 parti de Grande-Bretagne, et lui infliger de telles pertes qu'elles persuaderaient ensuite les Britanniques de renoncer à ravitailler l'Union Soviétique en fournitures indispensables à son effort de guerre.

Mais les choses ne sont pas si simples. Et à vrai dire, ce ne sont pas tant les moyens que les Alliés ne manqueront pourtant pas de réunir pour protéger leur convoi qui inquiètent Carls, mais bien la délicate susceptibilité des différents généaux et amiraux allemands, et par dessus tout les "ordres personnels du Führer".

Car Hitler ne veut pas de pertes ! On ne peut, sans son accord formel, déplacer le Tirpitz ne serait-ce que de quelques mètres. Depuis le dramatique épisode du Bismarck au printemps précédent, il est désormais interdit d'engager les grandes unités de surface allemandes si la supériorité matérielle n'est pas assurée, et même si l'on ne fait que suspecter la présence d'un porte-avions britannique dans les parages !

En principe, la présence des nombreux appareils de la Luftwaffe devrait tout à la fois dissuader les Britanniques d'engager un de leurs précieux porte-avions, et assurer à la Kriegsmarine les reconnaissances et couvertures aériennes indispensables. Mais les aviateurs ne sont pas placés sous les ordres de l'amiral Carls, mais bien sous ceux du général d'aviation Stumpf, lequel ne prend les siens que du Reichsmarchall Herman Goering en personne.

Et si l'attaque du convoi PQ17 se solda en définitive par un triomphe - ou plutôt un massacre - ce ne fut, paradoxalement, certes pas du fait des "ordres personnels du Führer", de la brillante stratégie des généraux et amiraux allemands, ou de leur parfaite collaboration.

Ce fut plutôt malgré eux...

dimanche 17 octobre 2004

588 - les convois vers la Russie

... En juillet 1942, la puissance allemande, un instant ralentie devant Moscou, était à son apogée. A l'exception des îles britanniques, l'Europe entière marchait désormais au pas dicté par Berlin. Au Moyen-Orient, Tobrouk était tombée et Rommel marchait sur Alexandrie. En Crimée, Sébastopol avait été réduite en poussières par le canon Dora et les mortiers Karl ou Thor. En Russie, la Wehrmacht préparait son offensive qui devait la mener jusque Stalingrad. Et dans l'Atlantique, les U-booten semblaient sur le point de gagner la guerre contre les convois alliés.

A l'heure où l'Union Soviétique paraissait au bord de l'effondrement, le seul cordon ombilical qui la liait encore à ses alliés occidentaux passait par l'océan glacial Arctique et les ports d'Arkhangelsk ou de Mourmansk.

Dès l'été 1941, plusieurs convois venus de Grande-Bretagne avaient acheminé au Paradis des Prolétaires les approvisionnements, nourriture, avions, véhicules, indispensables à son effort de guerre. Au 1er mars 1942, 111 cargos étaient déjà arrivés à Mourmansk et Arkhangelsk, au prix de pertes insignifiantes.

Il n'en fallait pas plus pour convaincre Hitler de tout mettre en oeuvre pour faire cesser ces approvisionnements qui menaçaient son offensive finale contre le bolchevisme.

Trop vulnérables dans l'Atlantique, et trop peu nombreux pour y affronter la Home Fleet britannique, les grands bâtiments de surface de la Kriegsmarine - dont le cuirassé Tirpitz - furent donc concentrés en Norvège septentrionale, afin d'y harceler les convois en route vers l'URSS. L'amiral Dönitz rappela quelques sous-marins de l'Atlantique pour leur prêter main-forte, tandis que le Reichsmarchall Goering dépêchait sa Luftwaffe sur tous les terrains d'aviation de la région du Cap Nord.

Ce renforcement allemand produisit bientôt des résultats spectaculaires. En avril, le convoi PQ13 perdit ainsi cinq navires sur treize. En mai, le PQ16, attaqué simultanément par une demi-douzaine de sous-marins et près de 300 avions, perdit sept cargos sur trente-quatre.

Pour les responsables allemands, le passage du prochain convoi, attendu fin juin, devait faire l'objet d'une attaque si spectaculaire qu'elle dissuaderait à tout jamais les Britanniques de poursuivre l'aventure. Outre le Tirpitz déjà évoqué, l'opération mobiliserait également les deux "cuirassés de poche" Lützow et Admiral Scheer, le croiseur lourd Admiral Hipper, une dizaine de destroyers, une douzaine de sous-marins, et les quelques 300 appareils de la Luftflotte V.

Baptisée "Rösselsprung" ("saut du cavalier"), cette opération devait ni plus ni moins éradiquer un convoi qui allait bientôt entrer tristement dans la légende.

Il s'appelait le PQ17

samedi 16 octobre 2004

587 - l'échappée par la Manche

... la destruction du Bismarck, le 27 mai 1941, avait définitivement mis un terme aux derniers espoirs de la Kriegsmarine d'encore jouer un rôle dans l'Atlantique.

Restait néanmoins à régler le problème des croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau, rentrés à Brest le 22 mars après leur croisière de trois mois dans l'Atlantique, et celui du croiseur lourd Prinz Eugen, lui aussi réfugié à Brest fin mai, après son équipée en compagnie du Bismarck

Régulièrement attaqués à quai par les bombardiers de la Royal Air Force, les trois dernières grosses unités allemandes de l'Atlantique n'y étaient plus d'aucune utilité, et risquaient à tout moment de subir de sévères avaries du fait de l'aviation britannique.

A l'évidence, ces trois bâtiments seraient bien plus en sécurité en Allemagne, mais les y ramener au départ de Brest leur imposerait à nouveau un long périple à travers l'Atlantique, le contournement des îles britanniques, et la certitude d'y rencontrer les cuirassés et porte-avions de la Royal Navy.

Hitler trancha : les trois navires rentreraient tout simplement en Allemagne... par la Manche (!)

L'état-major de la Kriegsmarine fut littéralement stupéfait : pour lui, il n'y avait pas la moindre chance de mener à bien une opération aussi insensée, qui imposerait non seulement la traversée du Pas-de-Calais à portée des batteries côtières de Douvres, mais exposerait également les trois bâtiments aux attaques conjuguées de l'aviation britannique et de la Royal Navy

Mais Hitler s'obstina - ce n'était pas la première fois - et, contre l'avis de tous les spécialistes de la Kriegsmarine, imposa sa solution.

Contre toute attente, ce coup d'audace invraisemblable s'avéra payant: personne, du côté britannique, n'avait effectivement envisagé cette possibilité. Les croiseurs allemands ne furent pas repérés avant la fin de la matinée, les batteries côtières de Douvres ne furent pas autorisées à tirer de peur qu'elles n'atteignent les rares vedettes lance-torpilles britanniques rameutées à la hâte, et l'aviation fut contrée par une intervention massive de la Luftwaffe qui, pour une fois, collaborait efficacement avec la Kriegsmarine.

A part quelques dégâts causés par des mines heurtées au large de la Hollande et dans l'embouchure de l'Elbe, la "promenade dans la Manche" s'était achevée sans perte (!) Fou furieux, Winston Churchill limogea plusieurs responsables de la Navy tandis que la Presse britannique, déchaînée parlait de "la plus grande humiliation infligée à la Navy depuis que les Hollandais avaient incendié la flotte à Chatham, en 1667"

Côté allemand, ce qui n'était finalement qu'un "repli stratégique" (pour ne pas dire une "retraite") fut au contraire présenté comme une grande victoire, même si l'on ne savait pas encore quoi faire des bâtiments désormais revenus dans leurs ports d'origine.

La campagne de Russie allait bientôt répondre à cette question.

vendredi 15 octobre 2004

586 - le triomphe de la Royal Navy

... au soir du 26 mai 1941, des biplans Swordfish partis du porte-avions Ark Royal attaquent le Bismarck, ou plus exactement le navire qu'ils pensent être le Bismarck et qui s'avère en réalité... le croiseur britannique Sheffield, qui en réchappera par miracle (!)

Une seconde attaque se révèle heureusement plus fructueuse, qui endommage le gouvernail du vrai Bismarck. Durant la nuit, le grand cuirassé allemand parvien encore à repousser les destroyers britanniques, qui l'attaquent à la torpille. Mais au matin du 27, apparaissent les cuirassés King George V et Rodney.

Gouvernant uniquement aux hélices, et perdant de plus en plus de mazout, le Bismarck n'a plus qu'à livrer son dernier combat. Touché à plusieurs reprises, le navire commence à s'enfoncer dans l'eau. Vers 9H15, son artillerie principale est réduite au silence et les cuirassés britanniques sont maintenant si proches que leurs obus passent carrément au dessus du Bismarck sans exploser.

Quelques minutes plus tard, le King George V se voit même contraint de s'éloigner de plus de 12 000 mètres, afin d'être en mesure d'atteindre le Bismarck en tir plongeant. De son côté, le Rodney s'est au contraire rapproché à moins de 4 000 mètres pour écraser les superstructures du cuirassé allemand à l'agonie.

A 10H15, les deux cuirassés cèdent la place au croiseur Dorsetshire, qui loge trois torpilles dans les flancs du Bismarck, lequel chavire et coule à 10H36, ne laissant que quelques dizaines de survivants sur un équipage de près de 2 000 hommes...

Un instant menacée sur l'Atlantique par les grands navires de surface de la Kriegsmarine, la Royal Navy était à nouveau maîtresse des mers, ne craignant plus désormais que les attaques des sous-marins allemands. De son côté, et bien qu'effondré par la perte du Bismarck et le coup ainsi porté à l'orgueil national, Adolf Hitler s'apprêtait à en tirer les conséquences...

jeudi 14 octobre 2004

585 - seul contre tous

... au soir du 24 mai 1941, le Prinz Eugen, épargné par le combat de la matinée, poursuit seul sa route vers Brest, qu'il atteindra finalement sans encombre, conformément à sa réputation de navire chanceux qui ne le quittera pas de toute la 2ème Guerre mondiale et le verra finir dans le lagon de Kwajalein en 1946, sous pavillon... américain.

Sur le Bismarck, en revanche, plusieurs obus de 356mm tirés par le Prince of Wales ont endommagé des citernes à mazout, laissant dans le sillage du cuirassé une nappe impossible à arrêter et particulièrement visible depuis le ciel.

Dans ces conditions, l'amiral Lütjens a préféré prendre la route de Saint-Nazaire, seul port muni d'une cale sèche suffisamment vaste - celle du paquebot Normandie - pour y accueillir le Bismarck.

Tard dans la soirée, des biplans Swordfish du porte-avions Victorious ont repéré et attaqué le Bismarck. Pour ces fragiles biplans de toile et de bois, c'est un peu l'attaque des moustiques contre l'éléphant, et d'ailleur celle-ci n'a pas donné grand-chose. Mais les moustiques sont tenaces : ils reviendront.

En attendant, le Bismarck a disparu dans la nuit, et n'est que le 26 qu'un hydravion Catalina retrouve enfin sa trace, alors qu'il se dirige vers les côtes françaises. De son côté, une escadre britannique composée du porte-avions Ark-Royal et du croiseur de bataille Renown a appareillé de Gibraltar, et remonte vers le Nord à toute vitesse afin d'empêcher le cuirassé allemand de trouver refuge dans un port français

L'hallali vient de sonner.

mercredi 13 octobre 2004

584 - la mort du Hood

... en ce 24 mai 1941, alors qu'il engage le combat contre le cuirassé Bismarck et le croiseur lourd Prinz Eugen, le Hood est un bâtiment qui, malgré ses huit canons de 380mm et plusieurs modernisations, accuse désormais son âge, puisque mis en service en 1920.

A ses côtés, le Prince of Wales, entré en service deux mois plus tôt, est flambant neuf, mais la fiabilité de ses 10 canons de 356mm (regroupés en deux tourelles quadruple et une tourelle double afin de gagner du poids) est encore très aléatoire.

En face, le Bismarck peut compter sur huit pièces de 380mm et douze de 150mm. Avec ses 16 000 tonnes seulement, et ses huit canons de 203mm, le Prinz Eugen boxe incontestablement dans une autre catégorie. Mais lorsque le combat s'engage, la distance entre les protagonistes est inférieure à 17 000 mètres, ce qui lui permet de joindre ses obus à ceux du Bismarck.

De fait, c'est le modeste Prinz Eugen qui, le premier, parvient à toucher le pont des embarcations du Hood, qui commence à flamber. Quelques secondes plus tard, à la troisième salve du Bismarck, le Hood disparaît d'un coup dans une formidable explosion, ne laissant que trois survivants sur un équipage de plus de 1 400 hommes !

Les circonstances entourant la disparition du Hood n'ont jamais été connues avec précision, mais beaucoup considèrent qu'il fut victime non pas d'un coup direct du Bismarck - dont les obus étaient notoirement défectueux - mais de l'incendie provoqué par les obus du Prinz Eugen, qui se serait communiqué aux soutes à munitions par les fûts insuffisamment blindés des tourelles.

Le Hood disparu sous les flots, le Prince Of Wales se retrouve seul contre les deux bâtiments allemands. A l'avant, un de ses canons de 356mm est en avarie. Mais la situation est bien pire à l'arrière, où la tourelle est carrément coincée depuis qu'un de ses obus est tombé du monte-charges. Touché trois fois par le Prinz Eugen, et quatre fois par le Bismarck, le cuirassé britannique n'est manifestement plus en mesure de combattre, et se retire en compagnie des bâtiments de son escorte.

Pour l'Allemagne, c'est une grande victoire que l'on va fêter bruyamment.

La joie sera de courte durée...

mardi 12 octobre 2004

583 - quand le Bismarck entre en scène

... lancé en 1936, et mis en service quatre ans plus tard, le Bismarck, en ce mois de mai 1941, est le plus puissant cuirassé jamais construit par l'Allemagne, et probablement le plus puissant cuirassé alors en service dans le monde.

Officiellement donné pour 35 000 tonnes, il en avoue facilement 6 000 de plus, ce qui s'explique en partie par sa largeur inhabituelle, et la présence d'une formidable artillerie, comprenant pas moins de 8 canons de 380mm et 12 de 150mm, sans même parler de l'artillerie anti-aérienne.

Mais même si leurs partisans se refusent encore à l'admettre, l'avenir des cuirassés est désormais derrière eux. A Tarente, en novembre 1940, l'aviation embarquée britannique a déjà démontré la vulnérabilité de ces casernes flottantes aux torpilles et bombes d'avions. Dans quelques mois, à Pearl Harbour et Singapour, l'aviation japonaise en apportera la démonstration définitive.

Mais en mai 1941, alors que le Bismarck prend enfin la mer en compagnie du croiseur lourd Prinz Eugen, pour une croisière contre les convois britanniques dans l'Atlantique, beaucoup croient encore en ces dinosaures, à commencer par l'amirauté britannique elle-même qui, connaissant approximativement la route suivie par les deux navires allemands, a dépêché plusieurs cuirassés et croiseurs de bataille à leur rencontre.

Au petit matin du 24 mai, une escadre partie d'Islande, et composée du vieux croiseur de bataille Hood et du tout nouveau cuirassé Prince of Wales, aperçoit les deux bâtiments allemands dans le détroit du Danemark. La bataille s'engage immédiatement.

Elle va rapidement tourner à la tragédie.

lundi 11 octobre 2004

582 - une efficacité dérisoire

... en décembre 1939, le sabordage du Graf Spee devant Montevideo avait mis un terme provisoire aux opérations des grandes unités de la Kriegsmarine dans l'Atlantique. Mais la conquête de la France, à l'été 1940, allait leur offrir une seconde chance, en même temps que des ports bien plus proches de leurs zones d'opération.

Le 23 octobre 1940, le panzerschiff Admiral Scheer avait repris la mer pour une croisière qui dura jusqu'en avril 1941, et se traduisit par la destruction de 100 000 tonnes de navires alliés. Le 30 novembre, le croiseur lourd Admiral Hipper prenait à son tour la route de l'Atlantique, détruisant une douzaine de cargos avant de rallier Brest en février 1941.

Et même si les croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau, qui avaient appareillé le 22 janvier 1941, durent finalement laisser passer le convoi HX106, ils n'en rentrèrent pas moins à Brest le 22 mars suivant, après avoir coulé 22 cargos alliés, pour un total de 116 000 tonnes.

Aussi satisfaisants qu'ils pouvaient paraître, ces résultats n'en étaient pas moins peu de choses en regard de ceux obtenus par de vulgaires cargos armés comme l'Atlantis (146 000 tonnes), le Thor (153 000 tonnes) ou le champion über alles, le Pinguin, qui était parvenu à expédier 165 000 tonnes de navires alliés avant de succomber en mai 1941 sous les obus du croiseur britannique Cornwall.

Encore ces palmarès ne voulaient-ils rien dire si on les comparait à ceux des grands as des U-booten : à leur disparition, en mars 1941, Joachim Schepke et Otto Kretschmer totalisaient à eux deux plus de 500 000 tonnes de navires alliés coulés !

A quoi bon, dans ces conditions, s'obstiner à lancer sur l'Atlantique des casernes flottantes d'une aussi piètre efficacité, aussi ruineuses à construire qu'impossibles à soustraire aux regards ennemis ? A quoi bon, en ce 21 mai 1941, célébrer l'appareillage du plus puissant cuirassé jamais fabriqué par l'Allemagne ?

Il s'appelait le Bismarck

dimanche 10 octobre 2004

581 - l'affaire du HX106

... le triste sabordage de l'Admiral Graf Spee devant Montevideo, le 17 décembre 1939, avait clairement démontré les faiblesses de la Kriegsmarine et les limites d'une stratégie consistant à croire que la meilleure qualité des armes - pour ne par parler d'un quelconque "triomphe de la volonté - compenserait à elle seule la pure et simple loi du nombre : bien que techniquement supérieur à ses trois adversaires britanniques, le Graf Spee avait dû s'incliner

L'affaire du convoi HX106 démontra quant à elle les limites de la logique hitlérienne selon laquelle toutes les décisions militaires ne relevaient en définitive que de lui seul. A la différence de tous les autres chefs d'État engagés dans la 2ème Guerre mondiale, Adolf Hitler s'entêta en effet jusqu'au bout dans son rôle de chef suprême des armées. Même Staline, après les premiers désastres de 1941, avait fini par laisser la conduite des opérations à ses généraux. Hitler se méfiait trop des siens pour leur faire confiance...

Le 22 janvier 1941, les croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau avaient appareillé de Brest en vue d'intercepter et de détruire le convoi HX106, qui devait appareiller de Halifax le 31 janvier suivant. Le 2 février, ils aperçurent, comme prévu, le HX106 mais aussi, ce qui n'était pas prévu et plutôt désagréable, le vieux cuirassé Ramillies, qui l'escortait.

Sur le papier, l'affaire semblait pourtant relativement simple : bien que disposant d'un armement inférieur (9 canons de 280mm chacun contre les 8 pièces de 380mm du seul cuirassé anglais), le Scharnhorst et le Gneisenau possédaient en revanche un considérable avantage de vitesse, avec au moins 10 noeuds de mieux que le vieux cuirassé britannique, mis en service en 1917. C'était, en gros, l'histoire du Graf Spee qui se répétait, mais cette fois à l'avantage des Allemands.

Hélas, les "ordres personnels du Führer" interdisaient l'engagement face à un cuirassé ennemi. Le convoi put donc poursuivre sa route sans être inquiété...

samedi 9 octobre 2004

580 - "la route du fer"

... quatre mois après le sabordage du Graf Spee, et juste avant que la campagne de France ne démarre, un curieux épisode avait eu lieu en Norvège, où les troupes allemandes débarquèrent pour prévenir une invasion des troupes britanniques, elles-mêmes soucieuses de prévenir un débarquement des troupes allemandes (!)

Officiellement neutre en 1939, la Norvège et ses ressources naturelles excitait la convoitise des Allemands, et avivait les craintes des franco-britanniques de voir les Allemands mettre la main dessus. Le 8 avril 1940, la France et la Grande-Bretagne, prises la main dans le sac, furent contraintes de reconnaître qu'elles étaient effectivement occupées à poser des mines dans les eaux territoriales norvégiennes. Il n'en fallait pas plus pour inciter Hitler à décréter, dès le lendemain, l'invasion de la Norvège.

Largement improvisée, l'opération généra, de part et d'autre, de nombreuses pertes, particulièrement sur mer, où le tout nouveau croiseur lourd Blucher, qui s'était fort imprudemment aventuré devant Oslo dès les premières heures de l'invasion, fut immédiatement pris pour cible par les batteries côtières norvégiennes, dont les vieux canons de 280mm expédièrent promptement par le fond ce fleuron de la Kriegsmarine.

Ce même jour, une bataille navale opposant les croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau au britannique Renown se termina par la fuite des premiers. Le lendemain, le vieux cuirassé Warspite - vétéran de la Première Guerre mondiale - régla le sort de la dizaine de destroyers allemands qui avaient pénétré dans l'Olotfjord pour y débarquer des troupes.

Les Allemands prirent leur revanche deux mois plus tard, lorsque l'effondrement de la situation militaire en France contraignit le corps expéditionnaire franco-britannique à évacuer la Norvège, où il combattait depuis plusieurs semaines afin de couper "la route du fer". Le 9 juin, en fait de route, les Scharnhorst et Gneisenau croisèrent plutôt celle du porte-avions Glorious et de ses deux destroyers d'escorte. Les croiseurs de bataille allemands ouvrirent le feu à 26 000 mètres et, malgré les attaques désespérées des destroyers d'escorte, détruisirent le Glorious, seul exemple connu d'un porte-avions détruit par des navires de ligne.

Endommagé au cours de l'attaque par une torpille du destroyer britannique Acasta - qui fut lui-même coulé - le Scharnhorst dû néanmoins rentrer en Allemagne pour y être réparé. Trois semaines plus tard, le Gneisenau reprenait lui aussi le chemin de la mère patrie, atteint par une torpille de sous-marin britannique, qui lui arracha l'étrave.

Abandonnée par les Franco-britanniques, la Norvège sombra sous la férule de Vidkun Quisling, chef du mouvement pro-nazi Nasjonal Samling, et, pendant cinq ans, fut contrainte d'héberger les unités de la Kriegsmarine dans ses fjords...

vendredi 8 octobre 2004

579 - le suicide du Graf Spee

... arrivé le 14 décembre 1939 à Montevideo, le Graf Spee s'est vu intimé l'ordre de reprendre la mer dans les 72 heures, sous peine d'être interné et désarmé sur place.

Le 16 décembre, sur la passerelle, le commandant Langsdorff signale à Berlin qu'en raison de l'arrivée prochaine du cuirassé Renown et du porte-avions Ark Royal, il ne lui paraît plus possible de reprendre la mer et de forcer le blocus britannique.

Le 17, à trois heures du matin, "l'ordre personnel du Führer" arrive enfin de Berlin.

Quelques heures plus tard, en présence du foule immense venue tout spécialement pour assister au spectacle, le Graf Spee appareille pour son dernier voyage. Dans le ciel, à la limite des eaux territoriales, les hydravions des croiseurs britanniques montent la garde. Sur l'Ajax et l'Achilles, les marins sont déjà aux postes de combat.

Soudain, on aperçoit une immense colonne de fumée qui se dégage du Graf Spee : répondant aux ordres d'Hitler, Langsdorff vient de saborder son bâtiment à une dizaine de kilomètres de Montevideo.

Ayant sombré en eau peu profonde, et reposant sur un lit de vase, le Graf Spee mit plusieurs semaines avant de disparaître totalement sous la surface des flots, ce dont les Britanniques profitèrent amplement pour monter à bord et en découvrir les secrets, notamment son radar couplé à un calculateur de tir.

Trois jours plus tard après le sabordage, on retrouva dans sa chambre d'hôtel le cadavre du commandant Langsdorff. Il s'était suicidé sur le pavillon allemand. Non pas sur celui à svastika d'Adolf Hitler, mais sur le pavillon noir blanc rouge à croix de fer de la défunte marine impériale allemande...

jeudi 7 octobre 2004

578 - la souris dans la souricière

... l'arrivée du Graf Spee devant Montevideo le 14 décembre 1939 a évidemment sonné le branle-bas dans toute la Royal Navy. Jusqu'ici, l'immensité de l'océan Atlantique avait permis au "cuirassé de poche" allemand d'échapper à ses adversaires. Mais à présent, coincé à Montevideo, avec deux croiseurs britanniques pour monter la garde devant la seule issue possible, l'affaire paraît mal engagée.

De fait, de tous les côtés de l'Atlantique, cuirassés, porte-avions et croiseurs britanniques ont mis le cap sur Montevideo, bien décidés à en finir.

De son côté, la diplomatie allemand ne reste évidemment pas inactive, mais l'Uruguay est un pays neutre et les règlements internationaux - sur lesquels les Britanniques ne manqueront pas d'insister - lui interdisent de donner asile plus de 24 heures à un bâtiment de guerre en état de combattre ou, s'il ne l'est pas, à lui accorder davantage de temps que celui impérativement nécessaire pour se remettre en état de prendre la mer. A défaut, le Graf Spee devra alors être interné et désarmé en Uruguay.

La faiblesse de la Kriegsmarine ne lui permet évidemment pas d'envoyer une flotte de surface au secours du Graf Spee. Convoqué à la Chancellerie, l'amiral Dönitz, responsable des sous-marins, doit également admettre l'impossibilité d'envoyer avant le 25 janvier 1940 une meute d'U-booten capables de forcer le blocus anglais. Jamais l'Uruguay n'acceptera pareil délai.

Justement, une commission technique uruguayenne est montée à bord du Graf Spee le jour-même de son arrivée. Ses conclusions sont sans appel : si le navire allemand a effectivement subi des avaries - dont 27 coups au but par des projectiles de différents calibres, il est malgré tout capable de reprendre la mer dans les 72 heures,... malgré les vociférations de l'expert allemand tout spécialement arrivé par avion, et qui exigeait 15 jours, au minimum...

mercredi 6 octobre 2004

577 - David et Goliath

... le 13 décembre 1939, au large du Rio de la Plata, la bataille s'engage entre le "cuirassé de poche" Admiral Graf Spee et les croiseurs britanniques Exeter, Ajax et Achilles.

Avec ses six canons de 280mm, le Graf Spee devrait, en principe, être en mesure de triompher des trois croiseurs britanniques, dont le plus puissant - l'Exeter - ne porte que du 203mm.

Mais le Graf Spee doit se battre de trois côtés à la fois. Pire encore : ses canonniers hésitent et ne savent trop sur quel bâtiment concentrer le tir. Les tourelles principales changent plusieurs fois d'objectif avant de se concentrer sur l'Exeter. Ses trois tourelles successivement mises hors de combat, sa passerelle ravagée par les obus, l'Exeter doit finalement rompre l'engagement et mettre le cap sur les Falklands pour réparations.

Entre-temps, les deux autres croiseurs ont réussi à s'approcher du Graf Spee à moins de 12 000 mètres, distance suffisante pour leur permettre de marteler leur adversaire avec leurs obus de 152mm. A 7H25, une heure après le début de l'engagement, un 280mm du Graf Spee explose sur l'Ajax, mettant deux de ses tourelles hors de combat. Dix minutes plus tard, la distance est tombée à moins de 7 000 mètres et, de part et d'autre, les munitions commencent à s'épuiser.

Les croiseurs britanniques décrochent alors sous un rideau de fumée, bien décidés à réattaquer à la faveur de la nuit, tandis que sur le Graf Spee, le commandant Langsdorff fait mettre le cap sur l'estuaire du Rio de la Plata, toujours suivi par l'Ajax et l'Achilles.

Mais s'il peut à présent les maintenir à distance respectueuse grâce à ses pièces de 280mm, le Graf Spee, qui file 5 ou 6 noeuds de moins, ne peut en aucune manière espérer semer les rapides croiseurs britanniques. Le 14 décembre, vers une heure du matin, il franchit les passes de Montevideo (Uruguay) tandis qu'au large, en dehors des eaux territoriales, les Britanniques commencent à monter la garde tout en rameutant le ban et l'arrière ban de toute la Royal Navy...

mardi 5 octobre 2004

576 - les chiens de chasse

... le 2 décembre 1939, après un silence de plusieurs semaines dont il a profité pour se faire oublier, le Graf Spee se rappelle au bon souvenir de l'Amirauté britannique en coulant le cargo mixte Doric Star. Le lendemain, c'est le tour du Tairoa de 8 000 tonnes, puis du Streonshaln, chargé de 6 000 tonnes de viande congelée.

Mais avant de venir tapisser le fond de l'océan, le Doric Star et le Tairoa ont eu le temps de donner l'alerte et d'indiquer leur position, et le 12 décembre, les trois croiseurs du Commodore Harwood interceptent enfin le Graf Spee à la sortie du Rio de la Plata.

Sur le papier, on ne voit guère ce que les trois croiseurs britanniques, déjà anciens et dépourvus de blindage, peuvent espérer contre le plus récent "cuirassé de poche" de la Kriegsmarine.

Leur infériorité la plus criante tient avant tout à leur armement : le plus puissant d'entre eux - l'Exeter - ne dispose que de six canons de 203mm; l'Ajax et l'Achilles de canons de 152mm seulement. Face à eux, le Graf Spee peut compter non seulement sur ses 8 canons de 150mm mais aussi, et surtout, sur ses deux tourelles triples de 280mm qui, en théorie, devraient suffire pour écraser les croiseurs britanniques à distance sans que ces derniers ne puissent eux-mêmes se placer à portée de tir.

Mais c'est oublier un peu vite que les chiens de chasse n'ont pas besoin d'être plus costauds que la bête qu'ils traquent.

Il leur suffit d'être plus nombreux.

lundi 4 octobre 2004

575 - une drôle de guerre

... la Pologne liquidée en quelques semaines, l'Europe était entrée dans ce que l'on appela bientôt la "drôle de guerre".

Dès les premières heures du conflit, l'armée française, bien loin de se porter au secours de son alliée polonaise - comme elle s'y était pourtant engagée - s'était prudemment enterrée sous ses casemates de la Ligne Maginot, observant à distance une armée allemande qui, trop heureuse de l'aubaine, avait profité de cet attentisme inespéré pour en finir à l'Est, puis rapatrier vers l'Ouest ses divisions victorieuses avec lesquelles elle entendait bien, à bref délai, s'emparer non seulement de la France, mais aussi de la Belgique et de la Hollande, en attendant qui sait de mettre un jour le pied sur le sol anglais.

Depuis des mois, sur Terre comme dans les Airs, Français et Britanniques s'étaient bien gardés de toute action qui eut risqué de provoquer une violente réaction allemande, se contentant de quelques brèves incursions "pour rire" (telle "l'Offensive de la Sarre") avant tout destinées à sauver l'Honneur et à donner aux journalistes quelques lignes à écrire sur une guerre que personne ne comprenait et que beaucoup - à commencer par Hitler ! - espéraient encore voir se terminer de manière diplomatique.

Sur Mer, en revanche, les premières attaques des navires corsaires et des sous-marins allemands, et surtout l'apparition dans l'Atlantique des "cuirassés de poche" Deutschland et Admiral Graf Spee, avaient semé beaucoup d'inquiétudes et un tout autre émoi.

Même si les pertes restaient encore de peu d'importance - et sans commune mesure avec ce qu'elles seraient en 1941-1942 - elles n'en avaient pas moins suscité les plus vives inquiétudes quant à la sécurité des approvisionnements vitaux depuis les Amériques, et en particulier quant aux fournitures de matériel de guerre en provenance des États-Unis et du Canada.

Très vite, des dizaines de bâtiments de guerre, cuirassés, croiseurs, porte-avions, destroyers, sous-marins, furent lancés dans l'Atlantique à la recherche des fantomatiques bâtiments de la Kriegsmarine. Mais le Deutschland, puis les croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneiseneau, avaient réussi à leur échapper et à rentrer en Allemagne sans encombre mais sans afficher pour autant des résultats importants contre les navires de commerce alliés.

C'est dans ce contexte que le Graf Spee, dont tout le monde avait perdu la trace depuis son attaque du 22 octobre 1939 contre le minéralier Trevanion, décida - pour son plus grand malheur - de se rappeler au bon souvenir de l'Amirauté britannique...

dimanche 3 octobre 2004

574 - des résultats décevants

... le 15 novembre 1939, le Deutschland - le premier des trois "cuirassés de poche" a réussi à déjouer les dizaines de navires franco-britanniques lancés à sa recherche, et est sagement rentré à Kiel.

Sur un plan strictement comptable, sa croisière de trois mois s'est avérée particulièrement décevante, puisqu'il n'a coulé que deux cargos ennemis totalisant moins de 8 000 tonnes.

De leur côté, les Scharnhorst et Gneisenau ont pris la mer pour leur première sortie de guerre. Bien que leur taille et leur poids les classent comme croiseurs de bataille, ces deux bâtiments ne sont - fondamentalement - que des versions agrandies des trois Panzerschiff, dont ils reprennent en particulier les tourelles triples, armées de canons de 280mm. Un choix curieux en regard de leurs adversaires britanniques - qui portent au minimum du 356mm - mais qui s'explique, déjà, par l'incapacité de l'industrie allemande à faire face à la frénésie des commandes hitlériennes. Le remplacement des trois tourelles triples de 280mm par trois tourelles doubles de 380mm (les mêmes que celles du Bismarck et du Tirpitz) était prévu à terme, mais ne fut jamais réalisé.

De toute manière, quel que soit le calibre de leur artillerie, ces deux bâtiments n'ont pas particulièrement brillé puisque que leur croisière commune, entamée le 21 novembre 1939, s'est soldée par la seule perte du Rawalpindi - un paquebot transformé en croiseur auxiliaire - qu'ils ont envoyé par le fond avant de devoir regagner Kiel après moins d'une semaine en mer.

Là encore, leur principale participation à l'effort de guerre allemand a été de mobiliser contre eux la bagatelle de six cuirassés, deux porte-avions, douze croiseurs et des dizaines de destroyers alliés (!), qui les ont cherché en vain, de Brest à Scapa Flow, et de Halifax à Loch Ewe.

Manifestement, les grosses unités de la Kriegsmarine sont trop repérables, et largement surarmées pour une guerre de course contre de simples navires de commerce - une mission qui convient finalement bien mieux aux cargos armés et, a fortiori, aux U-booten - alors que leur simple infériorité numérique les contraint à s'enfuir à la moindre apparition de leurs homologues alliés, ou à être irrémédiablement détruits par eux.

Le Graf Spee va bientôt, et bien malgré lui, en apporter une démonstration éclatante...

samedi 2 octobre 2004

573 - la guerre de course

... pour le Panzerschiff Admiral Graf Spee, la Seconde Guerre mondiale a commencé le 21 août 1939, lorsqu'il a appareillé de Wilhemshaven pour l'Atlantique Sud. Son "frère" - le Deutschland - l'a imité quatre jours plus tard, en prenant le cap de l'Atlantique Nord.

Le 19 août, le ravitailleur Altmark a pour sa part quitté Port-Arthur (États-Unis) pour rejoindre le Graf Spee sous l'équateur aux alentours du 10 septembre. Bien loin de chercher à s'en prendre aux navires de commerce alliés, le Graf Spee ravitaillé (comme d'ailleurs le Deutschland) s'est au contraire efforcé d'échapper à tout repérage, fuyant entre le Brésil et l'Afrique du Sud la moindre fumée aperçue à l'horizon.

Car pour la Kriegsmarine, le moment est déjà venu d'affronter son plus terrible adversaire : les "ordres personnels du Führer". Toujours soucieux de son prestige à l'étranger, le dictateur ne veut en effet pas de pertes, et a donc interdit toute action du Graf Spee ou du Deutschland sur les routes commerciales fréquentées... contre lesquelles ils ont pourtant été conçus (!)

Le 26 septembre 1939, l'amiral Raeder, excédé, parvient enfin à arracher à Hitler l'autorisation de lâcher ses "cuirassés de poche".

Le 30 septembre, au large de Pernambouc (Brésil), le Graf Spee aperçoit sa première victime - le Clement, un vieux cargo anglais de 5000 tonnes - qu'il force à stopper avant de le couler au canon tout en contactant par TSF les autorités brésiliennes pour qu'elles viennent chercher l'équipage du Clément, forcé d'abandonner son navire.

Le 5 octobre, c'est le tour du Newton Beach, qui se voit contraint de suivre le Graf Spee avec un équipage de prise à son bord. La même scène se répète ainsi à plusieurs reprises jusqu'au 22 octobre, lorsque la route du Graf Spee croise celle du Trevanion - un minéralier de 6000 tonnes - qui, non content de se refuser à stopper, a cette fois le temps de lancer un SOS avant d'être coulé.

Cette fois, l'Amirauté britannique est dûment prévenue et, avec l'aide de ses alliés français, dépêche plusieurs cuirassés et croiseurs de bataille dans l'Atlantique afin d'y débusquer le Graf Spee et de protéger les navires marchands. Au total, plus de 270 000 tonnes de navires de guerre - sans même parler des destroyers ou des torpilleurs - se retrouvent bientôt lancés à la recherche d'un Graf Spee qui n'en avoue que 10 000 et juge plus sage de se faire oublier pendant trois semaines...

vendredi 1 octobre 2004

572 - Deutschland über alles

... le Traité de Washington de 1922 ayant interdit à l'Allemagne de construire des navires de guerre de plus de 10 000 tonnes - c-à-d supérieurs aux croiseurs lourds alors en service dans toutes les marines du monde - les ingénieurs allemands s'efforcèrent, bien avant l'arrivée d'Hitler au Pouvoir, de réaliser un bâtiment qui, bien que demeurant dans les limites du Traité, pourrait agir comme corsaire contre les navires de commerce ennemis.

Fondamentalement, il s'agissait de réaliser - en plus petit - l'équivalant des croiseurs de bataille de la Première Guerre mondiale, soit un bâtiment disposant de l'armement d'un cuirassé mais de la vitesse d'un croiseur, avec un blindage bien moins épais que celui d'un véritable cuirassé mais tout de même supérieur à celui - le plus souvent inexistant - des croiseurs lourds qu'il aurait à affronter.

La mise en service du Deutschland , en avril 1933 fit l'effet d'une bombe. Aux croiseurs lourds contemporains qui se contentaient de six à douze canons d'un calibre compris entre 150 et 203mm, le Deutschland répliquait en effet par six canons de 280mm (en deux tourelles triples) et huit canons de 150mm (en huit tourelles simples).

Avec un pareil armement, une vitesse de 28 noeuds, un léger blindage, et un rayon d'action de 16 000 kilomètres, le Deutschland surclassait à ce point ses rivaux qu'il donna à lui seul le signal d'une nouvelle course aux armements navals.

Pour parvenir à un tel résultat, les ingénieurs allemands avaient évidemment dû innover, en particulier par l'emploi massif de la soudure en lieu et place des traditionnels rivets, gage d'un important gain de poids. Mais au delà de leurs prouesses techniques, ils avaient également dû recourir à ce qui allait devenir la véritable marque de fabrique du régime nazi : le mensonge et le non-respect des traités signés. Officiellement annoncé comme 10 000 tonnes, le Deutschland en avouait en réalité... 4 000 de plus.

Cette "légère erreur de calcul" mise à part, le Deutschland ne pouvait que combler - du moins sur le papier - les voeux de la nouvelle marine hitlérienne : sa vitesse lui permettrait en effet d'échapper à la plupart des cuirassés et croiseurs de bataille britanniques, et son armement d'affronter avec succès tous les croiseurs lourds que l'on oserait lui opposer.

Entré en service en avril 1933, le Deutschland fut suivi par l'Admiral Scheer en novembre 1934, puis, en janvier 1936, par un troisième Panzerschiff identique qui fit, à la revue navale de Spithead, à l'occasion du couronnement du Roi George VI, une entrée en scène très remarquée

Il s'appelait l'Admiral Graf Spee.