... Si les Allemands torpillèrent énormément durant la Seconde Guerre mondiale, et détruisirent près de 20 millions de tonnes de navires alliés, ils furent aussi, de temps à autres, victimes du même sort.
La tragédie la plus connue, et de loin la plus meurtrière, fut incontestablement celle du paquebot Wilhelm Gustloff, torpillé au soir du 30 janvier 1945 par le sous-marin russe S3 commandé par Alexander Marinesko.
Si le nom de Herschel Grynszpan, qui assassina Ernst vom Rath, troisième secrétaire de l'ambassade d'Allemagne à Paris, le 7 novembre 1938, est passé à la postérité pour avoir servi de prétexte à la célèbre "Nuit de Cristal", celui de David Frankfurter qui, deux ans et demi plus tôt, en fit de même sur la personne de Wilhelm Gustloff, leader du mouvement nazi en Suisse, serait totalement tombé dans l'oubli si la propagande nazie n'avait ensuite récupéré le nom de ce "martyr" pour baptiser le nouveau paquebot de la Kraft durch Freude ("la Force par la Joie"), construit par cette organisation de loisirs à même les caisses des anciens syndicats allemands désormais interdits.
Chef d'État aussi populiste que populaire, Adolf Hitler entendait en effet offrir quelques loisirs aux millions d'Allemands qu'il avait remis au travail, fut-ce pour construire des tanks. Bien avant la création du Club Méditerranée, la KdF organisait donc des croisières d'agrément gratuites au profit des ouvriers allemands méritants.
Avec ses 26 000 tonnes et ses 208 mètres de long, ce paquebot à classe unique était en cours de finition lorsque Adolf Hitler décida de lui attribuer le nom de Wilhelm Gustloff.
Dans son roman "En Crabe", écrit longtemps après la guerre, l'écrivain Gunther Grass décrit le lancement de ce nouveau fleuron de la KdF le 5 mai 1937, en présence de la veuve de Wilhelm, mais aussi d'une foule innombrable venue spécialement pour l'occasion.
(...) "tout Hambourg était là (...) Le train spécial d'Hitler entra à dix heures du matin en gare de Dammtor. Puis le trajet fut poursuivi en Mercedes décapotable, le bras saluant, tantôt tendu, tantôt replié, à travers les rues de Hambourg, au milieu des cris d'allégresse, cela va de soi (...) Les ouvriers des chantiers se bousculaient au pied de la tribune tandis qu'il en montait les marches. Lors des dernières élections libres, à peine quatre ans auparavant, la plupart d'entre eux avaient voté socialiste ou communiste. Il n'y avait plus maintenant qu'un seul et unique parti; et en chair et en os, il y avait le Führer"
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