samedi 16 octobre 2004

587 - l'échappée par la Manche

... la destruction du Bismarck, le 27 mai 1941, avait définitivement mis un terme aux derniers espoirs de la Kriegsmarine d'encore jouer un rôle dans l'Atlantique.

Restait néanmoins à régler le problème des croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau, rentrés à Brest le 22 mars après leur croisière de trois mois dans l'Atlantique, et celui du croiseur lourd Prinz Eugen, lui aussi réfugié à Brest fin mai, après son équipée en compagnie du Bismarck

Régulièrement attaqués à quai par les bombardiers de la Royal Air Force, les trois dernières grosses unités allemandes de l'Atlantique n'y étaient plus d'aucune utilité, et risquaient à tout moment de subir de sévères avaries du fait de l'aviation britannique.

A l'évidence, ces trois bâtiments seraient bien plus en sécurité en Allemagne, mais les y ramener au départ de Brest leur imposerait à nouveau un long périple à travers l'Atlantique, le contournement des îles britanniques, et la certitude d'y rencontrer les cuirassés et porte-avions de la Royal Navy.

Hitler trancha : les trois navires rentreraient tout simplement en Allemagne... par la Manche (!)

L'état-major de la Kriegsmarine fut littéralement stupéfait : pour lui, il n'y avait pas la moindre chance de mener à bien une opération aussi insensée, qui imposerait non seulement la traversée du Pas-de-Calais à portée des batteries côtières de Douvres, mais exposerait également les trois bâtiments aux attaques conjuguées de l'aviation britannique et de la Royal Navy

Mais Hitler s'obstina - ce n'était pas la première fois - et, contre l'avis de tous les spécialistes de la Kriegsmarine, imposa sa solution.

Contre toute attente, ce coup d'audace invraisemblable s'avéra payant: personne, du côté britannique, n'avait effectivement envisagé cette possibilité. Les croiseurs allemands ne furent pas repérés avant la fin de la matinée, les batteries côtières de Douvres ne furent pas autorisées à tirer de peur qu'elles n'atteignent les rares vedettes lance-torpilles britanniques rameutées à la hâte, et l'aviation fut contrée par une intervention massive de la Luftwaffe qui, pour une fois, collaborait efficacement avec la Kriegsmarine.

A part quelques dégâts causés par des mines heurtées au large de la Hollande et dans l'embouchure de l'Elbe, la "promenade dans la Manche" s'était achevée sans perte (!) Fou furieux, Winston Churchill limogea plusieurs responsables de la Navy tandis que la Presse britannique, déchaînée parlait de "la plus grande humiliation infligée à la Navy depuis que les Hollandais avaient incendié la flotte à Chatham, en 1667"

Côté allemand, ce qui n'était finalement qu'un "repli stratégique" (pour ne pas dire une "retraite") fut au contraire présenté comme une grande victoire, même si l'on ne savait pas encore quoi faire des bâtiments désormais revenus dans leurs ports d'origine.

La campagne de Russie allait bientôt répondre à cette question.

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