lundi 31 décembre 2012

3587 - l'un ne va jamais sans l'autre


... pour l'État-major, expédier le Gneisenau et le Hipper vers l'Islande devrait suffisamment attirer l'attention - et surtout les moyens - des Britanniques que pour permettre au Scharnhorst de rallier tranquillement l'Allemagne.

Mauvais calcul : sachant leur proie blessée, ces derniers ne sont pas prêts à se laisser leurrer si facilement : peu après son appareillage de Trondheim, le Scharnhorst est à nouveau la cible d'appareils de la RAF et de la Fleet Air Arm britanniques qui, même s'ils se révèlent incapables de mettre au but, s'empressent de rameuter la Royal Navy, contraignant alors le Scharnhorst à se précipiter à Stavanger, à l'extrême sud de la Norvège, pour y attendre la fin de l'orage avant de pouvoir rejoindre Kiel et une cale sèche qui va l'héberger jusqu'en décembre.

Pire encore : comme il est dit que l'un de ces croiseurs de bataille ne va jamais sans l'autre, c'est le Gneisenau qui, à peine sorti de Trondheim, se retrouve frappé par une torpille du Clyde, un grand sous-marin océanique en maraude.

Touché à l'étrave, le Gneisenau n'a d'autre choix que de s'en retourner piteusement à Trondheim, pour y bénéficier à son tour de réparations d'urgence effectuées par les mêmes ouvriers qui venaient tout juste d'en finir avec le Scharnhorst !

Le 25 juillet, suffisamment guéri pour pouvoir reprendre la mer, le Gneisenau, escorté par le Hipper mais aussi par le croiseur léger Nürnberg et plusieurs destroyers quitte enfin Trondheim pour Kiel... et un chantier naval qui va lui aussi l'accueillir jusqu'en décembre 1940.

dimanche 30 décembre 2012

3586 - un grand blessé...

... Trondheim, 20 juin 1940

Victorieux mais gravement blessé après son combat du 8 juin, le Scharnhorst a besoin de réparations d'urgence avant de pouvoir envisager un retour vers un chantier naval du Reich.

Le 9, accompagné du Gneisenau, de l'Admiral Hipper et du reste de la flottille allemande, il a donc mouillé à Trondheim.

Mais les Britanniques, sous le choc de la perte de leur Glorious, ne sont nullement disposés à le laisser tranquille : dès le 11, le croiseur de bataille a donc essuyé une première pluie de bombes larguées pas des bimoteurs Hudson (1) de la RAF; le 13, ce sont des Blackburn Skua du porte-avions Ark Royal qui ont pris la relève, et lui ont expédié de nouveaux projectiles.

Si le Scharnhorst s'en est à chaque fois tiré sans dommage supplémentaire, il ne saurait être question de tenter la chance trop longtemps : le 20 juin, suffisamment rétabli pour reprendre la mer, le grand navire quitte donc Trondheim pour Kiel.

Mais comme les Britanniques ne semblent pas prêts à lâcher le morceau, le Gneisenau et l'Admiral Hipper vont tenter de les distraire, en appareillant le même jour, non pour l'Allemagne mais bien pour l'Islande...

(1) le Lockheed Hudson était la version militaire du Super Electra

samedi 29 décembre 2012

3585 - une victoire à la Pyrrhus...


... comme l'Histoire de la 2ème G.M. va hélas le démontrer à plusieurs reprises, il n'y a rien de plus vulnérable en mer qu'un porte-avions sans ses avions, ou du moins incapable, comme le Glorious britannique, de les mettre en l'air lors d'une attaque.

Car si un seul obus du Scharnhorst a fait mouche, ses effets se sont avérés désastreux sur le Glorious qui, comme tous ses homologues, est totalement dépourvu de blindage.

Son hangar déjà en flammes, le malheureux porte-avions britannique est en fort mauvaise posture, et d'autant plus que la distance s'amenuisant, le Scharnhorst, mais aussi le Gneisenau, qui s'est joint au jeu de massacre, sont bientôt en mesure de faire pleuvoir leurs obus.

Conformément à la tradition, les deux destroyers d'escorte ont résolu de se sacrifier en se précipitant à l'attaque des croiseurs de bataille allemands : en vain puisque le Glorious, ravagé par les incendies, coule vers 18h10, ne laissant qu'une quarantaine de survivants sur un équipage de près de 1 500 hommes.

Ne pouvant rivaliser avec la puissance de feu des navires allemands, les héroïques destroyers britanniques sont également envoyés par le fond l'un après l'autre mais non sans que l'Acasta soit parvenu au préalable à loger une torpille sur le Scharnhorst, mettant hors de combat sa tourelle arrière, tordant son hélice tribord, et lui faisant embarquer quelque 2 500 tonnes d'eau... soit des dégâts largement suffisants pour le contraindre à repasser, une fois de plus, et pour de longs mois, par un chantier naval...

vendredi 28 décembre 2012

3584 - Glorious Day

... 8 juin 1940

Remis une fois de plus en état, les Scharnhorst et Gneisenau, mais aussi le croiseur lourd Admiral Hipper, ont repris la mer le 4 juin dans le cadre de l'Opération Juno, laquelle vise à soutenir l'action des forces allemandes qui combattent en Norvège depuis le 9 avril.

Pour la Kriegsmarine, et à l'heure où Britanniques et Français - en pleine débâcle (1) - sont occupés à évacuer leurs propres contingents, c'est également l'occasion rêvée d'attaquer sans trop de risques tous les navires alliés encore présents dans les eaux norvégiennes

Dans la soirée du 8 juin, les Scharnhorst et Gneisenau tombent ainsi sur le Glorious, un vieux croiseur de bataille reconverti en porte-avions à la fin des années 1920, ainsi que sur ses deux destroyers d'escorte, les Ardent et Acasta.

Comme s'il entendait honorer la réputation de son ancêtre de la Première Guerre mondiale, c'est le Scharnhorst qui, le premier, parvient à mettre au but à la distance de 24 000 mètres, phénoménale pour un navire de guerre en mouvement tirant sur un autre navire également en mouvement...

(1) le rembarquement du corps expéditionnaire britannique à Dunkerque (Opération Dynamo) s'est achevé le 3 juin. Deux jours plus tard, les armées allemandes ont repris leur irrésistible progression en France.

jeudi 27 décembre 2012

3583 - un succès... malgré tout


... si la Kriegsmarine a réussi sa mission de débarquer un corps expéditionnaire en Norvège, elle a payé ce succès à un prix prohibitif : une dizaine de destroyers ont en effet été envoyés par le fond à Narvik; le croiseur lourd Blücher a coulé devant Oslo; le croiseur léger Karlsruhe a été torpillé par un sous-marin britannique au large de Kristiansand, et son jumeau Koenigsberg a été victime de bombardiers en piqué Blackburn Skua dans le port de Bergen.

Déjà gravement endommagé devant Oslo le 9 avril, le Lützow a quant à lui vu une bonne partie de son arrière arrachée deux jours plus tard par la torpille d'un autre sous-marin britannique en maraude. Remorqué jusqu’en Allemagne, le malheureux Panzerschiff a été mis en cale sèche pour des réparations qui vont durer près d’un an !

Et même s’ils ont davantage été victimes des éléments que des obus britanniques, les croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau n’en sont pas moins hors de combat pour plusieurs semaines !

Déjà largement inférieure à ses rivales française et, surtout, britannique avant-même le début de la guerre, la flotte de surface allemande a été décimée à sa première opération d’envergure, ce qui a naturellement permis à ses adversaires d’acheminer à leur tour un important contingent militaire jusqu’en Norvège, où les soldats de la Wehrmacht sont désormais menacés d’un complet anéantissement.

Heureusement pour eux, le déclenchement de la guerre à l’Ouest, le 10 mai 1940, va forcer la France et la Grande-Bretagne à rapatrier leurs troupes dès le 24, transformant ainsi en succès une Opération Weserübung qui était sur le point de virer au désastre...

mercredi 26 décembre 2012

3582 - l'éternel retour en cale sèche

... Wilhemshaven 12 avril 1940

C’est donc passablement mal en point que, le 12 avril 1940, les Scharnhorst et Gneisenau font leur retour à Wilhemshaven après moins d’une semaine de mer.

Aussi brève que la précédente, la sortie de ces deux croiseurs de bataille n'a pas davantage correspondu aux attentes de l’Amirauté,... et d'autant moins que l’un et l’autre vont une fois de plus devoir repasser par le chantier naval - et la cale sèche - durant plusieurs semaines, bien moins pour y panser les plaies dues aux combats que les dommages causés par les caprices de la mer !

Si le débarquement des troupes allemandes en sol norvégien se solde par un succès, son coût pour la flotte de surface s’avère dores et déjà exorbitant, puisqu’en plus des dégâts aux deux navires précités, la Kriegsmarine doit également déplorer les sévères dommages subis par le Panzerschiff Lützow et, surtout, la perte totale du croiseur lourd Blücher, tous deux victimes des antiques torpilles et canons norvégiens installés devant Oslo (1)

Et ce n’est fini puisque le lendemain, le vieux - et increvable - cuirassé britannique Warspite va encore alourdir l’addition, en pulvérisant comme à la parade, ou en contraignant au sabordage, une dizaine de destroyers et un sous-marin allemands ancrés dans l’Ofotjord de Narvik !

(1) Saviez-vous que... - 3377

mardi 25 décembre 2012

3581 - la débandade

... Narvik, 9 avril 1940, 05h00

Mais avant-même de tirer le moindre obus dans cette Campagne de Norvège, les Scharnhorst et Gneisenau vont renouer avec un vieil ennemi : la tempête qui, une fois de plus, et malgré tous les travaux et améliorations des mois précédents, va leur occasionner de nombreux dommages.

Au large de Narvik, aux premières heures du 9 avril, une nouvelle menace fait néanmoins son apparition, sous la forme du Renown, un croiseur de bataille britannique certes vénérable (il a été mis en service en 1916) mais néanmoins doté de 6 pièces de 380mm, qui ne portent pas plus loin mais frappent en revanche bien plus fort que les 280mm des navires allemands.

De fait, bien que luttant à deux contre un, ces derniers sont loin d’être à la fête : trois obus du Renown frappent bientôt le Gneisenau, endommageant la conduite de tir et mettant surtout hors de combat la tourelle arrière.

Sur le Scharnhorst, la situation est à peine meilleure, puisqu’une panne radar gêne considérablement le travail des pointeurs; et si le Renown a lui-même encaissé deux obus, ceux-ci ne lui ont occasionné que des dégâts légers, en sorte que vers 07h00, les Allemands jugent préférable d’arrêter les frais et de profiter de leur vitesse supérieure pour rompre le combat et disparaître dans une mer déchaînée,... laquelle va cependant leur occasionner davantage de dommages que le Renown lui-même, puisque les Scharnhorst et Gneisenau vont chacun y perdre leur tourelle avant, noyée par les embruns !

Et comme si cela ne suffisait pas encore, c'est bientôt la turbine tribord du Scharnhorst qui commence à donner d’inquiétants signes de faiblesse !

lundi 24 décembre 2012

3580 - Weserübung


... bien qu’ayant vu sa souveraineté violée par l’action des Britanniques contre le pétrolier allemand Altmark, le gouvernement norvégien, cherchant désespérément à éviter de se retrouver plongé à son tour dans la guerre, a préféré jouer profil bas.

En vain : prise en tenaille entre les intérêts vitaux du Reich et ceux, stratégiques, de la Grande-Bretagne et de la France, la malheureuse Norvège - mais aussi le Danemark voisin - n’est depuis longtemps plus maître de son destin.

Le 8 avril 1940, les Britanniques commencent à miner les eaux norvégiennes afin d’imposer un blocus naval, offrant ainsi à Hitler le parfait prétexte pour justifier l’Opération Weserübung - l’invasion de la Norvège et du Danemark - sur lequel son État-major travaille depuis des semaines.

S’agissant de la Norvège, le dit plan va consister à y expédier plusieurs dizaines de milliers de fantassins que l’on embarquera non pas sur de traditionnels - et donc fort lents - cargos, mais bien sur les propres navires de guerre de la Kriegsmarine, ce qui devrait tout à la fois permettre de gagner du temps et favoriser l’effet de surprise.

Concrètement, cela revient aussi à mobiliser la quasi-totalité de la flotte de surface : dans la nuit du 6 avril, les Scharnhorst et Gneisenau, accompagnés d’une dizaine de destroyers, ont donc quitté Wilhemshaven à destination de Narvik; l’Admiral Hipper en a fait de même pour Trondheim; plusieurs croiseurs légers ont également appareillé pour Bergen et Kristiansand tandis que le croiseur lourd Blücher et le Panzershiff Deutschland, récemment rebaptisé Lützow (1) sont quant à eux partis pour Oslo...

(1) après la destruction du Graf Spee en décembre 1939, Hitler et Raeder avaient jugé préférable de changer le nom - par trop symbolique - du Panzerschiff Deutschland, et lui avait attribué celui du croiseur lourd Lützow, revendu à l’URSS

dimanche 23 décembre 2012

3579 - l'incident de l'Altmak

... après plusieurs semaines de réparations qui - du moins l'espère-t-on - ont amélioré leurs qualités nautiques, les Scharnhorst et Gneisenau ont été expédiés en Baltique pour des exercices de tirs... et pour se préparer à la vaste opération que la Kriegsmarine se propose de monter contre la Norvège.

Loin d'être auto-suffisant, le Reich dépend en effet, pour son effort de guerre comme pour son industrie en général, de larges importations de minerai de fer en provenance de Suède neutre.

Or, une bonne partie de ces importations passe par le port norvégien de Narvik, puis transite tout au long des côtes de Norvège jusqu'en Allemagne.

En hiver, cette "route du fer" est même la seule possible, raison pour laquelle elle constitue un enjeu de première importance pour les deux camps.

Le prologue débute le 16 février 1940, lorsqu'au beau milieu des eaux territoriales norvégiennes, donc en violation des lois internationales, le destroyer britannique Cossack intercepte le pétrolier allemand Altmark, lequel s'en revient tranquillement vers le Reich avec à son bord plusieurs dizaines de marins britanniques capturés lors de la campagne du Panzerschiff Admiral Graf Spee dont il était le navire-ravitailleur (1)

L'abordage qui s'ensuit, et qui va se traduire par l'échouage de l'Altmark et la mort d'une demi-douzaine de marins allemands, montre à la fois la détermination des Britanniques, mais aussi la fragilité de la neutralité norvégienne, une neutralité qu'Hitler, ulcéré par l'incident, est bien résolu à violer à son tour à la première occasion...

(1) l'Altmark avait échappé à la destruction du Graf Spee, au large de Montevideo, le 17 décembre 1939

samedi 22 décembre 2012

3578 - ... et une rapide retraite


... Wilhemshaven, 27 novembre 1939

Le 27 novembre 1939, vers minuit, les Scharnhorst et Gneisenau mouillent de nouveau dans ce port de Wilhemshaven qu’ils avaient quitté moins d’une semaine auparavant.

Si cette brève sortie - qui fut aussi leur première mission offensive depuis le début de la guerre - s’est soldée par une victoire, leur victime - le pauvre croiseur auxiliaire britannique Rawalpindi - n’a cependant rien pour exciter l’imagination des équipages allemands.

Surtout, la retraite qui a suivi préfigure un schéma - la fuite éperdue à la moindre alerte - qui va vite devenir récurrent pour tous les navires de surface allemands, constamment confrontés à la menace d’un ennemi largement supérieur en nombre.

Et comme si cela ne suffisait pas encore, les deux croiseurs de bataille ont eux-mêmes beaucoup souffert lors de cette sortie, certes pas en raison de l’unique obus de 150mm que le Rawalpindi est parvenu à loger sur le Scharnhorst, ni même des attaques de leurs poursuivants - lesquels ne sont jamais arrivés à portée de tir - mais bien de la tempête, qui a fait rage tout au long de leur retraite et leur a occasionné des dégâts suffisants pour les contraindre à retourner en cale sèche durant plusieurs mois afin d’y être remis en état et surtout bénéficier de nouvelles modifications à leur étrave.

Une étrave qui, depuis le début de leur mise en service, n'a cessé de poser problèmes, et n'a hélas pas fini de faire parler d'elle...

vendredi 21 décembre 2012

3577 - une facile victoire...

... Îles Feroé, 23 novembre 1939

Le 21 novembre 1939, en compagnie du croiseur léger Köln et d’un dizaine de destroyers, les Scharnhorst et Gneisenau ont quitté Wilhelmshaven pour leur première mission de guerre : une opération de reconnaissance armée près des Îles Feroé.

Dans la soirée du 23, leur route croise celle du Rawalpindi, un vieux paquebot de la P&O que les Britanniques ont transformé en croiseur auxiliaire armé de huit vieux canons de 150mm.

La lutte est parfaitement inégale mais, bien que sommé de se rendre, le Rawalpindi décide d’engager le combat et parvient même à mettre un coup au but sur le Scharnhorst, qui s’en tire cependant sans dommage.

La suite n’est évidemment qu’une vulgaire exécution : écrasé sous les obus de 280mm des deux croiseurs de bataille allemand, l’anglais, réduit à l’état d’épave fumante, coule en moins d’une heure, ne laissant qu’une cinquantaine de survivants sur un équipage de près de 300 hommes.

Mais avant de sombrer, le Rawalpindi a eu le temps de donner l’alerte et d’ameuter une bonne partie de la flotte de surface alliée, dont les cuirassés Nelson et Rodney ainsi que les croiseurs de bataille Hood et Dunkerque !

Inutile d’insister : de toute la vitesse dont ils sont capables, les croiseurs de bataille allemands battent en retraite vers Wilhelmshaven.

Il leur reste cependant à affronter leur pire ennemi...

jeudi 20 décembre 2012

3576 - le début d'une drôle de galère...

... Wilhelmshaven, 17 octobre 1939

Dès leurs premiers essais, et en dépit de leurs 32 000 tonnes et de leurs 235 mètres de long, les deux croiseurs de bataille allemands ont révélé de fort médiocres qualités marines, gîtant exagérément en cas de manœuvres brusques à haute vitesse, et surtout embarquant énormément d’eau par mer agitée.

La situation est en vérité si grave qu’au début de 1939, les deux navires sont même forcés de retourner en cale sèche pour y subir d’importantes modifications, en particulier au niveau de l’étrave, complètement redessinée.

A l’automne, alors que la "drôle de guerre" vient de débuter sur le sol européen, les Scharnhorst et Gneisenau sont enfin reconnus aptes au combat, encore que le tir depuis la tourelle "A" reste - et demeurera jusqu’à la fin - sévèrement limité par forte mer.

C’est cependant à l’ancre, et plus précisément à Wilhelmshaven, le 17 octobre 1939, que l’équipage du Scharnhorst, aligné au grand complet sur le pont, est invité à célébrer la première "vraie" victoire de la Kriegsmarine, une victoire qui - faut-il y voir un mauvais présage ? - a été obtenue non par un puissant navire de surface mais bien par un petit sous-marin de seulement 700 tonnes, en l'occurrence l’U-47 du Kapitänleutnant Günther Prien qui, trois jours auparavant, a réussi l’exploit de torpiller et d’envoyer par le fond le cuirassé britannique Royal Oak en pleine rade de Scapa Flow...

mercredi 19 décembre 2012

3575 - de trop faibles moyens


... au déclenchement de la guerre, la flotte de surface de la Kriegsmarine se limite aux trois Panzerschiff Deutschland, Admiral Scheer et Admiral Graf Spee, aux deux Schlachtschiff (1) Scharnhorst et Gneisenau, et au croiseur lourd Admiral Hipper (2)

Avec des effectifs aussi dérisoires, il n’est évidemment pas question d’affronter la Royal Navy, ou même la Marine Nationale française, dans un quelconque combat singulier. Mais même la guerre de course, contre les navires marchands ennemis, même cette guerre-là ne va pas sans poser problèmes...

Comme la destruction du Graf Spee par les trois croiseurs britanniques Ajax, Achilles et Exeter va bientôt le démontrer, les Panzerschiff de 12 000 tonnes, malgré leur puissant armement de 6 canons de 280mm, demeurent en effet vulnérables aux simples croiseurs, certes moins bien armés mais toujours plus rapides - et surtout plus nombreux ! - qu’eux.

A plus de 16 000 tonnes (!), 8 canons de 203mm et une vitesse de 32 nœuds, le Hipper ne craint pour sa part aucun croiseur allié,... mais engloutit en revanche d’énormes quantités de mazout et s’avère largement surarmé pour n’affronter que de simples cargos en fer blanc, deux reproches que l’on retrouve évidemment - et en bien pire ! - sur les Scharnhorst et Gneisenau de 32 000 tonnes.

Mais dans leur cas, et pour l’heure, c’est plutôt leur très mauvais comportement par mer agitée qui donne des cauchemars à la Kriegsmarine...

(1) littéralement "navire de bataille". Aujourd’hui encore, la question de savoir s’il faut qualifier ces navires de "croiseurs de bataille" ou bien de "cuirassés" divise les experts. Nous avons choisi pour notre part de les qualifier de "croiseurs de bataille", comme le faisait d’ailleurs la Royal Navy britannique à cette époque.
(2) les Blücher et Prinz Eugen ne sont pas encore entrés en service

mardi 18 décembre 2012

3574 - sans limite

... libérée de toute contrainte légale par l’Anglo-German Naval Agreement du 18 juin 1935, la Kriegsmarine va donc pouvoir construire tous les navires qu’elle veut,... ou plus exactement sans autres limites que celles de son industrie pour les fabriquer, et de son économie pour les financer : si le Hipper, premier croiseur lourd d’une classe de cinq navires identiques, est mis sur cales à peine trois semaines plus tard (!), et les cuirassés Bismarck et Tirpitz en juillet et novembre de l’année suivante, tous les navires ultérieurs, bien que prévus et commandés, seront démolis sur cales, ou tout simplement annulés, dès le déclenchement des hostilités, le Reich, occupé à conquérir toute l’Europe, ayant en effet des priorités bien plus urgentes...

Mais cet accord aberrant - qu’Hitler dénoncera d’ailleurs en avril 1939 (!) - vient aussi de donner un nouveau coup d’accélérateur à une course au réarmement naval entamé dès la mise en service du Deutschland en avril 1933.

Qu’elles soient française, italienne, japonaise, américaine ou même... britannique, toutes les marines soucieuses de "tenir leur rang" n’ont en effet d’autre choix que de se lancer à leur tour dans de vastes, et ruineux, programmes de constructions nouvelles : répliques aux Scharnhorst et Gneisenau allemands (1), les cuirassés français Richelieu et Jean Bart, premiers d’une série de quatre (2) sont ainsi mis sur cales en octobre 1935 et décembre 1936, et les cinq cuirassés britanniques de la classe King George V, à partir de janvier 1937.

La guerre n’est désormais plus qu’une simple question de temps...

(1) qui étaient eux-mêmes répliques aux Dunkerque et Strasbourg français... répliques aux trois Panzerschiff allemands !
(2) seuls les deux premiers seront finalement construits

lundi 17 décembre 2012

3573 - perfide Albion

... Londres, 18 juin 1935.

Depuis l’accession d’Hitler au Pouvoir, en janvier 1933, les puissances européennes n’ont cessé de jouer l’apaisement dans l’espoir - vain, comme l’Histoire le démontrera - qu’en offrant au Reich ce qui lui tient le plus à cœur, et notamment une révision du diktat naval de Versailles, on parviendra ainsi, comme le dira un jour le Premier Ministre Chamberlain, à "préserver la paix pour notre génération".

A Londres, le 18 juin 1935, la Grande-Bretagne va même unilatéralement donner satisfaction au Reich, en lui permettant de détenir une flotte de surface équivalente à 35% du tonnage de la Royal Navy, et même à 45% dans le domaine des sous-marins !

Sur le plan pratique, et s'agissant des navires de surface, cet Anglo-German Naval Agreement (AGNA) est de peu d’importance : contrairement à son homologue de 1914, la Kriegsmarine de 1935 ne dispose en effet que d’une capacité offensive ridicule - essentiellement deux Panzerschiff de 10 000 tonnes (1) - et il lui faudrait bien une décennie d’efforts continus et intensifs avant d’atteindre les "35%" prévus par cet accord.

Sur le plan symbolique, en revanche, le dit accord est un clou supplémentaire planté dans le cercueil des démocraties européennes : en un trait de plume, la Grande-Bretagne vient en effet d’enterrer à la fois le Traité de Versailles de 1919, le Traité de Washington de 1922, et même la sacro-sainte "entente cordiale" avec la France, laquelle n’a même pas été consultée à cette occasion !

(1) le troisième, le Graf Spee, n’entrera en service qu’en janvier 1936

dimanche 16 décembre 2012

3572 - aux canons-près...


... en optant pour des canons de seulement 280mm pour leurs nouveaux Schlachtchiff, Hitler et la Kriegsmarine auraient cherché, entend-on souvent, à ne pas effaroucher les Britanniques, dont tous les cuirassés et croiseurs de bataille étaient dotés de pièces d’un calibre supérieur, pouvant même aller jusqu’à 406mm.

Mais la véritable raison est en fait bien plus simple : au moment où les Sharnhorst et Gneisenau sont mis sur cales, au milieu de 1935, les appétits militaires hitlériens excèdent déjà ce que l’industrie allemande est raisonnablement capable de fabriquer à court terme.

Puisque les Français alignent du 330mm, Hitler a réclamé du 380mm,... mais il faudrait plusieurs années pour concevoir et fabriquer ces canons et, surtout, les tourelles destinées à les héberger.

Et comme le Führer, toujours sous le coup de la décision française de construire les Dunkerque et Strasbourg, veut absolument pouvoir disposer de ces Schlachtschiff dans les plus brefs délais, la seule solution envisageable est donc de réquisitionner pour ces deux navires les tourelles triples de 280mm déjà commandées pour les Panzerschiff, quitte à les remplacer, dans quelques années, par les mêmes tourelles doubles de 380mm dont seront dotés les futurs cuirassés Bismarck et Tirpitz.

C’est donc avec seulement neuf canons de 280mm que les Scharnhorst et Gneisenau vont entrer en guerre.

Et c’est avec eux qu’ils la finiront...

samedi 15 décembre 2012

3571 - plus lourds, plus puissants, plus rapides

... de fait, mis sur cales en juin et mai 1935, les Scharnhorst et Gneisenau sont bien plus qu’une simple amélioration des Panzerschiff de la génération précédente.

Presque trois fois plus lourds que ces derniers, ils bénéficient également d’un blindage trois fois plus épais, ainsi que d’une vitesse de pointe supérieure de deux à trois nœuds, obtenue grâce aux quelque 150 000 CV de leurs turbines à vapeur,... trois fois plus puissantes que les diesel des Panzerschiff !

Ces caractéristiques les rendraient en tout point supérieurs aux nouveaux croiseurs de bataille français... n’était l'étrange paradoxe que constitue leur armement.

Sans même parler du Hood, qui avec ses 380mm boxe dans une toute autre catégorie, les croiseurs de bataille de 1914-1918 montaient déjà du 305 voire du 340mm, et les Dunkerque et Strasbourg français portent du 330mm.

Or, n’était le fait que les Scharnhorst et Gneisenau disposent d’une tourelle de plus, le calibre de leurs canons est exactement le même, à seulement 280mm, que celui des Panzerschiff !

Certes, ces canons-là sont des canons modernes à grande élévation, dont la portée peut dépasser 30 kms, et l’expérience de la Première Guerre mondiale - et ce sera également le cas pour la Seconde - a d’autre part démontré qu’il était virtuellement impossible de mettre au but à plus de 20 kms sur un navire en mouvement, mais il n’en demeure pas moins que des obus de 280mm manquent de punch face à des navires dotés d’un blindage convenable...

vendredi 14 décembre 2012

3570 - l'appétit vient en construisant

... aujourd’hui comme il y a 80 ans, il faut bien plus de temps pour concevoir, fabriquer et installer les systèmes d’armement des navires de guerre que pour en construire les coques.

Consciente de la chose, la Reichsmarine a donc commandé six nouvelles tourelles triples de 280mm bien avant de mettre sur cales les successeurs de ses trois premiers Panzerschiff de 10 000 tonnes.

Mais après le lancement du Graf Spee, le 30 juin 1934, cette même Reichmarine souhaite quelque chose de mieux, et Adolf Hitler, ulcéré par la décision française de lancer les Dunkerque et Strasbourg de 26 000 tonnes, est bien décidé à lui donner satisfaction.

Du reste, supérieurs en tout point aux trois Panzerschiff, ces nouveaux croiseurs de bataille français ont réduit à néant l’intérêt de poursuivre dans cette voie : autant donc répliquer... à la réplique française, en construisant également deux croiseurs de bataille au moins équivalant !

Pour ne pas effaroucher les Britanniques - historiquement très sensibles à tout ce qui touche au domaine naval - les deux navires en question seront eux aussi des "26 000 tonnes"... même s’ils en avoueront en réalité 6 000 de plus !

Et comme il faut bien leur donner un nom, ils s’appelleront Scharnhorst et Gneisenau, hommage évident à leurs homonymes disparus héroïquement aux Falklands 20 ans plus tôt, et aussi pied-de-nez à une Histoire dont on cherche maintenant à tirer revanche...

jeudi 13 décembre 2012

3569 - la riposte

... Brest, 24 décembre 1932

Dans quelques années, la réalité de la guerre aura rattrapé les Panzerschiff, et fait voler en éclats bien des mythes liés à leur conception, mais dans l’immédiat, leur simple apparition soulève bien des inquiétudes, particulièrement en France, où n’existe aucun navire capable de les battre à la fois en vitesse et en puissance de feu.

Craignant pour la sécurité de ses lignes de communication avec l’Afrique du Nord, le Parlement français va donc autoriser, début 1932, la construction de deux nouveaux navires de ligne, les Dunkerque et Strasbourg, spécialement conçus pour contrer cette menace, et fortement inspirés, au niveau du design, par les Nelson et Rodney britanniques, donc avec toute l’artillerie principale à l’avant et l’artillerie secondaire à l’arrière.

Si le Dunkerque, très symboliquement mis sur cales le 24 décembre 1932, entrera en service le 1er mai 1937, son jumeau Strasbourg devra quant à lui attendre avril 1939 pour pouvoir en faire autant.

Avec une vitesse maximale de 29 nœuds, un blindage léger, et 8 canons de 330mm en deux tourelles quadruples, ces deux navires correspondent trait pour trait à l’idée que l’on se faisait d’un "croiseur de bataille" au début du siècle, soit un bâtiment disposant à la fois de la vitesse d’un croiseur et de l’armement d’un véritable cuirassé.

Supérieurs en tout point aux Panzerschiff allemands, les Dunkerque et Strasbourg n’auront pourtant jamais à les affronter,... et d’autant moins que la Kriegsmarine, après en avoir construit trois, s’est soudain décidée à voir plus grand...

mercredi 12 décembre 2012

3568 - mieux armés, plus rapides

... mis en service en avril 1933, le Deutschland sera suivi, en novembre de l’année suivante, par l’Admiral Scheer, puis, en janvier 1936, par l’Admiral Graf Spee (1)

Pour la Reichsmarine (2), ce bâtiment et ses deux frères sont avant tout destinés à la guerre de course contre le trafic maritime de l’adversaire, raison pour laquelle ils bénéficient d’une autonomie qui peut dépasser 16 000 kms à la vitesse de croisière de 20 nœuds.

Filant au maximum 28 noeuds, ces Panzerschiff sont certes 3 à 4 nœuds plus lents que de véritables croiseurs comme les Ajax ou Exeter britanniques (3), mais avec leurs canons d’une puissance et d’une portée incomparablement supérieures à ceux-ci, ils devraient en principe être en mesure de les tenir à l’écart.

Si les canons, mais aussi le léger blindage des Panzerschiff, leur valent bientôt d’être qualifiés de "cuirassés de poche" par nombre d’observateurs britanniques, ils restent cependant bien incapables d’affronter un "vrai" cuirassé en combat singulier.

Mais en ce début des années 1930, les "vrais" cuirassés, comme le Nelson britannique ou le Colorado américain, ne dépassent pas les 22 ou 23 nœuds, ce qui, là encore, devrait garantir la sécurité des navires allemands

En fait, dans le monde entier, il n’existe qu’une poignée de navires, par ailleurs déjà anciens, qui sont capables de battre les dits Panzerschiff à la fois en vitesse et en puissance de feu.

Des navires que tout le monde ou presque a oublié depuis la Bataille du Jutland de 1916.

Des croiseurs de bataille...

(1) contrairement à ce que l’on entend souvent, ces trois navires avaient en fait été commandés, et mis sur cales, bien avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir : les travaux sur le dernier d’entre-eux, le Graf Spee, ayant débuté dès le mois d’octobre 1932
(2) ayant succédé à la Kaiserliche Marine en 1918, la Reichsmarine sera à son tour rebaptisée Kriegsmarine en 1935
(3) qui, en compagnie de l’Achilles affronteront le Panzerschiff Admiral Graf Spee lors de la Bataille du Rio de la Plata, en décembre 1939

mardi 11 décembre 2012

3567 - le retour sur scène

... Kiel, 5 février 1929

Dès le début des années 1920, ingénieurs et architectes navals allemands ont commencé à réfléchir sur ce qu’ils pourraient bien faire des 10 000 tonnes allouées par le diktat de Versailles.

Mais essentiellement faute de financement, rien de viable n’en sort avant le 5 février 1929, lorsque le Deutschland, premier des Panzerschiff, est mis sur cales à Kiel, en remplacement du vieux cuirassé Preussen (1), enfin admis à la retraite.

Lancé le 19 mai 1931, et admis au service actif le 1er avril 1933 - une semaine après que le Reichstag ait voté les pleins pouvoirs au nouveau Chancelier Adolf Hitler - le Deutschland stupéfie le monde.

En recourant massivement à la soudure plutôt qu’aux traditionnels rivets, et à des diesel MAN en lieu et place des habituelles turbines entraînées par la vapeur produite dans d’énormes chaudières alimentées au mazout, les ingénieurs allemands sont en effet parvenus à gagner suffisamment de poids pour permettre l’installation non seulement d’un léger blindage, mais aussi, et surtout, de six canons de 280mm en deux tourelles triples, qui font du Deutschland plus que l’égal de tous les croiseurs "10 000 tonnes" en service dans le monde entier !

Exploitant très habilement les failles du Traité de Versailles de 1919,... et mentant effrontément sur le poids réel du navire - qui avoisine en réalité les 12 000 tonnes - les Allemands ont en fait construit la version moderne des "croiseurs-cuirassés" Scharnhorst et Gneisenau de la Première Guerre mondiale - "Panzerschiff" signifiant d’ailleurs "navire blindé"

Reste à savoir ce qu’ils veulent en faire...

(1) le Preussen, mis en service en 1905, faisait partie des huit pre-Dreadnought autorisés par le Traité de Versailles de 1919

lundi 10 décembre 2012

3566 - le diktat naval


... ayant perdu la quasi-totalité de sa flotte au lendemain de la 1ère G.M., l'Allemagne n'était pas signataire du Traité de Washington de 1922, où elle n'avait d'ailleurs pas été invitée.

Elle demeurait en revanche soumise aux conditions - les Allemands préféraient employer le terme, bien plus fort, de diktats - du Traité de Versailles de 1919 qui, par rapport à celui de Washington, n'avait pas, dans le domaine naval, fait la distinction entre cuirassés et croiseurs, mais s'était plutôt contenté d'interdire à l'Allemagne de posséder de grands navires de ligne,... à l'exception de huit vieux cuirassés construits au tout début du siècle, bien avant l'avènement du Dreadnought.

Lents, sous-armés, faiblement blindés, ces navires étaient déjà irrémédiablement démodés avant-guerre et, après celle-ci, paraissaient à peine utilisables pour une éventuelle défense côtière, raison pour laquelle les puissances victorieuses en avaient autorisé le maintien au sein d'une Marine allemande ainsi réduite à peau-de-chagrin.

Si leur remplacement demeurait autorisé, il ne l'était qu'après 20 ans, et seulement unité pour unité et dans la limite maximale de 10 000 tonnes chacun, soit dans l'enveloppe traditionnelle d'un croiseur.

Lorsque tous ces vieux bâtiments auraient été remplacés, au début des années 1930, l'Allemagne disposerait donc, au mieux, de huit croiseurs de 10 000 tonnes, tous dotés de canons de 152 ou 203mm au maximum, ce qui ne constituerait une menace pour personne.

Les Allemands en avaient pourtant décidé autrement...

dimanche 9 décembre 2012

3565 - une distinction de plus en plus ténue


... après le Jutland, l'intérêt pour les croiseurs de bataille avait dramatiquement chuté.

Aussi coûteux que les véritables cuirassés, ces navires s'étaient en effet avérés bien plus vulnérables qu'eux aux obus de gros calibre.

A tort ou à raison, et dans toutes les marines du monde, la seule parade envisagée face à un drame comme celui de l'Invincible - qui avait coulé en moins de 90 secondes en laissant seulement 6 survivants sur un équipage de 1 026 hommes - fut d'augmenter l'épaisseur du blindage, supprimant ainsi la seule véritable distinction qui existait entre cuirassés et croiseurs de bataille.

Le croiseur de bataille Hood, dont les plans avait déjà été dressés au moment de la Bataille du Jutland, se vit ainsi gratifier de 5 000 tonnes de blindage supplémentaires au moment de sa construction, portant ainsi son déplacement total à plus de 42 000 tonnes, soit davantage que n'importe quel véritable cuirassé en service jusqu'en 1939 !

Pour ajouter encore à la confusion, les Japonais, qui s'estimaient lésés par le Traité de Washington de 1922, se mirent quant à eux à transformer en cuirassés, et finalement en "cuirassés rapides" leurs quatre croiseurs de bataille de la classe Kongo qui, au déclenchement de la 2ème G.M. ne ressemblaient plus que de très loin au Lion britannique dont ils étaient pourtant directement issus (1)

Mais ce furent pourtant les Allemands qui, au début des années 1930, après une éclipse de 15 ans, allaient totalement redistribuer les cartes...

(1) amélioration des croiseurs de bataille britanniques de la classe Lion, le Kongo fut également le dernier grand navire de guerre japonais construit en Grande-Bretagne.

samedi 8 décembre 2012

3564 - "Il semble qu'il y ait quelque chose qui n'aille pas avec nos foutus bateaux"


... "Il semble qu'il y ait quelque chose qui n'aille pas avec nos foutus bateaux" avait sobrement constaté l'amiral Beatty après avoir assisté à une explosion qui avait failli engloutir le croiseur de bataille Princess Royal, et alors que son propre Lion, ravagé par les flammes, n'avait lui-même échappé à la destruction que par miracle.

De fait, si les 28 cuirassés britanniques de type Dreadnought s'en étaient tous sortis sans gros dommages, 3 des 9 croiseurs de bataille engagés au Jutland s'étaient brisés en deux, tandis que les 6 autres avaient tous subis d'importants dégâts.

Bien que moins grave, le constat valait également pour les Allemands qui, avec le Lützow, avaient perdu 1 croiseur de bataille sur 5 alors que leurs 16 cuirassés avaient tous pu rentrer au port.

Au Jutland, deux ans à peine après une Bataille des Falklands qui avait consacré leur triomphe, les croiseurs de bataille avait donc subi leur Berezina, la faute incombant en grande partie à un blindage insuffisant - tribut à payer pour une vitesse élevée - qui, contrairement à ce que l'on avait espéré, ne leur permettait pas de subir le feu de véritables cuirassés.

Les conséquences n'allaient pas tarder à suivre...

vendredi 7 décembre 2012

3563 - la vérité du jour...


... à leur apparition, en 1908, les croiseurs de bataille se voulaient le compromis idéal entre les cuirassés (fortement armés et blindés mais très lents) et les véritables croiseurs (rapides mais dotés d'un armement limité et dépourvus de blindage).

Grâce à leur vitesse semblable, sinon supérieure, à celle des croiseurs, ils pouvaient reprendre à leur compte les missions de reconnaissance à grande distance traditionnellement dévolues à ces derniers, alors qu'avec leur puissant armement, équivalant à celui des cuirassés, ils semblaient en mesure de tenir leur rang en cas de bataille rangée.

Ce compromis avait évidemment été obtenu au détriment du blindage, inférieur à celui de véritables cuirassés, mais lors de la Bataille des Falklands, il avait en tout cas fait merveille : plus rapides que les Scharnhorst et Gneisenau, les croiseurs de bataille britanniques n'avaient eu aucune peine à les rattraper, puis à les écraser sous leurs obus de 305mm tout en demeurant imperméables à ceux de 210mm des croiseurs allemands.

Mais deux ans plus tard, au Jutland, dans la première et dernière bataille rangée entre la Grand Fleet et la Hochseeflotte, l'affaire avait en revanche très mal tourné : alors que les deux adversaires alignaient respectivement 28 contre 16 cuirassés de type Dreadnought et 9 contre 5 croiseurs de bataille, ces derniers avaient subi des dégâts et des pertes totalement disproportionnés.

Côté britannique, les croiseurs de bataille Indefatigable, Queen Mary et Invincible (vainqueur aux Falklands deux ans plus tôt) avaient explosé et s'étaient brisés en deux en ne laissant à chaque fois que quelques survivants sur des équipages de plus de 1 000 hommes...

jeudi 6 décembre 2012

3562 - lourds ou légers, mais toujours croiseurs

... Londres, avril 1930

Réduire le nombre, le tonnage et la puissance de feu des cuirassés ne servirait à rien si les grandes nations, ainsi bridées, n'avaient qu'à reporter leurs ambitions sur la catégorie juste inférieure des croiseurs.

Le Traité de Washington de février 1922 a donc également fixé à 10 000 tonnes et à 203mm le déplacement et le calibre maximum autorisés pour ces derniers, lesquels, moins coûteux à fabriquer et moins prestigieux que les cuirassés, sont en conséquence beaucoup plus souvent alignés - et donc perdus - à la guerre.

Il est cependant impossible, dans une enveloppe de seulement 10 000 tonnes, de monter plus de 6 à 8 canons de 203mm. En revanche, en se contentant d'un calibre inférieur - 152mm - on peut envisager d'en installer 10 ou 12, ce que beaucoup estiment plus judicieux au combat

Le Traité de Londres d'avril 1930 va entériner ce choix, en créant deux catégories à l'intérieur de celle des croiseurs qui, tout en demeurant dans la limite de 10 000 tonnes, seront désormais qualifiés de "lourds" ou de "légers" selon qu'ils emportent des canons de 203 ou seulement 152mm.

Les "croiseurs de bataille", apparus en 1908 avec les Invincible et Inflexible, constituent cependant un cas à part : comme nous l'avons vu, leur tonnage, leur armement... et leur coût (!) les rendent en effet bien plus proches des cuirassés que des croiseurs proprement dit, ce pourquoi le même Traité de Washington les a d'ailleurs considérés comme tels, et les a naturellement assujettis aux mêmes limites (1)

Mais depuis la Bataille du Jutland du 31 mai 1916, l'intérêt pour ces navires est pourtant dramatiquement retombé...

(1) la seule exception notable étant celle du Hood britannique qui, parce qu'il avait été mis en service en 1920, donc avant la signature du Traité, pu demeurer en activité malgré son déplacement de 42 000 tonnes qui, jusqu'au déclenchement de la 2ème G.M., allait en faire le plus gros navire de guerre du monde...

mercredi 5 décembre 2012

3561 - le défaut de la cuirasse

... au début des années 1930, et à l'exception notable des porte-avions - aux dimensions encore modestes et dont on ne sait trop que faire - les grands navires de surface se classent en deux catégories, celle des cuirassés et celle des croiseurs.

D'un déplacement variant de 20 000 tonnes (celui du Dreadnought originel) à 35 000 tonnes (limite maximale du Traité de Washington de 1922), et dotés de canons de 305 à 406mm (calibre maximal autorisé par ce même traité), les cuirassés sont les plus gros et plus puissants navires à flots, ce qui fait naturellement d'eux les porte-drapeaux et les ambassadeurs-par-excellence de toutes les nations qui ont les moyens de se les offrir.

Bien qu'unanimement considérés comme les rois du champ de bataille naval, les cuirassés n'ont cependant pas fait preuve d'une grande utilité lors de la 1ère G.M., et y ont au contraire démontré une inquiétante vulnérabilité aux mines ainsi qu'aux torpilles de sous-marins, deux menaces auxquelles l'Américain Billy Mitchell a ajouté celle des bombes d'avions, après ses tonitruants essais contre l'Ostfriesland (1), en juillet 1921.

Puissants mais pas du tout invincibles, et aussi prestigieux qu'horriblement coûteux, ces navires passent en fait le plus clair de leur existence au port, où ils ne courent aucun risque, laissant ainsi aux croiseurs la véritable tâche de représenter leur pays, et d'en faire régner la loi, sur les mers...

(1) Saviez-vous que... - 2309

mardi 4 décembre 2012

3560 - le coup de frein

... Washington, février 1922.

La mise en service du Dreadnought, en 1907, puis celle de l'Inflexible, l'année suivante, n'ont pas seulement révolutionné la conception des grands navires de guerre : elles ont aussi donné le coup d'envoi d'une formidable course aux armements navals, qui s'est traduite par une augmentation vertigineuse du tonnage, de la puissance de feu,... et du coût des nouveaux navires.

En l'espace d'une décennie, le déplacement de ces derniers a en effet quasiment doublé, passant des 20 000 tonnes du Dreadnought original aux 32 000 tonnes des américains Colorado ou japonais Nagato.

Le calibre de leur artillerie a naturellement suivi : les 10 canons de 305mm du Dreadnought font désormais figure de jouets en regard des 8 pièces de 406mm des nouveaux cuirassés américains et japonais.

Et des navires encore plus gros, et encore mieux armés, sont en préparation : mis sur cales en 1920, le South Dakota (1) américain annonce plus de 43 000 tonnes et 12 canons de 406mm !

Malgré tout soucieuses de mettre un frein à cette inflation galopante qui menace de ruiner leurs contribuables, les nations victorieuses de l'Allemagne vont néanmoins s'entendre, à Washington, en février 1922, sur une limitation du tonnage et du calibre qui, bien que fortement décriée, va dicter le tempo pendant plus d'une décennie, et conditionner par là-même les caractéristiques de la plupart des navires qui participeront à la guerre suivante...

(1) ce South Dakota (BB-49) de 43 000 tonnes, commandé mais jamais terminé, ne doit pas être confondu avec le plus petit South Dakota (BB-57), de "seulement" 35 000 tonnes, commandé en 1938 et mis en service en 1942

lundi 3 décembre 2012

3559 - honorer la mémoire

... bien que touchés à une quarantaine (!) de reprises, les Inflexible et Invincible n’ont subi que des dommages mineurs, et ne déplorent qu’une poignée de morts et de blessés dans leurs rangs.

Coronel est vengé, et l’honneur de la Royal Navy amplement restauré par ce véritable triomphe !

Mais si la destruction de presque toute l’escadre de Spee au large des Falklands, le 8 décembre 1914, marque la fin définitive de la présence allemande dans le Pacifique, les circonstances de cette destruction, et en particulier la résistance acharnée des Scharnhorst et Gneisenau, va immédiatement entrer dans la légende de la toute jeune marine de guerre allemande.

Hélas pour elle, celle-ci va devoir attendre de nombreuses années avant de pouvoir honorer la mémoire de ces deux valeureux croiseurs-cuirassés : à l’armistice de novembre 1918, et après une carrière en demi-teinte, sa composante principale, l’orgueilleuse Hochseeflotte, se rend en effet aux Britanniques à Scapa Flow, puis s’y saborde le 21 juin 1919.

Dans la décennie suivante, ruinée par la guerre et de toute manière sévèrement bridée dans ses ambitions navales par les traités de Versailles de 1919 et de Washington de 1922, l’Allemagne de Weimar est bien incapable de lancer un quelconque navire de guerre digne d’une pareille légende, et il va lui falloir attendre le début des années 1930, et surtout l’arrivée au Pouvoir d’un certain Adolf Hitler, pour que les Scharnhorst et Gneisenau, tels des phénix marins, puissent enfin renaître de leurs cendres...