vendredi 30 septembre 2005

936 - comme un boomerang

... lorsque la guerre éclata dans le Pacifique, l'Australie se retrouva en première ligne mais sans le moindre motoriste ou avionneur national.

Elle pouvait évidemment commander des avions en Angleterre et aux États-Unis - ce qu'elle fit d'ailleurs en grand nombre - mais elle n'était livrée qu'après les forces aériennes de ces deux pays, ou avec du matériel de second plan, dont celles-ci n'avaient pas voulu.

Les Australiens décidèrent alors - courageusement mais de manière quelque peu irréaliste - de concevoir et fabriquer leur propre chasseur. Comme il fallait faire vite, il n'était donc pas question de partir d'une feuille blanche, mais plutôt de réunir les quelques éléments existants en Australie pour en extrapoler un avion nouveau.

Depuis 1938, l'avion d'entraînement avancé le plus répandu en Australie - et dans la plupart des pays occidentaux - était le North American T6, un biplace américain que les Britanniques avaient baptisé "Harvard". Le moteur le plus puissant disponible n'était autre que le Pratt & Whitney "Twin Wasp" de 1 200 CV, considéré comme dépassé tant en Angleterre qu'aux États-Unis.

En mai 1942, après seulement 14 semaines de travaux, les Australiens de la Commonwealth Aircraft Corporation de Melbourne parvinrent néanmoins à faire voler le CA-12 "Boomerang", un petit chasseur d'aspect pugnace, qui fut mis en production dès le mois d'août, et immédiatement engagé au combat en Nouvelle-Guinée.

Par rapport à des machines plus évoluées et infiniment plus puissantes - comme les "Hellcat" et "Corsair" américains, le "Boomerang" faisait évidemment figure de parent pauvre. Mais opposé à des avions japonais comme le "Zéro" - d'une puissance finalement équivalente - le petit oiseau de Melbourne parvenait néanmoins à tirer son épingle du jeu, ce qui était malgré tout l'essentiel.

Produit à quelque 250 exemplaires, le Boomerang servit jusqu'à la fin de la guerre, progressivement remplacé par des machines d'un tout autre lignage que le sien

jeudi 29 septembre 2005

935 - la dernière charge

... le bombardier Amiot 143 n'aurait jamais dû être lancé contre les ponts de la Meuse le 14 mai 1940. Il n'aurait même jamais dû participer à la Seconde Guerre mondiale.

Mais le 14 mai 1940, dans la région de Sedan, il n'existait tout simplement aucun autre bombardier disponible.

Répondant à un programme de 1928, ce bimoteur de bombardement, dessiné à l'époque où l'aérodynamisme n'était qu'une équation à trop nombreuses inconnues, ne fut mis en service, faute de crédits, qu'en... 1934, à l'époque où il était déjà irrémédiablement démodé.

La France mit néanmoins des années pour commander, concevoir, réaliser, livrer et surtout financer des remplaçants plus modernes, en sorte qu'en 1939, cette véritable cathédrale des airs constituait encore une part non négligeable des forces de bombardement.

Complètement dépassé techniquement, l'engin n'était plus utilisé que de nuit,... pour lancer des tracts - et non pas des bombes - au dessus des villes et des usines allemandes.

Le 14 mai 1940, pourtant, dans une tentative désespérée pour détruire les têtes de pont allemande sur la Meuse, treize Amiot 143 décollent en plein jour. Douze sont abattus.

Le plus extraordinaire, toutefois, est qu'il se soit malgré tout trouvé, le 14 mai 1940, suffisamment de pauvres bougres pour oser monter à leur bord, et s'en aller, en plein jour et à moins de 200 kms/h, vers une mort certaine,...

mercredi 28 septembre 2005

934 - faute de grives...

... habitués que nous sommes aux silhouettes fuselées de nos actuels coursiers du ciel, il nous est aujourd'hui difficile d'imaginer qu'il fut un temps - finalement pas si lointain - où les avions étaient quasiment dessiné comme des boîtes simplement munies d'ailes, ou comme des châteaux-forts hérissés de créneaux, dont on espérait malgré tout qu'ils parviendraient à voler.

Le plus surprenant, au bout du compte, est de savoir qu'ils arrivèrent non seulement à voler, mais aussi à rester en service bien plus longtemps qu'il n'était raisonnable, faute de remplaçant disponible, et de crédits pour financer le développement des remplaçants.

Numériquement importante en 1939, l'Armée de l'Air française alignait en réalité une incroyable collection d'avions irrémédiablement démodés, qu'il aurait été plus raisonnable d'envoyer à la ferraille plutôt qu'au combat.

Parmi ces monuments d'art gothique, figuraient en bonne place les quadrimoteurs Farman de la série 220, auxquels les ingénieurs, sans doute pris de remords, avaient malgré tout greffé un train d'atterrissage escamotable dans une ultime tentative d'améliorer l'aérodynamisme de cette cathédrale à angles droits et à aile épaisse, soutenue par de multiples haubans et entretoises, et propulsée tant bien que mal par quatre Gnome et Rhône de 900 CV, montés deux par deux en push-pull dans des nacelles à l'aérodynamisme tout aussi improbable .

Quelques dizaines d'exemplaires furent construits, et même engagés faute d'alternative au dessus de l'Allemagne, mais toujours de nuit, afin de minimiser les risques d'une interception qui ne pouvait être que mortelle pour le gros Farman et son équipage de cinq hommes.

A l'armistice, les exemplaires survivants furent convertis en avions de transport. Leur rentabilité dans cette activité fut évidemment tout aussi nulle, mais là non plus, il n'existait pas d'alternative disponible...

mardi 27 septembre 2005

933 - conservatisme

... les pilotes italiens étant autant - sinon davantage - conservateurs que leurs constructeurs, ceux-ci restèrent trop longtemps attachés à la formule des biplans à ciel ouvert.

Aussi, lorsque le monoplan Macchi MC-200 "Saetta" fit son apparition en escadrilles, en octobre 1939, les innovations qu'ils représentait furent-elles jugées intempestives par les pilotes, qui regrettèrent immédiatement leurs biplans Fiat et exigèrent du constructeur qu'il renonce au cockpit fermé et revienne à l'habitacle ouvert sur les appareils suivants (!)

L'armement restant tout aussi conservateur, c-à-d ridicule (deux mitrailleuses de 12.7mm), et la motorisation (talon d'Achille de tous les avions italiens) toujours aussi faiblarde (870 CV seulement), les performances étaient donc modestes (500 kms/h), comme le furent les résultats enregistrés tant en Afrique du Nord, qu'en Sicile, ou en Russie, où l'avion ne pouvait être engagé avec succès qu'en l'absence de chasseurs ennemis plus performants.

Au plan technique, la solution aux déficiences du "Saetta" (et à celles de la plupart des avions italiens) consistait tout bonnement à recourir aux immenses ressources du partenaire allemand, en particulier dans le domaine des moteurs. Naquirent ainsi les C-202 et C-205, propulsés respectivement par des DB 601 et 605 construits sous licence par Alfa-Roméo et Fiat.

Rien ne put en revanche pallier le manque d'enthousiasme des pilotes italiens à partir au combat ni, surtout, les carences industrielles d'une Italie fasciste qui disposait enfin d'avions performants mais ne fut jamais en mesure de les construire à plus de quelques centaines - voire dizaines - d'exemplaires...

lundi 26 septembre 2005

932 - trop tard pour les héros

... dans les années 1930, l'aéronautique italienne était unanimement considérée comme une des meilleures du monde, qui accumulait les records de vitesse, exhibait de superbes machines volantes, et les utilisait avec succès en Éthiopie et en Espagne.

Quelques années plus tard, "Italie" devint synonyme de "plaisanterie", et ce qu'il s'agisse de la valeur de ses fantassins, de ses tanks, de ses navires de guerre ou de ses avions de combat.

Dans le domaine aéronautique, le drame italien fut d'abord d'avoir totalement raté le passage au monoplan, en s'accrochant bien trop longtemps à la croyance selon laquelle la maniabilité de l'avion et la visibilité du pilote primaient sur la puissance du moteur, la vitesse de l'avion, et l'efficacité des armements de bord.

L'autre erreur fut industrielle : si les ingénieurs italiens étaient parfaitement capables de fabriquer de beaux avions, et parfois d'excellents avions, leurs industriels étaient quant à eux incapables de les produire en quantités.

Aboutissement logique d'une longue lignée de biplans italiens, le Fiat CR-42 "Falco" effectua ainsi son premier vol en janvier 1939. Il volait à 430 kms/h, était toujours propulsé par un moteur de 800 CV, et armé de deux ridicules mitrailleuses. Au même moment, Messerschmitt faisait voler pour la première fois la quatrième génération de son "109", armée de trois canons et deux mitrailleuses, qui volait à plus de 560 kms/h grâce à un moteur de plus de 1 100 CV.

Dès les premières heures de la guerre, les Belges, qui en avaient acheté une quarantaine, comprirent l'absurdité d'affronter les monoplans allemands avec pareilles machines. Les Italiens ne le comprirent que quelques semaines plus tard, lorsqu'ils engagèrent leurs biplans à habitacles ouverts contre les "Spitfire" et "Hurricane", qui les effacèrent littéralement du ciel anglais.

Relégués au théâtre méditerranéen, les CR-42 y poursuivirent néanmoins la lutte aussi longtemps que la faiblesse de l'opposition alliée le permit. Motorisé avec un DB-601 de Messerschmitt, l'un d'eux battit même le record du monde de vitesse pour un biplan, en atteignant 520 kms/h. En pure perte...

dimanche 25 septembre 2005

931 - au ras du sol

... dans une guerre, l'adaptabilité des armes aux différentes situations de combat et théâtres d'opérations constitue la meilleure garantie de succès.

Le fort beau Mikoyan Gurevich Mig-3 l'apprit à ses dépens.

Rien n'était pourtant véritablement fautif dans ce petit intercepteur de haute altitude, qui marquait même un progrès immense par rapport aux biplans et au monoplan Polikarpov I-16.

Le problème, c'est que le Mig-3 avait été conçu pour affronter des bombardiers et chasseurs allemands qui n'arrivèrent jamais,... ou plus exactement jamais à l'altitude attendue.

A la différence de ce qui se passa à l'Ouest, les combats aériens menés au dessus des immensités russes se déroulèrent en effet à des altitudes n'excédant jamais 5 000 mètres, bien en deçà des capacités du Mig-3, conçu quant à lui pour évoluer à plus de 12 000 mètres.

Face aux chasseurs de la Luftwaffe, et aux altitudes où il fut forcé de combattre durant la guerre, le Mig-3 n'était rien de plus qu'un canard posé sur l'eau, et subit de lourdes pertes, que sa conversion en chasseur-bombardier - où il se révéla fragile - ne fit qu'aggraver.

Pour finir, Staline en personne décida d'arrêter les frais, et de donner la priorité absolue à la construction des avions d'assaut Shturmoviks.

Mieux adaptés aux opérations à basse altitude, les Lavochkine et Yakovlev reprirent les missions de chasse-bombardement dévolues au Mig-3, lequel disparut bientôt du ciel russe sans jamais avoir démérité.

samedi 24 septembre 2005

930 - le biplan ultime

... si Polikarpov s'était taillé une solide réputation dans le domaine des biplans - comme ses I-15 et I-15bis venaient encore de le démontrer lors de la Guerre d'Espagne - chacun s'accordait néanmoins à considérer qu'en dépit de sa forme évoquant irrésistiblement le tonneau de bière, le monoplan I-16 - également engagé en Espagne - représentait l'avenir de la firme et celui de l'aviation soviétique.

Paradoxalement, et à la lumière des enseignements de la Guerre d'Espagne, ce fut pourtant un nouveau biplan que les autorités soviétiques commandèrent à Polikarpov à l'automne 1937, deux ans après le premier vol du Messerschmitt 109 (!)

Comme les Britanniques (avec le Gloster "Gladiator"), comme les Italiens (avec le Fiat CR42), les Soviétiques estimaient en effet qu'en combat aérien, les biplans conserveraient leurs chances face à des monoplans plus rapides mais extrêmement complexes et beaucoup moins maniables.

"Biplan ultime", le Polikarpov I-153 le fut au propre et au figuré, en tant que dernier de sa race, mais aussi en tant que spécimen le plus évolué jamais construit, puisqu'incorporant même, dans une tentative quelque peu pathétique d'améliorer l'aérodynamique catastrophique de la formule biplan, un train d'atterrissage escamotable (!)

Mais il en aurait fallu davantage pour changer le cours inévitable de l'Histoire, et éviter aux I153 de tomber comme des mouches dès le déclenchement de la Campagne de Russie.

Devant l'ampleur des pertes, les autorités soviétiques durent cette fois se rendre à l'évidence, et renoncer aux biplans Polikarpov, qui furent relégués à l'attaque au sol avant de disparaître définitivement, en 1943...

vendredi 23 septembre 2005

929 - la comète de Willy

... lorsqu'un avion de combat se révèle plus mortel pour ses utilisateurs que pour ses adversaires, on a affaire à un authentique canard boîteux.

Le Messerschmitt 163 "Komet" est de ceux-là. Plus de soixante ans après ses premiers vols, le seul titre de gloire de cette incroyable machine est de toujours détenir, avec 1 004 kms/h, le titre - il est vrai assez peu disputé - de "plus rapide planeur du monde"

Figé dès 1941, le concept du "Komet", dû à Alexander Lippisch, était celui d'un planeur de combat, décollant sur un chariot largable, et se posant sur des patins escamotables, qui compliquaient terriblement sa récupération et sa remise en service.

La propulsion était assurée par un moteur-fusée Walther utilisant deux produits chimiques hautement corrosifs - de l'eau oxygénée (T-Stoff) et un mélange d'hydrate d'hydrazine et de méthanol (C-Stoff) - dont le simple contact générait une réaction chimique violente et souvent... explosive.

Le planeur volait parfaitement et, quand tout se passait bien, le moteur-fusée lui procurait des performances très supérieures à tout ce que l'on avait obtenu jusque là avec des moteurs à pistons ou à réaction. L'autonomie était en revanche inférieure à 60 kms, effectués pour l'essentiel en vol plané puisque les quantités de carburant embarquées n'offraient qu'environ deux minutes de propulsion.

Le plus grave défaut de la formule résidait cependant dans l'extrême dangerosité des carburants eux-mêmes, qui non seulement obligeaient le pilote et le personnel au sol à porter constamment des combinaisons anti-acides, mais qui risquaient à tout moment d'exploser, en particulier lors des chocs liés au décollage et à l'atterrissage.

Avec de telles caractéristiques, rien d'étonnant à ce que l'ensemble du projet soit resté en demi-sommeil jusqu'en 1944, lorsque la situation militaire s'avéra désespérée, et que l'on s'avisa qu'une autonomie aussi réduite était malgré tout suffisante pour la défense d'objectifs localisés, comme des raffineries.

Le "Komet" entra donc en service au compte-gouttes (environ 300 exemplaires construits) et sans que ses défauts rédhibitoires aient été résolus. Pire encore : avec une vitesse de combat près de trois fois supérieure à celle des bombardiers qu'ils étaient censés attaquer, et des canons de 30mm n'offrant que quelques centaines de mètres de portée utile, les pilotes de "Komet" n'avaient tout simplement pas le temps suffisant pour viser et tirer avant de percuter leur cible. Il eut fallu un système de tir automatique, et des roquettes air-air, qui n'entrèrent jamais en service.

De fait, l'ensemble du programme fut un échec total, dont les vainqueurs de l'Allemagne, passé le stade de la simple curiosité, se désintéressèrent totalement après la guerre.

Et si quelques avions alliés furent effectivement abattus, plus de 80% des Komet perdus le furent au décollage ou à l'atterrissage, par explosion des carburants, tuant presque systématiquement le pilote...

jeudi 22 septembre 2005

928 - l'important c'est de gagner

... en aéronautique comme en sport, l'important n'est pas de participer mais de gagner, car la différence entre le premier et le second, entre celui dont chacun se rappellera le nom et celui qui sombrera à jamais dans l'oubli, tient souvent à peu de choses, quand ce n'est pas au simple hasard.

Le Messerschmitt 109 est universellement connu, mais qui a jamais entendu parler du Heinkel 112 et de son dérivé Heinkel 100 ? combien de gens savent que le Heinkel arriva bon second dans l'attribution des contrats pour le nouveau chasseur monoplan de la Luftwaffe ? et même qu'il était plus performant que le Messerschmitt qui allait pourtant devenir célèbre et construit à des milliers d'exemplaires alors que les quelques Heinkel fabriqués seraient quasiment soldés au prix de la ferraille ?

En 1935, c'est en effet le Messerschmitt qui, à la surprise générale, sortit gagnant du concours organisé par le RLM. Officiellement, parce qu'il était plus facile à construire en masse que le Heinkel. Officieusement, parce que Willy Messerschmitt avait l'oreille du Führer.

Seule une trentaine de Heinkel 113 furent construits, puis cédés ou vendus à vil prix au Japon, en Roumanie et en Espagne.

Ulcéré par la décision du RLM, Ernst Heinkel n'en décida pas moins de créer un nouvel intercepteur - le Heinkel 100 - très amélioré par rapport au précédent et qui, en mars 1939, pulvérisa le record du monde de vitesse, avec 746 kms/h.

Cela ne fut pourtant pas suffisant pour convaincre le RLM de revenir sur sa décision, ni pour l'inciter à commander davantage que la vingtaine de prototypes prévus, lesquels finirent eux aussi, sans gloire, leur carrière à l'étranger

mercredi 21 septembre 2005

927 - la faillite du Zerstörer

... considérer comme "canard boîteux" un avion qui fut produit à plus de 6000 exemplaires (!) peut à bon droit paraître excessif.

Le problème, c'est que cet avion - le bimoteur Messerschmitt 110 - ne dut son succès, et son palmarès, qu'à un changement radical de rôle et à l'absence d'une meilleure alternative.

Conçu comme chasseur lourd à long rayon d'action (Zerstörer), le 110 était en principe chargé d'escorter les formations de bombardiers allemands jusqu'à leur objectif. Jusqu'à la Campagne de France, et face à des adversaires inférieurs ou désorganisés, le bilan de l'avion fut conforme aux attentes de ses géniteurs.

Dans le ciel anglais en revanche, contre les "Hurricane" et "Spitfire" monomoteurs, le lourd et peu maniable 110 se retrouva à ce point handicapé et vulnérable qu'il fallut se résoudre à le faire escorter (!)

Le programme entier serait passé à la trappe si les bombardements britanniques ne lui avaient redonné, dès 1941, une nouvelle raison d'exister. Dépourvus de radar, les chasseurs monomoteurs allemands étaient en effet incapables, de nuit, de repérer et d'abattre les gros bombardiers anglais. Et quand les premiers radars embarqués devinrent enfin disponibles, leur encombrement et leur poids en interdisaient le montage sur un monomoteur, et leur maniement fort complexe l'utilisation par le pilote seul.

Ce constat sauva véritablement la mise au 110, suffisamment volumineux pour héberger un radariste supplémentaire en plus du pilote et du mitrailleur arrière, et suffisamment puissant pour enlever le tout et supporter le surpoids et la traînée des antennes.

De nuit, contre les lourds bombardiers anglais, le 110 retrouva son second souffle. La faillite de ses successeurs 210 et 410, conçus selon la même configuration et guère plus performants, lui permit même de reste en production quasiment jusqu'à la fin du conflit.

mardi 20 septembre 2005

926 - asymétrique

... en 1937, le Ministère allemand de l'Air (RLM) rédigea un cahier des charges pour la réalisation d'un avion d'observation spécialisé.

Directeur technique chez Blohm & Voss, le flamboyant Richard Vogt possédait déjà la réponse : le BV 141, un appareil "asymétrique" aux formes si invraisemblables qu'elles allaient stupéfier le monde et pousser chacun à se demander comment une telle chose pouvait voler.

L'idée de base ne manquait pourtant pas de logique : dans un avion d'observation classique, la présence du moteur et de l'hélice à l'avant de l'avion gênait considérablement la vision du pilote, donc ce qu'il pouvait observer. L'avion "asymétrique" se composait par conséquent d'un fuselage et d'un moteur décalés vers la gauche de l'aile, et d'une nacelle de pilotage et d'observation largement vitrée installée à droite, là où, dans un avion symétrique, on se serait attendu à trouver un deuxième moteur.

Sur le prototype original, la configuration de la nacelle était telle que le pilote se trouvait perché plus haut que le moteur (ce qui lui permettait de voir par dessus) et l'observateur devant le même moteur (ce qui lui offrait une vision sur 360 degrés). Impressionné par le prototype, le RLM le commanda en (très) petite série,... mais exigea une disposition plus conventionnelle de la nacelle, dans laquelle le pilote se retrouva plus bas que le moteur, et l'observateur derrière ce même moteur, ce qui annihilait une grande partie de l'avantage obtenu par l'asymétrie (!)

Aussi étonnants qu'ils pouvaient paraître, le prototype et l'engin définitif volaient pourtant fort bien mais ne représentaient pas un progrès décisif par rapport aux machines plus classiques, comme le bimoteur d'observation Focke-Wulf 189.

Ce dernier s'avérant bien plus facile à fabriquer en grande série (plus de 800 exemplaires produits), la construction du BV 141 s'interrompit en 1943, après moins d'une quinzaine d'exemplaires.

lundi 19 septembre 2005

925 - le briquet de la Luftwaffe

... ce devait être la réplique allemande aux gros bombardiers quadrimoteurs anglais et britanniques. Et de fait, le Heinkel 177 "Greif" disposait bel et bien de quatre moteurs... mais de deux hélices seulement.

Sur le papier la formule des deux moteurs jumelés à l'intérieur d'une même nacelle, et entraînant une hélice commune par l'intermédiaire d'un réducteur, offrait l'avantage d'une importante réduction de traînée aérodynamique.

En pratique, elle s'avéra si catastrophique que les équipages de Heinkel, écoeurés, surnommèrent leur monture "le briquet volant de la Luftwaffe", en raison de l'incroyable propension que manifestaient les moteurs surchauffés à s'enflammer en plein vol.

Tout au long de leur existence, les moteurs du "Greif" occasionnèrent en effet un nombre inimaginable d'accidents, et firent preuve d'une fiabilité pathétique. Ainsi, le 13 février 1944, sur quatorze appareils prêts à décoller pour Londres sous le regard d'Hermann Goering, treize prirent le départ, huit furent contraints de rentrer prématurément à la base pour cause de surchauffe moteur, quatre atteignirent l'objectif, et trois seulement en revinrent (!)

Une telle répétition d'ennuis ne pouvait évidemment qu'exercer une fâcheuse influence sur la production de l'avion, qui ne fut construit qu'à un peu plus d'un millier d'exemplaires, chiffre ridicule comparé aux seize mille quadrimoteurs classiques construits par les Britanniques durant la même période, mais un chiffre incroyable rapporté à la faible disponibilité de l'avion, et à son rôle encore plus anecdotique dans le déroulement de la guerre.

Car lorsque le "Greif" fut à peu près au point, à la fin de 1944, il n'y avait de toute manière plus assez d'essence ni d'équipages entraînés pour le faire voler. La plupart des exemplaires survivants furent alors ferraillés sans presque jamais avoir servi...

dimanche 18 septembre 2005

924 - la panne de colle

... presque entièrement construit en bois, le De Havilland "Mosquito" irritait tellement les responsables allemands qu'en septembre 1942, ceux-ci demandèrent au génial Kurt Tank, directeur technique chez Focke-Wulf, de construire une réplique allemande à l'insaisissable chasseur-bombardier anglais.

Bimoteur lui aussi. et également construit en contreplaqué, le Ta-154 "Moskito" promettait d'offrir les mêmes performances que son grand rival, ce que Kurt Tank démontra lui-même, en le faisant voler pour la première fois le 7 juillet 1943.

Au printemps 1944, une quinzaine de prototypes avaient déjà volé sous différentes configurations et armements, et la production en série était sur le point de débuter en Pologne occupée lorsque, fin juin, deux machines de pré-série s'écrasèrent à deux jours d'intervalle.

Après examen des épaves, l'on découvrit avec horreur que les avions s'étaient purement et simplement délaminés en plein vol. Les responsables étaient les Britanniques qui, quelques semaines auparavant, avaient pulvérisé l'usine TEGO de Wuppertal, laquelle fabriquait la colle destinée aux panneaux en contreplaqué du Focke-Wulf. Une colle de remplacement avait bien évidemment été commandée chez un autre fournisseur, mais celle-ci, beaucoup trop acide, avait rongé le bois des panneaux, provoquant l'écrasement des deux appareils.

Comme il n'existait aucun espoir de refabriquer une colle convenable à bref délai, la fabrication en série fut annulée et l'aventure du "Moskito" allemand n'alla pas plus loin...

samedi 17 septembre 2005

923 - le dominateur dominé

... même s'il n'eut jamais la réputation du Boeing B17, le Consolidated B24 "Liberator" n'en fut pas moins construit à davantage d'exemplaires, et employé sur tous les fronts.

Lorsque le Congrès américain vota les crédits pour leurs remplaçants, en août 1940, Boeing et Consolidated furent à nouveau sollicités pour l'étude et la réalisation de prototypes, dont l'un aboutit au Boeing B29 "Superfortress", l'autre au Consolidated B32 "Dominator".

Si le premier fut construit à plus de 3 000 exemplaires, et devint universellement connu - ne serait-ce que par ses raids sur Hiroshima et Nagasaki - le second ne fut fabriqué qu'à 115 exemplaires, qui sombrèrent très vite dans l'anonymat.

Là où les ingénieurs de Boeing avaient opté pour une approche résolument novatrice et sans le moindre rapport avec la lignée des B17, ceux de Consolidated avaient au contraire choisi la voie de la prudence, en dessinant un avion qui ne s'éloignait guère du B24.

Contre toute attente, la démarche conservatrice de Consolidated généra tant de problèmes techniques qu'il fallut, sous peine de ne pouvoir livrer l'avion dans les délais, débarquer les tourelles télécommandées et la pressurisation, qui étaient pourtant montées en série sur le B29.

Apparu plus tard que le B29, et moins performant que lui, le B32 resta donc dans l'ombre de son illustre rival, et ne connut qu'un bref engagement aux Mariannes avant la fin de la guerre, qui entraîna également sa retraite précipitée et son ferraillage prématuré.

Le "dominateur" avait été totalement dominé

vendredi 16 septembre 2005

922 - Flash Gordon

... avec ses lignes biscornues, le bombardier Martin B10 était un engin qu'on aurait dit issu d'une bande dessinée de Flash Gordon,... à moins que le dessinateur de Flash Gordon ne se soit au contraire inspiré du B10 pour dessiner les improbables vaisseaux spatiaux de son héros.

Pourtant, aussi désuet qu'il puisse paraître aujourd'hui, le B10 était une machine proprement révolutionnaire en 1932. Une machine dont les performances dépassaient celles de tous les chasseurs de l'USAAF.

Il n'en fallait pas plus pour que le B10 rencontre également un grand succès à l'exportation, en particulier auprès des Hollandais, qui en achetèrent près de 120 exemplaires, commande colossale pour l'époque et pour un engin de ce type. Dans leur esprit, le B10 constituait en effet l'arme idéale pour la défense des Indes néerlandaises, une arme qui pourrait se déplacer d'île en île et envoyer impunément par le fond toute flotte d'invasion avant qu'elle ne parvienne à y débarquer.

Une telle ambition était assurément excessive. Mais le véritable problème, c'est que ce bombardier fut envoyé au combat dix ans après son premier vol, soit à une époque où la construction métallique et monoplan était devenue monnaie courante,... y compris chez ses adversaires.

En 1942, avec 340 kms/h de vitesse maxi, et trois mitrailleuses pour se défendre, le B10 n'impressionnait plus personne, et certainement pas les chasseurs japonais, qui n'en firent qu'une bouchée et précipitèrent sa mise à la retraite au profit des B17 et B24, certes plus modernes mais bien moins dignes de figurer dans les aventures de Flash Gordon...

jeudi 15 septembre 2005

921 - l'idée n'était pas si mauvaise













... en 1942, le Département américain de la Défense se trouva confronté à l'épineux problème de transporter troupes et matériel jusqu'en Angleterre, à travers des eaux infestées de sous-marins allemands.

Henry Kaiser, constructeur des célèbres cargos "Liberty Ship", n'eut guère de mal à convaincre Howard Hughes de se lancer dans la construction du plus gros hydravion de Tous les Temps, un véritable "cargo volant" capable d'acheminer 750 soldats ou deux tanks Sherman (!) par dessus les flots, donc hors de portée des sous-marins.

Cela revenait en fait à construire un Airbus A380 avec les moyens et les techniques de 1940, et même à le construire en bois puisque l'aluminium - matériau stratégique - était réservé à la fabrication d'avions bien plus indispensables à l'effort de guerre américain.

En vérité, la minuscule Hughes Aircraft n'avait pas les moyens de fabriquer pareil monstre. Le soin maniaque apporté par Howard Hughes lui-même aux détails les plus insignifiants ne fit qu'aggraver les choses et exploser autant les coûts que les délais de fabrication, en sorte que la guerre était terminée depuis longtemps lorsque le H-4 "Hercules" fut enfin achevé, en 1947.

Il n'en fallait pas plus pour pousser le Sénat américain à diligenter une enquête contre Howard Hughes, accusé d'avoir dilapidé des millions de dollars de fonds publics, non seulement avec son monstrueux hydravion ironiquement rebaptisé "Spruce Goose" (ou "oie en spruce" même s'il était construit en contreplaqué de bouleau), mais aussi avec le XF-11 de reconnaissance qui, lui non plus, ne fut jamais livré à l'armée qui l'avait pourtant commandé.

A l'audience, Howard Hughes eut pourtant beau jeu de démontrer que des firmes bien plus grandes et mieux cotées que la sienne, comme Boeing, Douglas ou Lockheed, avaient également bénéficié bien davantage de la manne publique sans jamais livrer la marchandise demandée, qui était demeurée prototype sans que personne y trouve à redire. Il fit également observer que le H-4 et le XF-11, loin de l'enrichir, lui avaient au contraire coûté énormément d'argent.

Pour finir, le 2 novembre 1947, Howard Hughes fit taire ses derniers détracteurs, en parvenant à faire décoller l'énorme hydravion aux huit moteurs de 3 000 CV. Un vol de moins de deux kilomètres, à une vingtaine de mètres au dessus de la surface des flots. Un vol qui n'eut aucun lendemain puisque le "Hercules" fut ensuite stocké loin des regards jusqu'à la mort de Howard Hughes, en 1976...

mercredi 14 septembre 2005

920 - après l'heure, c'est plus l'heure

... milliardaire excentrique, playboy déjanté, réalisateur et producteur fou, Howard Hughes était aussi un pilote passionné, détenteur de plusieurs records.

Lorsque les États-Unis entrèrent en guerre, Howard Hughes possédait une petite société aéronautique, plus habilitée à lui construire les jouets de ses rêves qu'à jouer un rôle décisif dans la victoire contre les forces de l'Axe.

Hughes
n'entendait pas pour autant se contenter du rôle de simple sous-traitant pour l'un ou l'autre grand constructeur. Il lui fallait un programme bien à lui, qui ne pouvait bien évidemment relever que d'un marché "de niche" et d'une fabrication en très petite série.
Il en eut deux. Un avion de reconnaissance ultra-rapide, et un hydravion de transport géant.

En 1943, l'USAAF, qui s'était jusque-là contentée de transformer en appareils de reconnaissance des chasseurs ou des bombardiers existants, lui passa commande pour l'étude et la réalisation d'un avion spécifiquement destiné à cette fin. Un avion qui volerait si haut et si vite qu'il rendrait toute interception impossible.

Hughes releva le défi avec le XF-11, un bimoteur bipoutre dont les lignes superbes n'étaient pas sans évoquer celles du P38 "Lightning". Hélas, la Hughes Aircraft, déjà sous-dimensionnée, était à ce point accaparée par la construction de l'hydravion géant "Hercules" que le programme du XF-11 accusa bien vite un retard irrattrapable.

Lorsque la machine fut enfin prête, en avril 1946, la guerre était finie. L'avion, dont l'utilité était déjà marginale en 1943, n'intéressait plus grand-monde. Le crash du premier prototype en plein Beverly Hills, le 7 juillet 1946, avec Howard Hughes aux commandes, ne fit qu'aggraver les choses. Déjà fort mal disposées à son égard, les autorités américaines invoquèrent la faute de pilotage, même s'il fut par la suite établi que la cause était due à un des doublets d'hélices contra-rotatives du moteur droit, qui s'était inversé en plein vol.

Très grièvement blessé dans l'accident, Howard Hughes parvint néanmoins à reprendre l'air aux commandes du second prototype - cette fois doté d'hélices classiques - le 5 avril 1947. Cela ne suffit pourtant pas à sauver le bel oiseau, dont la commande de 98 exemplaires de série fut annulée.

mardi 13 septembre 2005

919 - claustrophobique

... on fait toujours la guerre avec le matériel dont on dispose, qui n'est pas toujours celui qu'on voudrait ni même celui qui serait nécessaire.

Une devise qui s'applique tout particulièrement bien au Martin 167 "Maryland", "bombardier d'attaque" (sic) commandé par l'USAAF à la fin des années 1930, mais refusé par elle peu après son premier vol, en mars 1939, parce que trop étroit et pas assez performant.

Très bel avion au demeurant, le Martin 167 aurait dû passer à la trappe si le désespoir du gouvernement français face à l'incapacité de ses industriels à fournir en temps et heure les avions de combat commandés ne l'avait poussé à acheter de toute urgence - et avant même son premier vol ! - cet oiseau dont les Américains ne voulaient pas.

215 Martin furent donc commandés par la France, mais 140 seulement furent livrés, et un nombre plus réduit encore (environ 75) mis en service actif, avant l'armistice de juin 1940.

Si l'oiseau manquait effectivement de coffre (moins d'une tonne de bombes transportable), et souffrait d'un armement défensif ridicule, il était en revanche rapide, ce qui lui permit d'échapper à nombre de ses adversaires et d'accuser un taux de pertes qui ne dépassa pas 8%, le plus faible de tous les bombardiers français. Après l'armistice, les survivants continuèrent de servir au sein de l'aviation de Vichy, qui s'en servit contre les Alliés au dessus de Gibraltar, en Afrique du Nord et en Syrie.

Quant aux avions dont l'armistice avait empêché la livraison, ceux-ci furent directement livrés aux Britanniques, qui les rebaptisèrent "Maryland" et en commandèrent 150 autres, lesquels servirent essentiellement dans la reconnaissance, activité où l'exiguïté de leur fuselage ne posait plus guère de problèmes...

lundi 12 septembre 2005

918 - les premiers seront les derniers

... en 1935, l'US Navy avait lancé un appel d'offres pour le remplacement de ses biplans de chasse. La victoire fut attribuée au fort disgracieux rejeton d'une petite firme qui construisait autrefois des carrioles.

Rapidement surnommé "Buffalo" par les Britanniques, qui en achetèrent près de 200 exemplaires, le Brewster F2A n'était pourtant pas un mauvais avion qui, en combat simulé, parvenait même à surclasser le Grumman "Wildcat" et qui, exporté en Finlande, s'y comporta fort honorablement jusqu'en 1944.

Les choses se gâtaient hélas à l'appontage sur porte-avions, où le train d'atterrissage du "Buffalo" s'avérait infiniment plus fragile que celui du "Wildcat".

Pour ne rien arranger, les normes et capacités de production de Brewster, tout juste convenables en temps de paix, s'avérèrent dramatiquement insuffisantes une fois la guerre déclarée, et contrastaient singulièrement avec celles de Grumman, quant à elle capable de sortir des milliers et des milliers de "Wildcat" et "Hellcat" à un rythme infernal.

Face aux "Zéro" et "Hayabusa" japonais bien plus agiles, les malheureux Brewster n'avaient en vérité aucune chance de survivre, ce qui acheva de convaincre l'US Navy de reporter sur le "Wildcat" les commandes prévues pour le "Buffalo", lequel se trouva bientôt relégué en seconde ligne, puis à l'entraînement. Au fond, le "Wildcat" n'était pas plus performant mais du moins était-il solide et surtout disponible immédiatement en très grand nombre.

A la guerre, le succès d'une arme provient moins de ses qualités intrinsèques que de sa disponibilité sur le terrain et de sa capacité à évoluer au fur et à mesure des combats. Le Brewster Buffalo en fit l'amère expérience...

dimanche 11 septembre 2005

917 - avant l'heure, c'est pas l'heure

... en juin 1941, l'Amérique encore neutre commença à s'intéresser aux étranges "moteurs sans hélice" laborieusement mis au point par les Britanniques.

Trois mois plus tard, les ingénieurs de Bell reçurent pour mission de concevoir et de fabriquer le P59 "Airacomet", le premier avion à réaction américain.

Une équipe britannique vient bientôt les rejoindre, avec un réacteur Whittle à compresseur centrifuge et l'intégralité de ses plans, qui furent confiés aux bons soins de General Electric pour copie et industrialisation.

Mais qu'ils soient britanniques authentiques ou copies américaines, les premiers moteurs à réaction "poussaient" si peu qu'il en fallait obligatoirement deux pour offrir à l'avion qui en était équipé des performances qui restaient cependant inférieures à celles des meilleurs chasseurs à moteurs à pistons de l'époque...

Avant même son premier vol, en octobre 1942, il était déjà évident que l'Airacomet resterait engin expérimental qui ne connaîtrait jamais le baptême du feu. Avec son aile droite qui semblait provenir d'un P39, il était également bien trop conventionnel pour espérer rivaliser avec le Messerschmitt 262 allemand, de puissance pourtant équivalente.

Des combats simulés avec des P51 "Mustang" achevèrent de convaincre l'USAAF et la Navy de ne le commander qu'à 66 exemplaires d'entraînement, lesquels furent mis en service - mais fort loin du Front - à partir d'août 1944, avant d'être remplacés par la nouvelle génération des chasseurs à réaction, qui les renvoyèrent très rapidement dans l'oubli.

samedi 10 septembre 2005

916 - le mecano infernal

... l'idée était toute simple et avait de quoi ravir les comptables : prenez des ailes de Curtiss P40, un empennage de Douglas A24, un train d'atterrissage de "Corsair", ajoutez-y un moteur Allison à 24 cylindres, installez ce dernier derrière le pilote - à la manière du Bell P39 "Airacobra" - greffez-lui un doublet d'hélices contra-rotatives qui passaient là par hasard, terminez par le montage de dix (!) mitrailleuses de 12.7mm déjà fabriquées à des dizaines de milliers d'exemplaires, et vous obtiendrez le Fisher Body P75A "Eagle".

Étrange aigle en vérité que cet oiseau proposé et assemblé par une division sans la moindre expérience aéronautique du géant automobile General Motors. Un aigle que l'on voulut construire à moindre coût et donc à grand renfort de pièces déjà largement disponibles, puisque provenant de plusieurs chasseurs aussi différents qu'éprouvés.

Mais en aéronautique, le mieux devient vite l'ennemi du bien, et la volonté affichée d'économies la meilleure garantie d'une faillite pure et dure.

Commandé en 1942 comme intercepteur à haute altitude - ce qui, avec des ailes de P40, était absurde en soi - l'Eagle était déjà destiné à devenir simple chasseur à long rayon lors de son premier vol, en novembre 1943. Un chasseur que l'on fabriquerait à 2 500 exemplaires... si du moins les tests réalisés sur les six prototypes modifiés s'avéraient satisfaisants.

Hélas, et comme on aurait dû s'y attendre, la greffe d'éléments aussi disparates s'avéra d'autant moins concluante et si longue à mettre au point qu'à la reprise des essais, en septembre 1944, les P47 "Thunderbolt" et autres P51 "Mustang" remplissaient déjà, et à bien meilleur compte, les missions d'escorte dévolues au P75A.

La commande fut donc annulée, et l'Eagle retomba dans l'oubli, au grand désespoir des comptables qui, croyant réaliser des économies, avaient au contraire fait perdre des dizaines de millions de dollars à l'État pour obtenir... rien du tout.

vendredi 9 septembre 2005

915 - excès de lenteur

... les flottes de combat évoluant nécessairement à vitesse réduite, la meilleure manière de suivre leurs déplacements était encore de construire un avion capable de se déplacer à la même vitesse qu'elles.

C'est en vertu de cette logique imparable que l'Air Ministry britannique réclama un avion capable de tenir l'air pendant six heures minimum, à une vitesse minimale d'environ 60 kms/h

Le prototype de cette chose qu'on ose à peine appeler "avion" - le General Aircraft GAL 38 "Fleet Shadower" - était un sesquiplan quadrimoteur tout en bois dont le seul titre de gloire fut de démontrer, lors de ses essais en mai 1940, qu'il pouvait effectivement voler à 60 kms/h et tenir l'air pendant 11 heures.

Personne, dans l'aéronavale britannique, ne semblait s'être demandé ce qui arriverait à cet avion - dont la vitesse maximale ne dépassait pas 180 kms/h - lorsqu'il serait lui-même repéré par la flotte ennemie dont il était chargé d'épier les mouvements. Une flotte ennemie qui ne manquerait pas alors de lui envoyer des intercepteurs volant deux ou trois fois plus vite que lui.

Heureusement pour les futurs utilisateurs de cet avion, le développement rapide des radars embarqués permit bientôt de suivre les mouvements de l'ennemi sans qu'il soit encore nécessaire de le faire à l'oeil nu.

Le "Fleet Shadower" resta donc prototype et fut officiellement abandonné en février 1941.

jeudi 8 septembre 2005

914 - le vilain canard à réaction

... dans le Pacifique, et aux mains des Japonais, la formule avait pourtant fait long feu. Mais il en fallait davantage pour persuader les Britanniques de Saunders-Roe de renoncer aux hydravions de chasse.

Étrangement, ce fut l'apparition d'une authentique nouveauté - le moteur à réaction - qui leur redonna des raisons d'espérer. Les premiers moteurs de ce type "poussaient" en effet si faiblement que les avions qui en étaient équipés devaient obligatoirement décoller et atterrir depuis des pistes interminables et obligatoirement construites en dur. En Asie du Sud-Est, et dans le Pacifique, de telles pistes se comptaient pour ainsi dire sur les doigts d'une main, ce qui laissait toutes ses chances à l'hydravion qui, lui, pourrait toujours disposer des immensités océanes pour prendre son envol.

En outre, les moteurs à réaction étaient des mécaniques lourdes, encombrantes et fort gloutonnes en carburant, ce qui imposait la présence de volumineux réservoirs. Ces caractéristiques se mariaient finalement bien à la masse élevée et à la silhouette toujours pansue d'un hydravion.

Encore aurait-il fallu être en mesure de construire et de mettre rapidement en service cet hydravion. Or, quand le SARO SR A/1 effectua son premier vol, en juillet 1947, la guerre était finie depuis deux ans et les progrès sur les moteurs devenus tels que plus personne n'avait désormais besoin d'un hydravion de chasse à réaction qui atteignait certes 800 kms/h mais qui serait toujours surclassé par les appareils terrestres ou embarqués conventionnels.

Après un bref regain d'intérêt suscité par le déclenchement de la Guerre de Corée, la brève histoire du premier et dernier hydravion de chasse à réaction se termina dans l'anonymat, au début des années 1950.

mercredi 7 septembre 2005

913 - aux moteurs près...

... la malheureuse histoire du bombardier Avro "Manchester" est d'abord et avant tout celle de ses moteurs "Vulture"

Afin de créer un moteur véritablement puissant, Rolls-Royce avait décidé, en 1935, d'accoupler deux de ses capricieux "Peregrine" à 12 cylindres en V (qui donnaient environ 900 CV) pour en faire un seul moteur - le "Vulture" - à 24 cylindres en X , dont on espérait environ 1 800 CV.

Cette promesse de puissance nouvelle incita l'Air Ministry à élaborer un cahier des charges pour un bombardier lourd bimoteur,... et ravit les comptables, qui se persuadèrent un peu vite que deux moteurs coûteraient forcément bien moins cher que quatre, à l'usage comme à l'entretien. C'est donc autour de ce moteur que les ingénieurs d'Avro conçurent le "Manchester".

Hélas, le gros oiseau accumula bientôt les retards - il ne vola pour la première fois qu'en juillet 1939 - retards dûs pour l'essentiel à ses "Vulture" que Rolls-Royce, malgré tous ses efforts, ne parvenait pas à mettre au point. Deux mois plus tard, l'Angleterre entra en guerre sans que les techniciens de Rolls-Royce n'entrevoient la vie au bout de leur monstrueux 24 cylindres.

Lorsque les premiers "Manchester" de série furent enfin livrés aux unités, en novembre 1940, la situation était si dramatique qu'il avait fallu se résoudre à "dégonfler" leurs moteurs à moins de 1 500 CV afin de leur assurer un minimum de fiabilité. Mais du coup, avec moins de 3 000 CV au total, le "Manchester" se retrouvait dangereusement sous-motorisé,... et carrément ridicule par rapport à son rival Handley-Page "Halifax", quant à lui tiré par quatre Rolls-Royce "Merlin" certes moins puissants mais beaucoup plus sûrs.

En novembre 1941, Rolls-Royce se décida enfin à jeter l'éponge, et à envoyer les "Vulture" aux oubliettes, ce qui condamna bien évidemment les "Manchester", dont les derniers furent ferraillés en juin 1942, après moins de 200 exemplaires construits.

L'histoire aurait pu s'arrêter là sans la décision d'Avro de greffer à son tour quatre "Merlin" sur la cellule au demeurant excellente du "Manchester", dont on avait simplement augmenté l'envergure des ailes. Particulièrement réussie, la greffe donna naissance, en avril 1942, au célèbre "Lancaster" dont la carrière ne s'acheva qu'en 1946, avec plus de 7 300 exemplaires fabriqués

Mais ceci est une autre histoire...

mardi 6 septembre 2005

912 - la qualité, pas la quantité

...dans la perspective d'un conflit de plus en plus probable avec l'Allemagne nazie, l'Air Ministry britannique dut envisager, à la fin des années 1930, la venue d'innombrables bombardiers multimoteurs, qui attaqueraient les villes britanniques à haute altitude.

Pour les affronter avec succès, il fallait disposer d'un intercepteur non seulement capable de voler très vite (600 kms/h) et très haut (9 000 mètres), mais également porteur d'un armement d'une puissance inégalée pour l'époque, puisque composé de quatre canons de 20mm nécessairement fort lourds.

De rapides calculs convainquirent les ingénieurs qu'il faudrait au moins 1 500 CV pour obtenir les performances requises. Le problème, c'est qu'il n'existait à l'époque aucun moteur d'une telle puissance, ce qui imposait donc la formule d'un bimoteur, toujours plus lourd et moins maniable qu'un monomoteur.

La petite firme Westland releva brillamment le défi et, malgré d'innombrables difficultés, parvint à construire un appareil - le Whirlwind - qui satisfaisait aux exigences du cahier des charges. Hélas pour l'oiseau, et sa postérité, Westland n'avait pas les capacités de le produire en grand nombre dans une guerre où la quantité primait souvent sur la qualité.

De son côté, Rolls-Royce, fort occupée à fabriquer ses "Merlin" en quantités industrielles, n'avait pas non plus les moyens de se pencher sur les innombrables maladies de jeunesse du "Peregrine" qui propulsait les "Whirlwind".

A ces deux handicaps s'en ajouta vite un troisième, qui tenait à la nature-même de l'avion. Pour atteindre les performances exigées, les ingénieurs de Westland avaient en effet créé un appareil hyper-spécialisé qui, dès sa naissance, se situait déjà aux limites de son développement. Il était par exemple impossible de remplacer les capricieux "Peregrine" par les bien plus fiables "Merlin", ou d'accroître l'autonomie d'un avion qui, conçu comme intercepteur destiné à n'évoluer qu'au dessus de la Grande-Bretagne, manquait terriblement d'allonge et de capacités d'emport dans les missions de chasse-bombardement qui devinrent la norme dès 1941.

Au final, seuls 112 appareils furent construits jusqu'en décembre 1941, et utilisés avec parcimonie, jusqu'à leur retrait définitif, quelques mois plus tard.

lundi 5 septembre 2005

911 - Gladiator

... comme beaucoup d'autres "vilains canards" de la Seconde Guerre mondiale, le Gloster "Gladiator" n'était pas un mauvais avion, mais simplement un honnête biplan né trop tard, à l'aube d'une guerre et d'une époque désormais entièrement dévolues aux monoplans.

A plus de 400 kms/h, il était même le biplan britannique le plus rapide jamais construit. Mais ce qui pouvait sembler suffisant à la date de son premier vol, en septembre 1934, ne l'était déjà plus deux ans plus tard, à la sortie du "Spitfire".

En Angleterre, mais aussi en Italie et en URSS, nombreux étaient pourtant ceux qui croyaient encore aux chances de ces biplans modernes face aux monoplans certes plus rapides mais beaucoup moins maniables. Lors de la Guerre d'Espagne, les agiles biplans Fiat et Polikarpov avaient du reste fait bonne figure face aux nouveaux chasseurs et bombardiers monoplans.

Hélas, les premiers étaient à présent au bout de leur développement et ne pouvaient plus progresser que de manière marginale alors que les seconds disposaient encore d'un énorme potentiel d'amélioration, ce que confirma la Deuxième Guerre mondiale, qui cantonna bien vite les biplans à l'entraînement ou à des missions de servitude, avant de les renvoyer purement et simplement au musée.

Malgré plus de 700 exemplaires construits jusqu'à l'arrêt de la fabrication, en mai 1940, le "Gladiator" n'échappa pas à la règle, ce qui ne l'empêcha pas de combattre héroïquement dans les premières semaines de la guerre, en particulier en Méditerranée, avant de se retrouver relégué en seconde ligne...

dimanche 4 septembre 2005

910 - bis repetita

... de toutes les grandes puissances navales, seuls le Japon et les États-Unis avaient réellement compris ce que devait être un appareil de porte-avions.

Malheureusement pour elle, la Fleet Air Arm britannique s'était complètement fourvoyée dans la rédaction de ses divers cahiers des charges pour avions embarqués.

Considérant qu'un pilote ne pourrait tout à la fois combattre et s'orienter seul au dessus de l'océan, elle avait exigé la présence d'un deuxième homme à bord d'avions de chasse qui, désormais biplaces, n'en devaient pas moins rester monomoteurs, encombrement oblige.

Cousin marin du bombardier "Battle", le chasseur Fairey "Fulmar" en partageait forcément l'essentiel des défauts, à commencer par une piètre maniabilité, un poids excessif, des performances insuffisantes, et une sous-motorisation chronique.

Face à la Regia Aeronautica italienne, ses biplans et ses pilotes pas vraiment motivés, les Fulmar faisaient encore bonne figure. Face à la Luftwaffe allemande (et plus tard à l'aéronavale japonaise), le combat était en revanche sans espoir, ce qui contraignit la Fleet Air Arm à "navaliser" en catastrophe les chasseurs "Hurricane" et "Spitfire" de la RAF.

Hélas, la faible autonomie de ces chasseurs nés terrestres limitait par trop leurs possibilités sur porte-avions. Les Britanniques n'eurent donc d'autre choix que de commander des centaines de chasseurs navals américains -"Wildcat", "Hellcat" et "Corsair" - eux aussi monomoteurs monoplaces, mais conçus dès le départ pour utilisation sur porte-avions.

Ce constat évident n'empêcha pas pour autant les ingénieurs de Fairey à persévérer dans l'erreur, en concevant, et surtout en parvenant à vendre à la Fleet Air Arm, leur énorme chasseur "Firefly" qui, bien que motorisé par un surpuissant Rolls-Royce "Griffon" n'en conservait pas moins l'architecture biplace et la plupart des défauts du "Fulmar"...

samedi 3 septembre 2005

909 - victime du passé

... le Fairey "Battle" n'était pas un mauvais avion. Il aurait même été considéré comme parfait si la Deuxième Guerre mondiale avait éclaté en 1936. Hélas, en 1940, ce gros monomoteur de bombardement avait déjà été laissé sur place par la marche inexorable du Progrès technique.

En 1936, pourtant, ce triplace de combat à long rayon d'action semblait révolutionnaire par rapport aux antiques biplans de bombardement, dont il transportait deux fois la charge (1 000 livres - 454 kgs), 50% plus rapidement (380 kms/h).

Plus de deux mille "Battle" furent construits et exportés dans le monde entier, et notamment en Belgique. Dès le 10 mai 1940, les "Battle" furent jetés dans la bataille... et s'avérèrent autant de pièges mortels pour leurs équipages. En quelques minutes, les Belges perdirent ainsi la quasi-totalité de leurs "Battle" au cours d'une attaque aussi désespérée que mal organisée contre les têtes de pont allemandes sur le Canal Albert. Les Britanniques ne firent pas mieux, qui virent 31 de leurs 71 "Battle" abattus au dessus de Sedan

Face à une DCA déjà très efficace et omniprésente, et contre des chasseurs eux aussi monomoteurs mais infiniment plus légers et agiles, les lourds et disgracieux "Battle" n'avaient tout simplement pas leur place, et furent tous retirés du Front en moins de six mois pour terminer leur brève et insatisfaisante carrière en tant que remorqueurs de cibles ou comme simples avions d'entraînement à double commande.

Au final, la seule contribution du "Battle" à l'effort de guerre britannique fut d'avoir servi de banc d'essais volant au moteur Rolls-Royce "Merlin", dont il fut le premier utilisateur.

Un moteur qui devint rapidement célèbre sous le capot des "Hurricane" et autres "Spitfire"...

vendredi 2 septembre 2005

908 - une fausse bonne idée

... si l'idée d'attaquer les avions ennemis "par le travers" plutôt que de face fut testée dès la Première Guerre mondiale, c'est aux Britanniques de Boulton-Paul que revint véritablement l'honneur de la mettre en oeuvre sur un chasseur spécialement conçu et construit à cette fin.

Selon ses partisans, l'attaque "par le travers" d'un bombardier ennemi, en suivant une trajectoire parallèle à ce dernier, et à peu près à la même vitesse, était en effet plus précise et plus efficace que la méthode classique, où le chasseur adoptait une trajectoire de collision avec sa proie,... et se dépêchait de faire feu avant de la percuter.

Esthétiquement, le "Defiant" ressemblait quelque peu à un Hawker Hurricane, avec lequel il partageait d'ailleurs l'excellent moteur Rolls-Royce "Merlin". Mais un Hawker Hurricane sur lequel on aurait prélevé les mitrailleuses d'ailes pour les lui greffer dans le dos, sous une vaste tourelle rotative qui perturbait d'ailleurs grandement l'aérodynamique de l'avion.

Qui disait tourelle disait surpoids, mais aussi présence obligatoire d'un deuxième homme à bord de l'avion pour manipuler la dite tourelle, et donc nouveau surpoids.

De fait, en maniabilité comme en performances, le "Defiant" ne pouvait soutenir la comparaison avec le Hurricane... et moins encore avec le Messerschmitt 109 allemand, face auquel il n'était qu'un misérable canard jeté en pâture à un aigle. Ainsi en fut-il le 13 mai 1940, lorsque six "Defiant" sur Squadron 264 affrontèrent la chasse allemande,... et perdirent cinq des leurs sans causer la moindre perte à l'ennemi.

Dès l'automne 1940, et malgré quelques succès face aux bombardiers allemands, les "Defiant" survivants furent prudemment relégués à la chasse de nuit, et plus tard au remorquage de cibles. L'idée du "chasseur ne tirant que vers l'arrière et les côtés avait tout simplement fait long feu...

jeudi 1 septembre 2005

907 - les vilains canards

... lorsque l'on parle de l'Aviation dans la Seconde Guerre mondiale, il est de coutume de mettre en avant les formidables réussites que furent le P51 "Mustang", le Boeing B17, le Messerschmitt 109 ou encore le Supermarine "Spitfire".

L'étude des échecs, des "vilains canards" plus ou moins boiteux, est pourtant tout aussi instructive, et nous en apprend même souvent davantage sur l'état des techniques et des conditions politiques qui prévalaient à l'époque de leur naissance.

Dans les années 1930, le calcul avait déjà remplacé l'improvisation chez les avionneurs, en sorte que l'avion véritablement raté l'était d'abord et avant tout du fait d'un cahier des charges imprécis, irréaliste, contradictoire, ou carrément mal foutu.

Avec du temps, de l'énergie, et surtout beaucoup d'argent, on finissait malgré tout par faire voler les canards les plus impotents et même, dans certains cas, à les métamorphoser en aigles. Après tout, peu de gens auraient parié un pfennig ou un misérable penny sur le Focke-Wulf 190 ou le Hawker Typhoon, dont les premiers vols furent si décevants, et les premières mises en service si problématiques, qu'elles renvoyèrent durant de longs mois ces deux avions au hangar, et les ingénieurs devant leur planche à dessins.

Au fond, les avions, et particulièrement les avions de chasse, sont un peu à l'image des enfants. Il en existe, comme le Spitfire, qui paraissent si beaux et si doués à la naissance, qu'ils donnent l'impression que les dieux eux-mêmes se sont penchés sur leur berceau. Il en existe aussi, comme le Messerschmitt 109, dont les premiers pas laissent entrevoir un comportement rétif qui ne fera que s'aggraver avec le temps, ou d'autres, comme le P47 "Thunderbolt" qui ne seront jamais qu'énormes brutes dépourvues de finesse.

Certains se révèlent élèves médiocres mais appliqués, à l'image du Curtiss P40, alors que d'autres, comme le Fairey Swordfish, ne en vérité doivent leur diplôme qu'à l'absence de toute alternative à leur médiocrité. Certains sont déjà trop vieux à leur naissance, comme le Fiat CR42, alors que d'autres, comme le Messerschmitt 262, sont au contraire trop en avance sur leur époque, ou arrivent quand plus personne n'a besoin d'eux, comme le Hughes XF-11

Il en existe enfin dont l'allure et les débuts sont si étranges et si éloignés des attentes qu'ils plongent leurs géniteurs dans l'embarras, et les comptables dans le désespoir. Les premiers parce qu'ils se demandent comment ils parviendront à le faire voler, les seconds parce qu'ils ne savent pas qui payera la facture de ses multiples cours de rattrapage.

C'est à une évocation de ces mal-aimés que je vous invite tout au long du mois de septembre...