... considérer comme "canard boîteux" un avion qui fut produit à plus de 6000 exemplaires (!) peut à bon droit paraître excessif.
Le problème, c'est que cet avion - le bimoteur Messerschmitt 110 - ne dut son succès, et son palmarès, qu'à un changement radical de rôle et à l'absence d'une meilleure alternative.
Conçu comme chasseur lourd à long rayon d'action (Zerstörer), le 110 était en principe chargé d'escorter les formations de bombardiers allemands jusqu'à leur objectif. Jusqu'à la Campagne de France, et face à des adversaires inférieurs ou désorganisés, le bilan de l'avion fut conforme aux attentes de ses géniteurs.
Dans le ciel anglais en revanche, contre les "Hurricane" et "Spitfire" monomoteurs, le lourd et peu maniable 110 se retrouva à ce point handicapé et vulnérable qu'il fallut se résoudre à le faire escorter (!)
Le programme entier serait passé à la trappe si les bombardements britanniques ne lui avaient redonné, dès 1941, une nouvelle raison d'exister. Dépourvus de radar, les chasseurs monomoteurs allemands étaient en effet incapables, de nuit, de repérer et d'abattre les gros bombardiers anglais. Et quand les premiers radars embarqués devinrent enfin disponibles, leur encombrement et leur poids en interdisaient le montage sur un monomoteur, et leur maniement fort complexe l'utilisation par le pilote seul.
Ce constat sauva véritablement la mise au 110, suffisamment volumineux pour héberger un radariste supplémentaire en plus du pilote et du mitrailleur arrière, et suffisamment puissant pour enlever le tout et supporter le surpoids et la traînée des antennes.
De nuit, contre les lourds bombardiers anglais, le 110 retrouva son second souffle. La faillite de ses successeurs 210 et 410, conçus selon la même configuration et guère plus performants, lui permit même de reste en production quasiment jusqu'à la fin du conflit.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire