mercredi 29 février 2012

3281 - de l'importance de la première impression

... en cherchant à ménager la toujours si délicate "sensibilité asiatique", en acceptant le choix - tout sauf neutre - du site de Kaesong, et en supportant sans trop renâcler les multiples petites brimades et vexations que les Nord-Coréens, jour après jour, se plaisent à imaginer et à leur imposer, les Américains - Ridgway le reconnaîtra dans les années suivantes - ont péché par naïveté et se sont eux-mêmes placés dans la délicate position de celui venu solliciter les faveurs d'un supérieur.

Dans les jours, et surtout les mois, qui vont suivre, ils vont bien évidemment s'ingénier à "rectifier le tir", mais, comme c'est souvent "la première impression qui compte", celle-ci les a dores et déjà placés en bien fâcheuse position pour la suite.

Curieusement, si Chinois et Nord-Coréens manifestent un soin maniaque pour les détails les plus insignifiants - comme le nombre et les horaires des estafettes qui acheminent les messages vers et depuis Munsan-Ni (1) - ils se montrent beaucoup plus vagues sur le plan pratique.

A son retour de Kaesong le 4 août, soit après plus de trois semaines de palabres byzantins, l'amiral Joy n'a d'ailleurs strictement rien de concret à raconter à Ridgway, si ce n'est bien sûr l'édifiant compte-rendu des malheurs et des difficultés que ne cesse de rencontrer la délégation onusienne.

Furieux, l'ancien officier de paras met alors pour la première fois le poing sur ta table ou, plus exactement, décide de suspendre les pourparlers sine die et jusqu'à ce que Chinois et Nord-Coréens reviennent à de meilleurs sentiments et acceptent en particulier de démilitariser entièrement la zone des pourparlers...

(1) comme il n'était pas question d'héberger les délégués et tous leurs assistants, chauffeurs et accompagnateurs à Kaesong, les Nations-Unies avaient établi leur camp de base quelques kilomètres plus loin, à Munsan-Ni, en territoire sud-coréen.

mardi 28 février 2012

3280 - de l'importance d'être bien assis à table

... Kaesong, 10 juillet 1951

Le ton que Chinois et Nord-Coréens entendent donner aux pourparlers est clairement donné deux jours plus tard, à l'arrivée de la délégation officielle à Kaesong,... une délégation dont Washington vient tout juste de réaliser - mais trop tard - qu'elle ne serait accompagnée d'aucun journaliste accrédité par elle,... ce qui laissera donc à ceux soigneusement choisis par Pyongyang et Pékin tout le loisir de présenter cet événement à leur manière.

"Il n'y avait aucune atmosphère de neutralité", dira l'amiral Joy. "La ville de Kaesong était aux mains des Communistes. Leurs gardes armés infestaient la zone dévolue aux pourparlers (...) l'apparition de nos délégués dans des Jeeps arborant le drapeau blanc fut photographiée par la Presse asiatique comme une scène de reddition"

Et l'affaire ne va certes pas s'arranger par la suite puisque les Communistes ont vraiment mis les petits plats dans les grands pour convaincre le monde entier qu'en Corée, ce sont bel et bien eux les vainqueurs.

Alors que, sous les objectifs des photographes, l'amiral s’assoit pour la première fois à la table de Conférence - bien évidemment du côté Sud - il a la surprise de quasiment disparaître sous la table,... ses hôtes ayant pris soin de lui offrir une chaise "bien plus basse qu'une chaise standard" alors que son homologue nord-coréen, le général Nam-Il, par ailleurs bien plus petit que lui, dispose pour sa part d'une chaise "quatre pouces [10cm] plus haute que toutes celles autour de lui" (1)

Mauvais début

(1) ibid, page 39

lundi 27 février 2012

3279 - de l'importance de s'asseoir au Nord ou au Sud de la table

… Kaesong 8 juillet 1951

Le 8 juillet, une poignée d’observateurs, arrivés par hélicoptère, débarque donc à Kaesong.

Constamment encadrés par de fort inquiétants soldats nord-coréens en armes, ils se font aussitôt présenter les lieux, en ce compris la table destinée aux futures négociations, simple formalité qui donne cependant lieu à un incident a priori insignifiant mais ô combien révélateur des difficultés qui vont suivre.

Avisant la dite table, le colonel Kinney et ses acolytes s'assoient en effet du côté Nord de celle-ci,... ignorant que l’ancien protocole chinois dicte aux Mandarins de s’asseoir au Nord en contraignant leurs solliciteurs à prendre place du côté Sud !

Pour un Occidental, l’affaire prêterait assurément à sourire mais, chez les Nord-Coréens, le geste de Kinney jette immédiatement la consternation.

"Les Communistes étaient décontenancés et atterrés (…) à un point tel que leur officier de liaison se mit à bégayer en répondant à Kinney (…) Le 10 juillet [jour de la première rencontre officielle], cependant, les Communistes prirent leurs places en premier, et la délégation de l’amiral Joy accepta les sièges du côté Sud" (1)

Si les Américains entretenaient quelque espoir de parvenir rapidement à un accord, cette obsession constante des détails, et l’attitude tout aussi constamment menaçante des soldats nord-coréens, ne vont pas tarder à les faire déchanter...

(1) Chuck Downs, op cit, page 37

dimanche 26 février 2012

3278 - s'habituer au goût des couleuvres

… ce choix de Kaesong n’est évidemment pas anodin, car en plus du clin d’œil historique, c’est bel et bien le drapeau nord-coréen qui flotte sur cette ville qui, avant le déclenchement des hostilités, était... pourtant sud-coréenne puisque située quelques kilomètres au sud du 38ème Parallèle !

Quelle que soit le résultat des pourparlers - et même s’il n’y en a aucun - Kim Il-Sung est déjà en droit de se dire que ceux-ci auront au moins servi à proclamer le caractère désormais nord-coréen de cette ancienne capitale, ainsi que les gains territoriaux du Nord sur le rival du Sud.

Si Séoul a clairement saisi la manœuvre, Washington n’y voit pour sa part qu’une bien innocente volonté – si typiquement asiatique ! – de ne pas "perdre la face" : pour Truman, pour Ridgway (qui le regrettera par la suite), pour les Occidentaux en général (à l’exception notable de MacArthur), la signature d’un accord sur la Corée est bien plus importante que le lieu de cette signature… ou la couleur des stylos utilisés.

Et s'il faut avaler quelques couleuvres pour parvenir à cet accord, autant s’habituer tout de suite à leur goût puisque les Nord-Coréens, après avoir réussi à imposer Kaesong, vont maintenant prendre un malin plaisir à multiplier les exigences, à commencer bien sûr par les restrictions très strictes qu’ils vont imposer quant à la composition, la venue, l’hébergement et les déplacements des négociateurs menés, pour les Nations-Unies, par le vice-amiral Charles Turner Joy et, pour la Corée du Sud, par le général Paik Sun Yup..

samedi 25 février 2012

3277 - une timide ouverture

... Tokyo, 30 juin 1951

Arrières pensées ou non, et quelles qu’en soient ses limites, la proposition de Gromyko démontre au moins que l’axe Moscou-Pékin-Pyongyang n’est pas opposé à une éventuelle solution politique, ce qui, vu le complet blocage de la situation militaire, peut être interprété comme un premier succès.

Mais avant-même d’entrer dans le vif du sujet, de nombreux problèmes restent à résoudre… à commencer bien sûr par le choix de l’endroit où pourront se tenir ces négociations que chacun – non sans raison comme nous allons le voir – prévoit déjà longues et difficiles.

Le 30 juin, à Tokyo où il occupe désormais le fauteuil de MacArthur, Ridgway lance donc l’invitation officielle pour une rencontre qu’il se propose de tenir sur le Jutlandia, un navire-hôpital ancré hors des eaux coréennes et que le gouvernement danois, neutre dans ce conflit, est prêt à mettre à la disposition des belligérants.

La réponse des Chinois et des Nord-Coréens lui parvient 48 heures plus tard : si ces derniers sont d’accord pour une rencontre entre le 10 et le 15 juillet, il n’est déjà plus question du Jutlandia mais bien de Kaesong, ancienne capitale du Royaume de Corée.

Ce n’est que le début d’une incroyable succession de querelles byzantines…

vendredi 24 février 2012

3276 - "un armistice militaire intérimaire"

... Moscou, 27 juin 1951

Une fois débarrassée de l'obstacle MacArthur (11 avril), l'administration Truman s'était remise à envisager une solution négociée.

Mais par où commencer ? - Washington n'avait jamais eu de légation à Pyongyang et n'entretenait plus la moindre relation diplomatique avec Pékin depuis la fuite de Chiang Kaï Shek à Taïwan, deux ans plus tôt.

Heureusement, guerre froide ou non, l'ambassade des États-Unis à Moscou demeure ouverte : le 27 juin, l'ambassadeur Alan Kirk, peut donc discrètement s'entretenir avec Andreï Gromyko, ministre soviétique des Affaires étrangères.

"Gromyko, écrit-il dans son rapport à Truman, m'a indiqué qu'il considérait un cessez-le-feu comme un élément de ce qu'il a appelé un "armistice militaire intérimaire". Par là, il voulait dire que les belligérants se rencontreraient et concluraient un armistice qui inclurait un cessez-le-feu et qui serait strictement limité aux questions militaires sans la moindre référence aux considérations politiques ou territoriales" (1)

Bien sûr, poursuit Alan Kirk, une telle proposition n'est pas dénuée d'arrières pensées, puisque les Communistes pourraient profiter du répit offert par ce cessez-le-feu pour simplement "améliorer leur situation militaire", "espérer marquer des points en Corée du Sud par la subversion", ou encore "espérer qu'avec la cessation des hostilités, l'unité des États qui avaient soutenu une action collective en Corée se désintègre [attendu que] le coût du maintien de larges forces des Nations-Unies en Corée du Sud se révélerait de moins en moins attractif avec le temps" (2)

(1) Chuck Downs, "Over the line: North Korea's negotiating strategy", page 29
(2) ibid, page 30

jeudi 23 février 2012

3275 - trouver une issue

... fin mai 1951, après l'échec sanglant de la grande offensive chinoise sur la rivière Soyang, la Guerre de Corée, débutée onze mois auparavant est plus que jamais sans issue.

Sur le terrain, du général au simple soldat, et quel que soit son camp, chacun a désormais compris - et au prix du sang - qu'il lui est impossible de l'emporter avec les moyens que son gouvernement, malgré tout soucieux de limiter l'escalade et d'éviter un nouveau conflit mondial, est disposé à lui fournir.

La guerre étant désormais impossible à gagner, et de toute manière trop sérieuse pour être abandonnée aux militaires, c'est donc aux politiciens qu'il importe à présent de trouver une issue, c-à-d, et à défaut d'une Paix sincère et véritable, une solution négociée susceptible d'arranger tout le monde.

Plus facile à dire à qu'à faire tant les positions des uns et des autres sont plus que jamais irréconciliables...

C'est à cette tâche difficile que vont néanmoins s'astreindre quelques négociateurs intrépides, réunis pour l'occasion à quelques kms du 38ème Paralléle, et plus précisément dans la ville de Kaesong qui, à défaut d'autre chose, offre au moins l'avantage du symbole puisqu'elle fut pendant plusieurs siècles la capitale d'une Corée unifiée...

mercredi 22 février 2012

3274 - à l'aube du 7ème jour

... 21 mai 1951

Pendant six jours, les Chinois se sont acharnés au Sud de la rivière Soyang, et en particulier aux abords de la colline 1051 qui, labourée par des milliers d’obus, n’offre plus désormais qu’un spectacle lunaire.

Pendant six jours, les assauts ont succédé aux assauts mais, pendant six jours, chaque assaut a immédiatement été accueilli par un effroyable maelstrom de feu et de fer, déversé par des centaines de canons et de chasseurs bombardiers.

Le 20 mai, à l’aube du 7ème jour, les Chinois ont décidé de jeter l’éponge et d’arrêter les frais : même la si populeuse patrie du Grand Timonier ne peut en effet se permettre de gaspiller, sans résultat aucun, quelque 10 000 hommes... par jour !

Lorsque le silence retombe enfin sur la Soyang, les Chinois ont perdu plus de 65 000 fantassins, tués, blessés ou faits prisonniers, soit plus du tiers de leur effectif et… trente fois plus que leurs adversaires américains sur la même période !

Quels que soient son talent militaire et son désir de l’emporter, Peng Dehuaï doit se rendre à l’évidence : avec les moyens dont il dispose, et les seuls que Mao peut mettre à sa disposition, il n’existe tout simplement aucune possibilité de l’emporter en Corée et toute nouvelle offensive ne fera en vérité qu’alourdir le bilan matériel et humain sans changer quoi que ce soit à la situation sur le terrain.

Du reste, même un maoïste sincère comme Peng n’a pu s’empêcher de noter qu’au fil des semaines, et en dépit de toutes les menaces qui pèsent sur eux, ses soldats étaient de plus en plus nombreux à renâcler, et même à se constituer prisonniers, signes indubitables qu’il est grand-temps de passer à autre chose…

mardi 21 février 2012

3273 - le Massacre de mai

... rivière Soyang, 16 mai 1951

La Soyang est une rivière banale de plus, mais c’est là que passe la "Ligne Kansas" de défense alliée, et c'est là que les Chinois ont décidé de lancer leur nouvelle et grandiose offensive de printemps.

Une offensive de 120 000 hommes + 60 000 autres tenus en réserve, soit dix fois plus nombreux que leur principaux adversaires : ceux de la 2ème Division d’Infanterie américaine.

Comme toujours, cette offensive, débutée le 16 mai, va remporter quelques succès initiaux, en particulier à l’encontre des soldats du 23ème Regimental Combat Team (23 RCTI), menacés d’un complet anéantissement.

Mais malgré leur nombre et leur valeur individuelle, les soldats chinois ne sauraient l’emporter - a fortiori au beau milieu du printemps - face à la toute-puissance de l’Aviation mais aussi de l’Artillerie américaine.

De fait, lors d’une occasion appelée à entrer dans l’Histoire, cette Artillerie va, en l’espace de seulement 8 minutes, réussir à déverser la bagatelle de quelque 2 000 obus de 105 et 155mm aux abords de la colline 1051, où des troupes américaines sont retranchées...

lundi 20 février 2012

3272 - la montagne et la souris

... 29 avril 1951

Après une semaine de furieux combats, la grande offensive de plus d’un demi-million de Sino-Coréens n’a finalement accouché que d’une souris.

Lorsqu’ils se penchent sur les cartes, Mao et Kim peuvent certes affirmer que leurs troupes ont partout progressé de quelques kilomètres mais, sur le terrain, elles n’ont pu reconquérir Séoul et n’ont en réalité fait que s’emparer de quelques collines sans valeur,… avant de buter sur une nouvelle ligne défensive en tout point semblable à celle qu’elles venaient d’enfoncer.

Surtout, cette progression insignifiante s’est à nouveau effectuée au prix d’un effrayant gaspillage de vies humaines, évalué à plus d’une trentaine de milliers d’hommes, soit cinq à six fois supérieur aux pertes des Nations-Unies.

Mais les deux hommes ne sont certes pas prêts à renoncer : dans deux semaines, ils vont même lancer une nouvelle offensive en tout point semblable sur de nouvelles collines en tout point semblables mais situées cette fois dans le secteur de la rivière Soyang.

Une offensive qui, pour les mêmes raisons, aboutira au même résultat, soit à boucherie de plus, mais une boucherie cette fois si monstrueuse que les Occidentaux, par dérision, l’appelleront...

... le Massacre de mai

dimanche 19 février 2012

3271 - ... fait le bonheur des autres

... 25 avril 1951

Sur la colline 677, et en dépit de tous ses efforts, la Compagnie D de la Princess Patricia est bel et bien sur le point d'être submergée par les Chinois qui, depuis plusieurs heures, totalement indifférents à leurs propres pertes, donnent l'assaut vague après vague.

Et les Chinois sont désormais si proches que le Capitaine Mills, plutôt que de battre en retraite, doit à présent ordonner aux 25 pounders néo-zélandais de tirer sur ses propres positions, au risque évident de causer de gros dommages collatéraux chez les Canadiens eux-mêmes !

Les salves vont néanmoins se succéder jusqu'à l'aube, forçant au bout du compte les Chinois à renoncer.

Le retour de la clarté permet également le retour de l'Aviation, et donc le parachutage en extrême urgence de munitions par plusieurs C-119 américains puisque chacun, dans les rangs canadiens, s'attend à une reprise des combats dès la tombée de la nuit.

L'assaut, pourtant, ne viendra pas.

Mieux encore : les Chinois, épuisés par trois jours de lutte, se retrouvent à leur tour assiégés sur la colline 504 - cette même colline qu'ils ont conquise la veille - et finalement chassés de leurs positions par une contre-offensive américaine soutenue par les attaques incessantes de chasseurs-bombardiers...

samedi 18 février 2012

3270 - le malheur des uns...

... Ouest de la Kapyong, 24 avril.

Dans une guerre, le malheur des uns fait toujours le bonheur de quelqu'un d'autre... y compris dans le même camp.

Parlez-en donc aux Canadiens de la Princess Patricia, retranchés sur la colline 677 et qui, dans la nuit du 23 avril et tout au long de la journée du 24, ont assisté, en simples spectateurs attentifs, aux combats occupés à faire rage sur la colline 504, située juste en face de celle où ils se trouvent.

Ces 24 heures de répit que leur ont offert, encore que bien involontairement, leurs camarades du Royal Australian ont du moins permis aux Canadiens de peaufiner leurs propres positions défensives puisque personne parmi eux ne doute une seconde de voir les Chinois porter leur attention sur la 677 aussitôt après s'être emparés de la 504.

De fait, vers 22h00, les dits Chinois, nullement rassasiés, donnent l'assaut et sont aussitôt accueillis par les mitrailleuses et les mortiers canadiens judicieusement disposés.

Bien que les cadavres s'amoncelent de plus en plus sur les pentes escarpées de la 677, le commandement chinois ne renonce pas et continue d'expédier ses troupes à l'abattoir, tactique primitive qui, aux premières heures du 25, est néanmoins sur le point de porter fruit puisque plusieurs positions canadiennes ont bel et bien été emportées...

vendredi 17 février 2012

3269 - la chute de la colline 504

... Est de la Kapyong, 23 avril 1951

Pour assurer la défense de la Kapyong, l'État-major allié ne dispose - comme toujours - que de forces trop peu nombreuses pour pareil périmètre, ce pourquoi on se limitera - une fois de plus - à quelques collines isolées, en l’occurrence, respectivement à l'Est et à l'Ouest de la rivière, la colline 504, dévolue au Royal Australian, et la colline 677, occupée par les Canadiens de la Princess Patricia.

Même si Australiens et Canadiens pourront compter sur l'appui de 25 pounders néo-zélandais et sur quelques tanks Sherman américains, les effectifs engagés - moins de 3 000 hommes - n'en paraissent pas moins dérisoires en regard de la tâche à accomplir, ce pourquoi les futurs assiégés se sont-ils empressés, une fois rendus sur place, de creuser tranchées et abris aux endroits les plus névralgiques.

Sage précaution puisque les Chinois ne tardent pas à lancer leur offensive, concentrant tout d'abord leurs efforts sur la 504, qu'ils prennent d'assaut vers 21h30.

Comme toujours indifférents à leurs propres pertes, les hommes de Mao multiplient les attaques, en sorte qu'à l'aube, ils sont parvenus à s'infiltrer entre les différentes positions australiennes, ce qui n'empêche pas ces derniers de continuer à s'accrocher au moindre pouce de terrain.

Dans l'après-midi du 24, il est cependant clair que le Royal Australian ne résistera pas une nuit de plus, et qu'il lui faut donc évacuer les lieux et battre en retraite tant que c'est encore possible, une opération qui s'apparente bel et bien à une défaite, mais une opération qui a au moins le mérite de s'effectuer en bon ordre : à la nuit tombée, lorsque les Australiens font le décompte des pertes, leur Régiment ne déplore en effet que la disparition d'une centaine d'hommes...

jeudi 16 février 2012

3268 - partir, revenir...

... depuis le début de la guerre, les Occidentaux - Américains en tête - s'étaient toujours efforcés de mettre la ROK - l'armée sud-coréenne - à l'avant-plan, par souci raciste d'épargner la vie de soldats blancs, dira-t-on, mais aussi par volonté sincère, et au demeurant légitime, de faire participer les Sud-Coréens eux-mêmes à ce qui était après tout leur pays, et donc leur intérêt comme leur avenir.

Hélas, sur le terrain, cette volonté ne s'était guère traduite en résultats concrets: même équipés de matériel occidental moderne, et même appuyés constamment par des unités occidentales, leurs tanks et leurs chasseurs-bombardiers, les soldats sud-coréens n'avaient que rarement donné satisfaction.

Mal commandés, souvent analphabètes, engagés pour de mauvaises raisons et au profit d'un régime - celui du proaméricain Syngman Rhee - dans lequel la plupart ne se reconnaissaient pas, les soldats sud-coréens, lorsque confrontés à une attaque chinoise un tant soit peu résolue, avaient failli plus souvent qu'à leur tour.

Rien d'étonnant dès lors à ce que, le 22 avril 1951, leur dispositif en poste dans la Vallée de la Kapyong ait immédiatement volé en éclats lorsque deux divisions chinoises étaient passées à l'offensive, en début de soirée, conformément à la tradition.

Abandonnant derrière eux armes et équipements - qui, là encore conformément à la tradition, seraient aussitôt réutilisés par leurs vainqueurs - les Sud-Coréens s'étaient débandés en masse, forçant le commandement allié à réexpédier aussitôt vers Kapyong toutes les réserves disponibles, en l'occurence la 27ème Brigade du Commonwealth... soit cette même Brigade qui, quelques jours auparavant, avait cédé ses positions dans cette même Vallée à ces mêmes forces sud-coréennes à présent défaites !

mercredi 15 février 2012

3267 - un endroit merdique de plus

... Kapyong, 22 avril 1951

Pour les officers d'État-major, confortablement penchés sur leurs cartes, la Vallée de la Kapyong est un "endroit stratégique" - un de plus - sur la route de Séoul.

Pour les Australiens du 3ème Bataillon du Royal Australian Regiment, et pour les Canadiens du 2ème Bataillon de la Princess Patricia's Canadian Light Infantry, cette vallée n'est cependant qu'un endroit merdique de plus dans une guerre qui ne l'est pas moins.

Un endroit merdique de plus, où on va leur demander, une fois de plus, de se battre, et peut-être de mourir, pour la "Liberté" d'une Corée du Sud dont les soldats, une fois de plus paniqués par une nouvelle attaque chinoise, sont occupés, une fois de plus, à retraiter - pour ne pas dire à fuir - dans un ordre très relatif, c-à-d en abandonnant, une fois de plus, leurs armes et leur matériel derrière eux !

En tant que fantassins de la 27ème Brigade du Commonwealth (1), à qui le haut-commandement allié a ordonné de verrouiller la vallée, ils se doivent néanmoins d'obéir aux ordres, et si possible sans se poser de questions...

(1) en plus des Australiens et Canadiens, la 27ème Brigade comprenait également deux bataillons britanniques : le 1st Battalion Middlesex Regiment et le 1st Batallion Argyll & Sutherland Highlanders

mardi 14 février 2012

3266 - sans vainqueur possible

... la Bataille de la Rivière Imjin fut une victoire chinoise, mais aussi une victoire à la Pyrrhus qui, en tués, blessés ou prisonniers, coûta aux Chinois quelque 10 000 hommes, soit 10 fois plus que leurs adversaires occidentaux.

Bien que délogés des positions qu'ils occupaient sur quelques collines anonymes, Belges et Britanniques avaient néanmoins retardé la progression chinoise de près de 72 heures et, surtout, permis à leurs camarades de combat de constituer une nouvelle ligne de défense... sur d'autres collines en tout point semblables et tout aussi anonymes mais situées quelques kilomètres plus loin !

Pour les "Glosters" (1) britanniques, "leur bataille" - celle de la colline 235 - allait entrer dans les annales du Régiment et, affirmeraient-ils non sans raison, constituer le plus haut fait d'armes de l'Infanterie britannique lors de la Guerre de Corée.

Un fait d'armes sanglant - à lui seul, le Gloucester Regiment avait perdu 75% de ses effectifs, et plus de 500 de ses soldats étaient devenus hôtes involontaires des prisons de Mao - et un fait d'armes qui, hélas, ne changerait rien à une situation militaire à présent figée sur le terrain, sans vainqueur possible.

Ainsi en allait désormais la Guerre de Corée et, à quelques nuances-près, ainsi en serait-il d'une autre bataille, tenue au même moment sur le même Front.

Une bataille que les Canadiens, cette fois, considéreraient à leur tour comme un des plus hauts faits d'armes de leur propre Histoire militaire.

La Bataille de Kapyong

(1) surnom donné aux soldats du Gloucestershire Regiment

lundi 13 février 2012

3265 - les sacrifiés des collines sans nom

... comme à leur habitude, les Chinois ont décidé de profiter du couvert de la nuit pour lancer leur attaque qui, dans un premier temps, vise la colline 194 - celle des Belges - la seule située sur la rive nord de l'Imjin.

Sur le point d'être submergés, les Belges n'ont bientôt plus d'autre choix que de retraiter sur la rive opposée... que les Chinois ont également commencé à franchir afin de s'en prendre aux Fusiliers du Royal Northumberland qui, sur les collines 152 et 257, sont également contraints de battre en retraite.

Au matin du 23 avril, seule la colline 235, occupée par le Gloucestershire Regiment, est encore en mesure de barrer le passage aux hommes de Mao qui, toujours aussi indifférents à leurs propres pertes, repartent à l'assaut dès la nuit suivante,... sans parvenir pour autant à se rendre maîtres de la 235 et de ses irréductibles défenseurs.

Pour autant, la situation de ces derniers est de plus en plus dramatique puisque toutes les tentatives pour les secourir échouent lamentablement les après les autres : les Chinois, une nouvelle fois fidèles à leurs habitudes, ayant en effet installé de nombreux et fort efficaces barrages sur toutes les routes d'accès.

Au matin du 25 avril, après avoir repoussé une nouvelle attaque de nuit, les survivants de la 235, à court de munitions, n'ont plus d'autre choix, s'ils veulent échapper à la captivité, que de tenter un passage en force à travers les lignes chinoises, que peu d'entre eux parviendront cependant à franchir.

Au soir, alors que le silence retombe enfin sur ces collines sans nom, la 29ème Brigade a perdu plus d'un millier d'hommes - tués, blessés ou faits prisonniers - tous sacrifiés pour quelques kilomètres carrés de collines sans valeur...

dimanche 12 février 2012

3264 - mourir pour la "194" ou la "235"

... rivière Imjin, 22 avril 1951

Ironiquement, ce sont principalement les alliés - jusque-là fort discrets - des États-Unis qui vont faire les frais de cette nouvelle attaque chinoise dont le principal objectif est de reconquérir - pour la cinquième fois ! - la capitale de la Corée du Sud.

Ainsi, sur la rivière Imjin, les positions onusiennes sont-elles défendues par trois bataillons de la 29e Brigade d'Infanterie britannique, par ailleurs renforcés par le Bataillon belge de Corée (environ 700 hommes) du Lieutenant-colonel Albert Crahay, par des obusiers de 25 livres (87mm) et par quelques tanks Cromwell et Centurion

Comme presque toujours en Corée, le périmètre à défendre excède de très loin les moyens dont on dispose, ce pourquoi le commandement britannique, fidèle lui aussi à la "doctrine Ridgway", a choisi d'enterrer ses maigres forces - moins de 5 000 hommes - sur quelques collines de part et d'autre de la rivière.

Des collines considérées comme "défendables" mais hélas largement séparées les unes des autres, et des collines qui, comme presque toujours en Corée, ne sont identifiées que par un simple numéro sur une carte.

Ainsi, celle où se trouvent les Belges est la "194", et celle qu'occupent les hommes du Gloucestershire Regiment la "235"...

samedi 11 février 2012

3263 - l'Aube rouge

... s'ils espèrent voir Kim et Mao s'asseoir bientôt à la table des négociations, les soldats des Nations-Unies sont hélas loin du compte.

En fait, ils sont même sur le point d'assister à une nouvelle aube rouge puisque les intéressés, indifférents à leurs pertes antérieures, ont décidé de poursuivre la lutte, le premier parce qu'il refuse de renoncer à son rêve de réunifier la Corée sous sa seule autorité, le second parce qu'il craint le jugement et les quolibets du Grand Staline, lequel, début mars, a finalement consenti, bien que du bout des lèvres, à lui fournir des moyens aériens supplémentaires et, surtout, quelques milliers de camions dont l'armée chinoise - comme nous l'avons vu - a désespérément besoin pour acheminer soldats et ravitaillement du Yalu jusqu'au Front.

A la mi-avril 1951, alors que Douglas MacArthur, désormais déchu, est occupé à parader à Washington sous les vivats de foules en délire, plus de 500 000 Sino-Coréens sont quant à eux prêts à repartir à l'attaque au 38ème Parallèle et avec la ferme intention de reconquérir tout le terrain perdu au cours des semaines précédentes.

Mais si Peng Dehuaï et ses subordonnés, en dépit de tous les bombardements américains, ont pu recevoir le renfort de troupes fraîches, ils n'ont cependant pas encore eu le temps de réviser fondamentalement leur stratégie, en sorte que leur offensive va reposer, une fois de plus, sur l'usage massif de fantassins opposés à des adversaires certes moins nombreux mais disposant, une fois encore, d'une confortable supériorité en matière d'Artillerie et, surtout, d'Aviation...

vendredi 10 février 2012

3262 - ...and a dirty one

... aussi statique que la 1ère G.M. la Guerre de Corée est cependant infiniment moins sanglante... pour les Nations-Unies du moins, qui, grâce à leur Artillerie et leur Aviation sont en mesure d'infliger aux Sino-Coréens des pertes infiniment supérieures à celles qu'ils subissent de leur fait.

Pour autant, son relief apocalyptique, son climat souvent atroce, et l'absence totale de progrès sur le terrain aussi bien militaire que politique rendent cette guerre encore moins exaltante - si c'est encore possible ! - que la 1ère G.M.

C'est particulièrement vrai, du reste, pour les soldats américains.

Encore imprégnés de leurs chevauchées victorieuses en Europe et dans le Pacifique, ceux-ci s'accommodent fort mal de cette guerre quasi immobile, de cette "dirty war" interminable, où l'on patauge dans la boue du matin au soir sous une température infecte, où l'on combat un ennemi qui peut frapper à tout instant mais qui demeure le plus souvent invisible, se contentant, à intervalles réguliers, juste pour rappeler sa présence, d'expédier quelques obus ici et là, depuis une colline située juste en face, une colline comme il en existe des milliers, et une colline en tout point semblable, et donc aussi dépourvue d'intérêt, que celle où l'on se trouve.

Après Wonju, après Chipyong-ni, beaucoup parmi eux avaient pourtant espéré que les pertes infligées à l'adversaire, et surtout la disproportion de celles-ci, inciteraient le dit adversaire à se tenir tranquille et à chercher une solution négociée

Ils se trompaient...

jeudi 9 février 2012

3261 - a cheap war...

... pour amener Kim et Mao à négocier la Paix, il faut les convaincre qu'ils ne pourront remporter la Guerre.

Et puisque l'Amérique et ses alliés n'a aucune intention d'investir de gros moyens militaires en Corée, et encore mois d'étendre le conflit au-delà de ses limites actuelles, la "guerre de Ridgway" est une guerre à l'économie, une guerre cheap, où l'on se doit de minimiser les pertes en exploitant au maximum tous les avantages technologiques dont on dispose, à commencer bien sûr par l'Aviation, ses bombes et son napalm, seuls moyens de contrebalancer la supériorité numérique de l'adversaire.

Si on y ajoute le caractère particulièrement tourmenté du relief coréen, c'est aussi une guerre essentiellement statique, où de petites unités en constante liaison avec l'Artillerie et l'Aviation se retranchent les unes à côté des autres sur des dizaines de collines en tout point semblables pour y attendre l'arrivée de l'adversaire en espérant que celui-ci finisse par se lasser des obus et du napalm qu'on fait généreusement pleuvoir sur lui.

Comme aucune position isolée n'est néanmoins invulnérable, il peut arriver - et il arrive même fréquemment - qu'une colline particulière soit prise par l'ennemi, forçant alors ses défenseurs à retraiter sur une autre colline jusqu'à ce que l'Aviation, ou une contre-offensive terrestre, leur permette de revenir à leur point de départ.

C'est donc bel et bien, et comme le dénonçait MacArthur, une "guerre-accordéon", où le surplace n'est interrompu que par quelques brèves avancées et reculades dont l'amplitude, comme lors de la 1ère G.M., n'excède que rarement quelques kilomètres.

mercredi 8 février 2012

3260 - une bien plus modeste ambition

... contrairement aux espoirs que MacArthur pouvait entretenir, son limogeage ne va cependant pas entraîner la chute de Truman, encore qu'il n'est pas déraisonnable d'affirmer qu'il jouera un rôle dans la décision de ce dernier de ne pas se représenter aux élections de 1952 ni, surtout, dans la victoire des Républicains, et d'un autre général - Dwight Eisenhower - lors de ces mêmes élections.

Mais dans l'immédiat, la conséquence la plus directe, et la plus visible, est tout bonnement la nomination de Matthew Ridgway au poste de "Supreme Commander for the Allied Powers" (SCAP), c-à-d au poste que MacArthur occupait jusqu'au 11 avril.

Ne pouvant cumuler cette fonction avec le commandement opérationnel de la 8ème Armée, Ridgway va devoir céder celui-ci au général James Van Fleet, sans que ce changement se traduise véritablement sur le terrain, puisqu'en pratique, c'est bel et bien la "doctrine Ridgway" qui restera d'application jusqu'à la fin de la Guerre de Corée

Contrairement à celle prônée par MacArthur, cette manière de faire la guerre repose quant à elle sur un objectif politico-militaire extrêmement limité, puisqu'il n'est plus question d'abattre Kim Il-Sung et de réunifier les deux Corée ni, a fortiori, d'envahir la Chine et de réinstaller Chiang Kai-Shek à Pékin après avoir terrassé l'hydre communiste.

On se contentera au contraire de ce que l'on considère, à Washington, comme le minimum absolu, à savoir reconquérir tous les territoires sis au Sud du 38ème Parallèle - ce qui replacera la Corée dans la situation qui était la sienne jusqu'au printemps de 1950 - avant d'entamer des pourparlers de Paix avec Kim et Mao... une fois ceux-ci dûment contraints de se présenter à la table des négociations.

mardi 7 février 2012

3259 - "Les vieux soldats ne meurent jamais, ils ne font que s'éteindre"

... Washington, 19 avril 1951

Le moment de grâce finit toujours par passer, et l'émotion par retomber.

Dans les jours et les mois qui suivront sa démission, Douglas MacArthur, général à présent déchu, donnera quelques interviews et livrera sa version des faits, laquelle n'intéressera plus que les historiens.

Le 19 avril 1951, le grand homme va néanmoins donner un discours mémorable au Congrès, un discours où il sera ovationné à une trentaine de reprises, et un discours que chacun s'accorde, aujourd'hui encore, à considérer comme son ultime chef d’œuvre.

"Les vieux soldats, conclut-il après une demi-heure, ne meurent jamais, ils ne font que s'éteindre. Et comme le vieux soldat de cette ballade, je vais maintenant terminer ma carrière militaire et disparaître - un vieux soldat qui a essayé de faire son devoir puisque Dieu lui avait donné la lumière pour voir ce devoir. Au revoir".

Et de fait, à 71 ans, la carrière militaire comme politique de celui qui était devenu l'idole de toute l'Amérique est bel et bien terminée.

La Corée, elle, est à présent prête à s'engager dans une guerre bien différente de ce qu'il avait souhaité et tenté de mettre en œuvre...

lundi 6 février 2012

3258 - la fin d'une époque

... c'est peu dire que le congédiement de MacArthur va déclencher un tollé, non seulement en Amérique mais également au Japon, où 250 000 personnes descendent spontanément dans la rue pour assister à son départ.

A Hawaï, première étape de son exil, puis à San-Francisco, New-York et finalement à New-York, des millions de personnes quittent leur travail et se pressent pour le voir, ou du moins l'apercevoir, de très loin.

Comme prévu, la Presse se déchaîne immédiatement contre Truman : "rarement un homme aussi impopulaire a-t-il congédié un homme aussi populaire !", titre Time magazine.

Mais la réaction des éditorialistes est pourtant loin d'égaler en virulence celle des élus républicains qui, à la Chambre comme au Sénat, exigent la réintégration du grand homme et réclament une procédure d'impeachment contre Truman, que beaucoup vont jusqu'à soupçonner d'être à solde des Communistes.

Jamais sans doute l'Amérique n'a-t-elle été aussi proche d'un coup d'État que dans ces premières heures du retour de MacArthur.

Il s'en faudrait d'un rien, peut-être un simple mot ou un simple geste, pour qu'à Washington l'immense foule rassemblée pour l'accueillir ne donne l'assaut au Capitole et à la Maison Blanche...

dimanche 5 février 2012

3257 - précipiter l'annonce

... Washington, mercredi 11 avril 1951, 01h00

Si Truman a échafaudé un scénario fort élaboré pour annoncer le renvoi de MacArthur, les fuites dans la Presse vont néanmoins le contraindre à en précipiter l'annonce, laquelle va finalement prendre la forme d'une rapide communiqué à la Nation, diffusé par radio le mercredi 11 avril 1951, sur le coup d'une heure du matin.

Bien qu'improvisée, cette annonce officielle ne prend nullement MacArthur par surprise : régulièrement informé de la situation politique par ses nombreux contacts à Washington, le grand homme s'attendait depuis longtemps à pareille issue.

En fait, et depuis de longs mois, son comportement, et ses incessantes provocations relevaient tout bonnement de l'autodestruction. Et à ses amis qui lui conseillaient la prudence, l'intéressé se contentait de hausser les épaules et de déclarer, non sans superbe, qu'à 71 ans, et avec sa longue et incroyable carrière derrière lui, il ne craignait plus rien ni personne.

On peut même considérer que sachant cela, et aussi le fait que jamais au grand jamais on ne lui permettrait de mener son ultime et plus grandiose croisade contre la Chine, on peut même considérer que MacArthur avait lui-même mis tout en œuvre pour provoquer sa propre chute, et ce dans l'espoir qu'elle provoquerait, par contre-coup, celle de l'Administration Truman toute entière.

L'Histoire jugerait mais, dans l'immédiat, son renvoi, et les circonstances de ce renvoi, vont en tout cas lui donner le beau rôle...

samedi 4 février 2012

3256 - "La guerre est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux militaires",

... Washington, vendredi 6 avril 1951

"La guerre est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux militaires", affirmait Clémenceau, une opinion que partage entièrement Truman qui, le 6 avril, au lendemain de la lecture de la lettre de MacArthur à la Chambre, écrit : "MacArthur a lancé une autre bombe politique via Joe Martin (...) C'est la dernière goutte qui fait déborder le vase. Insubordination"

Et après avoir dressé la liste de tout ce qu'il lui reproche depuis de longs mois, le Président des États-Unis en arrive à l'inévitable : "J'en suis venu, écrit-il, à la conclusion que notre Grand Général d'Extrême-Orient doit être limogé" (1)

Reste néanmoins à passer à l'acte, et surtout à en assumer les conséquences, car si le Président n'a pas grand-chose à redouter du Pentagone et de l'État-major combiné - où le grand homme s'est fait bien trop d'ennemis - il en va tout autrement de l'opinion publique - toujours sous le charme du héros de la 2ème G.M. - et de l'Opposition républicaine, où l'intéressé a de nombreux supporters qui ne manqueront pas de surfer sur la vague d'indignation populaire que provoquera son renvoi.

En définitive, et quels que soient ses griefs, Truman donnerait n'importe quoi pour épargner à lui-même et à son parti ce qui s'annonce comme le combat le plus difficile et le plus controversé de son mandat.

Avec MacArthur, dira Truman, "la difficulté était qu'il voulait être le Proconsul, l'Empereur d'Extrême-Orient. Il avait oublié qu'il n'était juste qu'un général dans une armée aux ordres de son commandant-en-chef, le Président des États-Unis" (2)

(1) ibid, page 602
(2) ibid, page 605

vendredi 3 février 2012

3255 - "il n'y a pas de substitut à la victoire"

... Washington, 5 avril 1951

Une fois prise la décision de limoger MacArthur, quels que soient les - considérables - risques politiques encourus, ne reste plus qu'à trouver l'occasion favorable.

Celle-ci se présente le 5 avril, en pleine Chambre des Représentants, lorsque Joe Martin, leader de la minorité républicaine, et également supporter inconditionnel du grand homme, révèle publiquement la réponse de MacArthur à une de ses lettres dans laquelle il envisageait notamment - éternelle obsession du Parti Républicain - l'utilisation des troupes de Chiang Kaï Shek dans la lutte commune contre l'ennemi chinois.

Il s'agit, explique MacArthur dans sa réponse, "d'affronter une force avec une contre-force maximale, comme nous n'avons jamais manqué de le faire par le passé".

A ce titre, souligne-t-il encore, l'utilisation éventuelle de Chinois nationalistes "n'entre en conflit ni avec la logique ni avec cette tradition".

Arrive alors le moment de l'estocade finale : "si nous perdons la guerre contre le Communisme en Asie", écrit MacArthur, "alors la chute de l'Europe est inévitable; gagnons-la et alors l'Europe pourra plus que probablement éviter la guerre et préserver sa liberté. Comme vous l'avez [vous-même] souligné, il n'y a pas de substitut à la Victoire" (1)

(1) ibid, page 600

jeudi 2 février 2012

3254 - "C'est un acte majeur de sabotage !"

... aussitôt connu à Washington, le communiqué de MacArthur a fait l'effet d'une bombe.

"C'est un acte majeur de sabotage !", tonne Dean Acheson en présence de Truman.

"Je ne pouvais plus envoyer un message aux Chinois après cela", ajoutera-t-il. "Il [MacArthur] venait juste d'empêcher toute proposition de cessez-le-feu. J'avais envie de l'expédier immédiatement en Mer de Chine à coups de pieds"

Car de fait, comment Mao, qui se sait lui-même constamment raillé par Staline pour son incapacité à l'emporter en Corée, comment Mao pourrait-il accepter une quelconque proposition de Paix venant après une telle insulte faite à son pays ?

"Le communiqué avait propulsé la lutte entre le Président et le général à un nouveau niveau. À présent, il s'agissait de savoir qui était le commandant-en-chef. Le jour suivant, Truman rencontra ses principaux conseillers et toute idée de proposition de Paix fut abandonnée. Après cela, la question centrale ne fut plus s'il fallait ou non limoger MacArthur, mais bien quand" (1)

(1) ibid, page 600

mercredi 1 février 2012

3253 - la surenchère

... 24 mars 1951

Le 20 mars 1951, à Tokyo, un télégramme confidentiel a appris à MacArthur que l'Administration Truman, encouragée par les récents succès de Ridgway, s'apprêtait à lancer une initiative de Paix avec la Chine.

Une telle initiative ne pouvant que condamner à tout jamais son grandiose dessin, le général ne saurait évidemment rester sans réaction : quatre jours plus tard, alors qu'il effectue une nouvelle et brève visite sur le Front coréen, le grand homme se laisse donc aller à une nouvelle provocation.

"Plus importante que nos succès tactiques", proclame son communiqué, "a été la révélation que notre nouvel ennemi, la Chine rouge, à la puissance militaire si exagérément vantée, ne possède pas la capacité industrielle essentielle à la conduite d'une guerre moderne".

En y ajoutant l'incapacité de la Chine à contrôler le Ciel et la Mer, et son infériorité en matière de puissance de feu, la disparité est telle, poursuit le communiqué, "qu'elle ne peut être contrebalancée par la bravoure, aussi fanatique soit-elle, ou l'indifférence la plus totale à l'égard des pertes humaines" (1)

Dit autrement, la Chine est incapable de l'emporter face aux États-Unis et ce serait donc une impardonnable faute, pour ces derniers, de conclure un quelconque accord de Paix avec celle-ci...

(1) ibid, page 599