dimanche 30 novembre 2003

266 - amener des vaches au centre-ville

... début avril 1945, Berlin abritait encore plus de trois millions d'habitants, dont plus de 120 000 bébés et enfants en bas âge.

Lorsque le général Reymann, "commandant la zone de défense du Grand Berlin", demanda comment il allait bien pouvoir les nourrir, Hitler lui répondit... qu'il n'y avait tout simplement pas d'enfants de cet âge dans la ville (!)

Voyant une fois de plus son Führer échapper à toute réalité, le bon docteur Goebbels s'efforça de rectifier le tir, assurant - un mensonge éhonté de plus - que de grandes réserves de lait condensé était tenues en lieu sûr et ajoutant, avec le plus grand sérieux, qu'en cas de besoin, on pourrait toujours amener des vaches au centre-ville (!)

Reymann, stupéfait, lui demanda alors comment le Ministre de la Propagande du Reich entendait nourrir des centaines de vaches au beau milieu d'une ville déjà en ruines et qui serait bientôt soumise au pilonnage de l'artillerie soviétique.

Devant le silence de Goebbels, Reymann proposa alors d'au moins autoriser les femmes et les enfants à évacuer la capitale. Goebbels, pour ne pas laisser libre cours au défaitisme, lui rétorqua que cet ordre serait donné "au moment voulu".

Du reste, même s'il l'avait voulu, il ne restait de toute manière ni trains, ni véhicules, ni essence pour évacuer pareille masse de réfugiés, ni rien pour les nourrir en route, en supposant que l'on parvienne à résoudre le problème du transport.

Pour les Berlinois pris au piège, les portes de l'enfer allaient bientôt s'ouvrir...

samedi 29 novembre 2003

265 - le légalisme allemand

... pour comprendre l'échec de la Werwolf à susciter des actions de résistance dans les régions conquises par les armées alliées, on peut évidemment invoquer l'état d'épuisement de la population allemande, en guerre depuis 1939 (voire même 1936). Une population qui avait vu ses villes rasées et des millions de ses fils, frères, époux ou fiancés partir vers le Front pour ne jamais en revenir, et qui, en ce printemps de 1945, en était réduite, pour ne pas mourir de faim, à ramasser des faines dans les bois, et à découper en pleine rue les carcasses de tous les animaux abattus, en ce et y compris celles des pensionnaires du zoo de Berlin.

Mais au delà de cet épuisement, bien réel, il y avait d'abord, et avant tout, le légalisme quasi pathologique du peuple allemand, qui ne concevait pas davantage de se rebeller contre les nouvelles autorités d'Occupation qu'il ne s'était rebellé, de 1933 à 1945, contre les autorités nazies

"Nous autres Allemands, écrivit une communiste berlinoise, ne sommes pas une nation de partisans. Nous attendons les ordres de la hiérarchie".

Se rappelant la visite qu'elle avait effectuée en URSS avant l'arrivée au Pouvoir d'Hitler, en 1933, elle ajouta que les Russes qu'elle avait rencontrés à cette occasion ne manquaient jamais de railler le piètre esprit révolutionnaire des Allemands, affirmant notamment que "Les camarades allemands n'attaqueraient une gare qu'après avoir tous pris des billets de quai".

Cette considérable différence culturelle, cette obsession allemande pour la légalité, peut également expliquer, du moins en partie, la facilité avec laquelle fut mise en place la "Solution finale au problème juif", mais aussi le peu de résistance qu'opposèrent finalement à Hitler non seulement les communistes et anti-fascistes allemands, mais aussi la société civile dans son ensemble, et la quasi-totalité de la hiérarchie militaire qui, jusqu'au bout de l'absurde, restèrent fidèles à leur Führer...

vendredi 28 novembre 2003

264 - l'échec de la Werwolf

... lors de la Seconde Guerre mondiale, des millions de civils russes s'étaient retrouvés à l'intérieur de territoires désormais occupés par l'armée allemande. Et la propagande soviétique n'avait pas eu trop de mal à en convaincre un grand nombre d'entrer en résistance et d'opérer en petites unités de partisans, frappant les soldats et les intérêts allemands où qu'ils se trouvaient.

Dans une moindre mesure, et avec il est vrai beaucoup moins de propagande, de semblables actes de résistance s'étaient déroulés à travers toute l'Europe occupée, au sein de peuples aussi dissemblables que les Norvégiens, les Français ou les Grecs.

Pourtant, en Allemagne, malgré une organisation toute germanique et une propagande pour le moins intense, la Werwolf s'avéra un échec complet, qui ne toucha les soldats alliés que par de vagues rumeurs sans le moindre fondement réel.

Pour comprlendre cette divergence, on peut évidemment mettre en avant le fait que les Allemands, en guerre depuis 1939 et matraqués depuis des années par les bombardements Alliés, étaient simplement trop épuisés pour entrer en résistance.

Après tout, ni les Français, ni les Belges ni les Grecs n'avaient vu leurs villes rasées, leurs logements pulvérisés et leurs industries anéanties par des années de bombardements intensifs. Aucun d'entre eux n'avait eu à subir la conscription militaire ou paramilitaire de tous les hommes âgés de 15 à 55 ans, ni à pleurer leur mort, par millions, sur tous les champs de bataille d'Europe, de Russie ou du Proche Orient.

A la différence des Grecs, des Français, des Belges, qui pouvaient espérer et la Libération et la Revanche, les citoyens allemands, eux, n'aspiraient plus qu'en la Paix, tout simplement parce que, KO debouts, ils n'avaient plus la force de penser à autre chose.

Nonobstant, les citoyens russes avaient également, et pendant plusieurs années, eut à subir un nombre considérable de destructions et la mort de plusieurs millions de leurs fils, frères, époux ou fiancés : cela n'avait pourtant pas empêché nombre d'entre eux d'entrer en résistance contre l'occupant allemand, de rejoindre des unités de partisans, ni de mener des actions clandestines sur les arrières des troupes allemandes...

jeudi 27 novembre 2003

263 - de la théorie à l'absence de pratique

... si les autorités allemandes avaient décrété la création de la Werwolf - petites unités de partisans devant opérer à l'arrière des zones déjà occupées par l'ennemi - restait néanmoins à passer de la théorie à la pratique, et plus exactement à les organiser sur le terrain.

Des membres des Jeunesses hitlériennes furent ainsi réquisitionnés pour enterrer des armes, des explosifs, des postes de radio, à différents endroits, puis renvoyés chez eux dans l'attente du signal qui les "réveillerait" et les inciterait à passer à l'action.

D'autres reçurent une formation accélérée, censée leur apprendre à fabriquer des explosifs, à les placer dans tous les endroits possibles et imaginables, à tuer silencieusement les sentinelles alliées gardant les dépôts de carburant, ou à exécuter tous les "traîtres" qui collaboreraient avec les Alliés.

Pourtant, dans les faits, la Werwolf s'avéra un échec complet puisqu'on ne recensa guère que deux exécutions de "collaborateurs" (les maires d'Aachen et de Krankenhagen) et quelques tentatives d'intimidation, se limitant dans la plupart des cas à des inscriptions vengeresses hâtivement tracées à la craie par des adolescents apeurés.

De toute évidence, la propagande allemande avait échoué dans son objectif, et s'était avérée incapable de convaincre les citoyens de se lancer dans les opérations de résistance qui avaient pourtant fort bien réussis en URSS et même dans toute l'Europe occupée

Restait à savoir pourquoi.

mercredi 26 novembre 2003

262 - de la Volksturm à la Werwolf

... avec la Volksturm, ou milice populaire, Adolf Hitler avait décidé d'embrigader tous les hommes de 15 à 55 ans qui avaient jusque là échappé à la conscription obligatoire dans l'armée régulière.

Avec la Werwolf, unités de partisans laissés sur les arrières de l'ennemi, un pas supplémentaire fut franchi dans la logique de la guerre totale.

Cette fois, il ne s'agissait plus de constituer des unités paramilitaires qui s'opposeraient à l'avance des troupes alliées, mais bien d'organiser des mouvements de résistance qui continueraient à opérer à l'intérieur des territoires déjà conquis par l'ennemi.

Ayant appris, du moins en théorie, à manier les explosifs et les armes à feu, les membres de la Werwolf - civils revêtus d'habits civils - devaient opérer par groupes de trois à six hommes, et frapper l'ennemi - et en particulier ses dépôts de carburant - partout où ils le trouveraient.

Le 1er avril 1945, la radio allemande diffusa un appel enjoignant à tous les Allemands de se joindre à la Werwolf : "Chaque Bolchevik, chaque Anglais, chaque Américain se trouvant sur notre sol doit constituer un objectif pour notre mouvement. Tout Allemand, quels que soient sa profession et son rang, qui se met au service de l'ennemi et collabore avec lui sentira le poids de notre main vengeresse"

Ce à quoi l'inévitable et toujours aussi pâle Heinrich Himmler ajouta, quelques jours plus tard, que "tout individu mâle se trouvant dans une maison ou apparaît un drapeau blanc doit être fusillé. Par individu mâle devant être considéré comme responsable de ses actes, nous entendons quiconque est âgé de 14 ans et plus"

mardi 25 novembre 2003

261 - les armes du désespoir

... à mesure que l'armée rouge s'approchait de Berlin, la propagande du docteur Goebbels s'avérait de plus en plus impuissante à endiguer le désespoir des responsables allemands.

Puisque tout le reste, en ce compris la mobilisation des vieillards et des adolescents, avait échoué, pourquoi ne pas recourir aux Verzweiflungswaffen - les "armes du désespoir" - et en l'occurrence aux armes chimiques, produites par le centre de recherches de la Wehrmacht à Spandau ?

De fait, des quantités impressionnantes de gaz sarin et tabun étaient depuis longtemps tenues prêtes à l'emploi.

Mais, à l'instar des obus Röchling anti-béton, personne ne pouvait utiliser ces armes sans l'autorisation personnelle du Führer, ne serait-ce que par crainte qu'elles ne tombent malencontreusement aux mains de l'ennemi, qui se serait empressé de les retourner contre l'Allemagne.

Et comme personne ne tenait vraiment à être le premier qui demanderait cette autorisation au Führer, les stocks d'obus Röchling et de gaz de combat - dont on peut tout de même douter qu'ils aient pu changer le cours de la guerre - demeurèrent intacts jusqu'à la capitulation,... à la plus grande joie des vainqueurs de l'Allemagne, qui s'empressèrent de mettre la main dessus et de les rapatrier chez eux par wagons entiers...

lundi 24 novembre 2003

260 - accidents de travail

... lorsqu'ils finissaient par se retrouver dans les unités de première ligne, les anciens prisonniers de guerre russes n'étaient pas pour autant débarrassés des commissaires politiques.

"Chaque jour, écrivit un de ces derniers, j'ai passé deux heures à leur parler de la Mère Patrie, des atrocités des Allemands et de la loi concernant la trahison de la Mère Patrie. Nous les avons répartis dans différents régiments afin d'éliminer la probabilité que se retrouvent dans la même compagnie deux hommes qui aient pu être en Allemagne ensemble (...) Chaque jour et à chaque heure, nous nous tenions informés de leur moral et de leur comportement".

La paranoïa stalinienne était telle que chacun considérait que tout soldat russe fait risonnier par les Allemands ne pouvait qu'avoir été gravement influencé par la propagande antisoviétique, dont il importait de le purger de la manière la plus efficace et la plus radicale possible.

De cela, une balle ennemie pouvait évidemment se charger, mais aussi l'un quelconque des innombrables accidents qui, pendant toute la durée de la guerre, coûtèrent la vie à des dizaines de milliers de soldats russes, de l'empoisonnement par de l'alcool frelaté à l'hypothermie mortelle en état d'ébriété, en passant les "tirs amis" ou l'insuffisance de l'entraînement, notamment dans le maniement des armes.

"Un grand nombre de pertes opérationnelles"
, souligna un rapport du NKVD, sont dues à l'ignorance des officiers et au mauvais enseignement qu'ils prodiguent aux soldats. Dans une division, en un seul mois, vingt-trois soldats furent tués et soixante-sept autres blessés par des pistolets-mitrailleurs maniés avec imprudence et généralement entassés ou accrochés avec un chargeur plein encore engagé"

dimanche 23 novembre 2003

259 - les camps de rééducation

... dans les mois qui suivirent l'opération Barbarossa, des centaines de milliers de soldats russes s'étaient rendus aux armées allemandes, qui les traitèrent souvent fort mal.

Astreints au travail forcé dans des conditions inhumaines, considérés comme des bêtes de somme, certains jugèrent préférable de rejoindre directement les rangs allemands, où on les traitait moins mal et les nourrissait beaucoup mieux.

Devenus, plus ou moins volontairement, des "Hiwis", l'exécution sommaire comme "Traîtres à la Mère Patrie" était le sort le plus probable qui les attendait s'ils retombaient entre les mains de leurs compatriotes. Des dizaines de milliers d'entre eux payèrent ainsi de leur vie d'avoir fait "le mauvais choix"

Mais ceux qui étaient restés prisonniers des camps allemands ne tardèrent pas à se rendre compte que leurs "libérateurs" les traitaient en vérité avec la plus grande suspicion, partant du principe que leur moral et leurs idéaux communistes ne pouvaient qu'avoir été affectés par la fallacieuse propagande du docteur Goebbels.

Envoyés dans des unités de réserve, à l'arrière du front, ils furent soumis à d'intenses séances de rééducation par les hommes du NKVD et du SMERSH, puis renvoyés, toujours sous étroite surveillance de l'un ou l'autre commissaire politique, dans les unités de première ligne, où la mortalité élevée se chargea, mieux que tout autre discours patriotique, de réduire leur éventuel anticommunisme résiduel à très peu de choses...

samedi 22 novembre 2003

258 - l'archipel du goulag

... au 05 septembre 1944, plus d'un million de prisonniers des goulags avaient été incorporés dans l'armée rouge.

Souvent affectés au déminage ou dans les compagnies disciplinaires ("shtraf"), leur espérance de vie n'était évidemment guère élevée, ce qui explique sans doute pourquoi, au printemps 1945, le Comité de Défense de l'État jugea nécessaire d'ordonner de nouveaux transferts, offrant aux bagnards - avec un succès tout relatif - de racheter leurs fautes avec leur sang.

Comme cela ne suffisait pas encore, le même comité avait décrété, en octobre 1944, que les prisonniers de guerre russes devaient, à peine libérés des camps allemands, être immédiatement expédiés dans des unités de réserve, où ils étaient bien entendu interrogés par les hommes du NKVD et le SMERSH, lesquels se chargeaient, à leur manière toute personnelle, de leur redonner le goût du patriotisme et l'amour du Camarade Staline avant de les renvoyer dans les unités de première ligne.

Quand ils y arrivaient, souvent en mauvais état après des années de camps allemands suivies de semaines de "rééducation" soviétique, c'était pour découvrir que leur sort, loin de s'améliorer, promettait de devenir pire encore...

vendredi 21 novembre 2003

257 - sauver les ponts

... ayant fort subtilement regagné la confiance d'Hitler et la main-mise sur les opérations de destruction - ou plutôt de non-destruction - du tissu industriel et de communication allemand, Albert Speer s'en fut trouver le général Heinrici, successeur désigné du très pâle Heinrich Himmler à la tête du fantomatique "Groupe d'armée de la Vistule", et nouveau responsable de la défense de Berlin.

Heinrici étudia avec Speer les moyens de sauver autant de ponts et d'ouvrages d'art que possible,... mais sans entrer en rébellion officielle contre les "ordres personnels du Führer"

A un général qui se proposait de faire immédiatement sauter tous les ponts de Berlin pour obéir aux ordres, Speer demanda s'il croyait encore en la victoire finale.

Ne pouvant que répondre par la négative, Speer put alors le pousser à un compromis : ne détruire que les ponts se trouvant à l'extérieur de Berlin et sur la route directe de l'armée rouge, et laisser intacts ceux de la capitale....

jeudi 20 novembre 2003

256 - la journée des dupes

... bien qu'ayant accordé 24 heures à Albert Speer pour qu'il recouvre "la foi en la victoire finale", Adolf Hitler n'attendit même pas l'expiration du délai pour le reconvoquer à la Chancellerie du Reich.

"Eh bien ?", lui demanda Hitler

"Mein Führer, répondit Speer, bien décidé à mentir, je suis
inconditionnellement derrière vous"


Voyant Hitler, ému jusqu'aux larmes, lui serrer immédiatement la main à cette annonce, Speer décida de pousser son avantage :

"Mais il serait utile, ajouta-t-il, que vous reconfirmiez immédiatement mon autorité pour la mise en application de votre directive du 19 mars" [ordonnant la destruction de toutes les infrastructures industrielles et de communication allemandes]

Hitler accepta et signa une résolution précisant que toutes les décisions de démolition revenaient au ministre de l'armement, Albert Speer

Un ministre toujours aussi décidé à ne plus rien détruire du tout

mercredi 19 novembre 2003

255 - "il est impossible de nier l'espoir en la victoire finale"

... bien qu'ayant reçu, pour la deuxième fois, l'ordre formel d'Hitler de détruire l'ensemble des infrastructures industrielles et de communication allemandes, Albert Speer n'en poursuivit pas moins son discret travail de sabotage des "ordres personnels du Führer"

Au matin du 29 mars 1945, il entra en contact avec divers généraux, y compris Heinz Guderian, pour les persuader de l'aider à empêcher la mise en oeuvre des consignes d'annihilation hitlériennes.

Mais comme Von Manstein l'avait fait en 1942, lorsque confronté à la demande de sédition présentée par plusieurs officiers accablés par le désastre de Stalingrad, Heinz Guderian se contenta d'une prudente neutralité, tout en conseillant au ministre "de ne pas perdre la tête"

Quelques heures plus tard, Hitler, mystérieusement prévenu des manoeuvres de son ministre, le convoqua à nouveau, l'accusa de trahison, et lui demanda s'il pensait que la guerre pouvait être gagnée (!)

"Non", lui répondit Speer

"Il est impossible de nier l'espoir en la victoire finale !", rétorqua Hitler avant de demander à Speer de "se repentir et d'avoir foi", tout en lui laissant 24 heures pour la recouvrer...

mardi 18 novembre 2003

254 - le retour de l'Allemagne à l'âge de pierre

... le 20 mars 1945, Albert Speer, ministre de l'armement, reçut les ordres personnels du Führer quant à l'avenir de l'Allemagne : tous les moyens de communication, tous les moyens de transport, toutes les installations industrielles devaient être détruites immédiatement sur l'ensemble du territoire allemand, tandis que lui-même était relevé de ses fonctions et tous les ordres de préservation qu'il avait donné jusque là, annulés sur-le-champ.

Rentré à Berlin le 26 mars, il présenta sa démission à Hitler, qui la refusa.

Bien qu'officiellement "mis en congés", Speer, qui avait conservé le contrôle sur les dépôts de munitions et d'explosifs, parvint à empêcher les Gauleiters, de mettre les ordres d'Hitler à exécution.

Le 27 mars, ce dernier réitéra ses ordres, exigeant "la totale annihilation par explosifs, incendie ou démolition", de l'ensemble du système ferroviaire, de tous les moyens de transport, du téléphone, du télégraphe et de la radio.

Le retour de l'Allemagne à l'âge de pierre.

lundi 17 novembre 2003

253 - terre brûlée

... le 19 mars 1945, Hitler reprit à son compte la logique russe de la "terre brûlée".

Le matin même, Albert Speer, ministre de l'armement, avait tenté en vain de le persuader de ne pas ordonner la destruction des ponts et autres infrastructures vitales, attendu que cette destruction "éliminerait toute possibilité de survie ultérieure du peuple allemand".

"Si la guerre est perdue, lui rétorqua Hitler, le peuple lui aussi sera perdu et il n'est pas nécessaire de se préoccuper de ses moyens de survie élémentaires. Au contraire, il est mieux pour nous de les détruire. Car la nation s'est montrée faible et l'avenir appartient entièrement au vigoureux peuple de l'Est. Il ne restera, en tout cas, après la bataille, que les incapables, car les bons seront morts"

Après cette entrevue, Speer se rendit dans la Ruhr, pour s'efforcer de convaincre le maréchal Model de ne pas détruire tout le système ferroviaire allemand. C'est là qu'il reçut, le 20 mars 1945, les ordres personnels du Führer quant à l'avenir de l'Allemagne : tous les moyens de communication, tous les moyens de transport, toutes les installations industrielles devaient être détruites immédiatement sur l'ensemble du territoire allemand (!)

Speer lui-même était relevé de ses fonctions et tous les ordres de préservation qu'il avait donné jusque là, annulés sur-le-champ...

dimanche 16 novembre 2003

252 - l'Histoire n'est jamais qu'un éternel recommencement

... durant les derniers jours précédant la chute de Berlin, les services de renseignement américains se trouvèrent confrontés à ce qui constituait, pour eux, une véritable énigme : pourquoi l'armée rouge, qui savait la guerre déjà gagnée, s'entêtait à vouloir progresser le plus rapidement possible vers Berlin, en brûlant toutes les étapes et en sacrifiant par là même, au mépris de toute logique militaire, des dizaines de milliers de ses propres soldats qu'un minimum de patience et de préparation aurait pu sauver.

Pourquoi, se demandaient les stratèges américains, pourquoi les Russes ne prennent-ils pas le temps de souffler ? de regrouper leurs forces ? de faire venir des unités de réserve ? de procéder à des reconnaissances sérieuses du terrain, et à des déminages préalables ?

Pourquoi cette obstination à envoyer des soldats déjà épuisés vers une mort certaine, dans le seul but gagner quelques jours, voire quelques heures, en cette fin d'avril 1945 ?

Il y avait certes le "fatalisme slave", la crainte - infondée - de voir les anglo-américains arriver avant eux, et aussi le fait qu'en Russie, la vie humaine n'avait jamais valu grand-chose.

Il y avait surtout cette mystique incompréhensible à l'esprit par trop pragmatique des Américains : la mystique du 1er mai, jour sacré des communistes. Si les généraux russes acceptaient sans broncher des taux de pertes qui auraient fait radier n'importe quel général américain, si le gouvernement russe ne versait pas la moindre larme sur des chiffres qui auraient contraint n'importe quel gouvernement américain à démissionner, c'était tout bonnement parce que les généraux et le gouvernement russes tenaient plus que tout à voir le drapeau rouge flotter sur la capitale du Reich le jour du 1er mai 1945.

Trente ans plus tard, jour pour jour, à l'autre bout du monde, on verrait d'autres officiers de renseignement américains confrontés à ce qui constituait, pour eux, une véritable énigme: pourquoi l'armée nord-vietnamienne, qui savait la guerre déjà gagnée, s'entêtait à vouloir progresser le plus rapidement possible vers Saïgon, en brûlant toutes les étapes et en sacrifiant par là même, au mépris de toute logique militaire, des milliers de ses propres soldats qu'un minimum de patience et de préparation aurait pu sauver.

L'Histoire, ce n'est jamais qu'un éternel recommencement

samedi 15 novembre 2003

251 - poisson d'avril

... au printemps 1941, pour envahir l'Union soviétique toute entière, Adolf Hitler avait réuni 3 millions de soldats, 3300 tanks et 2258 appareils de combat

En avril 1945, pour s'emparer de la seule ville de Berlin, Joseph Staline fit réunir 2,5 millions de soldats, 41600 canons et mortiers, 6250 tanks et canons automoteurs, et... 7500 avions de combat (!)

Ses ordres donnés, il répondit à Eisenhower qu'il était fort satisfait de la décision de ce dernier de marcher vers le centre et le sud de l'Allemagne plutôt que sur Berlin, tout en l'assurant qu'à ses yeux, Berlin "avait perdu son ancienne importance stratégique" et ne constituait plus qu'un "objectif secondaire" ne requérant que la mobilisation d'une "partie minime" des forces armées soviétiques.

L'offensive principale, ajoutait-il, s'opérerait vers le Sud, pour
opérer la jonction avec les forces alliées, et débuterait "vers la deuxième quinzaine de mai".

Prudent, ou simplement ironique, le Petit Père des Peuples souligna néanmoins que "ce plan peut connaître certaines modifications, compte tenu des circonstances".

Nul ne sait si Joseph Staline appréciait véritablement les poissons d'avril, mais ce jour-là, 1er avril 1945, il adressa à l'Occident ce qui demeure sans doute le plus gigantesque poisson jamais emballé...

vendredi 14 novembre 2003

250 - "qui va prendre Berlin ?"

... le 31 mars 1945, les ambassadeurs des États-Unis et de Grande-Bretagne à Moscou se présentèrent au Kremlin pour y rencontrer Joseph Staline.

Parmi les documents qu'ils apportèrent au Petit Père des Peuples figurait le message SCAF-252 du général Eisenhower, décrivant avec force détails les projets alliés de faire porter l'essentiel de leur offensive vers le sud et le centre de l'Allemagne plutôt que vers Berlin.

Le maître du Kremlin se montra, on s'en doute, fort satisfait d'un pareil plan, mais ajouta qu'il ne pouvait répondre à Eisenhower avant d'avoir consulté son propre État-major, le lendemain.

Le lendemain, donc, Staline réunit ses deux champions, Koniev et Joukov, et demanda au général Chtemenko de leur lire un télégramme envoyé par un mystérieux officier de liaison de l'armée rouge opérant au sein du SHAEF allié.

Ce télégramme affirmait que Montgomery allait se diriger vers Berlin et que la Troisième armée du général Patton se détournerait de Leipzig et de Dresde pour attaquer elle-aussi la capitale du Reich (!) Un rapport tout aussi mystérieux de la Stavka affirmait même que les Occidentaux étaient occupés à mettre au point un parachutage massif de divisions aéroportées sur la ville, advenant un effondrement brutal du régime nazi...

"Qui va prendre Berlin ?, tonna Staline, nous ou les Alliés ?"
"C'est nous qui allons prendre Berlin !
, répondit immédiatement Koniev, et nous le ferons avant l'arrivée des Alliés !"
"Et comment allez-vous organiser vos forces pour y arriver ?
, s'enquit Staline
"Vous n'avez pas besoin de vous inquiéter, camarade Staline, répondit Koniev. Le front prendra toutes les dispositions nécessaires !"

Et Staline, fort content de lui, se dit qu'une fois de plus, il était arrivé à ses fins.

Les Berlinois l'apprendraient bientôt à leurs dépens.

jeudi 13 novembre 2003

249 - atteindre Berlin avant l'Ours soviétique

... en décidant de laisser aux seuls Soviétiques le soin de s'emparer de Berlin, fut-ce en le payant au prix fort, Dwight D Eisenhower ne faisait en vérité que reproduire fidèlement le raisonnement et la volonté que Franklin Delano Roosevelt, Président des États-Unis, avait encore rappelés à Yalta en février 1945

Pour les États-Unis, l'essentiel était la victoire finale sur les forces de l'Axe, étant bien entendu que l'on finirait de toute manière par s'entendre avec les Russes, dont on avait par ailleurs besoin pour continuer la guerre contre le Japon.

Eisenhower, tout comme Roosevelt, était avant tout soucieux d'économiser le plus grand nombre de vies américaines possibles, et ne parvenait donc pas encore à concevoir la Russie en tant que rival et ennemi potentiel.

Les Britanniques, Churchill en tête, était loin de partager ce bel optimisme. A la mi-mars 1945, Churchill avait encore rappelé qu'il espérait bien que "nos armées allaient avancer en rencontrant peu ou pas d'opposition et atteindre l'Elbe, ou même Berlin, avant l'Ours soviétique".

La réalité s'avérerait fort différente, au grand dam de tous les habitants d'Europe de l'Est...

mercredi 12 novembre 2003

248 - la crainte du "réduit alpin"

... fin mars 1945, à la stupéfaction des Britanniques, le général Dwight D Eisenhower décida de faire porter l'essentiel des efforts militaires alliés vers le centre et le sud de l'Allemagne plutôt que vers Berlin.

De fait, Eisenhower était convaincu qu'Hitler chercherait à replier ses armées vers la Bavière et l'Autriche, afin d'y constituer un "réduit alpin" et y poursuivre la lutte.

Surtout, la prise de la capitale du Reich ne représentait manifestement pas un objectif prioritaire pour le général américain. Dans ses mémoires, Eisenhower écrira d'ailleurs que si Berlin était "politiquement et psychologiquement important", ce n'était qu'à titre de "symbole" et que la ville ne constituait donc pas "l'objectif le plus logique ni le plus souhaitable".

En bon général américain, Eisenhower, qui craignait que la résistance allemande ne se renforce à mesure que ses troupes s'approcheraient de Berlin, était avant tout soucieux d'épargner la vie de ses soldats. Et en bon pragmatique, il ne voyait pas l'intérêt de les exposer "pour la gloire", pour la seule satisfaction de les voir planter la bannière étoilée sur le Reichstag à la place du drapeau rouge.

Après tout, la victoire était assurée et la guerre vivait ses dernières semaines. A quoi bon, dès lors, alourdir inutilement son bilan en s'emparant d'une capitale déjà réduite à un immense amas de ruines ? Des ruines que l'on se partagerait de toute manière, tel qu'il en avait été convenu à Yalta, un mois auparavant.

Puisque les Russes voulaient Berlin, et étaient prêts à y mettre le prix, pourquoi ne pas la leur laisser ?

mardi 11 novembre 2003

247 - perdre le moins de soldats possibles

... en ce début de mars 1945, le principal obstacle à l'arrivée des troupes anglo-américaines à Berlin n'était ni la résistance de plus en plus sporadique des soldats allemands épuisés, ni l'antipathie profonde qu'éprouvaient Patton et Montgomery l'un envers l'autre.

Le principal obstacle n'était autre que le chef suprême des armées occidentales lui-même. Le général Dwight D Eisenhower.

Depuis son entrée en fonction, Eisenhower n'avait cessé de jouer les arbitres entre les différents alliés placés sous son commandement, ménageant l'éternelle susceptibilité des Français, apaisant les rivalités entre Anglais et Américains, menaçant ici et cajolant par là.

Surtout, il n'avait cessé de vouloir mettre en pratique ce qui était devenu plus qu'un leit-motiv - une véritable obsession - chez tous les généraux américains depuis la fin de la guerre de Sécession en 1865: remporter la victoire, certes, mais en perdant le moins de soldats possibles dans ses propres rangs.

Face à un Joukov ou un Koniev, qui se souciaient comme d'une guigne de la mort de dizaines de milliers de soldats russes, et qui n'hésitaient jamais à en fusiller des milliers pour redonner la volonté de combattre aux autres, Eisenhower partait battu d'avance dans la volonté d'arriver le premier à Berlin

Le sort de l'Allemagne, et probablement de l'Europe d'après guerre, allait dépendre de ce simple constat.

lundi 10 novembre 2003

246 - le pont de Remagen

... le 7 mars 1945, à la stupéfaction générale, l'armée américaine s'empara du Pont de Remagen, le seul ouvrage d'art encore intact sur le Rhin.

Très vite, la Première armée américaine, sautant sur l'occasion, y fit traverser ses hommes et son matériel, provoquant un nouvel accès de fureur chez Adolf Hitler qui, comme à l'accoutumée, ordonna des "contre-attaques massives" et des "châtiments exemplaires" pour tous les militaires ayant failli à leur devoir envers le Troisième Reich.

Mais si la prise du Pont de Remagen donna un coup d'accélérateur aussi fabuleux qu'imprévu aux troupes anglo-américaines, elle raviva chez Joseph Staline l'angoisse de voir l'Union Jack ou la bannière étoilée flotter sur la capitale du Reich avant le drapeau rouge.

Le 8 mars, le Petit Père des Peuples convoqua donc le maréchal Joukov à Moscou, afin qu'il règle immédiatement les derniers détails de l'assaut final sur Berlin

Joukov s'exécuta avec sa célérité habituelle, travaillant la plus grande partie de la nuit, sans doute parce qu'il craignait lui aussi de voir les tanks de Patton ou de Montgomery défiler avant les siens sur Unter den Linden.

De fait, le général américain et le général anglais auraient été ravis de mettre leur antipathie mutuelle entre parenthèses afin de jouer un si bon tour à leur déjà fort encombrant allié soviétique.

Hélas, il leur fallait affronter un obstacle bien plus difficile que la Waffen SS ou les derniers tanks et avions allemands.

Cet obstacle s'appelait Dwight D Eisenhower

dimanche 9 novembre 2003

245 - la dernière visite au Front

...pour le docteur Goebbels, il importait d'abord et avant tout d'améliorer, ou du moins de maintenir, l'esprit combatif du peuple allemand, confronté à un ennemi de plus en plus proche.

Il fallait aussi le convaincre de la détermination du Führer à lutter jusqu'à la mort, et couper court à toutes les rumeurs affirmant son décès.

Le 13 mars 1945, Hitler et son cortège officiel partirent donc sur le front de l'Oder et rencontrèrent, près de Wriezen, les différents commandants du front de l'Est, tout spécialement convoqués pour l'occasion.

Mais ce qui devait favoriser les desseins propagandistes de Goebbels tourna à la catastrophe : tous les officiers présents furent en vérité abasourdis par l'état de santé d'Hitler qui, à 56 ans à peine, avait déjà l'allure d'un vieillard et marmonnait des propos incohérents

"Son visage", nota un des officiers présents, "avait la blancheur de la craie" et "ses yeux luisants rappelaient ceux d'un serpent"
De fait, c'est à peine s'il écouta le compte-rendu du général Busse, venu lui expliquer que son armée n'avait plus ni soldats, ni armes, ni matériels.

Ce fut le dernier déplacement d'Hitler, qui rentra à Berlin sans plus prononcer une seule parole, et réintégra le bunker de la Chancellerie, dont il ne devait plus sortir jusqu'à sa mort

samedi 8 novembre 2003

243 - l'air frais du Front

... alors que le bon docteur Goebbels continuait à parler de victoire finale sur les armées soviétiques, la population de Berlin, elle, était réquisitionnée pour installer et creuser des obstacles anti-chars dans la capitale du Reich millénaire.

Des dizaines de milliers de civils épuisèrent ainsi leurs dernières forces à ériger des obstacles qui n'impressionnaient guère les militaires allemands eux-mêmes.

"De toute la guerre,
déclara un officier d'État-major, je n'ai jamais vu un fossé anti-chars, que ce soit chez nous ou chez l'ennemi, arrêter une attaque de blindés".

Quant aux adolescents et aux vieillards de la Volksturm, ils avaient carrément vu l'armée régulière, après sa retraite de la Vistule, faire main basse sur le peu d'armes et de munitions dont ils disposaient.

C'est ainsi que sur les 113 hommes du bataillon 16/69 de la milice populaire, seuls 67 étaient en mesure de combattre, avec "trois sortes de mitrailleuses, dont des russes, un lance-flammes auquel manquait quelques pièces essentielles, trois pistolets automatiques de fabrication espagnole et deux cents vingt-huit fusils de six nations différentes".

Il en fallait pourtant bien davantage pour décourager la rhétorique nazie de "guerre totale". A Brandebourg, le Gauleiter local lança ainsi de vibrants appels à tous les membres du Parti nazi, les invitant à préférer "l'air frais du front au lieu des bureaux surchauffés"...

vendredi 7 novembre 2003

242 - le remplacement d'Himmler

... après avoir appris la disparition soudaine d'Heinrich Himmler, Heinz Guderian se précipita au quartier général de ce dernier, où on lui appris que le Reichsführer SS et commandant en chef du groupe d'armée de la Vistule était parti faire soigner sa grippe à la clinique d'Hohenlychen, à une quarantaine de kilomètres de là.

Guderian sauta sur l'occasion pour convaincre Himmler que ses nombreuses et trop lourdes responsabilités l'empêchaient en vérité de commander lui-même une armée déjà par trop fantomatique, et que cette tâche devait donc incomber à un officier d'active.

Himmler, totalement dépassé par la situation et ne cherchant qu'à sauver sa propre peau, ne demandait pas mieux, mais encore fallait-il convaincre Hitler que son "cher Heinrich" n'était décidément pas l'homme de la situation.

Une fois encore, ce fut Guderian qui se chargea de porter la mauvaise nouvelle au Monstre, lui suggérant de remplacer Himmler par le général Heinrici, commandant de la première armée blindée.

Hitler, qui avait lui-même nommé Himmler à ce poste moins de deux moins auparavant, n'accepta qu'avec réticence.

Et quand le général Heinrici se présenta pour prendre son commandement, Himmler le gratifia d'une des pompeuses harangues patriotiques dont il avait le secret... avant d'être interrompu par la sonnerie du téléphone.

Son interlocuteur, le général Busse, lui apprit alors que la route d'accès à forteresse de Kustrin venait juste d'être perdue. Sans se démonter, Himmler passa immédiatement le téléphone à Heinrici, lui déclarant que puisqu'il était désormais le nouveau commandant en chef, c'était maintenant à lui de donner les ordres.

Ce devoir patriotique accompli, Heinrich Himmler s'empressa de prendre la fuite...

jeudi 6 novembre 2003

241 - plus un pas en arrière

...le 28 juillet 1942, Joseph Staline avait rédigé l'ordre numéro 227. Cet ordre, plus connu sous son surnom de "plus un pas en arrière", rappelait que tout Russe qui se rendrait aux forces allemandes deviendrait un "traître à la patrie", et soulignait que les "lâches et les paniquards" devaient être "exécutés sur place"

De fait, rien qu'à Stalingrad, plus de 13 000 soldats russes furent ainsi fusillés "pour l'exemple", et un nombre plus considérable encore envoyés à la boucherie face à des Allemands qui les fauchaient à la mitrailleuse.

Début février 1945, Adolf Hitler avait repris la logique à son compte, ordonnant que "les tribunaux militaires [prennent] les mesures les plus trictes possibles, fondées sur le principe que ceux qui ont peur de trouver une mort honorable au combat méritent la mort des lâches"

L'ordre du jour du 09 mars 1945 institua pour sa part les "Fliegende Standgericht", ou courts martiales mobiles accélérées qui, en plus des juges militaires, comprenaient leur propre peloton d'exécution et ne manquèrent pas d'en faire grand usage sur les traînards, déserteurs et autres "défaitistes" allemands

Le 13 mars, Hitler fit également diffuser une autre directive, cette fois plus spécialement dédiée aux officiers de l'armée et aux cadres du parti national-socialiste. "Le premier des devoirs d'un chef militaire, y rappelait-il, est de fanatiser politiquement ses hommes, et il sera pleinement responsable devant moi de leur comportement national-socialiste".

Pour Heinrich Himmler, cette directive fut sans doute celle de trop. Sans en avertir quiconque, il abandonna son luxueux quartier général pour aller faire soigner sa grippe par son médecin personnel, 40 kilomètres plus loin...

mercredi 5 novembre 2003

240 - une vie paisible

... alors que tout s'écroulait autour de lui, Heinrich Himmler n'en continuait pas moins de mener une existence confortable dans la Reichsführerbaracke, construite tout spécialement pour lui et ornée de riches tapisseries et de porcelaines provenant des fabriques contrôlées par la SS

Aux soldats allemands couverts de boue et de vermine, qui n'avaient plus touché de solde depuis trois mois et plus pris de douche ni changé de sous-vêtements depuis quatre mois, le Reichsführer SS opposait une vie finalement paisible, à fortiori pour un homme censé combattre l'envahisseur soviétique avec la dernière énergie.

Malgré la débâcle générale, sa journée de travail ne commençait en effet qu'à 10H30, après un long bain, un passage entre les mains de son masseur personnel, puis un solide petit-déjeuner.

Et lorsqu'il partait se recoucher, nul n'avait l'autorisation de le déranger dans son sommeil, quelle que fut la situation militaire du moment ou l'importance des décisions à prendre.

Des décisions, Heinrich Himmler n'en prenait du reste aucune, se contenant d'approuver mollement les ordres du jour rédigés par ses subordonnés.

Mais quand il s'agissait d'expliquer les revers et la retraite constante des troupes, l'homme le plus craint et probablement le plus détesté d'Allemagne retrouvait toute sa superbe, éructant comme autant de leit-motivs les termes de "Kriegsgericht" - cour martiale - et "Standgericht" - cour martiale accélérée, et envoyant à la potence ou devant un peloton d'exécution des centaines, sinon des milliers, de soldats allemands, coupables d'avoir battus en retraite face à un adversaire infiniment supérieur en nombre, et donc d'avoir manqué de "force morale"

mardi 4 novembre 2003

239 - le boudoir d'une grande dame

... si les soldats allemands devaient non seulement affronter, presque sans munitions, leurs homologues soviétiques, et aussi composer avec la présence constante des poux et de la vermine (puisque n'ayant pas pris de douche ni changé de sous-vêtements depuis trois mois), les autorités nazies, elles, ne souffraient visiblement pas trop de la guerre et des restrictions.

Fin mars, Heinrich Himmler, Reichsführer SS et commandant du fantomatique "Groupe d'armées de la Vistule", s'était enfin décidé à abandonner son luxueux train privé - le Steiermark - pour installer son quartier général à 80kms de Berlin, en pleine forêt et à bonne distance des bombardements alliés

L'homme le plus craint d'Allemagne s'avérait en vérité un personnage timoré et fort soucieux de son confort personnel.

La Reichsführerbaracke, construite spécialement pour lui, était non seulement bien plus vaste, mais surtout beaucoup plus luxueusement meublée que les autres baraquements de son quartier général

"La chambre à coucher, nota l'un de ses officiers, était très élégante, meublée de bois rose, avec un tapis vert pâle. Cela ressemblait plus au boudoir d'une grande dame qu'au logement d'un chef militaire"

lundi 3 novembre 2003

238 - une catastrophe sanitaire

... en Silésie, en mars 1945, les combats étaient devenus si acharnés que les deux camps n'hésitaient pas à pendre ou à fusiller les moindres traînards, déserteurs, ou tous ceux manquant simplement du désir de mourir pour la patrie.

Mais si le moral des combattants soviétiques restait généralement élevé, celui des Allemands ne cessait de décroître.

Contrairement à ce qu'avait espéré le docteur Goebbels, le fait de devoir à présent se battre sur leur sol natal n'avait manifestement pas galvanisé les soldats allemands.

Il faut dire que les malheureux étaient littéralement au bout du rouleau. Confrontés au manque de munitions et à un adversaire très supérieur en nombre, ils devaient de surcroît s'accommoder de l'absence de solde depuis le début du mois de janvier, de courrier depuis Noël 1944,... et de toute douche ou sous-vêtement de rechange depuis le début du mois de décembre (!)

De fait, comme à Stalingrad deux ans plus tôt, nombre d'entre eux étaient littéralement couverts de poux et de vermine.

La situation était à peine meilleure côté russe, où les soldats crasseux et grouillant de vermine devaient également composer avec des dysenteries chroniques, quand ce n'était pas avec le typhus.

Encore ceux-là pouvaient-ils s'estimer heureux de pouvoir prendre, chaque mois, leurs trois douches réglementaires...

dimanche 2 novembre 2003

237 - "J'ai dû céder"

... à la chute de Dantzig, le piège se referma sur les Allemands de Poméranie.

Et surtout pour les Allemandes

Comme le déclara un commandant cosaque, les femmes allemandes étaient "trop hautaines" et il fallait donc "les chevaucher" même si elles "utilisaient leurs enfants pour se protéger" (sic)

"Des jeunes femmes, voulant à toute force échapper à l'attention des
soldats, se passaient de la cendre et de la suie sur le visage. Elles
se nouaient des foulards de paysanne tout autour de la tête, se
vêtaient de hardes dissimulant leur silhouette et prenaient des
démarches de vieilles femmes. Mais cela ne constituait pas toujours
une sauvegarde car bien des femmes âgées étaient également violées.
Les Allemandes avaient, en ces circonstances, créé une terminologie
particulière. Beaucoup disaient simplement "j'ai dû céder". L'une, par
exemple, précisait qu'elle avait "cédé" treize fois (...) Certaines
restaient en état de choc ou d'hébétude, d'autres se suicidaient"

samedi 1 novembre 2003

236 - la chute de Dantzig

... le 21 février 1945, alors que l'armée rouge s'approchait de plus en plus de Dantzig (aujourd'hui Gdansk, Pologne), la Kriegsmarine en évacua 51 000 réfugiés. Mais on semaine plus tard, on s'aperçut qu'il en restait au moins dix fois plus à extraire (!)

Le 8 mars, 34 trains à bestiaux remplis de réfugiés terrorisés quittèrent la Poméranie. Deux jours plus tard, le total des Allemands réfugiés des provinces de l'Est fut évalué à 11 millions de personnes.

Alors que les derniers bâtiments de la Kriegsmarine s'efforçaient de retarder l'avancée des blindés soviétiques sur Dantzig, les chasseurs-bombardiers russes écrasaient sans distinction objectifs civils et militaires, et particulièrement les zones portuaires où s'entassaient les réfugiés dans l'attente d'un improbable navire.

Les blessés étaient mitraillés sur leurs civières, de même que des milliers de femmes et d'enfants, qui préféraient affronter la mitraille que tenter de se mettre à l'abri,... et donc de perdre leur place dans les interminables files d'attente.

Le 26 mars, Gottenhaffen tombait aux mains de l'armée rouge, qui s'y livra à une telle orgie de pillages et de viols qu'elle choqua même les autorités soviétiques.

"Le nombre d'incidents hors des normes", déclara pudiquement le service politique de l'État-major, s'accroît ainsi que celui des actes d'immoralité et de crimes militaires. Il existe au sein de nos troupes une tendance hautement regrettable et politiquement négative qui pousse certains officiers et soldats, sous le prétexte de revanche, à se livrer au pillage et à commettre des abus au lieu de remplir de façon honnête et désintéressée leur devoir envers la Mère Patrie".

Le 28 mars, Dantzig tombait à son tour