... durant les derniers jours précédant la chute de Berlin, les services de renseignement américains se trouvèrent confrontés à ce qui constituait, pour eux, une véritable énigme : pourquoi l'armée rouge, qui savait la guerre déjà gagnée, s'entêtait à vouloir progresser le plus rapidement possible vers Berlin, en brûlant toutes les étapes et en sacrifiant par là même, au mépris de toute logique militaire, des dizaines de milliers de ses propres soldats qu'un minimum de patience et de préparation aurait pu sauver.
Pourquoi, se demandaient les stratèges américains, pourquoi les Russes ne prennent-ils pas le temps de souffler ? de regrouper leurs forces ? de faire venir des unités de réserve ? de procéder à des reconnaissances sérieuses du terrain, et à des déminages préalables ?
Pourquoi cette obstination à envoyer des soldats déjà épuisés vers une mort certaine, dans le seul but gagner quelques jours, voire quelques heures, en cette fin d'avril 1945 ?
Il y avait certes le "fatalisme slave", la crainte - infondée - de voir les anglo-américains arriver avant eux, et aussi le fait qu'en Russie, la vie humaine n'avait jamais valu grand-chose.
Il y avait surtout cette mystique incompréhensible à l'esprit par trop pragmatique des Américains : la mystique du 1er mai, jour sacré des communistes. Si les généraux russes acceptaient sans broncher des taux de pertes qui auraient fait radier n'importe quel général américain, si le gouvernement russe ne versait pas la moindre larme sur des chiffres qui auraient contraint n'importe quel gouvernement américain à démissionner, c'était tout bonnement parce que les généraux et le gouvernement russes tenaient plus que tout à voir le drapeau rouge flotter sur la capitale du Reich le jour du 1er mai 1945.
Trente ans plus tard, jour pour jour, à l'autre bout du monde, on verrait d'autres officiers de renseignement américains confrontés à ce qui constituait, pour eux, une véritable énigme: pourquoi l'armée nord-vietnamienne, qui savait la guerre déjà gagnée, s'entêtait à vouloir progresser le plus rapidement possible vers Saïgon, en brûlant toutes les étapes et en sacrifiant par là même, au mépris de toute logique militaire, des milliers de ses propres soldats qu'un minimum de patience et de préparation aurait pu sauver.
L'Histoire, ce n'est jamais qu'un éternel recommencement
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