mercredi 30 septembre 2015

4580 - pas question de renoncer !

... Guadalcanal, 14 novembre 1942, 23h00

Car malgré la perte du Hiei, les Japonais n'ont pas renoncé !

Ayant dans l'intervalle reçu le renfort de quatre croiseurs, le Kirishima se représente en effet en Baie de Savo dans la nuit du 14 novembre... pour y tomber à présent sur les deux plus récents cuirassés américains Washington et South Dakota !

Cette fois, la puissance de feu est très nettement à l'avantage des Américains qui à 23h15, ouvrent le feu à 15 000 mètres sur le premier navire japonais qui se présente, en l’occurrence le croiseur léger Sendai

Mais les Japonais réagissent avec autant de vigueur que de rapidité : en quelques minutes, les quatre destroyers d'escorte américains sont mis hors de combat tandis que le South Dakota, victime d'un court-circuit majeur, se retrouve sans électricité durant plusieurs minutes,... et illuminé par la lueur des destroyers en flammes.

Les Japonais en profitent aussitôt : le Kirishima, mais aussi les croiseurs Atago et Takao, font bientôt pleuvoir les obus de 356 et 203mm sur le cuirassé américain, le touchant à une trentaine de reprises !

Victime de plusieurs incendies, radars et conduites de tirs hors de combat. le South Dakota est en fâcheuse posture et finirait peut-être par succomber si son jumeau Washington, dont les Japonais ignorent la présence, ne se décidait à intervenir...

mardi 29 septembre 2015

4579 - la baie au fond de ferraille

... Guadalcanal, 13 novembre 1942, 01h50

Mais cette fois, l'approche des deux cuirassés japonais n'est pas passée inaperçue !

Pour y faire face, le contre-amiral Daniel Callaghan - qui va trouver la mort dans les minutes qui vont suivre - a disposé les cinq croiseurs et les huit destroyers dont il dispose par le travers du Savo Sound que chacun, pour d'évidentes raisons, rebaptisera bientôt Ironbottom Sound, c-à-d "baie au fond de ferraille".

Les Japonais, on le sait, sont passés maîtres dans les combats de nuit, et si les Américains disposent quant à eux de radars de plus en plus nombreux, et de plus en plus performants, ils les maîtrisent pour l'heure encore assez mal, en sorte que la bataille qui s'ensuit s'avère particulièrement confuse : chacun tirant pour ainsi dire sur tout ce qu'il aperçoit - ou croit apercevoir - sur ses écran ou au travers de ses télémètres.

Au final, ce sont néanmoins les Japonais qui, vers 02h30 décident de jeter l'éponge et de battre en retraite, une retraite qui s'avère hélas catastrophique pour le Hiei qui, gravement endommagé aux machines et à la barre, se traîne à cinq nœuds et s'avère quasiment ingouvernable

Dès l'aube, devenu une proie facile pour l'aviation américaine, le malheureux cuirassé est pourchassé, bombardé sans discontinuer, et finalement abandonné par son équipage, et sabordé, dans la soirée.

Au bilan de cet engagement, et au prix de deux croiseurs et quatre destroyers, les Américains sont parvenus non seulement à repousser les Japonais, mais aussi à couler - pour la première fois - un de leurs cuirassés.

Et l'affaire n'est pas encore terminée...

lundi 28 septembre 2015

4578 - les derniers succès

... 13 octobre 1942

Et dans la nuit du 12 au 13 octobre 1942, signe de l'hyperactivité des vieux cuirassés de la Marine impériale, les Haruna et Kongo font ainsi pleuvoir un véritable déluge d'obus de gros calibre sur le terrain d'Henderson Field, y détruisant une quarantaine d'appareils avant de reprendre le chemin de leur base sans être inquiétés.

Deux semaines plus tard, à l'est de Guadalcanal, tous les quatre participent encore, quoique dans un simple rôle de soutien,  à la Bataille des îles Santa Cruz, qui se traduit par la destruction du porte-avions Hornet, et par de sévères dégâts à l'Enterprise.

Pour l'Amiral Yamamoto, et au strict ratio des pertes infligées ou subies, cette bataille est une grande victoire, que l'on fête dignement le 1er novembre suivant,... sur le pont du Yamato, toujours paisiblement ancré dans le lagon de Truk

Mais c'est aussi une victoire à la Pyrrhus, puisque les porte-avions Zuiho et Shokaku ont également été endommagés dans cette affaire, et n'ont à présent d'autre choix que de reprendre la route du Japon pour s'y faire réparer durant de longs mois.

Le 10 novembre, les Hiei et Kirishima appareillent à leur tour de Truk vers Henderson Field, avec l'intention d'y répéter le raid mené le 13 octobre par leurs deux jumeaux.

Ce sera leur dernier voyage...

dimanche 27 septembre 2015

4577 - déjà sur la touche

... des douze cuirassés dont dispose à présent la Marine impériale japonaise, les quatre Kongo sont les plus anciens, mais aussi - et en dépit des multiples améliorations dont ils ont fait l'objet - les plus vulnérables aux bombes, aux torpilles... ou - et comme nous allons le voir - aux obus d'autres cuirassés.

Pourtant, en cet été de 1942, ils sont toujours, et de loin, les plus utilisés, ce qui peut s'expliquer par leur vitesse d'environ 30 nœuds - idéale pour accompagner des porte-avions ou mener des raids-éclairs - mais aussi par le fait qu'à la différence du Yamato, leur éventuelle perte au combat ne constituerait pas une tragédie.

Petit à petit, la trajectoire de ce dernier est d'ailleurs en train de s'aligner sur celle de cet autre "super-cuirassé" qu'est le Tirpitz allemand, que ses propriétaires rechignent eux aussi à faire sortir de sa tanière par peur de le perdre (1).

De fait, et alors que la Bataille de Guadalcanal fait rage sur Terre comme sur Mer, le Yamato se contente pour sa part de regarder des navires bien plus anciens et moins puissants que lui entrer et sortir du lagon de Truk.

A l'équipage désœuvré, les officiers parlent parfois du manque de mazout, de munitions, ou encore de l'étroitesse des passes et de la faible profondeur des eaux - au demeurant fort mal connues - des îles Salomons, qui justifieraient donc l'emploi intensif des vieux Kongo, il est vrai 40 mètres plus courts et au moins 30 000 tonnes plus légers...

(1) Saviez-vous que... Coulez le Tirpitz !

samedi 26 septembre 2015

4576 - le lagon bleu

... Hashira-Jima, 10 août 1942

Sur le Yamato, toujours ancré à Hashira-Jima, la victoire de l'île Savo est naturellement fêtée comme il se doit.

Mais pour l'Amiral Yamamoto, cette victoire doit avant tout servir de tremplin, et de relance, à la Marine impériale toujours sous le coup du désastre de Midway.

Pour ce faire, il importe de reconquérir Guadalcanal au plus vite, en y expédiant un corps expéditionnaire qui devra bien entendu être protégé par un imposant dispositif naval, comprenant notamment le Yamato qui, le 17 août, quitte le Japon à destination de la grande base aéronavale de Truk (1) où il arrive le 28, après avoir échappé aux torpilles d'un sous-marin américain en maraude.

A Truk, et pour les huit prochains mois, le super-cuirassé va devenir à la fois le navire-amiral, mais aussi le quartier-général de la Flotte combinée, laquelle comprend notamment les quatre "cuirassés rapides", et ex croiseurs de bataille, de la classe Kongo qui, contrairement à lui, n'ont cessé d'être sur la brèche depuis le début de la guerre et, à ce titre, mériteraient bien un peu de repos.

Un repos que l'Amirauté n'est pourtant pas prête à leur offrir...

(1) comme toutes les îles Caroline, l'atoll de Truk, était devenu japonais après la défaite allemande de 1918

vendredi 25 septembre 2015

4575 - Watchtower

... Guadalcanal, 7 août 1942

Début juillet, des reconnaissances aériennes menées au-dessus de la grande île de Guadalcanal (Salomons) ont révélé que les Japonais, malgré leur défaite de Midway un mois plus tôt, ont entrepris la construction d'un aérodrome susceptible de menacer la côte nord-est de l'Australie.

Pour les Américains, et en particulier pour l'Amiral Ernest King, chef des Opérations navales, il est essentiel de leur couper au plus vite l'herbe sous le pied, en lançant sur Guadalcanal un débarquement qui marquera également le coup d'envoi de la vaste campagne de reconquête du Pacifique.

Le 7 août, l'Opération Watchtower débute donc par l'arrivée de la 1ère Division de Marines qui, prenant les Japonais par surprise, débarquent sur l'île (1) puis s'emparent, sans grandes difficultés, de l'aérodrome, bientôt rebaptisé Henderson Field (2) 

Mais les Japonais sont bien décidés à réagir et à chasser ces intrus au plus vite : dans la nuit du 8 au 9 août, les sept croiseurs du vice-amiral Gunishi Mikawa surprennent la flotte de soutien alliée au large de l'île de Savo et, rompus au combat de nuit - à la différence de leurs adversaires - expédient promptement par le fond les croiseurs américains Astoria, Quincy et Vincennes, et l'australien Canberra, entraînant du même coup le départ précipité des cargos occupés à décharger le matériel et le ravitaillement des Marines qui, durant plusieurs semaines, vont ainsi se retrouver livrés à eux-mêmes...

(1) ainsi que sur celles, voisines, de Florida, Gavutu, Tulagi et Tanambogo
(2) en hommage au major-aviateur du corps des Marines Lofton Henderson, abattu à Midway en juin

jeudi 24 septembre 2015

4574 - du "super cuirassé" au... "super-porte-avions"

... 5 août 1942

Le 5 août 1942, deux mois après la défaite de Midway, le super-cuirassé Musashi est à son tour admis en service.

Avec son jumeau Yamato, la Marine impériale japonaise dispose à présent d'une puissance de feu sans équivalant dans le petit monde des cuirassés, mais aussi, et hélas pour elle, d'une puissance de feu largement inutile et, surtout, beaucoup trop vulnérable.

Car l'avenir - chacun en est bien conscient - appartient désormais aux porte-avions, qu'il convient donc de construire en grand-nombre, ne serait-ce que pour remplacer les quatre perdus à Midway

En conséquence, tous les plans de construction  de Yamato et "Super-Yamato" sont définitivement annulés et, à Yokosuka, les ouvriers entreprennent la conversion en porte-avions de l'immense coque du Shinano, dont la construction avait été interrompue en décembre 1941, à moins de 50% d'achèvement.

Avec ce futur "super-porte-avions" de quelque 70 000 tonnes - donc deux fois plus gros que ceux dont disposent les Américains ! - l'Amirauté espère reprendre rapidement l'initiative dans le Pacifique, mais comme le mieux est souvent l'ennemi du bien, les multiples hésitations quant au rôle et aux missions dévolues à ce nouveau bâtiment vont singulièrement en retarder la sortie...

mercredi 23 septembre 2015

4573 - la dictature de l'arithmétique

... eussent-ils été vaincus à Midway, les Américains auraient - peut-être - recherché la "solution négociée" espérée par les dirigeants japonais avant-même le début de la Guerre du Pacifique.

Mais vainqueurs, il n'est plus question de "négocier" quoi que ce soit, ce qui signifie que cette guerre que le Japon voulait courte va se poursuivre longtemps encore, et probablement au-delà de ce que l'archipel est en mesure de soutenir.

Le pays est pourtant loin d'être défait : sa Marine, en particulier, dispose toujours de davantage de cuirassés et de porte-avions opérationnels que n'en possède l'US Navy, mais son industrie n'est déjà plus capable de compenser les pertes ni, surtout, de rivaliser avec les chantiers navals américains qui lanceront bientôt un porte-avions lourd... par mois !

On ne peut rien contre l'arithmétique : de décembre 1941 à août 1945, la Marine impériale japonaise va ainsi construire ou convertir 10 nouveaux porte-avions lourds ou légers (1), mais seuls six d'entre eux réussiront à entrer en service - parfois sans le moindre avion à leur bord ! - avant la Capitulation

Dans le même temps, l'US Navy va lancer la construction d'une cinquantaine de porte-avions (2), et en mettra une trentaine en service...

Mais dans cette guerre désormais entièrement vouée aux porte-avions, que faire du Yamato ? que faire de son jumeau Musashi sur le point d'entrer en service ? Et, surtout, que faire de son autre jumeau Shinano, dont la construction, débutée en mai 1940, est encore loin d'être terminée ?

(1) ainsi que deux étranges hybrides "cuirassés porte-avions" 
(2) ce chiffre ne prend pas en compte les dizaines de "porte-avions d'escorte" construits aux États-Unis sur la coque de cargos convertis

mardi 22 septembre 2015

4572 - le début de la descente aux enfers…

… 4 juin 1942 

La Bataille de Midway, qui excède le cadre de la présente chronique (1), va donc mettre en présence deux forces à peu près égales, et se solder au final par une large victoire des Américains qui, le 4 juin, et après une longue suite de coûteuses déconvenues, réussissent finalement à couler les quatre porte-avions de l’Amiral Nagumo (2) en ne perdant eux-mêmes que le Yorktown

Et au moment où Nagumo, réfugié sur le croiseur Nagara, donne le signal de la retraite vers le Nord-Ouest, le super-cuirassé Yamato, mais aussi les Mutsu et Nagato qui l’accompagnent, se trouve encore à plus de 500 kms de lui, c.-à-d. dans l’incapacité de lui offrir la moindre assistance ! 

A 02H55, le 5 juin, l’Amiral Yamamoto, dont les choix tactiques ont précipité le désastre, n’a alors plus d’autre choix que de donner le signal "l'opération Midway est annulée" qui consacre la victoire américaine. 

Le 14 juin, le plus gros cuirassé du monde réintègre donc piteusement son mouillage de Hashira-Jima sans avoir tiré un seul coup de canon.

Pour lui, mais aussi pour l’ensemble de la Marine impériale japonaise, c’est déjà le début de la descente aux enfers… 

(1) à ce sujet : Saviez-vous que... 666 à 676
(2) à l'aube du 6 juin, l'aviation embarquée américaine exécuta encore le croiseur lourd Mikuma, et transforma son jumeau Mogami en un tel amas de ferrailles qu'il dû passer les deux années suivantes dans un chantier naval.

lundi 21 septembre 2015

4571 - de l'art de galvauder son avantage

… mais - premier problème - les porte-avions Shokaku et Zuikaku sont revenus très éprouvés de leur bataille en Mer de Corail (1), en sorte qu’ils ne seront pas disponibles à la date prévue alors que, chez l’adversaire, le porte-avions Yorktown, que les Japonais sont convaincus d’avoir coulé ou du moins très sévèrement endommagé lors du même affrontement, sera réparé en moins de 72 heures par les ouvriers du chantier naval de Pearl Harbor.

A 8 porte-avions contre 3, le rapport de forces est encore très largement favorable au Japon sauf que - deuxième problème - l’opération prévue parallèlement aux Aléoutiennes va requérir les services des porte-avions Ryujo et Junyo, ainsi que le soutien de 4 cuirassés et 5 croiseurs. 

Enfin, et dans un souci – au demeurant louable – de dissimuler autant que possible l’ampleur exacte des forces destinées à Midway, l’Amiral Yamamoto a également décidé – troisième problème – de les disperser très largement sur l'océan, en sorte qu’au final, lorsqu’il se présentera devant Midway, l’Amiral Nagumo ne disposera en réalité que de quatre porte-avions seulement.

Côté américain, et après avoir longuement soupesé le pour et le contre, l’Amiral Fletcher a pour sa part décidé de se passer des cuirassés Pennsylvania, Tennessee et Maryland qui, bien que remis en état après l’attaque du 7 décembre, sont bien trop lents – à environ 21 nœuds – pour l’opération de "hit and run" qu’il se propose de mener.

Car, malheureusement pour les Japonais – et quatrième problème – les services de décryptage américains ont largement deviné leurs intentions, en sorte que les porte-avions Hornet, Enterprise et Yorktown sont déjà en route vers Midway alors les Japonais les croient encore au port (2) 

(1) du 4 au 8 mai 1942, cette bataille entraîna, côté japonais, la perte du porte-avions léger Shoho et, côté américain, celle du porte-avions lourd Lexington 
(2) l’affaire n’est pas sans évoquer la Bataille du Jutland de 1916, lorsque la flotte allemande de l’Amiral Scheer était tombée nez à nez avec toute la Grand Fleet britannique, également informée de ses intentions

dimanche 20 septembre 2015

4570 - l'excès de complications

… jusqu'ici, les stratèges japonais hésitaient entre deux grands axes : vers le Sud et l'Australie, ou vers l'Est, en direction d'Hawaï

Mais après le raid sur Tokyo, la décision de l'Amiral Yamamoto est prise : pour mettre le Japon à l'abri de nouvelles attaques, il faut s’emparer des Îles Aléoutiennes, au nord-est, et, à l’est, du minuscule atoll de Midway, qui, comme son nom l'indique, se trouve situé à mi-chemin entre la côte Ouest des États-Unis et le Japon. 

Mieux vaudrait évidemment s’en prendre directement aux îles Hawaï mais, pour l’heure, et avec une Infanterie japonaise déjà largement éparpillée en Chine et dans tout l’Extrême-Orient, Midway fera un objectif d’autant plus acceptable qu’il ne manquera pas d’inciter ce qui reste de la Flotte américaine du Pacifique – et en particulier ses précieux porte-avions – à se porter à son secours, offrant ainsi à la Marine impériale la possibilité de l’écraser en une seule bataille décisive, exactement comme elle l’a fait en mai 1905, à Tsushima, au détriment de la flotte russe du tsar Nicolas II.

Pour ce faire, Yamamoto a conçu un plan extraordinairement compliqué à coordonner et mettre en œuvre, mais qui peut schématiquement se résumer ainsi :

* une première force, menée par l'Amiral Hosogaya, attaquera l'archipel des Aléoutiennes, ce qui, en toute logique, détournera l'attention des Américains de l'objectif principal : l'atoll de Midway.

* L'Amiral Nagumo, vainqueur de Pearl Harbor, attaquera ensuite Midway, ce qui, toujours en toute logique, poussera les Américains à faire sortir de Pearl Harbor tous les bâtiments qui leur restent

* postée en embuscade derrière les forces de Nagumo, la force principale, menée par Yamamoto lui-même, n'aura plus alors qu'à fondre sur l'imprudente armada américaine, et à l’anéantir sous les obus de ses puissants cuirassés, et en particulier sous ceux du Yamato

Et sur le papier, avec 16 croiseurs lourds et légers contre 8, 10 porte-avions contre 2, et 11 cuirassés contre 3, l’affaire parait facile…

samedi 19 septembre 2015

4569 - la première mission de guerre

... Hashira-Jima, 29 mai 1942, 06h00

Bien que matériellement insignifiant, ce raid ce raid sur Tokyo va pourtant inciter le Japon à rappeler de toute urgence en métropole des navires et des unités de chasse alors occupés à conquérir le Pacifique, ce qui va ainsi soulager quelque peu les troupes alliées qui s'efforcent désespérément de les contenir. 

Mais cela ne peut suffire !

Pour le Haut-Commandement, il faut en effet venger l'affront porté au pays et à son Empereur, et donc réviser entièrement les plans de conquête - et notamment celle de l’Océan Indien - en bouleversant une stratégie qui jusqu'ici avait pourtant fait ses preuves 

Pour mettre le Japon, et l'Empereur, définitivement à l'abri d'un nouveau raid américain, l'Amiral Isoroku Yamamoto - celui-là même qui a conçu et imposé l'attaque contre Pearl Harbor – est à présent résolu à lancer une opération aéronavale si vaste et surtout si complexe qu’elle va, contre toute logique militaire, le forcer à disperser largement ses forces et à galvauder ainsi l'avantage numérique dont il dispose.

C'est dans le cadre de cette opération - qui sera sa première mission de guerre - que le super-cuirassé Yamato appareille d'Hashira-Jima à l'aube du 29 mai

vendredi 18 septembre 2015

4568 - le grain de sable

… au large de Formose, 18 avril 1942 

Sur la passerelle du porte-avions Akagi, qui remonte majestueusement vers le Nord, l’Amiral Chuichi Nagumo a toutes les raisons d’être satisfait : après leur succès de Pearl Harbor, en décembre de l’année précédente, et après leur fructueuse campagne dans le Pacifique durant les trois premiers mois de 1942, ses navires viennent en effet de balayer toute opposition dans l’Océan Indien, coulant au passage le porte-avions Hermes et les croiseurs Cornwall et Dorsetshire, et forçant l'Eastern Fleet britannique à peine reconstituée après le désastre de Kuantan à chercher refuge jusqu’en Afrique de l’Est ! 

Pourtant, une nouvelle incroyable va bientôt radicalement modifier son humeur : Tokyo vient d’être bombardée ! 

De toute la vitesse dont ses navires sont capables, Nagumo cingle aussitôt vers le Japon où l'Amiral Nobutake Kondo, qui vient tout juste de mouiller à Yokosuka avec la 2ème flotte, reprend aussitôt à la mer, bientôt imité par son homologue de la 1ère flotte, Shiro Takasu, qui appareille quant à lui d'Hiroshima avec quatre cuirassés. 

Mais les Américains, qui ont remis le cap sur Hawaï depuis plusieurs heures, sont déjà bien trop loin pour les uns et les autres, en sorte que les griffes de la Marine impériale ne se referment que sur le vide. 

Sur le plan matériel, les résultats de ce raid sont insignifiants – la plupart des Tokyoïtes ne s'en sont même pas rendus compte – et la vie de l’Empereur, ce dieu vivant, n’a jamais été menacée 

Mais l’affaire démontre néanmoins que les Américains, contrairement à ce que l’on pouvait espérer, ne sont nullement disposés à jeter l’éponge et à rechercher une paix négociée, ce qui, en soi, est déjà une très mauvaise nouvelle...

jeudi 17 septembre 2015

4567 - Thirty seconds over Tokyo

… Île d’Hashira-Jima, 27 mai 1942 

Le 27 mai 1942. soit cinq mois après sa mise en service, le Yamato, ancré près de l’île d’Hashira-Jima (1), est enfin déclaré opérationnel. 

Cinq mois de tests et d’entraînements, qui ont permis de remédier à divers défauts, et de mesurer les forces, mais aussi les faiblesses, de ce bâtiment totalement hors-normes puisque quasiment deux fois plus gros que les Nagato et Mutsu ancrés non loin de lui. 

Cinq mois passés fort loin d'une guerre toujours à l’avantage du soleil levant qui, volant littéralement de victoires en victoires, s’est emparé de Guam (10 décembre 1941), de Hong-Kong (25 décembre), des Indes néerlandaises (01 avril 1942), mais aussi de Singapour (15 février), des Philippines (6 mai) ou encore de la Birmanie (fin mai) 

Mais le 18 avril, alors que tout semblait se dérouler de la meilleure manière possible, un événement totalement inattendu est pourtant venu rebrasser les cartes : Tokyo a été bombardée par une quinzaine de bimoteurs B-25 "Mitchell" qui, de façon incroyable, ont réussi décoller du pont du porte-avions Hornet, lui-même parvenu à quelque 1 000 kms des côtes japonaises avant d’être repéré (2)... 

(1) Baie d’Hiroshima
(2) Saviez-vous que...30 Secondes sur Tokyo

mercredi 16 septembre 2015

4566 - déjà irremplaçable

... Kure, 16 décembre 1941

En ce matin du 16 décembre, et après quatre ans de travaux, le super-cuirassé Yamato vient enfin d'être admis en service.

Avec 9 canons de 460mm, 12 de 155mm, 12 de 127mm AA et 24 de 25mm AA, il est - et de loin - le plus puissant cuirassé du monde, mais aussi un bâtiment... qui n'a plus aucun adversaire à affronter !

Car après Pearl Harbor, et après Kuantan, plus aucun cuirassé allié n'est susceptible de se dresser sur sa route avant longtemps ! 

Dans le Pacifique, Américains et Britanniques disposent encore de nombreux croiseurs, et même de quelques porte-avions, mais les uns et les autres sont trop rapides pour lui, et les seconds de toute manière bien trop précieux pour être exposés à pareil risque.

Et ironiquement, cette crainte est réciproque ! Car même si le Yamato est 50% plus lourd que ne l'était le défunt Prince of Wales, et même s'il bénéficie à ce titre d'une meilleure protection contre bombes et torpilles, l'affaire de Kuantan démontre que plus aucun cuirassé n'est désormais à l'abri.

Surtout, et à l'instar du Bismarck allemand, le Yamato est devenu la fierté du pays tout entier, et l'incarnation-même de sa puissance, en sorte que sa destruction éventuelle ne manquerait pas d'être vécue comme un drame national.

Dans les mois à venir, l'absence de rivaux potentiels, mais aussi la volonté de préserver coûte que coûte un navire déjà irremplaçable, vont donc se conjuguer pour tenir le Yamato très loin des combats qui ravagent le Pacifique...

mardi 15 septembre 2015

4565 - Sur mer, et face à l'avion, il n'y plus rien d'invincible...

... Kuantan (Malaisie), 10 décembre 1941

A la bombe et à la torpille, et avec une facilité déconcertante, les bimoteurs japonais vont ainsi envoyer par le fond deux des plus grosses unités de la Royal Navy, et en particulier un cuirassé ultra-moderne que les Britanniques n'étaient pas loin de considérer comme invincible.

Sur mer, et face à l'avion, il n'y plus rien d'invincible...

A Pearl Harbor puis à Kuantan, soit en moins de 48 heures, et au prix d'une quinzaine d'appareils seulement, l'Aviation japonaise a donc réussi à couler ou à sérieusement endommager dix cuirassés et croiseurs de bataille alliés, soit... le même nombre de navires que possède la Marine impériale !

Pour le Japon, c'est une grande victoire, que les aviateurs fêtent d'ailleurs comme il se doit, ainsi qu'une immense et légitime source de fierté, ressentie à travers tout l'archipel.

Mais pour pour les marins japonais, et en particulier pour les responsables de l'Amirauté qui jusqu'ici ne juraient que par les cuirassés et "super-cuirassés", et qui avaient englouti une véritable fortune dans l'entre-deux-guerres afin de moderniser les premiers et construire les seconds, c'est une très mauvaise nouvelle !

Car la preuve est désormais faite que même en mer, même doté des plus épaisses plaques de blindage possibles, et même équipé d'une artillerie antiaérienne moderne, le cuirassé n'est plus en mesure de se défendre seul contre une poignée d'aéronefs simplement menés par des pilotes déterminés.

A quoi bon dès lors persister dans la construction de pareils dinosaures ?

Et à quoi bon mettre en service le plus puissant et le plus récent d'entre eux ?

lundi 14 septembre 2015

4564 - une nouvelle page d'Histoire

... Singapour. 8 décembre 1941, 04h00

A quelques milliers de kms de là, mais de l'autre côté de la ligne de changement de date (1), les premières bombes japonaises s'abattent également sur Singapour où, sur ordres de Winston Churchill, le cuirassé Prince of Wales et le croiseur de bataille Repulse sont arrivés quelques jours plus tôt pour une mission de "dissuasion" (2) qui, à l'évidence, n'a nullement... dissuadé les Japonais de partir en guerre !

Dans l'après-midi, ne pouvant décemment retraiter vers l'Australie, et craignant de subir un nouveau Pearl Harbor s'il reste mouillé dans la rade, l'Amiral Tom Phillips décide d'appareiller vers le Golfe de Thaïlande, et plus précisément vers Singora, où un important débarquement japonais est en cours.

Mais repérée la nuit suivante, la petite escadre britannique, qu'on appelle désormais la Force Z, est contrainte de faire demi-tour et se retrouve, à l'aube du 10 décembre, au large de Kuantan (Malaisie) où un nouveau débarquement japonais - celui-là imaginaire - a été signalé

Peu avant midi, les bâtiments britanniques - qui ne bénéficient d'aucune protection aérienne - sont repérés, puis attaqués en plusieurs vagues successives, par une petite centaine de bombardiers-torpilleurs japonais partis de Saïgon.

Des avions qui, en moins de deux heures, vont écrire une nouvelle page d'Histoire et, sans le vouloir.... condamner le super-cuirassé Yamato, toujours amarré à Kure...

(1) 7 décembre 1941 et 10h00, heure de Pearl Harbor
(2) Saviez-vous que... Le Drame de Kuantan

dimanche 13 septembre 2015

4563 - une formidable réussite opérationnelle

... Pearl Harbor, 7 décembre 1941, 07h53

A 07h53, à Honolulu, les premières bombes et torpilles japonaises s'abattent sur Pearl Harbor.

Et les résultats ne se font pas attendre  puisqu'en quelques minutes, le corps de bataille américain est proprement anéanti : éventré par deux bombes de 800 kilos, le cuirassé Arizona éclate comme une grenade et sombre aussitôt dans la rade; l'Oklahoma chavire; le California, le Nevada et le West Virginia sont gravement endommagés et s'échouent sur le fond.

Et si le Pennsylvania, le Tennessee et le Maryland s'en tirent avec des dégâts somme toute mineurs - mais qui vont tout de même les tenir immobilisés durant trois mois - trois croiseurs et plusieurs destroyers sont également détruits ou fortement endommagés, de même que près de 200 avions stationnés sur le terrain d'Hickam Field. !

Lorsque l'attaque se termine, à 09h45, les huit cuirassés de la flotte américaine du Pacifique ont tous été coulés ou endommagés à des degrés divers !


Au bilan humain, les pertes américaines s'élèvent à plus de 3 300 hommes alors que les Japonais, eux, n'ont perdu qu'une dizaine d'appareils.

Encore deux jours et l'Aviation japonaise aura éliminé, et pour de longs mois, tout cuirassé allié dans le Pacifique...

samedi 12 septembre 2015

4562 - l'aube d'une nouvelle ère

... 26 novembre 1941

Ne pouvant plus s'approvisionner en pétrole faute de devises, ni renoncer à leurs conquêtes sous peine de perdre la face, les responsables japonais décident alors de partir immédiatement en guerre pour s'approprier le pétrole d'Indonésie... sans plus avoir à le payer !

La réussite de ce plan dépendant d'abord et avant tout de la destruction de la flotte américaine basée à Pearl Harbor, une force d'attaque appareille donc, dans le plus grand secret, le 26 novembre.

Une force d'attaque composée - et le fait est à souligner d'emblée - de six porte-avions et... de deux vieux croiseurs de bataille de la classe Kongo - en l’occurrence les Hiei et Kirishima - qui sont les seuls bâtiments capables de suivre le rythme des premiers, et qui ne sont de toute manière là que dans un rôle de soutien éventuel puisque le raid sera purement aérien : son concepteur, l'Amiral Isoroku Yamamoto, ayant tout simplement voulu rééditer, à plus grande échelle, celui mené mené par l'Aéronavale britannique le 11 novembre 1940 au détriment des cuirassés italiens ancrés dans le port de Tarente.

Parvenus sans être repérés à proximité des îles Hawaï à l'aube du 7 décembre, les appareils japonais décollent les uns après les autres, chargés tantôt de bombes, tantôt de torpilles.

Dans quelques minutes, ils vont écrire une nouvelle page d'Histoire

Le super-cuirassé Yamato, lui, est toujours paisiblement amarré à son quai d'armement de Kure...

vendredi 11 septembre 2015

4561 - la guerre n'attend pas

... 5 septembre 1941

Dans leur "plan idéal", les responsables de la Marine impériale n'envisagent une guerre avec les États-Unis qu'à partir de 1946, c-à-d lorsqu'ils disposeront d'une bonne dizaine de Yamato et Super-Yamato dotés de canons de 460 à 510mm

Malheureusement pour eux, cette guerre va éclater bien plus tôt que prévu, et même avant que le premier des Yamato ne soit entré en service !

Et l'ironie est telle que quelques heures à peine après son déclenchement, elle aura déjà rendu inutiles tous ces "super-cuirassés" développés à grands frais !

Mais n'anticipons pas puisque après s'être emparés de la Mandchourie en 1931, puis de Pékin, Canton et Nankin en 1937, les Japonais se sont heurtés aux Soviétiques au printemps 1939 et, pour la première fois, ont été contraints de reculer.

Bloqués dans leur expansion en Chine, ils n'ont à présent plus d'autre choix que de se tourner vers le Sud, c-à-d vers le Pacifique.

En septembre 1940, la défaite de la France leur permet de s'emparer du nord de l'Indochine et, en juillet de l'année suivante, du reste de la colonie. 

Cette fois, Washington, qui depuis des mois multiplie les sanctions à l'égard de Tokyo, tape sur la table et gèle les avoirs japonais, ce qui, de facto, empêche ces derniers de continuer à acheter à l'étranger le pétrole dont ils ont besoin pour faire tourner leur machine de guerre,... en ce compris le super-cuirassé Yamato qui, le 5 septembre, a rejoint son quai d'armement à Kure, dernière étape avant sa mise en service...

jeudi 10 septembre 2015

4560 - le Choc des Titans

... à ma gauche, le champion poids lourd Yamato : 260 m de long, 39 m de large et 65 000 tonnes... à vide.

A ma droite, le challenger mi-lourd Iowa : 45 000 tonnes et un aspect beaucoup plus élancé grâce à une longueur de 270 m et une vraie taille de guêpe "spécial Canal de Panama" de 33 m seulement.

A ma gauche, une redoutable bordée de près de treize tonnes par salve, contre seulement 9 à 11 tonnes (1) - mais guidées par radar - à ma droite.

A ma gauche, un blindage de ceinture de 41 cm, qui doit en principe permettre de déjouer tous les projectiles décochés par l'adversaire, mais à ma droite une vitesse supérieure d'au moins six nœuds, qui doit en principe permettre d'engager le combat, ou au contraire de s'en désengager, à n'importe quel moment.

Depuis soixante-dix ans, les partisans des deux camps se renvoient arguments et statistiques pour "démontrer" qu'en combat singulier, c'est nécessairement leur champion qui l'aurait emporté,

Mais le "Choc des Titans" n'a jamais eu lieu,... si ce n'est cinéma ou dans les jeux vidéo, on l'on voit même parfois l'un ou l'autre triompher de monstres préhistoriques ou de vaisseaux spatiaux extra-terrestres...

(1) en plus de leurs obus standard d'environ une tonne, les 406mm américains pouvaient tirer des projectiles AP renforcés pesant 200 kilos de plus

mercredi 9 septembre 2015

4559 - Think Big

... qu'ils soient japonais ou américains, les militaires sont de grands enfants, qui en veulent toujours plus... mais ont bien du mal à savoir ce qu'ils veulent !

En 1937, avant-même d'avoir mis en chantier ses deux North Carolina, l'US Navy a ainsi réclamé une meilleure protection pour leurs quatre successeurs de la classe South Dakota, et comme il n'était pas question de modifier le déplacement, les ingénieurs n'ont eu d'autre choix que de raccourcir leur coque d'une dizaine de mètres.

Cette coque raccourcie étant moins hydrodynamique, et l'US Navy tenant à conserver une vitesse d'environ 28 nœuds, il a fallu augmenter la puissance de 120 000 à 130 000 CV, tâche d'autant moins facile que cette nouvelle coque offrait évidemment moins d'espace pour abriter réservoirs, chaudières et turbines.

Mais les plans des South Dakota finalement acceptés après de longs et houleux débats, voilà que l'US Navy réclame maintenant une meilleure vitesse pour leurs six successeurs de la classe Iowa, et exige même que ces derniers deviennent, à 33 nœuds, les cuirassés les plus rapides jamais conçus !

Et les ingénieurs de se rendre compte que pour y arriver, il leur faudra non seulement 210 000 CV, mais aussi une coque... allongée d'une soixantaine de mètres ! Et comme il n'est pas question de sacrifier la puissance de feu ou le blindage, c'est le déplacement qui fera cette fois les frais de l'opération, et gagnera une dizaine de milliers de tonnes au passage...

Mis en chantier à partir de l'été 1939, les Iowa, qui n'entreront en service qu'à partir de 1943, seront donc les cuirassés américains les plus gros, les plus puissants, les plus rapides... et les plus coûteux jamais mis en service !

Mais auront-ils encore des rivaux à affronter ?

mardi 8 septembre 2015

4558 - et d'escalade en escalade

… au bout du compte, et bien que promoteurs de cette formule, les Britanniques vont donc être les seuls à équiper leurs nouveaux cuirassés - les cinq bâtiments de la classe King George V - avec des 14 pouces : toutes les autres nations s'étant prononcées pour des pièces d’un calibre supérieur - très largement dans le cas japonais.

S’agissant des Américains, ceux-ci ont donc opté pour neuf pièces de 16 pouces (406mm) réparties en trois tourelles triples, une disposition très efficace – bien plus que les tourelles quadruples des cuirassés britanniques – et qui, pour des raisons de standardisation, va se retrouver sur tous leurs autres cuirassés à venir.

Après les deux North Carolina de 35 000 tonnes et 28 nœuds, vont bientôt suivre les quatre South Dakota mis en chantier à partir de juillet 1939 et plus courts d’une dizaine de mètres, ce qui, pour un déplacement analogue, leur permet de bénéficier d’un meilleur blindage.

Doivent leur succéder les six bâtiments de la classe Iowa, que l’on considère souvent comme les meilleurs, et en tout comme les plus rapides, cuirassés jamais construits.

Des bâtiments que l’on oppose souvent – bien que virtuellement – aux Yamato japonais dans l’éternel débat du "qui était vraiment le meilleur" ou "qui l’aurait emporté sur l’autre en cas de combat"

lundi 7 septembre 2015

4557 - la clause d'escalade

... bien que signataires du Second Traité Naval de Londres, les Américains ne manifestent pourtant aucun empressement à équiper leurs nouveaux North Carolina de 35 000 tonnes avec des pièces de 14 pouces.

Contrairement à son homologue britannique, l'US Navy possède pourtant de très nombreux cuirassés dotés de pièces de ce calibre, mais depuis la mise en service de ses trois Colorado, au début des années 1920, celle-ci ne jure plus que par les 16 pouces.

Pour elle, le downsizing vers les 14 pouces ne serait acceptable que si la Marine impériale japonaise acceptait finalement de s'y conformer elle aussi. 

Avant d'apposer leur signature, le 25 mars 1936, les délégués américains ont donc fait ajouter une clause, dite "d'escalade", qui permettrait aux États-Unis (mais aussi à la Grande-Bretagne et à la France) d'installer des 16 pouces sur les nouveaux cuirassés si l'Italie ou le Japon persistaient, après le 1er avril 1937, à refuser les 14 pouces.

Le 27 mars, le gouvernement japonais notifie très officiellement son refus. Le 4 juin, le Président Roosevelt fait néanmoins une ultime tentative, que Tokyo rejette une fois de plus... sauf si la Grande-Bretagne et les États-Unis s'engagent, de leur côté, à réduire leur propre flotte au niveau de celle du Japon, ce que ni Londres ni Washington ne sont disposés à accepter !

Les jeux sont faits : le 27 octobre 1937, le North Carolina est mis sur cale à New-York, et son jumeau Washington le 14 juin 1938 à Philadelphie.

Quasiment au même moment, mais à des milliers de kms de là, les Japonais en font de même avec leurs Yamato et Musashi, presque deux fois plus lourds...

dimanche 6 septembre 2015

4556 - Retour vers le Futur

… revenons à présent trois ans en arrière, soit en 1934, lorsque le Japon prend la décision de se retirer des traités de limitation des armements navals, et de construire des "super-cuirassés" dotés de pièces de 460mm.

Au même moment, prenant le chemin inverse, la Royal Navy décide pour sa part de lancer l’étude de nouveaux bâtiments qui, tout en demeurant dans la limite des "35 000 tonnes" définie par le Traité de Washington de 1922 seront cette fois dotés de canons de "seulement" 14 pouces (356mm) !

Choix a priori stupéfiant : depuis le ferraillage du Tiger, en 1932, la Royal Navy ne possède en effet plus dans son inventaire que des bâtiments équipés de pièces de 15 voire 16 pouces, lesquelles lui donnent au demeurant entière satisfaction. 

Ce retour en arrière a cependant le mérite de s’inscrire dans la logique d’une réduction des armements mais aussi, et pour une rare fois, de prendre la Loi des rendements décroissants à contre-pied : en puissance comme en portée, les "petits" 14 pouces valent bien les "gros" 15 et 16 pouces et permettraient de sérieuses économies de poids et – en théorie du moins – de prix. 

Encore faudrait-il que les nouveaux 14 pouces britanniques se révèlent fiables – ce ne sera malheureusement pas le cas (1) – et aussi que les autres marines se décident à l’adopter !  

A la Seconde Conférence de Londres, en 1936, les Britanniques font le forcing, mais, comme  nous l'avons vu, Italiens et Japonais refusent de signer, tandis que les Français, nullement désireux de se laisser distancer par les Italiens, ont déjà secrètement prévu d’installer des 380mm sur leurs futurs Richelieu et Jean Bart de 35 000 tonnes. 

Restent donc les Américains… 

 (1) le manque de fiabilité chronique des 14 pouces britanniques durant toute la 2ème G.M. touchera cependant bien moins les canons que les tourelles, particulièrement les tourelles quadruples, dans lesquelles ils seront montés

samedi 5 septembre 2015

4555 - la "super-flotte de super-cuirassés invincibles"

... en juillet 1936, libérée de toute contrainte légale par l'Anglo-German Naval Agreement signé un an auparavant avec la Grande-Bretagne (1), l'Allemagne nazie s'est remise à construire des cuirassés - les futurs Bismarck et Tirpitz - qui, bien que donnés pour "35 000 tonnes", en avoueront en réalité une bonne dizaine de milliers de plus à leur mise en service, ce qui, du moins dans l'esprit des architectes et ingénieurs allemands, devrait leur offrir un "avantage décisif" sur leurs adversaires britanniques, certes plus nombreux mais aussi plus légers et moins puissants.

Mais sept mois auparavant, le Japon a quant à lui refusé de signer le Second London Naval Treaty imposant une limite de 35 000 tonnes, et des canons de 356mm, aux nouveaux cuirassés, tout en s'engageant néanmoins "à en respecter l'esprit"... ce qui, en pratique, et comme nous l'avons vu, va lui permettre de construire des bâtiments dont les caractéristiques réelles - 65 000 tonnes et canons de 460mm - resteront un secret, y compris pour l'allié allemand (2), jusqu'à la fin de la guerre !

Dans leur "plan idéal" - qui n'est qu'un rêve éveillé - les responsables de la Marine impériale veulent mettre sept Yamato en service à partir de 1941, puis quatre "Super-Yamato" - encore plus gros et dotés de pièces de 510mm - à partir de 1946, année où ils commenceront à rééquiper les Yamato originels avec les mêmes canons et les mêmes tourelles doubles que les "Super-Yamato", et ce afin de disposer, à la fin des années 1940, d'une sorte de "super-flotte de super-cuirassés" supposément invincibles et en tout cas capables, avec leurs énormes canons et leurs épaisses plaques de blindage, de balayer de la surface des flots tous les cuirassés "ordinaires" - et dotés de pièces de 406mm - que les Américains seront - suppose-t-on - parvenus à construire jusque-là !

Mais au fond, quelles sont vraiment les intentions américaines en la matière ?

(1) Saviez-vous que... - 3573
(2) en juillet 1943, alors que le Yamato est en cale sèche à Kure, le contre-amiral Paul Wenneker, attaché naval de l'Ambassade d'Allemagne à Tokyo, se verra ainsi offrir une "visite guidée" de moins d'une heure.,. qui évitera soigneusement de passer trop prés des tourelles et des canons, que les Japonais lui présenteront simplement comme des "40 cm"...

vendredi 4 septembre 2015

4554 - pourquoi ?

... entre la décision - que l'on peut faire remonter au début de 1934 - de construire les bâtiments de la classe Yamato et la mise en en chantier du premier d'entre eux, en novembre 1937, il se sera donc écoulé près de quatre ans, et il en faudra encore quatre de plus avant que celui-ci puisse entrer en service, à la fin de décembre 1941 !

Malheureusement pour lui, le monde aura énormément changé dans l'intervalle, et sera même plongé dans une nouvelle guerre et, surtout dans une guerre où il ne jouera - et c'est tout de même un comble ! - quasiment aucun rôle,... si ce n'est, tout à la fin, celui de victime sacrificielle !

Pourquoi, dès lors, un tel acharnement, une telle débauche de moyens financiers et humains, pour construire quelque chose d'aussi parfaitement inutile ?

A l'origine, il y a pourtant une ambition parfaitement rationnelle : pallier la quantité par la qualité.

Tout comme les Allemands face à la Royal Navy, les Japonais savent très bien qu'ils ne disposeront jamais des ressources suffisantes pour construire et mettre en service autant de cuirassés que l'US Navy, d'où l'idée d'en avoir moins mais de bien meilleurs, c-à-d beaucoup plus gros et plus puissants.

Mais pour que ce plan ambitieux aie la moindre de chance de succès, il est capital de dissimuler l'existence, ou du moins les caractéristiques réelles, des bâtiments que l'on se propose de construire, sous peine de voir l'adversaire se mettre à en fabriquer lui aussi, et en plus grandes quantités...

jeudi 3 septembre 2015

4553 - de retards en retards

... sur le papier, une propulsion hybride, avec des diesel sur les arbres d'hélice extérieurs pour la croisière économique, et des turbines à vapeur sur les arbres intérieurs pour le combat, permettraient d'importantes économies de carburant, donc une meilleure autonomie

En pratique, elle se révèle surtout d'une redoutable complexité mécanique, donc longue et difficile à mettre au point, et finit même par déboucher sur une impasse en juillet 1936, lorsqu'on se rend compte qu'en cas de défaillance grave sur un des groupes diesel, il serait impossible de le remplacer sans découper au préalable une bonne partie du pont blindé de 20 cm d'épaisseur !

Retour donc à la case départ, ou plus exactement à la conception classique de quatre turbines à vapeur entraînant chacune un arbre d'hélice.

De retards en retards, ce n'est donc qu'en mars 1937 que les plans définitifs des Yamato, dont le nombre a entre-temps été ramené à cinq, sont enfin approuvés par le Haut-Commandement japonais.

Le 4 novembre, le Yamato est mis sur cales à Kure; le 29 mars 1938, à Nagasaki, c'est au tour du Musashi; le Shinano suivra le 4 mai 1940 à Yokosuka..

mercredi 2 septembre 2015

4552 - tout simplement trop

... tout cuirassé est une recette composée de trois ingrédients - puissance de feu, blindage et vitesse - que chaque nation accommode en fonction de ses préférences et contraintes particulières.

S'agissant des futurs Yamato, les militaires japonais veulent des canons plus gros et des plaques de blindage plus épaisses que leurs adversaires ce qui, inévitablement, va faire exploser leur tonnage, et leur coût.

Mais ils veulent aussi une vitesse supérieure - soit environ 30 nœuds - et une plus grande autonomie, ce qui va tout aussi inévitablement gonfler l'un et l'autre, ne serait-ce que parce qu'il faudra installer davantage de chaudières pour la propulsion, de plus gros réservoirs pour alimenter ces chaudières, une coque plus longue pour les abriter... et davantage de plaques de blindage pour protéger l'ensemble !

En mars 1935, les ingénieurs en arrivent à la conclusion que pour satisfaire aux critères exigés, ils ont besoin de navires de près de 300 m de long sur 41 m de large, disposant d'une puissance d'au moins 200 000 CV, et jaugeant environ 70 000 tonnes... à vide !

A contre-cœur - bref retour à un semblant de raison - les responsables de la Marine sont forcés d'admettre que ces navires sont trop gros, et décident alors de ramener la puissance motrice à 150 000 CV, ce qui fait redescendre la vitesse à 27 nœuds mais permet en revanche de gagner une trentaine de mètres sur la longueur, et une dizaine de milliers de tonnes sur le déplacement.

Et pour améliorer l'autonomie, quoi de mieux qu'une propulsion hybride ?

mardi 1 septembre 2015

4551 - blindé

… comme les militaires réclament également six (!) hydravions embarqués, il faudra installer deux catapultes sur la plage arrière, mais comme les dits hydravions seraient pulvérisés par le souffle dès le premier tir, il faudra les abriter dans un hangar inférieur, et donc installer un ascenseur de porte-avions, pour les hisser sur le pont juste avant l’envol !

Et en plus de toutes ces contraintes liées aux canons, il y a celles relatives au blindage !

Car ces mêmes militaires exigent pas moins de 65 cm à l’avant des tourelles, 40 cm autour des parties vitales le long des flancs, ou encore 20 cm au niveau du pont,... autant de demandes qui, on s’en doute, vont également poser d’immenses problèmes pratiques.

A 41 cm d’épaisseur, chaque plaque de 5.90 m x 3.60 m de la ceinture de caisse avouera ainsi près de 70 tonnes, mais comme l’industrie japonaise n’est pas capable de les fabriquer, il faudra construire de nouvelles aciéries près d’Hiroshima, puis un navire de transport spécialement conçu pour les acheminer jusqu’aux cales de construction. Et comme les portiques des dites cales ne sont pas dimensionnés pour lever pareille masse, il faudra les renforcer ou en construire de nouveaux !

Mais à Kure, où sera finalement construit le Yamato, il faudra également approfondir la cale existante de plus d’un mètre, et en creuser une nouvelle à Yokosuka, à l’intention du futur Shinano.

Et comme il est essentiel que la construction de tous ces nouveaux cuirassés – pas moins de sept Yamato sont en effet prévus ! – reste inconnue des Américains le longtemps possible, la cale de Kure sera recouverte d’un toit, et celle de Nagasaki – destinée au futur Musashi – d’un filet de camouflage de 400 tonnes en cordes de sisal.