vendredi 28 février 2014

4011 - le doute et la peur

... dans l'Allemagne nazie, l'homosexualité constitue un crime grave, qui vaut renvoi et lourde peine d'emprisonnement à celui qui s'y adonne.

En 1936, les services de Reinhard Heydrich avaient ouvert un dossier d’homosexualité à charge de Werner von Fritsch, accusé par un certain Otto Schmidt - par ailleurs faussaire, maître-chanteur et délinquant notoire, - de s'être livré, près de la gare de Wannsee, à des activités sexuelles contre-nature en compagnie d'un gigolo du nom de Martin Weingärtner.

L'affaire était grave, mais la preuve si légère qu'Hitler avait refusé d'y croire lorsque Heydrich la lui avait présentée. 

Deux ans plus tard, le dossier, soigneusement conservé par Heydrich malgré l'ordre de procéder à sa destruction, ce dossier n'est pas toujours pas plus convaincant, ni plus étoffé. 

Reste qu'après le "cas Blomberg", le doute et la peur se sont insinués dans l'esprit d'Hitler, un doute et une peur par ailleurs savamment entretenus par Hermann Goering, lequel brigue rien moins que le poste de Ministre de la Guerre... dont  le Führer s'apprête à priver Blomberg et dont il craint à présent qu'il ne soit finalement confié à Fritsch...

jeudi 27 février 2014

4010 - la putain et l'homosexuel

... arrêté par les Alliés en 1945, et accusé d'avoir fomenté et organisé une "guerre d'agression" à laquelle il n'a pourtant pas participé, Werner von Blomberg décédera dans un camp de prisonniers près de Nuremberg en mars 1946.

Mais pour l'heure, le scandale de son mariage avec une prostituée, aussi désagréable soit-il pour Hitler, ce scandale permet en tout cas au Führer, en bon opportuniste, de se débarrasser d'un Ministre de la Guerre... fort peu pressé de la faire !

Reste que le dit scandale a également ravivé, chez Hitler, le souvenir d'accusations formulées par Heydrich et Himmler en 1936, et selon lesquelles Werner von Fritsch, commandant-en-chef de l'Armée de Terre, serait homosexuel...

Au soir du 24 janvier 1938, craignant de se retrouver un jour plongé dans un nouveau et terrible problème, le Führer ordonne alors à Himmler de reconstituer le dossier qu'il a pourtant refusé de croire, et dont il a lui-même ordonné la destruction, deux ans auparavant.

Et cette reconstitution s'avère d'autant plus facile qu'Heydrich, désobéissant aux ordres, a en réalité fait conserver le dit dossier, un dossier qui, aux premières heures du 25 janvier, se retrouve donc entre les mains d'Hitler !

Averti de l'affaire par Friedrich Hossbach, aide-de-camp du Führer, Fritsch nie pourtant tout en bloc et crie au complot ce qui, dans l'immédiat, semble rassurer Hitler, lequel confie même à Hossbach qu'il est disposé à lui proposer le poste de Ministre de la Guerre aussitôt qu'il l'aura retiré à Blomberg !

Mais l'affaire n'est pas encore terminée...

mercredi 26 février 2014

4009 - "si un maréchal allemand épouse une putain, alors tout est possible !"

... Berlin, 24 janvier 1938

Chef du service d'identification à la KRIPO de Berlin, Helmutt Müller est bien embêté, lui qui vient de recevoir une enveloppe courageusement anonyme remplie de photos pornographiques au verso desquelles figure le nom d'une certaine Luise Margarethe Gruhn, une jeune-femme déjà arrêtée pour racolage mais qui, surtout, porte le même nom que... que la jeune épouse du Ministre de la Guerre Werner von Blomberg !

Conscient qu'il marche en plein champ de mines, Müller en informe aussitôt son supérieur et chef de la KRIPO, Artur Nebe qui - du moins s'il faut en croire l'Histoire officielle - s'abstient quant à lui d'en avertir son propre supérieur Reinhard Heydrich, préférant plutôt en avertir discrètement le chef de la police de Berlin, Heinrich von Helldorf et, à travers lui, Wilhelm Keitel, adjoint, et futur successeur de Blomberg à la tête du nouvel OKW.

Toujours selon l'Histoire officielle, Keitel, qui n'a pas assisté au mariage de son supérieur, se déclare incapable d'identifier la jeune-femme des photos et conseille alors à Helldorf d'en appeler à Hermann Goering qui, en compagnie du Führer, a quant à lui servi de témoin lors du dit mariage.

A la vue des photographies, Goering se précipite alors chez Hitler, lequel, abasourdi, et choqué, réalise bien vite le danger d'un pareil scandale : "si un maréchal allemand épouse une putain, alors tout est possible !", s'exclame-t-il.

Rappelé d'urgence à Berlin,  Blomberg, au profond dégoût d'Hitler, refuse pourtant de faire annuler son mariage, ne laissant dès lors plus d'autre choix au Führer que de réclamer sa démission, une démission tout de même assortie - dans le plus pur style hitlérien - de la garantie d'une retraite pleine et entière, qu'il continuera d'ailleurs de percevoir, dans le plus complet anonymat, jusqu'à la fin de la guerre...

mardi 25 février 2014

4008 - vive la mariée...

... Berlin, 12 janvier 1938

Militaire de carrière, maréchal, et Ministre de la Guerre depuis janvier 1933, le maréchal Werner von Blomberg est un ultra-conservateur qui,  bien que n'ayant adhéré au parti nazi qu'en 1937, n'en est pas moins un fervent supporter d'Hitler.

Mais c'est aussi un homme qui, à l'aube de la soixantaine, supporte si difficilement son veuvage qu'il a fini par jeter son dévolu sur une jeune-femme de 35 ans sa cadette, Margarethe Gruhn, rencontrée par hasard - mais en est-ce vraiment un ? - lors d'une promenade dans le Parc du Tiergarten.

Après un cour-éclair, Blomberg a décidé de l'épouser, ce qui, compte tenu de la différence d'âge mais aussi, et surtout, de son propre statut personnel, ne va cependant pas de soi et exige même l'approbation officielle du Führer en personne.

A l'étonnement, et à vrai dire au profond ravissement, de Blomberg, Hitler n'a pourtant fait aucune difficulté, et a même insisté pour lui servir de témoin, en compagnie d'Hermann Goering.

Le 12 janvier 1938, après une brève cérémonie au Ministère de la Guerre, Blomberg et sa jeune épouse sont aussitôt partis en voyage de noces.

Un voyage qui va bientôt être sérieusement perturbé...

lundi 24 février 2014

4007 - l'Information, c'est le Pouvoir

... "l'Information, c'est le Pouvoir" a écrit John Grisham

Mais bien avant la naissance du célèbre romancier, des hommes comme Reinhard Heydrich avaient déjà compris l'intérêt de disposer de dossiers bien tenus, et aussi complets que possibles, sur tous les personnages importants, que ce soit pour en prévoir les réactions face à un événement donné, pour les faire chanter... ou tout simplement pour être en mesure de s'en débarrasser une fois pour toutes si le besoin s'en faisait sentir.

Dès l'automne 1934, et comme nous l'avons vu, le SD d'Heydrich avait donc commencé à rassembler des informations sur les principaux responsables de l'Administration et de la Reichswehr, à commencer par le Ministre de la Guerre Werner von Blomberg et le commandant-en-chef de l'Armée de Terre Werner von Fritsch.

Cherchant à prendre le contrôle de toutes les forces armées du pays, Himmler et Heydrich avaient alors été jusqu'à accuser Fritsch de fomenter un coup d'État contre le régime, un argument que le Führer, qui ne voulait en aucune manière se brouiller avec la Reichswehr, avait néanmoins balayé du revers de la main, incitant au contraire les deux bouillants SS à collaborer davantage avec Fritsch, ce qu'Heydrich avait d'ailleurs fini par accepter de mauvaise grâce... tout en continuant à rassembler toutes les informations disponibles contre lui.

Trois ans plus tard, sachant Blomberg et Fritsch désormais sur la corde raide, Heydrich est sur le point de revenir à la charge...

dimanche 23 février 2014

4006 - le placard

... bien avant la 2ème G.M., puis tout au long de celle-ci, Joseph Staline n'hésitera jamais à faire fusiller tous les généraux et haut-fonctionnaires qui auront le malheur de lui déplaire.

Pour des raisons qui tiennent autant à l'Histoire nationale de l'Allemagne qu'à sa propre personnalité, Adolf Hitler ne veut cependant pas - et ne peut pas de toute manière pas - recourir à de tels expédients contre les siens, ce pourquoi se contentera-t-il toujours, sauf dans les ultimes semaines de son régime, de les "placarder" pour une durée plus ou moins longue,... mais avec solde et salaire complet !

S'il veut partir en guerre rapidement, le Führer a tout intérêt à placarder au plus vite le Ministre de la Guerre Werner von Blomberg et le chef de la Wehrmacht Werner von Fritsch et à les remplacer par des hommes idéologiquement plus sûrs et surtout tout aussi désireux que lui de se lancer à la conquête d'un lebensraum à l'Est.

Reste qu'en cette fin de 1937, la simple mise à l'écart de deux personnages aussi importants et influents au sein des forces armées que Blomberg et Fitsch ne va pas de soi.

L'idéal, au fond, serait que les intéressés démissionnent d'eux-mêmes et pour des raisons n'ayant rien à voir avec leur fonction ou leur opposition à une nouvelle guerre.

Tapis dans l'ombre, et attendant tranquillement son heure, Reinhard Heydrich a une petite idée quant à la manière de les y inciter...


samedi 22 février 2014

4005 - brûler les étapes

... ne s'attendant pas du tout à pareille issue, les invités d'Hitler sont pour le moins décontenancés mais, après avoir poliment écouté son monologue pendant plus de deux heures (!) finissent néanmoins par se ressaisir et par soulever de nombreuses objections.

Les plus virulentes émanent du trio Neurath/Blomberg/Fritsch, non parce qu'ils contestent le bien-fondé de se lancer dans une succession de guerres de conquêtes, ou parce qu'ils en réprouvent l'immoralité, mais tout simplement parce qu'ils estiment que l'Allemagne n'est pas encore prête à  pareille aventure et en particulier à un nouveau conflit avec la France et la Grande-Bretagne.

Hitler n'est hélas nullement disposé à accepter - ni même à entendre ! - pareil argumentaire : hanté par la crainte de mourir avant d'avoir vu la concrétisation de son "grand-oeuvre", le Führer veut au contraire brûler toutes les étapes, et donc partir en guerre le plus rapidement possible, que son Ministre des Affaires étrangères et ses généraux soient d'accord ou pas !

Reste qu'Hitler n'est pas Staline, et que le Troisième Reich, aussi dictatorial et répressif soit-il, n'est pas l'URSS !

Pas question donc, comme Staline est pourtant occupé à le faire de son côté (1), d'emprisonner et d'exécuter les milliers d'officiers et de hauts fonctionnaires considérés comme trop indécis, trop mous, ou idéologiquement "peu sûrs"...

(1) de 1936 à 1938, les purges staliniennes entraîneront l'exécution des 11 vice-commissaires à la Défense de l'URSS, de 75 des 809 membres du Conseil militaire suprême, des 8 amiraux de la flotte, de 2 des 4 maréchaux, de 14 des 16 généraux d'armée, des  9/10e des généraux de corps d'armée, des 2/3 des généraux de division, de plus de la moitié des généraux de brigade, et de plus 35 000 officiers supérieurs. Au total, plus d'un million de personnes auraient ainsi été exécutées ou seraient décédées dans les goulags du régime


vendredi 21 février 2014

4004 - régler le problème de "l'espace vital"

... loin de donner lieu à un arbitrage décisif sur les allocations d'acier entre les trois Armes, la réunion du 5 novembre 1937 constitue en fait, pour Hitler, l'occasion d'exprimer dans un effrayant monologue  sa propre "vision" socio-économique mais aussi, et surtout ses intentions pour les années à venir.

Pour le Führer, l'Allemagne n'a à présent plus d'autre choix, pour assurer sa simple survie, que de s'emparer de vastes territoires à l'Est, c-à-d non seulement de partir en guerre, mais aussi de partir en guerre le plus rapidement possible, soit avant que la France et la Grande-Bretagne - dont tout porte à croire qu'elles s'opposeront militairement à cette expansion, ce qui finira d'ailleurs par arriver - aient eu le temps de combler leur retard en matière de réarmement.

Le problème de "l'espace vital", déclare Hitler, doit impérativement être réglé, par la force, avant 1943, l'Autriche - pays "frère" dont il est lui-même originaire - et la Tchécoslovaquie - où vit une importante minorité germanophone - constituant à cet égard les premiers objectifs de conquête.

Toute considération morale mise à part, et considérée sous le seul angle de la froide rationalité, l'analyse hitlérienne ne manque pas de logique, mais elle n'en jette pas moins la consternation parmi les invités présents qui, en arrivant à la Chancellerie du Reich, ne s'attendaient nullement à pareille issue !

Blomberg, Fritsch, Goering, Raeder et Neurath sont certes des militaires et/ou des politiciens ultra-conservateurs largement acquis au fascisme et au Führerprinzip, mais ce sont aussi des hommes qui, contrairement à Hitler, redoutent la réaction des Britanniques et, surtout, des Français, ces Français qu'ils ont combattus lors de la 1ère G.M. et dont ils ont pu mesurer la résistance durant quatre ans...

jeudi 20 février 2014

4003 - le "Protocole Hoßbach"

... Berlin, 5 novembre 1937

À la Chancellerie du Reich, en ce 5 novembre 1937 où les responsables des trois Armes doivent en principe discuter des allocations d'acier,  sont donc présents Adolf Hiler, Führer et Chancelier du Reich,  Konstantin von Neurath, ministre des Affaires étrangères; Werner von Blomberg, ministre de la Guerre; Werner von Fritsch, commandant en chef de la Wehrmacht; Hermann Göring, ministre de l'Économie du Reich et commandant en chef de la Luftwaffe; et Erich Raeder, commandant en chef de la Kriegsmarine.

Sans trop savoir pourquoi, le lieutenant-colonel Friedrich Hoßbach, aide-de-camp d'Hitler, est également de la partie et, sans que personne lui ait rien demandé (!) va consigner les minutes de cette étrange réunion que l'Histoire, faute d'une meilleure appellation, baptisera un jour du nom de "Protocole Hoßbach".

Hitler, on le sait, ne déteste rien tant que de devoir jouer les arbitres entre les différentes factions, préférant de loin, et dans son style si particulier de gouvernement, les laisser s'entre-déchirer à belles dents et ce jusqu'à ce qu'une solution - celle du plus fort - s'impose si l'on ose dire "naturellement".

Et d'emblée, la dite réunion vire donc au surréalisme, ou plus exactement à un effrayant monologue hitlérien de plus de deux heures (!), dans lequel le Führer gratifie ses invités de sa "vision" de la situation politico-économique du moment !

mercredi 19 février 2014

4002 - arbitrer la pénurie

... mais bien avant de précipiter le monde entier dans une nouvelle guerre, la politique de réarmement massif voulue par Hitler a déjà précipité l'Allemagne dans une nouvelle crise : celle de la pénurie.

Impossible en effet de satisfaire en même temps toutes les demandes et en particulier celles de la Kriegsmarine, dont les nouveaux cuirassés, en construction ou en préparation, engloutissent chacun des dizaines de milliers de tonnes d'un acier (1) également requis pour l'Infanterie et l'Aviation, et ce sans même parler des besoins civils !

Tout entier plongé dans son faramineux - et parfaitement irréaliste - "plan Z", qui prévoit pas moins d'une dizaine de cuirassés et croiseurs de bataille à livrer avant 1945, le grand-amiral Erich Raeder a déjà exigé que lui soit accordée la priorité absolue en matière d'allocations d'acier.

Ce faisant, il s'est naturellement heurté à l'opposition violente de ses collègues, ce qui, faute de toute possibilité de compromis entre les demandes des uns et des autres, a fini par imposer le recours à l'arbitre suprême, c-à-d au Führer en personne.

En se rendant à la Chancellerie du Reich le 5 novembre 1937 en vue de cet arbitrage décisif, Raeder s'attend naturellement à une rude bataille avec ses collègues et rivaux Hermann Goering et Werner von Fritsch, respectivement Ministre de l'Économie et de l'Air, et commandant-en-chef de la Wehrmacht.

Et il s'attend tout aussi naturellement à ce que le Führer prenne enfin position sur le sujet

Il va rapidement déchanter...

(1) pour donner une idée du problème, chaque cuirassé de 56 000 tonnes du plan Z représentait une année de production du futur char Tiger...

mardi 18 février 2014

4001 - pas qu'un simple slogan...

... selon les propres dires de Georges Clémenceau, "la guerre est chose trop grave pour la confier à des militaires"

Adolf Hitler avait certes servi comme soldat, puis comme caporal, tout au long de la 1ère Guerre Mondiale, mais c'était d'abord et avant tout un politicien et, surtout, un politicien qui, depuis au moins le début des années 1920, nourrissait une "vision" : celle d'une "Nouvelle Allemagne" non seulement restaurée dans sa "grandeur" mais également rendue autarcique grâce à un lebensraum, un "espace vital", acquis à l'Est au détriment des populations autochtones, lesquelles, conformément aux lois du darwinisme social si chères à Hitler, disparaîtraient ou seraient réduites en esclavage au profit de leurs maîtres allemands.

Loin de se résumer à un slogan creux, la conquête de ce lebensraum - autrement dit la guerre, - constituait donc bel et bien la pierre angulaire du nazisme, son véritable fondement idéologique, et le demeurerait d'ailleurs jusque dans les ultimes minutes du Troisième Reich.

Restait néanmoins à en convaincre tous ceux qui, y compris parmi plus chauds partisans du nazisme, redoutaient la perspective de se voir embarqués dans un nouveau conflit avec la France et la Grande-Bretagne.

Même si elle n'avait pas du tout été organisée à cette fin, la réunion du 5 novembre 1937 allait s'en charger...

lundi 17 février 2014

4000 - les illusions de "l'Allemand moyen"

... bien que financée à crédit - et en pratique sur les bénéfices prévisibles des guerres futures ! -  cette politique de réarmement massif a évidemment un coût élevé (1), en plus de comporter  des risques non négligeables d'entraînement vers un nouveau conflit.

Pour autant, "l'Allemand moyen" n'en a cure et, en cette seconde moitié des années 1930, n'en retient que les avantages, que ce soit en matière de réduction du chômage ou de restauration d'une fierté nationale passablement mise à mal depuis 1918.

De toute manière, se dit-il, le Führer, en tant qu'ancien soldat lui-même gravement blessé lors de la 1ère GM (2), le Führer ne saurait sciemment rechercher un nouveau conflit avec la France et la Grande-Bretagne, et n'a -t-il pas du reste remporté, avec le retour de la Sarre au Reich (13 janvier 1935), le Pacte naval, la réoccupation de la Rhénanie, ou encore la recréation d'une Aviation de combat, n'a-t-il pas remporté - et sans qu'il soit nécessaire de tirer le moindre coup de feu ! - des succès qui paraissaient absolument inimaginables avant 1933 ?

Hitler, se dit-il, est forcément un être rationnel, qui sait jusqu'où ne pas aller trop loin, et qui, après avoir obtenu satisfaction aux exigences légitimes du peuple allemand, et en particulier à son désir de voir enfin réparées les "injustices" du Traité de Versailles, saura s'arrêter et passer à autre chose !

Hitler, hélas, n'est rien de tout cela...

(1) de 1933 à 1939, et selon le propre aveu de Hjalmar Schacht, Président de la Reichsbank,  52% de toutes les dépenses publiques allemandes seront ainsi consacrées à l'équipement, l'entraînement et l'entretien des forces armées !
(2) le 23 octobre 1918, le caporal Adolf Hitler, avait été rendu temporairement aveugle suite à une attaque au gaz moutarde, laquelle avait entraîné son hospitalisation jusqu'à la fin de la guerre

dimanche 16 février 2014

3999 - rebâtir la fierté nationale

... si l'Allemagne du milieu des années 1930 est aujourd'hui synonyme de réarmement, et donc de "préparation à une guerre d'agression", le dit réarmement, bien loin d'augurer un nouveau conflit mondial, constituait plutôt, pour l'immense majorité des Allemands de l'époque, et que ceux-ci soient nazis ou non, une intarissable source de satisfaction et d'exaltation d'une fierté nationale enfin retrouvée.

Après l'Armistice de 1918, et le Traité de Versailles de 1919, l'orgueilleuse Allemagne avait non seulement perdu une bonne partie de son territoire national mais aussi l'intégralité de ses possessions d'outre-mer, en plus de se voir contrainte de verser d'énormes "dommages de guerre" à ses vainqueurs ce qui, comme nous l'avons vu, avait rapidement provoqué une hyper-inflation et un chômage massif.

Mais sur le plan militaire, la situation s'était avérée bien plus dramatique encore puisque la Reichswehr avait dû dire adieu à la quasi-totalité de sa Marine de Guerre - alors la deuxième du monde - et à la totalité de son Aviation militaire - désormais interdite.

Son Armée de Terre avait d'autre part été réduite à quelque 100 000 hommes aussi démotivés que sous-équipés, et à vrai dire juste bons à réprimer d'éventuels soulèvements communistes.

Rien d'étonnant dès lors à ce que le rétablissement du service militaire obligatoire (16 mars 1935), le Pacte naval avec la Grande-Bretagne autorisant le Reich à reconstruire des cuirassés et même des sous-marins (18 juin 1935), ou encore la réoccupation de la Rhénanie (7 mars 1936), aient à chaque fois été accueillis par des manifestations d'enthousiasme populaire.

Pour autant, du fantassin au général, et de l'ouvrier au capitaine d'Industrie, "l'Allemand moyen" ne songeait nullement à repartir en guerre une génération à peine après la conclusion - désastreuse - de la précédente.

Le problème, c'est qu'Hitler en avait décidé autrement...

samedi 15 février 2014

3998 - Troubles au Paradis

... si le sort actuel - et futur - des Juifs allemands est de moins en moins enviable, il en va tout autrement de la famille Heydrich qui, à mesure que croissent les pouvoirs et responsabilités de Reinhard, mène un train de vue de plus en plus luxueux, s'offrant résidence secondaire, domesticité, et même croisière en Méditerranée à l'été de 1937.

Et la vie sociale est à l'avenant puisque les Heydrich reçoivent - et sont reçus - par tout le gratin du Troisième Reich, y compris par le Führer en personne, auprès duquel il font d'ailleurs forte impression, tant ils incarnent l'un et l'autre la "famille aryenne idéale".

Mais cette image de la félicité conjugale est cependant trompeuse : en plus de détester cordialement Madame Himmler - laquelle le lui rend bien - Lina supporte de moins en moins les absences - il est vrai de plus en plus longues et fréquentes - de son mari, et le soupçonne d'entretenir une - et même plusieurs - maîtresses, ce qui, s'il faut en croire les rumeurs et témoignages des survivants de l'époque, est probablement exact.

Surchargé d'obligations professionnelles, Reinhard, de son côté, se plaint régulièrement de Lina devant ses proches adjoints, et en particulier devant Walter Schellenberg, que d'autres rumeurs présenteront d'ailleurs à tort ou à raison - comme l'amant, ou du moins un des amants, de Lina !

Dans un monde normal, les Heydrich se dirigeraient plus que certainement vers une procédure de divorce, mais le Troisième Reich n'appartient déjà plus depuis longtemps au "monde normal", et ne saurait accepter la dissolution d'un couple aussi emblématique de la perfection aryenne...

vendredi 14 février 2014

3997 - fermer la porte

... mais si l'Allemagne nazie, à commencer par son chef suprême, est désireuse de voir les Juifs allemands émigrer en Palestine, et si elle est même disposée à les y aider en nouant au besoin des liens politico-économiques avec les organisations sionistes locales, il n'en demeure pas moins que le sujet échappe en réalité complètement à son contrôle !

Depuis 1920, la disparition de l'Empire ottoman et le partage de ses dépouilles, ce sont en effet les Britanniques qui exercent leur souveraineté sur cette région où ils ont d'ailleurs fort à faire pour empêcher Juifs et Arabes de s’entre-tuer.

Car bien avant l'arrivée d'Hitler au Pouvoir, les émeutes et règlements de comptes  avaient déjà causé des centaines de morts et de blessés, et l'immigration des Juifs allemands depuis 1933 n'a évidemment fait qu'exacerber les tensions communautaires, et incité en retour les Britanniques à tout mettre en œuvre pour les éviter.

La solution la plus efficace en ce domaine étant encore d'empêcher la venue de nouveaux arrivants, Londres a donc, dès le début des années 1930, mis en place un système de "certificats d'immigration" - autrement dit de quotas - de plus en plus restrictifs, lesquels - on s'en doute - minent tous les efforts allemands dans ce domaine.

En mai 1939, soit au moment-même où les Juifs Allemands auront plus que jamais besoin de se voir offrir une "porte de sortie", la publication  du troisième "Livre blanc" sur la Palestine refermera même définitivement la porte, puisque seuls 75 000 nouveaux arrivants, sur une durée totale de cinq ans, seront encore autorisés à pénétrer sur le territoire...

jeudi 13 février 2014

3996 - la différence entre l'échec et le succès...

... 26 septembre 1937

Le 26 septembre 1937, c'est toujours en civil - et pour d'évidentes raisons - qu'Adolf Eichmann entreprend son voyage en Terre Sainte.

Un voyage qui l'amène certes à rencontrer à nouveau Polkes ainsi que divers Juifs palestiniens supposément "représentatifs", mais un voyage qui s'avère pourtant particulièrement frustrant sur le plan des résultats.

Car Polkes, bien que promettant de "poursuivre ses recherches" ne livre - et pour cause ! - aucune information nouvelle sur l'assassinat de Wilhelm Gustloff.

Pire encore : sur le sujet de l'émigration des Juifs allemands - qui constitue tout de même le principal objectif du voyage d'Eichmann et le souci numéro un d'Heydrich - Polkes n'a là non plus rien à offrir,... si ce n'est sa garantie que les Sionistes sont véritablement "ravis des politiques radicales menées par l'Allemagne à l'encontre des Juifs, attendu que celles-ci assurent la croissance de la population juive en Palestine à un point tel qu'il est certain que dans un proche avenir les Juifs s'y retrouveront plus nombreux que les Arabes" (1)

Sur le plan concret, et malgré un rapport final de mission qui s'étale sur plus de 50 pages, il est donc clair que le voyage d'Eichmann n'a servi strictement à rien !

Mais comme c'est souvent la manière de présenter les choses qui fait la différence entre le succès et l'échec, Hitler lui-même finira par s'en montrer ravi et par réclamer, en janvier 1938, que la politique d'émigration forcée des Juifs vers la Palestine - autrement dit la politique d'Heydrich - soit accélérée par tous les moyens possibles...

(1) cité par Gerwarth, op. cit., page 101

mercredi 12 février 2014

3995 - ces si prometteurs Juifs de Palestine...

... comme il ne peut néanmoins être question que la SS - cette organisation antisémite par excellence - accueille officiellement en ses locaux un représentant de la Haganah juive, c'est donc en civil qu'Eichmann va, à plusieurs reprises, rencontrer Polkes lors du séjour de ce dernier à Berlin.

Bien que privé de tout pouvoir réel sur le cours des événements - ce sont les Britanniques qui, rappelons-le, contrôlent l'émigration juive en Palestine - Polkes, affabulateur pathologique ou simple opportuniste ayant flairé la bonne affaire, Polkes promet en tout cas beaucoup de choses à Eichmann,... et pas seulement sur l'émigration puisqu'il se fait fort de fournir des informations exclusives sur l'assassinat de Wilhelm Gustloff (1), un activiste du parti nazi suisse, assassiné à  Davos le 4 février 1936 par un jeune étudiant yougoslave juif du nom de David Frankfurter (2) 

Un assassinat qu'Hitler, en bon paranoïaque, avait immédiatement attribué à un "complot juif" tout comme il avait, trois ans plus tôt, attribué l'incendie du Reichstag à un "complot communiste", et un assassinat qui avait immédiatement déclenché une nouvelle vague de terreur antisémite dans toute l'Allemagne...

Il n'en faut évidemment pas plus pour appâter Eichmann et, à travers lui, Heydrich, lequel va alors autoriser son subordonné à poursuivre les négociations avec les Juifs de Palestine, et même à se rendre sur place à la première occasion...

(1) le nom de Wilhelm Gustloff est surtout connu aujourd'hui en raison du paquebot qu'Hitler baptisa en son nom, paquebot coulé le 30 janvier 1945 par un sous-marin soviétique alors qu'il était surchargé de milliers de réfugiés allemands fuyant l'avancée de l’Armée Rouge. Sur ce sujet : Saviez-vous que... La Tragédie du Gustloff.
(2) condamné par un tribunal suisse a 16 ans d'emprisonnement, David Frankfurter fut libéré a l'été 1945 et immigra ensuite en Israël. Comme pour Marinus van der Lubbe, tout porte a croire qu'il avait réellement agi seul et de sa propre initiative.

mardi 11 février 2014

3994 - quand Eichmann entre en scène

... Berlin, 26 février 1937

En politique comme à la guerre on a l'habitude de dire que tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins, ce pourquoi, afin de se débarrasser de tous ces Juifs qui, malgré les multiples restrictions et lois de plus en plus sévères qu'on leur impose, s'obstinent à se croire toujours Allemands et à vouloir demeurer en Allemagne, ce pourquoi Heydrich - ou plus exactement le SD - a-t-il accepté d'offrir un voyage et un séjour à Berlin, tous frais payés, à Feivel Polkes, un obscur Juif polonais émigré en Palestine et perçu, à tort ou à raison, comme un représentant crédible de la Haganah clandestine !

Pour négocier avec Polkes, Heydrich a mandaté un jeune Autrichien de 31 ans et ancien représentant de commerce qui, après avoir rejoint les rangs du parti nazi autrichien en 1932, puis de la SS autrichienne, a déménagé en Allemagne et finalement intégré les rangs du SD en 1934...

... Adolf Eichmann

Fonctionnaire reconnu pour son zèle et son habileté à rédiger des rapports allant toujours dans le sens souhaité par Heydrich, Eichmann a rapidement gravi les échelons de cette organisation elle-même en pleine expansion et au sein de laquelle on le conidère depuis 1936, comme un"expert de la question juive"..



lundi 10 février 2014

3993 - l'étrange alliance

... dans quelques années, les révisionnistes et autres thuriféraires du Troisième Reich se délecteront des contacts et alliances noués entre les Nazis d'Heydrich, dont Adolf Eichmann, et les organisations juives clandestines comme la Haganah.

Et comment imaginer en effet que des Juifs aient pu, en toute connaissance de cause, pactiser avec des Nazis qui, de l'autre côté de la Méditerranée, persécutaient déjà impitoyablement leurs coreligionnaires et les enverraient bientôt dans les chambres à gaz ?

Et comment imaginer qu'une organisation comme la SS, qui avait en quelque sorte fait de l'antisémitisme sa raison sociale, ait pu se commettre avec des Juifs, c-à-d avec des créatures qu'elle considérait très officiellement comme "infra-humaines" ?

C'est que dans le "monde réel", et pas dans celui que nous aimerions contempler, Nazis allemands et Juifs palestiniens ont au moins une chose en commun : le fait de considérer les Juifs allemands comme une simple "marchandise" dont les premiers veulent se débarrasser et que les seconds sont prêts à acquérir !

Pour les Nazis, donc, tout Juif en partance pour la Palestine les rapproche de l'objectif d'une Allemagne "judenrein", "débarrassée des Juifs" alors que, pour les Juifs de Palestine, tout nouvel immigrant de leur confession les rapproche pour leur part de la création de cet "État juif" ethniquement homogène qu'ils appellent de leurs vœux et dont ils craignent - non sans raison (1) - qu'il doive un jour entrer en confit avec les populations arabes de la région...

(1) en août 1929, près d'une centaine de Juifs avaient ainsi été massacrés à Hébron par des Arabes palestiniens opposés à l'émigration

dimanche 9 février 2014

3992 - la "piste palestinienne"

... ce n'est évidemment pas un quelconque "souci humanitaire", mais bien de simples considérations politico-économiques, ainsi que la volonté de se réserver le monopole du traitement de la "question juive", qui motivent Heydrich et ses subordonnés : les Juifs "doivent quitter l'Allemagne", certes, mais ils doivent le faire "dans l'ordre" et surtout sans que leur départ affaiblisse le Reich de quelque façon que ce soit !

Dès 1936, Heydrich a donc commencé à recruter des collaborateurs - parmi lesquels figurent déjà Adolf Eichmann - spécialement dédiés au volet "émigration".

Reste que les pays "ciblés" par cette émigration forcée des Juifs allemands ne se bousculent pas vraiment au portillon pour les accueillir sur leur sol !

Bien que privilégiée par Heydrich, la "piste palestinienne" se heurte en particulier aux objections des Britanniques, lesquels ont cette région sous mandat et ne tiennent nullement à ce que l'arrivée massive de Juifs avive les tensions avec la population arabe.

A cette objection somme toute légitime s'ajoute le fait que le SD, dans sa volonté de se débarrasser à tout prix des Juifs allemands, est occupée à nouer des alliances pour le moins contre-nature avec d'autres Juifs, palestiniens cette fois, et en particulier avec leur principale organisation clandestine - la Haganah...


samedi 8 février 2014

3991 - "Le but des politiques juives doit être l'émigration de tous les Juifs"

... mais à ce stade - rappelons-le une fois encore - personne, et certainement pas Heydrich lui-même, ne parle encore "d'extermination".

Les hommes du SD peuvent certes ficher tous les Juifs d'Allemagne, et ceux de la Gestapo interner préventivement dans des camps de concentration, comme celui de Dachau, et sous les prétextes les plus futiles, tous ceux qui leur paraissent représenter une "menace" : l'objectif des uns et des autres reste cependant de pousser ces "ennemis" du Reich à l'émigration, et si possible en s'emparant au passage de tous leurs biens, ce qui, dans l'esprit, ne constitue nullement une "spoliation" mais, au contraire, un "dédommagement" pour tous les vols et crimes commis par les intéressés et leur parentèle au fil des décennies.

"Le but des politiques juives doit être l'émigration de tous les Juifs", mentionnait dès mai 1934 un mémorandum du SD, et pour y arriver "il faut enlever aux Juifs toute opportunité de vivre dans ce pays, et pas seulement au plan économique. L'Allemagne doit devenir un pays sans avenir pour les Juifs, dans lequel les vieilles générations s'éteindront où elles se trouvent mais où les Juifs jeunes seront rendus incapables d'y vivre en sorte que la tentation à émigrer demeure constante.

L'usage de pogroms doit [cependant] être rejetée (...) Les dommages provoqués par des actions brutales, particulièrement en matière de politique étrangère, sont [en effet]  disproportionnés par rapport au résultat atteint" (1)

(1) cité par Gerwart, op. cit. page 95

vendredi 7 février 2014

3990 - les quatre règles cardinales

... travailleur acharné et perfectionniste jusqu'à l'excès, mais également esprit romantique aspirant à une vie - et sans doute une mort - d'authentique guerrier germanique, Heydrich sait en tout cas que le Temps joue contre lui, ce pourquoi a-t-il édicté quatre règles cardinales que ses services, et plus tard son successeur Ernst Kaltenbrunner, continueront d'appliquer avec zèle jusque dans les ultimes minutes du Troisième Reich.

Primo, la lutte contre les "ennemis du Reich" (Juifs, francs-maçons, "prêtres politiques" et autres intellectuels "libéraux"), cette lutte devra être menée de façon complète et surtout préventive, donc AVANT que les intéressés aient eu le temps de commettre leurs crimes !

Deuxio, cette lutte ne peut sous aucun prétexte se retrouver limitée ou freinée par des contraintes légales : les agents du SD et le Gestapo auront donc de facto la liberté d'agir à peu près comme ils veulent,
et de mener toutes les actions répressives qu'ils estiment nécessaires.

Tertio, toutes les forces de Police devront à terme être unifiées au sein d'un seul et même service de "protection de l'État" : le futur Reichssicherheitshauptamt ou "Office central de la Sécurité du Reich" (RSHA) - nous y reviendrons - bien entendu placé sous la seule autorité d'Heydrich lui-même.

Quarto, et peut-être le plus important, seule une brutalité impitoyable, et l'absolue conviction du bien-fondé de celle-ci, permettront au bout du compte de venir à bout de tous les "ennemis" du peuple allemand.

Vaste programme...

jeudi 6 février 2014

3989 - "montrer l'exemple"

... car simplement obtenir un brevet civil, et piloter lui-même son propre avion pour ses déplacements, rien de tout cela ne saurait suffire à Heydrich qui, en 1939, ambitionnera rien moins que de devenir pilote de chasse !

Stupéfiante prétention : en 1939, et bien qu'en excellente forme physique, Heydrich avouera en effet 10 à 15 ans de plus que les apprentis pilotes de la Luftwaffe,... et des années d'expérience de moins que des pilotes de chasse chevronnés comme Adolf Galland ou Werner Mölders, par ailleurs bien plus jeunes que lui !

Et comme ni Hitler ni Himmler n'ont la moindre envie de le voir devenir aviateur à plein temps, ni d’encourir les risques inévitablement liés à cette activité, autant dire que la contribution du futur pilote de chasse Reinhard Heydrich aux succès de la Luftwaffe et à l'effort de guerre allemand, autant dire que cette contribution - mais n'anticipons pas - a toutes les chances de s'avérer on-ne-peut-plus anecdotique.

Mais on aurait cependant tort de n'y voir qu'un vulgaire et fort puéril caprice de diva tant la volonté d'Heydrich de "montrer l'exemple" en prenant lui-même d'importants risques individuels (1) tant cette volonté démontre une fois encore le courage et le côté romantique d'un personnage ô combien paradoxal...

(1) rappelons une fois encore que, même en l'absence de tout combat, le pilotage d'un avion de chasse constituait une activité à très haut risque : tous pays confondus, les accidents, en particulier au décollage et à l'atterrissage, ont en effet tué ou blessé bien plus de pilotes que les combats aériens eux-mêmes. A ce sujet : Saviez-vous que... Baa-Baa Black Sheep




mercredi 5 février 2014

3988 - s'élever au-dessus du lot

... car en plus de la musique, de ses multiples attributions officielles, et de la pratique de nombreux sports, Heydrich s'est découvert une nouvelle passion.

Comme s'il entendait - cette fois littéralement - "s'élever au-dessus du lot", il a en effet décidé de se lancer dans l'Aviation, et ce à une époque où cette pratique - rappelons-le - sans être aussi casse-cou qu'au début du siècle, n'en demeure pas moins infiniment plus risquée qu'aujourd'hui tant les accidents, souvent mortels, sont encore légion.

Mais le risque, bien loin de l'effrayer, attire au contraire Heydrich, et continuera d'ailleurs de l'attirer jusqu'à sa mort - violente et donc à l'image-même du personnage.

Apprendre à voler, surtout à cette époque, est une activité extrêmement physique, et aussi une activité extraordinairement coûteuse, mais le "surhomme aryen" Reinhard Heydrich est parfaitement équipé pour affronter le premier obstacle, tandis que son salaire de général lui permet à présent de s'affranchir sans difficultés du second.

Du reste, il peut aussi compter sur l'aide précieuse, et surtout sur les avions, d'Hermann Goering qui, ne l'oublions pas, est d'abord et avant tout le grand patron d'une Luftwaffe elle-même en plein essor.

Goering a certes bien des choses à reprocher à Heydrich, en particulier de l'avoir privé de la Gestapo qu'il avait lui-même créé, mais comme il vaut mieux s'entendre entre grands fauves plutôt que de s’entre-tuer, jamais Heydrich ne manquera d'un instructeur ou d'un avion de la Luftwaffe pour satisfaire ses moindres fantaisies.

En ce compris devenir pilote de chasse...

mardi 4 février 2014

3987 - le rêve d'une autre vie...

... en l'espace de seulement cinq ans, Reinhard Heydrich, ce jeune-homme romantique, ce musicien frustré d'une carrière, ce lieutenant de vaisseau chassé de la Marine pour une vulgaire peccadille, cet amoureux transi désespérant d'arriver un jour à se présenter devant l'autel avec sa belle, Reinhard Heydrich, donc, est devenu mari et père de famille et, surtout, général de la SS ainsi qu'un des hommes les plus puissants et redoutés d'Allemagne.

Mais Heydrich ne serait pas Heydrich, c-à-d un paradoxe vivant, s'il ne continuait pas à entretenir de toutes autres ambitions et à rêver d'une toute autre vie.

Il y a le violon et le piano, bien sûr, mais aussi le sport auquel il continue de s'adonner avec assiduité, à commencer par l'escrime, qu'il pratique à un niveau international, du moins lorsqu'il trouve le temps de s'échapper de son bureau : en 1941, en pleine guerre, et à l'âge de 37 ans, il se classera encore cinquième aux championnats d'Allemagne et, la même année, défera les trois escrimeurs hongrois qui lui seront opposés dans le cadre de la compétition Allemagne-Hongrie (1)

"Ses adversaires l'ont laissé gagner !", diront les mauvaises langues, et c'est bien sûr possible mais en réalité sans importance tant l'affaire témoigne surtout de l'entêtement de l'intéressé à vouloir "montrer l'exemple" en tout, et pas seulement dans le nombres d'heures passées au siège de la Gestapo de Berlin...

Au sein du Troisième Reich, par son engagement idéologique comme par son profil de demi-dieu blond et ses prouesses physiques, nul autre qu'Heydrich n'incarne mieux le mythe du "surhomme aryen", et si Arno Breker venait à manquer d'inspiration pour ses sculptures monumentales, et Joseph Goebbels pour ses films de Propagande nauséeux, c'est assurément vers Heydrich que les deux se tourneraient et à qui ils demanderaient de leur servir de modèle !

Mais pour Heydrich, ce n'est toujours pas assez...

(1) la Hongrie était militairement et politiquement alliée de l'Allemagne

lundi 3 février 2014

3986 - l'État d'urgence permanent

...pour combattre efficacement une telle pléthore "d'ennemis" - qui comprennent également tous les intellectuels professant des idées "libérales" ! - il faut naturellement de nombreux policiers, mais surtout des policiers dont l'action ne puisse être entravée par aucune loi !

"Himmler et Heydrich allaient finalement voir leurs demandes satisfaites : jusqu'en 1945, la [seule] assise légale des mesures de Police demeurerait le décret sur l'Incendie du Reichstag du 28 février 1933, une mesure d'urgence qui avait restreint les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution de Weimar, tels les droits individuels des prisonniers, la liberté d'expression et la confidentialité des communications écrites et orales.

Tout au long du Troisième Reich, la Police allemande allait [donc] opérer sous un État d'urgence permanent" (1).

Mais si son avenir matériel paraît définitivement assuré, et s'il dispose désormais d'un Pouvoir immense ainsi que de la garantie de l'exercer sans autres limites que celles esquissées - ô combien vaguement - par le Führer en personne, Heydrich ne serait pas Heydrich s'il ne continuait à nourrir de toutes autres ambitions...

(1) ibid, page 89

dimanche 2 février 2014

3985 - l'indispensable paranoïa

... mais pour justifier pareil Pouvoir, et de tels effectifs, il faut de fort nombreux "ennemis" et, surtout, des "ennemis" aussi dangereux que particulièrement difficiles à débusquer !

A tous ceux - c-à-d à l'immense majorité des Allemands - qui s'attendaient à ce que le Troisième Reich, une fois passés les inévitables soubresauts liés à ses débuts, devienne un État "normal" doté d'une Police qui le serait tout autant, Heydrich - pour d'évidentes raisons - oppose une fin de non-recevoir catégorique.

"Heydrich insistait sur le fait que la bataille n'était nullement terminée et qu'au contraire, la lutte contre les ennemis de l'Allemagne entrait maintenant dans sa phase la plus difficile et ultimement la plus décisive, laquelle exigerait "des années d'amers combats afin de repousser et de détruire l'ennemi une fois pour toutes"

"Selon Heydrich, les forces vives de l'ennemi étaient toujours les mêmes : la juiverie mondiale, la franc-maçonnerie mondiale et les "prêtres politiques", qui abusaient de la liberté d'expression religieuse ainsi que de la spiritualité de larges pans de la population à des fins politiques.

Ces trois "super-ennemis" du Nazisme visaient la destruction du Troisième Reich sous une myriade de camouflages dans lesquels les "soi-disant experts" de la bureaucratie gouvernementale jouaient un rôle-clé : ils informaient les ennemis politiques des initiatives légales menées contre eux et répandaient des rumeurs visant à un soulèvement contre le gouvernement d'Hitler" (1)

(1) Gerwart, op cit, page 88

samedi 1 février 2014

3984 - un Pouvoir immense

... 20 septembre 1936

A 32 ans, Reinhard Heydrich, ce jeune homme sensible que tout destinait à une carrière de musicien, ce lieutenant de vaisseau qui n'aimait rien tant que jouer du violon sur les navires de guerre de la Reichsmarine, Reinhard Heydrich donc, est désormais nanti d'un Pouvoir immense.

En plus du Sicherheitsdienst (SD) qu'il a lui-même créé en 1931 sur un coin de table dans la salle à manger d'Himmler, et de la Gestapo dont il a hérité en 1934 suite à la défaite de Goering, il chapeaute, depuis ce 20 septembre 1936, la police des frontières mais aussi, et surtout, la traditionnelle police criminelle allemande - la Kriminalpolizei ou KRIPO - dont le personnel, du coup, et plus plus de se retrouver dans la SS, va voir ses missions radicalement transformées.

Car pour Heydrich, et pour Himmler, il n'existe plus aucune raison de continuer à entretenir la distinction entre une police "politique" et une police "criminelle" : les deux hommes sont en effet convaincus que la "criminalité" au sens large a tout simplement des origines... "raciales" !

Des origines naturellement dominées par la "question juive"...