dimanche 28 février 2021

6658 - la chaleur de l'amitié intéressée

Hitler et Mussolini, à la descente d'avion de ce dernier, 14 septembre 1943

… Wolfsschanze, 14 septembre 1943

"Au matin du 14 septembre, Hitler se fit conduire au terrain de Rastenburg (…) Alors que Mussolini débarquait et posait le pied en sol prussien, Hitler lui donna chaleureusement l’accolade et, pendant un moment, les deux hommes demeurèrent main dans la main.

Hitler fut choqué par l’apparence négligée et maladive du Duce dans son costume bleu foncé. Ceux qui furent témoins de sa descente d’avion virent un Mussolini totalement différent de celui, autrefois puissant et tiré à quatre épingles, auquel ils étaient habitués. En privé, chacun était conscient que sa carrière politique était terminée"
(1)

Et de fait, l’emprisonnement et les événements des dernières semaines ont fait des ravages sur le dictateur italien qui, à 60 ans - il les a fêtés, en détention, le 29 juillet - en paraît facilement dix de plus, bredouille, s’égare, et donnerait manifestement n’importe quoi pour être ailleurs et surtout très loin de ce conflit auquel il ne croit plus et qu'il considère depuis longtemps comme perdu.

Mais de cela il ne saurait être question car Hitler a besoin de lui pour rallier ce qui reste de l’Italie fasciste, et il a aussi, et surtout, les moyens de se montrer convainquant !

Bien plus contraint qu’enthousiaste, Mussolini accepte donc la demande de son "ami Hitler" de former un nouveau gouvernement qui, sera, bien évidemment, placé sous la protection directe de l'Allemagne !

Le 23 septembre, revenu en Italie du Nord, et constamment accompagné d'une escorte de SS allemands dont on ne sait trop s'ils sont là pour le protéger ou alors pour l’empêcher de s’enfuir (!), Mussolini, qui n’est plus qu’un Duce d’opérette, va alors proclamer la naissance de la Repubblica Sociale Italiana (République Sociale Italienne ou RSI), laquelle va bientôt s'installer dans la petite ville de Salo (près du Lac de Garde) et écrire une des pages les plus noires de l'Histoire d'Italie...

(1) Baxter, op cit

samedi 27 février 2021

6657 - "vous m’avez ramené mon ami Mussolini !"

Skorzeny (au centre) et Mussolini, au Gran Sasso, 12 septembre 1943

… Wolfsschanze, 12 septembre 1943

Et deux jours plus tard, le personnel du quartier-général, déjà requinqué par le discours de leur Führer, d’assister à un véritable miracle !

"Alors qu’Hitler était occupé à souper avec Himmler, il fut interrompu par un domestique porteur d’un message urgent : Mussolini avait été retrouvé et libéré d’une prison de montagne par Otto Skorzeny, qui venait juste d’arriver à Vienne avec lui.

A cette nouvelle, Hitler sauta sur ses pieds et put à peine contenir sa joie : en un instant, il téléphona à Skorzeny et il lui déclara qu’il venait d’accomplir un fait d’armes appelé à passer à l’Histoire - "vous m’avez ramené mon ami Mussolini !", s’exclama-t-il""
(1)

Et de fait, dans une opération particulièrement audacieuse, le dit Skorzeny, néanmoins accompagné d’un commando de quelque 200 paras d'élite, a réussi non seulement à retrouver et libérer le Duce déchu, mais surtout à l’exfiltrer par avion depuis son hôtel-prison du Gran Sasso, où le gouvernement de Pietro Badoglio le retenait prisonnier !

Ayant réussi à rallier un terrain d’aviation près de Rome, Mussolini et Skorzeny ont ensuite embarqué dans un Heinkel 111, qui a aussitôt décollé pour Vienne.

Le lendemain, toujours flanqué de l’inévitable Skorzeny, Mussolini n’a plus qu’à reprendre un autre appareil, qui va les déposer tous les deux à Munich, ultime étape d’un parcours qui doit finalement les amener jusqu’à la Wolfsschanze, où Hitler les attend avec impatience…

(1) Baxter, op cit
(2) sur la Libération de Mussolini : Saviez-vous que… 6130 à 6136

vendredi 26 février 2021

6656 - le moral d'Hitler, le 10 septembre 1943

Sturmgeschutz et Marder à Rome, près de la Piazza del Popolo, novembre 1943
… Wolfsschanze, 10 septembre 1943

Mais aussi facilement et rapidement exécutée soit-elle, l’invasion de l’Italie par la Wehrmacht n’en représente pas moins un fardeau supplémentaire pour celle-ci et, pour Hitler, et après Koursk, un grave échec de plus, qu’il convient à présent d’expliquer à la Nation.

Et comme il ne saurait être question de s’en retourner à Berlin pour prononcer un discours, c’est par radio, et depuis les profondeurs du Führerbunker, qu’Hitler va s’adresser à son peuple.

"Entouré de Goering, d’Himmler et de quelques membres de son entourage, Hitler livra un discours de 20 pages à la Nation. Ceux qui le rejoignirent après cela à la Maison de Thé ne purent s’empêcher de déclarer à quel point ils s’étaient sentis revigorés par son impressionnante démonstration de confiance.

En dépit de sa santé chancelante, son don d’orateur semblait avoir favorablement impressionné le moral de ses plus proches collaborateurs.

Ceux qui devaient réellement mener la guerre sur le terrain n’étaient en revanche pas aussi convaincus" (1)

(1) Baxter, op cit

jeudi 25 février 2021

6655 - l'efficacité allemande, le chaos italien

Soldats italiens, capturés par les Allemands à Bolzano, septembre 1943

… Wolfsschanze, 8 septembre 1943

Au soir du 8 septembre, Hitler, qui vient tout juste de rentrer d’une visite-éclair au Q.G. ukrainien de Manstein, s’est déjà retiré dans ses appartements lorsque lui parvient la nouvelle de l’armistice italien.

Le choc est rude, mais Hitler, qui craignait un tel dénouement depuis l'éviction et l'arrestation du Duce, s’est néanmoins longuement préparé à pareille éventualité : depuis plus d'un mois, il a en effet fait masser soldats et Panzers près de la frontière italienne, en sorte que ceux-ci sont immédiatement en mesure de passer à l’action,… et avec d’autant plus de facilité que rien n'a été fait, côté italien, pour fournir aux troupes la moindre instruction sur la conduite à tenir en cas d’invasion allemande !

Dans les rangs italiens, c'est donc la confusion la plus totale. Que faut-il faire ? Qui donne les ordres ? Que fait le gouvernement ? Faut-il vraiment s'opposer, les armes à la main, à ces soldats allemands aux côtés desquels on combat tout de même depuis trois ans ?

Mais en face, les dits soldats allemands ne se posent pas autant de questions ! Leur objectif est en effet très clair : désarmer et neutraliser l'armée italienne, envoyer ses soldats dans des camps de prisonniers,... et mettre la main sur tout ce qui pourrait s’avérer utile au Reich et à l'effort de guerre allemand !

Pour ceux qui, parmi ces infortunés soldats italiens, parviennent à échapper à l'arrestation, et dont certains combattent depuis 1935, "rentrons chez nous !" devient alors le principal, sinon le seul, mot d'ordre.

Et du reste, comment pourrait-on leur en faire grief quand, le soir-même, le Roi, l'État-major, et le gouvernement tout entier,… fuient Rome pour se mettre sous la protection des Alliés…

mercredi 24 février 2021

6654 - sous le signe de la confusion

… mais à la grande surprise des Alliés, cet armistice tout juste signé par les Italiens n'est pas communiqué aux troupes italiennes, lesquelles, de facto, demeurent donc belligérantes !

Car à Rome, Badoglio est toujours à la recherche de "garantie", et en particulier de l'envoi immédiat de plusieurs milliers de parachutistes alliés chargés de protéger la Ville éternelle, le gouvernement... et lui-même d'une inévitable réaction allemande

Mais ces garanties, les Alliés refusent de les lui accorder tant et aussi longtemps qu'ils n'auront pas reçu eux-mêmes la… garantie que les soldats italiens vont bel et bien combattre à leurs côtés dès les premières minutes de leur arrivée dans la Péninsule !

Les heures et les jours passent,... sans nouvelle des Italiens et de leurs véritables intentions.

Le 8 septembre, alors que les Britanniques ont déjà débarqué à Reggio di Calabria, et que les Américains, de leur côté, se préparent à en faire de même à Salerne, Eisenhower perd patience, rend publique la signature de l'accord, et force ainsi Badoglio à en faire de même une heure plus tard,... précipitant aussi l'intervention des Allemands !

Car contrairement à leurs adversaires, Hitler et la Wehrmacht sont prêts depuis longtemps...

mardi 23 février 2021

6653 - la comedia dell'arte

Mussolini et Badoglio : on n'est jamais trahi que par les siens...
… Cassibile, Sicile, 3 septembre 1943, 17h30

Car chez les Alliés, la satisfaction consécutive à la chute de Mussolini a rapidement cédé la place à l'embarras devant le caractère pour le moins compliqué de la nouvelle réalité italienne.

Convaincus - comme il faut bien le dire la majorité des soldats et des citoyens italiens - que la guerre est perdue et que la seule chose qui importe désormais est de sauver ce qui peut encore l'être,... en commençant bien sûr par leur propre peau, positions et privilèges, Badoglio, son nouveau gouvernement, et la Maison de Savoie, ont certes entrepris de discrets pourparlers destinés à arracher un armistice suivi d'un éventuel retournement d'alliance

Mais parce qu’ils craignent - non sans raison - de voir débouler les Panzers sitôt la nouvelle de cet armistice parvenue aux oreilles d’Hitler, ils réclament également des garanties, et en particulier un débarquement massif des forces anglo-américaines en Italie, ainsi que l'envoi de milliers de parachutistes à Rome sitôt leur signature apposée sur le document !

Or le problème, c'est que les Alliés ne disposent pas encore des moyens militaires qui leur permettraient de débarquer et d'occuper directement l'Italie continentale, et aussi - et peut-être surtout - qu'il leur est bien difficile de comprendre la logique et les véritables intentions de ces Italiens qui continuent de cajoler Hitler tout en leur envoyant quantités d’émissaires... dont personne ne sait s'ils sont réellement habilités à négocier quoi que ce soit !

Pendant des semaines, et dans la plus pure tradition de la comedia dell'arte, s'ensuivent alors de pénibles tractations jusqu’à ce que, le 3 septembre 1943, le général Castellano accepte enfin d'apposer sa signature au bas du traité…

lundi 22 février 2021

6652 - l'onde de choc italienne

Goering, Hitler et Speer, à la Wolfsschanze, 6 août 1943
… Wolfsschanze, 25 juillet 1943, 21h30

C’est à la Wolfsschanze, où il est revenu sans rien avoir obtenu des Italiens, et donc de fort méchante humeur, qu’Hitler apprend, dans la nuit du 25 juillet, l’éviction de son "ami Mussolini", et son remplacement par un maréchal Badoglio qui promet certes de "poursuivre la guerre aux côtés de l’Allemagne", mais dont chacun devine qu’il ne cherche en fait qu’à conclure au plus vite une paix séparée avec les Alliés !

"Même si Hitler avait envisagé la chute du fascisme en Italie, la perte de Mussolini provoqua une onde de choc dans tout le quartier-général. (…) Hitler convoqua ses principaux responsables à la Tanière du Loup pour une réunion d’urgence. Goering, Goebbels, Ribbentropp, Himmler et Dönitz (1) s’y présentèrent en compagnie de plusieurs membres de leur propre État-major

(…) Dans les jours suivants, Hitler tint une série de réunions de guerre avec à chaque fois pas moins d’une trentaine de personnes entassées dans une pièce moite et étouffante. Durant ces rencontres interminables, plusieurs décisions-clé relatives à l’avenir de l’Axe furent débattues. L’emphase fut particulièrement mise sur la restauration du gouvernement fasciste de Mussolini" (2)

Reste que pour l’heure, et avec les événements qui ne cessent de se bousculer à l’Est, où les Soviétiques, victorieux à Koursk, poursuivent leur offensive sans se soucier des pertes, rien ne peut véritablement être entrepris en Italie et au profit du Duce déchu, ce qui, en théorie du moins, offre donc un véritable boulevard aux Anglo-américains…

… à condition toutefois que ceux-ci sachent eux-mêmes quoi faire de l’Italie !

(1) le 30 janvier 1943, Karl Dönitz avait remplacé Erich Raeder à la tête de Marine de guerre allemande
(2) Baxter, op cit

dimanche 21 février 2021

6651 - la tragi-comédie italienne

Victor-Emmanuel III et Mussolini : une complicité de vingt ans...
... Villa Savoie, Rome, 25 juillet 1943

Si les chiffres - comme c'est la coutume - varient énormément d'un auteur à l'autre, on estime généralement à environ 60 000 le nombre de victimes civiles et militaires des raids aériens alliés opérés sur l'Italie entre 1940 et 1943.

Par rapport aux pertes endurées par l’Allemagne et l’URSS dans le même intervalle, ce n’est guère,... mais Mussolini n’est ni Hitler ni Staline, et aussi dictatorial puisse-t-il sembler, son régime ne dispose pas pour sa part d'un puissant appareil répressif, et ne peut pas non plus compter, surtout depuis la perte de l'Afrique du Nord, sur une population véritablement désireuse d'endurer toutes les souffrances et tous les sacrifices jusqu'à la "Victoire finale" !

Aussi, lorsque le Grand Conseil du Fascisme se réunit le 24 juillet 1943, à la suite du débarquement allié en Sicile, et cinq jours après un bombardement qui a fait environ 3 000 morts à Rome, les conseillers finissent par adopter, aux petites heures du lendemain, une résolution appelant à l'octroi des pleins pouvoirs au Roi Victor-Emmanuel III.

Et lorsqu'il se rend chez le monarque quelques heures plus tard, le Duce apprend, à sa plus grande surprise, que le dit Roi, suivant l'avis du Conseil, a décidé de le démettre de ses fonctions de Chef du gouvernement et de le remplacer à ce poste par le maréchal Pietro Badoglio !

A sa sortie de la Villa Savoie, Mussolini est même arrêté par les carabiniers, et poussé dans une ambulance jusqu'à un poste de police, où il est aussitôt enfermé au secret.

Après 21 ans de Pouvoir ininterrompu, le Duce vient donc d'être renversé en catimini par ceux qui comptaient jusque-là parmi ses plus fervents partisans, lesquels, eux-mêmes surpris par leur propre audace, mais aussi craignant à juste titre une violente réaction allemande, s’abstiennent néanmoins de le mettre en accusation ou de le faire fusiller, et, tout en lançant immédiatement de discrets pourparlers de Paix avec les Alliés (!), proclament au contraire leur ferme intention de poursuivre la guerre aux côtés de l’Allemagne…

samedi 20 février 2021

6650 - bombarder Rome

Le Pape Pie XII, célébrant la messe après le bombardement du 19 juillet 1943
… Rome, 19 juillet 1943

Dès juin 1940, les Britanniques avaient commencé à bombarder sporadiquement les villes italiennes avec, il faut bien le dire, fort peu de résultats vu l’insigne faiblesse des moyens dont ils disposaient

En fait, il avait fallu attendre le bombardement de Gênes, le 22 octobre 1942, pour que ces actions prennent une tournure d’autant plus préoccupante pour l'Italie que la perte de l'Afrique du Nord avait bientôt placé des villes comme Catane, Palerme ou encore Naples sous le feu direct des bombardiers alliés qui, n'ayant par ailleurs pas grand-chose à craindre de la DCA ou de la chasse italiennes, pouvaient opérer bien plus confortablement qu'au dessus de l'Allemagne.

Et la population italienne, qui jusque-là ne s'était nullement émue des bombardements italiens sur des villes ou villages éthiopiens, britanniques, grecs ou russes (y compris, en Éthiopie, avec des gaz de combat), avait soudainement fort peu apprécié de se retrouver à son tour prise pour cible dans ses propres villes et villages !

Le soutien au régime de Mussolini ayant lui-même considérablement décliné depuis la perte des premières colonies africaines, suivies par les catastrophiques défaites d'El-Alamein et de Stalingrad, ce premier bombardement de Rome, qui survient à peine une semaine après l'annonce du débarquement allié en Sicile, constitue la véritable goutte d'eau qui fait déborder le vase !

Six jours plus tard, le Grand Conseil du Fascisme, qui n'a plus été convoqué depuis 1939, va en effet voter une résolution visant à octroyer les pleins pouvoirs au Roi, une résolution qui constitue, de facto, un véritable désaveu de la politique de Mussolini, lequel va chuter de son piédestal dans les heures suivantes...

vendredi 19 février 2021

6649 - quelque chose va craquer...

Hitler, à son arrivée à la Villa Gaggia pour sa rencontre infructueuse avec Mussolini, 19 juillet 1943
… Villa Gaggia (Dolomites), 19 juillet 1943

Or Hitler - nous l’avons vu - sait que la Wehrmacht, très engagée sur le Front de l’Est, et considérablement affaiblie, ne peut s’offrir le luxe d’un "Second Front" à l’Ouest, ce pourquoi il est capital de remotiver Mussolini et les Italiens afin que ce soit des soldats italiens - et pas des soldats allemands - qui défendent le sol italien contre l’invasion des Anglo-américains !

C’est du moins le message que le Führer et son entourage ont l'intention  de bien faire comprendre à leurs interlocuteurs italiens lorsqu’ils les rencontrent à la Villa Gaggia le 19 juillet, pour des pourparlers qui doivent s’échelonner sur trois jours.

Mais les Italiens ont manifestement la tête ailleurs, et c'est particulièrement vrai de Vittorio Ambrosio, chef d’État-major des forces armées italiennes qui, avant la réunion, a clairement fait savoir à Mussolini que son devoir était de faire sortir l’Italie de la guerre dans les quinze jours !

S’il n’en tenait qu’à lui, le Duce s’empresserait de lui donner satisfaction,… mais comment présenter la chose au puissant allié allemand et à son "ami Hitler", auprès duquel il se sent et se comporte depuis longtemps comme un parent pauvre ?

Hitler, du reste, refuse catégoriquement d’envisager pareille perspective et, après avoir débuté la réunion en blâmant les Italiens pour leurs piètres performances militaires, exige au contraire de ceux-ci des mesures draconiennes en faveur de l’effort de guerre !

C’est alors qu’un aide-de-camp de Mussolini fait irruption dans la salle, pour lui apprendre que plus de 600 bombardiers américains sont actuellement occupés à bombarder Rome.

Pour le Duce, l’occasion est trop belle pour ne pas saisir pas au vol cette opportunité de mettre fin à une réunion ô combien embarrassante, et pour s’en retourner dans la Ville éternelle, au grand dam du Führer, furieux de n’avoir rien obtenu des Italiens…

jeudi 18 février 2021

6648 - le découragement transalpin

Ferdinand terrassé sur le Front de l'Est, à 'image de toute l'armée allemande...
… Wolfsschanze, 18 juillet 1943

Le 18 juillet, alors qu’autour de Koursk les unités allemandes ont débuté leur repli sans savoir où et quand celui-ci va se terminer (1), Hitler décide pour sa part de quitter la Wolfsschanze pour les Dolomites et une importante réunion avec Mussolini.

Après le cinglant échec de Citadelle, le Führer, il est vrai, aspire fort naturellement à changer d’air et à échapper, ne serait-ce qu’un instant, au climat de découragement qui s’est une nouvelle fois abattu sur le quartier-général.

Mais pour l’heure, le découragement des Italiens, et en particulier celui du Duce, lui parait bien plus grave encore !

En décembre 1942, juste avant la catastrophe de Stalingrad, le comte Ciano - rappelons-nous - avait déjà informé Hitler de la volonté italienne de rechercher une "solution politique" avec les Soviétiques, une volonté qu’Hitler avait aussitôt balayé du revers de la main, en l’assimilant même à une trahison.

Mais sept mois plus tard, après Stalingrad, après le retrait définitif de la 8ème Armée italienne du Front de l’Est - où elle a perdu la moitié de ses 235 000 hommes ! - et, surtout, après la perte de tout l’Empire italien puis l’invasion de la Sicile par les Alliés, la présence de l’Italie aux côtés de l’Allemagne ne tient véritablement plus qu’à fil… d’autant plus fragile que le Duce se sait lui-même sur un siège éjectable et menacé par les membres de son propre parti !

(1) pour une analyse plus approfondie de la Bataille de Koursk : Saviez-vous que… Citadelle

mercredi 17 février 2021

6647 - l'inévitable retraite

Tiger, en action à Koursk. Trop peu nombreux pour faire la différence...

… comme ce redéploiement prendra de toute manière plusieurs jours, et même plusieurs semaines, cela ne change rien dans l’immédiat aux combats qui continuent de se dérouler au Sud de Koursk, sans autre résultat que d'engloutir de nouveaux soldats, de nouveaux tanks et de nouveaux avions.

Mais le 16, Manstein lui-même doit se rendre à l’évidence : Citadelle est définitivement enterrée,  et les Panzers contraints de battre en retraite jusqu'à leur ligne de départ du 5 juillet,… non sans avoir dû abandonner derrière eux quantités de leurs congénères impossibles à remorquer ou à réparer sur place.

C’est fini : le "grand coup" souhaité par Hitler se solde donc par un échec cinglant d’autant plus difficile à accepter qu’il s’est cette fois produit au beau milieu de l'été et non plus, comme lors des deux années précédentes, en plein cœur de l’hiver !

Pire encore : cet échec est synonyme d’une nouvelle et inévitable retraite à laquelle même Hitler ne peut cette fois plus s’opposer : sous les coups de boutoir d’une Armée rouge dont les ressources semblent plus que jamais inépuisables, Orel sera libérée le 5 août, soit à peine un mois après le début de l'offensive de Model sur Koursk. Encore un mois, et ce sera le tour de Bryansk (17 septembre), puis de Smolensk (25 septembre)

Au Sud, où la dite Armée rouge a davantage souffert, Belgorod tombera également le 5 août, mais il faudra encore douze jours de combats acharnés aux Soviétiques pour reprendre enfin Kharkov (23 août), que Manstein leur avait lui-même repris en mars.

A la fin août, la Wehrmacht, qui malgré ses déboires se replie une fois encore en bon ordre, n'aura finalement plus d'autre choix que de se retrancher derrière le Dniepr, où elle va résister avec succès pendant les quatre prochains mois…

mardi 16 février 2021

6646 - des pertes insupportables

Koursk : des pertes effroyables... que seuls les Soviétiques étaient en mesure de surmonter

… Wolfsschanze, 13 juillet 1943

"En l’espace de seulement cinq jours de durs combats, de nombreuses unités allemandes avaient déjà perdu une incroyable quantité d’hommes et de matériels. La division d’élite Grossdeutschland, qui avait débuté la bataille avec 118 tanks, ne disposait ainsi plus que de 3 Tiger, 6 Panther et 11 Panzers III et IV opérationnels"(1)

Les Soviétiques, bien sûr, ont également subi des pertes au moins analogues, mais eux sont en mesure de les compenser alors que les Allemands sont déjà au bout du rouleau,… et d’autant plus qu’à des milliers de km de là, l’évènement tant redouté par Hitler vient de se produire : le 10 juillet, les Anglo-Américains ont en effet débarqué en Sicile, prélude à une inévitable invasion de l’Italie !

Le 13 juillet, Hitler convoque donc Manstein à la Wolfsschanze. En éternel optimiste, ce dernier  demeure convaincu que les forces russes s'épuisent plus rapidement que les siennes, et qu'un ultime effort de la Wehrmacht et de ses Panzers permettra enfin de percer les lignes soviétiques et de prendre leurs défenseurs au piège.

Mais Hitler n’est pas du tout du même avis, et ne se prive pas de le lui faire savoir

"Il déclara qu’à la lueur des rapports faisant état de débarquements ennemis en Sicile, où les Italiens n’essayaient même pas de combattre, il était nécessaire de constituer de nouvelles armées en Italie et à l’Ouest des Balkans. Ces forces, dit-il, devaient être prélevées sur le Front de l’Est, ce qui impliquait de mettre un terme à Citadelle"
(2)

En pratique, cela signifie par exemple que la SS Leibstandarte va devoir quitter le Front de l'Est en abandonnant tout son matériel derrière elle, et que la Luftwaffe, pourtant exsangue, n'aura d'autre choix que de jouer une fois de plus au "pompier volant", en dépêchant en catastrophe sur le théâtre méditerranéen des appareils et des pilotes qui manqueront cruellement à l'Est (3) lorsque se déclenchera, dans quelques jours, la contre-offensive soviétique…

(1) et (2) Baxter, op cit
(3) avant-même le débarquement de Sicile, le Front de l'Est ne représentait déjà plus que 40 % des effectifs totaux de la Luftwaffe, et moins de 30 % de ses chasseurs

lundi 15 février 2021

6645 - pas de miracle

Tiger et Panther, à Koursk. Notez la conception radicalement différente de leur blindage
… loin de relever d’un quelconque flamboiement de génie militaire, Koursk est une vulgaire bataille d’attrition,... que les soldats, les tanks et les avions allemands, largement moins nombreux que leurs adversaires, sont donc condamnés à perdre.

Et comme il fallait le craindre, les nouveaux tanks "miracle" d’Hitler sont capables de tout… sauf du "miracle" attendu !

C’est particulièrement vrai du Panther, dont deux exemplaires avaient déjà brûlé de fond en comble en descendant simplement du train (!), et qui ne cessent depuis lors de tomber en panne les uns après les autres (1) au plus profond désespoir de leurs équipages.

Les Ferdinand se comportent mieux, mais si leur blindage fait le poids - dans tous les sens du terme ! - leurs roulements demeurent vulnérables aux mines et aux obus, et leur mécanique trop complexe ne supporte aucun usage intensif ou simplement prolongé. Et comme il n’existe aucun moyen de remorquer la bête hors de la zone des combats, la moindre panne se traduit inévitablement par la perte du véhicule (2)

En définitive, seul le Tiger, utilisé pour la première fois en (relativement) grand nombre, semble en mesure de tenir ses promesses : malgré ses nombreux défauts - qui ne seront du reste jamais résolus - ce char super-lourd au blindage épais et au puissant canon de 88mm pourrait bel et bien faire la différence sur le champ de bataille,… si les unités engagées au combat en possédaient trois ou quatre fois plus, et si l’industrie allemande était capable de le produire en masse !

(1) seuls 9 Panther sur 200 survécurent à la Bataille de Koursk, mais pour être aussitôt renvoyés en usine afin d’y être reconstruits !
(2)  près de la moitié des Elefant engagés à Koursk finira ainsi entre les mains des Soviétiques.

dimanche 14 février 2021

6644 - "Injections comme toujours… à peine dormi trois heures à cause de sa nervosité"

Koursk : la plus grande bataille de blindés de l'Histoire
… Wolfsschanze, 5 juillet 1943

Aux premières heures du 5 juillet, les 9ème et 4ème Armée allemandes passent donc à l’attaque dans le Saillant de Koursk pour ce qui va devenir la plus formidable bataille de tanks de l’Histoire.

A la Wolfsschanze, à plus de 1 000 km de là, Hitler attend fiévreusement des nouvelles de ce "grand coup" qui est aussi sa troisième offensive à l’Est,... et son ultime chance d’y infléchir le sort de la guerre.

"Les jours suivants, Hitler téléphona continuellement à Zeitzler, avide d’obtenir les dernières nouvelles de la bataille. Aux premières heures du 6, Morell vint voir Hitler et nota dans son journal "Injections comme toujours… à peine dormi trois heures à cause de sa nervosité"" (1)

Et Dieu sait qu’Hitler a bel et bien de quoi être nerveux puisque, sur le terrain, la progression des troupes ne tarde pas à accumuler un retard irrattrapable, particulièrement au Nord, où la 9ème Armée de Model est définitivement bloquée après seulement trois jours où elle n’a progressé que d’une dizaine de km, butant constamment sur d’immenses champs de mines qui ont déchenillé les 3/4 de ses monstrueux tanks Elefant !

Au Sud, l’affaire se passe un peu mieux pour la 4ème Armée de Manstein, mais sans que l’on puisse pour autant parler de percée décisive.

Heure après heure, jour après jour, les pertes humaines et matérielles ne cessent d’augmenter. Mais si les Soviétiques, dont les réserves paraissent inépuisables, sont en mesure de compenser celles-ci, il en va tout autrement du côté allemand, où les dites réserves sont pour ainsi dire inexistantes…

(1) Baxter, op cit

samedi 13 février 2021

6643 - l'ultime offensive à l'Est

Panther en route vers Koursk. Deux d'entre eux prendront feu dès leur descente du train...
... de fait, au moment où Hitler se décide enfin à passer à l’action, et au moment où les 200 premiers chars Panther arrivent enfin au Nord et au Sud de Koursk, le déclenchement de l’Opération Citadelle accuse déjà plus de deux mois de retard sur le planning préconisé par Manstein.

Pour autant, ce dernier, peut-être intoxiqué lui aussi par la Propagande sur la supériorité aryenne en général, et sur celle du soldat allemand en particulier, ne doute pas de la victoire.

"On peut incliner à croire", écrira-t-il d’ailleurs après guerre, "que nous aurions dû déclarer catégoriquement l'opération impossible, car elle était prévue pour exploiter la faiblesse momentanée de l'ennemi, faiblesse qui avait disparu après tous ces retards.

Je ne l'ai pas fait (...) pour les raisons suivantes. Premièrement, renoncer à Citadelle aurait entraîné une nouvelle attente avec tous les dangers que celle-ci comportait, eu égard à l'ouverture éventuelle d'un second Front [à l'Ouest].

Deuxièmement, nous étions convaincu du succès (...) malgré les difficultés, alors que nous étions inquiets des conséquences d'une attaque soviétique [préventive] dans la région du Donets.

Une victoire à Koursk nous aurait permis de parer à une crise dans cette région, et peut-être même de remporter une victoire plus grande encore" [c-à-d contraindre les Soviétiques à renoncer à toute attaque avant des mois, et peut-être même à signer une paix séparée] (1)

Les dés sont donc jetés : ni l'absence totale de surprise, ni la supériorité numérique des Soviétiques, ni même les nombreuses maladies de jeunesse des nouveaux chars Panther et Elefant, ne vont donc empêcher la Wehmacht de mener sa grande - et ultime - offensive à l'Est...

(1) Lemay, op cit, page 383

vendredi 12 février 2021

6642 - où est la surprise ?

Tiger en route vers Koursk : les Soviétiques s'attendaient à leur attaque
... et en vérité, Hitler a d’autant plus de raisons d’être inquiet que l’Armée rouge de 1943 est incomparablement plus forte que celle de 1941 !

Plus aguerris, mieux équipés et mieux commandés qu'en 1941, les soldats soviétiques disposent à présent de toutes les qualités requises pour contrer la nouvelle offensive d'été de leurs adversaires de la Wehrmacht,... et faire en sorte que celle-ci soit aussi la dernière.

Mais leur principal atout ne réside ni dans leur nombre, ni dans leur qualité, ni même dans leur motivation, mais tout simplement,... dans l'absence totale d'effet de surprise !

Depuis près de quatre mois, ils savent en effet qu’Hitler va siffler le début de la partie dans le Saillant de Koursk, et ils s'y sont naturellement préparés en conséquence.

Travaillant nuit et jour, utilisant tous les moyens disponibles, et aidés dans leur tâche par quelque 300 000 civils plus ou moins volontaires, ils ont notamment construit une voie ferrée de 100 km de long afin d'acheminer renforts et matériels à travers la plaine.

Sur ce saillant de 23 000 km carrés - les 3/4 de la Belgique - ils ont également creusé un gigantesque réseau de tranchées qui, mises bout à bout, s'étendent sur 5 000 kilomètres (!) et constituent quatre grandes lignes de défense, séparées de 15 à 20 km les unes des autres.

Et ils ont aussi posé un demi-million de mines - en certains endroits, leur densité dépasse même les 2 000 mines au kilomètre carré (!) - et enterrés tanks et canons de manière à les rendre moins vulnérables.

Ces formidables travaux d'Hercules n'ont, bien entendu, pas échappé aux reconnaissances aériennes de la Luftwaffe ce qui, en toute logique, aurait dû conduire à l'annulation sine die d'une partie aussi mal engagée...

jeudi 11 février 2021

6641 - "Toute la nuit, on vit Hitler arpenter les couloirs et les pièces de son bunker, parlant constamment de la bataille à venir"

Hitler, recevant des officiers turcs à la Wolfsschanze, 6 juillet 1943. La Turquie demeurera neutre
… Wolfsschanze, 01 juillet 1943

Le 21 mai, c’est donc toujours dans l’incertitude qu’Hitler quitte la Wolfsschanze pour un nouveau séjour au Berghof assurément bienvenu compte tenu de l’extrême tension des dernières semaines.

"Le 1er juillet, après avoir passé près de six semaines au Berghof, Hitler et sa suite revinrent en Prusse orientale. Citadelle occupait maintenant la première place dans ses pensées. Quand ils arrivèrent à la Tanière du loup, l’air était inhabituellement froid pour cette période de l’année, ce qui ajoutait au découragement général.

Le même soir, Hitler s’adressa à ses commandants (…) "J'ai l'intention de fixer la date de départ de Citadelle au 5 juillet". Il fit savoir dès le départ que l'opération avait des objectifs limités, et il souligna qu'il ne voulait pas que ses forces soient entraînées, comme à Stalingrad, dans une bataille acharnée et interminable.

Les jours suivants, la tension s’empara de la Tanière du loup alors que Citadelle était sur le point de commencer. L'incertitude quant à l’issue de la bataille continuait de préoccuper Hitler, et nombre de ses collaborateurs remarquèrent qu'il était devenu très pâle et renfermé.

La nuit, on le voyait à la salle des cartes, s’efforçant de deviner l’endroit où les combats seraient les plus violents. Ne s’accordant quasiment aucun sommeil et enchaînant les réunions de guerre les unes après les autres, sa santé se détériora à nouveau.

(…) A la veille de l'attaque, le quartier général était rempli d'appréhension. Toute la nuit, on vit Hitler arpenter les couloirs et les pièces de son bunker, parlant constamment de la bataille à venir" (1)

(1) Baxter, op cit

mercredi 10 février 2021

6640 - "bons pour la guerre" ?

L'Elefant : monstrueux dans tous les sens du terme
… à la fin de mai 1943, la situation est même devenue si dramatique que tous les Panther déjà sortis d'usine ont dû y être renvoyés au moins une fois afin d’y être réparés voire reconstruits presque entièrement !

Compte tenu de l’enjeu que représente Koursk, et des difficultés que le Panther ne manquera pas d’y rencontrer, la sagesse voudrait que l’on s’abstienne d’engager pour la première fois au combat un engin aussi peu fiable et a priori aussi mal né, mais Hitler s'entête : vu la faiblesse des Panzers III et IV, et du trop petit nombre de Tiger disponibles, le Führer tient absolument à ce que le Panther soit présent lors de Citadelle, ce qui implique donc de retarder cette opération en fonction des nouvelles - guère rassurantes - en provenance des ateliers (!)

A la fin juin, quelque 200 Panther enfin considérés "bons pour la guerre" prennent finalement le train à destination de Koursk… en même temps qu’un centaine d’exemplaires du monstrueux Ferdinand (1) dû à Ferdinand Porsche.

Prix de consolation après le combat perdu contre Henschel dans l'attribution du contrat pour le Tiger, et construit à seulement 91 exemplaires, l'engin ne ressemble en vérité à rien de connu, avec son canon de 88mm installé sous une casemate fixe à la hauteur impressionnante et qui, conjuguée à un blindage qui atteint 20 cm à l’avant (!) catapulte le poids de l’ensemble à pas moins de 65 tonnes (!), synonyme de l’impossibilité, en cas de panne, de remorquer la bête puisque la Wehrmacht ne dispose tout simplement pas, dans son inventaire, d’un seul engin capable d’assurer cette tâche (2)

(1) Le nom d’”Elefant”, qui reste le plus étroitement accolé à ce tank, est néanmoins postérieur à la Bataille de Koursk
(2) Le remorquage d’un Tiger de “seulement” 55 tonnes mobilisait déjà 3 ou 4 half-tracks FAMO et ne pouvait s’accomplir que dans des conditions très favorables

mardi 9 février 2021

6639 - "prometteur mais très perfectible"

Le Panther : prometteur mais très perfectible...
… le Panzer IV n'offrant plus qu'un potentiel de développement extrêmement limité, et le Tiger, malgré ses qualités et son canon de 88mm, étant trop lourd et trop difficile à fabriquer, la Wehrmacht a donc réclamé, fin 1941, un équivalant direct au T-34 russe, soit un char moyen d'environ 35 tonnes, lui aussi doté d'un canon de 75mm et d'un blindage fortement incliné.

Bien que la proposition de Daimler-Benz - copie quasi-conforme du T-34 - ait eu la préférence d’Hitler, celle-ci a néanmoins fini par être écartée au profit de celle de MAN dont les ingénieurs, dans la meilleure tradition allemande, se sont ensuite échiné à en enrichir et à en compliquer tellement le dessin que le produit fini, le PzKpfw V "Panther", n’a rapidement plus offert la moindre ressemblance avec le T-34,… tout en accusant 10 tonnes de plus sur la balance !

45 tonnes, c’est toujours 10 tonnes... de moins que le Tiger, mais c’est tout de même beaucoup pour son V12 Maybach, qui surchauffe en permanence et accuse de surcroît une forte propension à la combustion spontanée !

Et si son blindage - du moins à l'avant - offre une excellente protection (1), et si son canon de 75mm à haute vitesse initiale fait jeu à peu près égal avec le 88mm du Tiger, le reste de l'engin peut seulement être qualifié de "prometteur mais très perfectible".
 
Moteur, transmission, suspension, tout se rompt, se bloque ou prend carrément feu (!) à des intervalles désespérément brefs et à un point tel que bien que testé pour la première fois en septembre 1942, le Panther n'est toujours pas prêt au combat six mois plus tard (!) alors qu’Hitler, emporté par son éternelle démesure, a pourtant ordonné que la production débute dès janvier 1943, à un rythme de 600 exemplaires par mois,… qui ne sera du reste jamais atteint (2)

(1) sur les exemplaires de fin de guerre, construits dans les pires conditions possibles et avec des normes de qualité très relâchées, le blindage se brisait néanmoins très facilement
(2) la production de l'année 1943 ne dépassera pas 150 exemplaires par mois. A la Capitulation allemande, quelque 6 000 exemplaires avaient été fabriqués, soit environ 220 par mois en moyenne.

lundi 8 février 2021

6638 - "surclassée dans tous les compartiments du jeu"

Le Tiger I : extrêmement puissant... et extrêmement difficile à construire et à mettre en oeuvre
… en termes footballistiques, on dirait de l’équipe d’Allemagne qu’elle est désormais "surclassée dans tous les compartiments du jeu", ce qui augure plutôt mal du succès du match qu’elle se propose de jouer prochainement à Koursk.

Et c’est particulièrement vrai dans le domaine des tanks, où ses joueurs les plus nombreux seront encore et toujours des Panzers III et IV d’une vingtaine de tonnes qui, malgré diverses améliorations au niveau du blindage et de l’armement, demeurent largement inférieurs aux T-34 russes.

Cette faiblesse notoire est d’ailleurs l’autre grande raison qui, depuis des semaines, pousse Hitler à retarder sans cesse le début du match, afin de permettre à l’industrie allemande de produire quelques Tiger de plus et, surtout, de livrer enfin les premiers exemplaires opérationnels du très attendu Panther.

Le premier n’est pas un inconnu : présenté - comme nous l’avons vu - à Hitler en avril 1942, le Tiger est apparu au compte-gouttes sur le Front de l’Est à l’automne, mais il a fallu attendre la Troisième Bataille de Kharvov, en mars de l’année suivante, pour que ce monstre de près de 60 tonnes soit enfin capable de démontrer sur le terrain ce dont il est capable.

Mais si le Tiger a vite établi de nouvelles normes, et surclassé les T-34 et autres KV-1 soviétiques sur le plan du blindage comme de la puissance de feu (1), il s’est aussi avéré - pour les raisons que nous avons déjà évoquées - trop peu pratique en opérations et, surtout, bien trop coûteux et difficile à produire en série, handicap qui, avant-même sa mise en service, a d’ailleurs poussé la Wehrmacht à souhaiter un tank un peu plus "raisonnable"…

(1) dans des conditions optimales, il n’était pas rare de voir un Tiger pulvériser dix, quinze, voire une vingtaine (!) de ses adversaires sans souffrir lui-même de gros dommages.

dimanche 7 février 2021

6637 - le déséquilibre des forces

Le T-34 - ici un modèle 85 - produit à... 50 000 exemplaires !
… car le "grand coup", c-à-d "l’Opération Citadelle", représente pour Hitler, et pour le Reich tout entier, un pari extraordinairement risqué !

Compte tenu de la résistance prévisible des Soviétiques dans le Saillant de Koursk, cette opération ne peut en effet réussir qu’à la condition de lui consacrer des forces matérielles considérables, c.-à-d. non seulement des troupes, mais aussi des canons, des tanks, des avions, à la fois plus nombreux et plus performants que ceux dont dispose l’adversaire.

Or sur le strict plan du nombre, et malgré les efforts désespérés du Ministre de l’Armement Albert Speer, et au recours à des millions de travailleurs étrangers plus ou moins volontaires, la production allemande d’armements, bien qu’en croissance constante, est incapable de rivaliser avec celle des Soviétiques!

Par exemple, dans le seul domaine des tanks, entre 1940 et 1945, les Allemands vont ainsi produire quelque 6 000 Panzer III, 9 000 Panzer IV, 6 000 Panther, 1 300 Tiger I et moins de 500 Tiger II, soit un total inférieur à 23 000 tanks alors que les Soviétiques, de leur côté, vont fabriquer et mettre en service 50 000 T-34, 10 000 KV-1, et plus de 3 000 IS-2, soit plus de 63 000 chars de combat (1)

Si on y ajoute les quelque 10 000 Matilda, Valentine, Lee et autres Sherman que les Anglo-Américains vont livrer aux Soviétiques et, a contrario, l’obligation pour les Allemands de se battre sur deux (voire même trois) Fronts en même temps, les Panzers, à l’Est, luttent donc à environ un contre cinq (2)

(1) Ces chiffres ne comprennent pas les chars légers, canons automoteurs et autres "chasseurs de chars" sans tourelle, produits à peu près dans les mêmes proportions par les deux adversaires
(2) Cette estimation est basée sur les chiffres de production des uns et des autres, et sur le fait qu’environ 75 % des Panzers produits furent déployés à l’Est. Il s’agit évidemment d’une moyenne, qui varia, parfois considérablement, au fil des mois et des batailles livrées à l’Est comme à l’Ouest

samedi 6 février 2021

6636 - faire des sacrifices

Hitler, à la Wolfsschanze, décorant la responsable finlandaise des auxiliaires féminines
… Wolfsschanze, 12 Mai 1943

Le Führer hésite : attendre, c'est profiter de quelques jours ou de quelques semaines de plus pour réunir et acheminer de nouvelles troupes et de nouveaux blindés mais, inévitablement, c’est aussi permettre à l'Armée rouge - parfaitement au courant de cette future attaque - d’en faire de même !

Alors Hitler, fidèle à ses habitudes, décide... de ne rien décider, en sorte que le mois de mai, puis le mois de juin, vont s'écouler sans rien apporter de neuf.

A sa décharge, Hitler a il est vrai d'autres préoccupations, en particulier en Méditerranée, où le désastre attendu a bel et bien fini par se produire : le 13 mai 1943, soit au lendemain de son retour à la Wolfsschzanze après deux mois d’absence et de grand air, ce qui reste de l'Afrika Korps capitule en effet en Tunisie, ce qui laisse présager un débarquement imminent des Anglo-Américains en Sardaigne, en Sicile, voire en Italie-même, perspective totalement inacceptable à ses yeux !

"Le 15 mai, après la réunion de midi, Hitler fit un discours à ses généraux, incluant Rommel, et mit l’emphase sur le problème grandissant que représentait l’Italie. Il souligna catégoriquement que l’Allemagne ne pouvait en aucune circonstance s’offrir le luxe d’assister à l’émergence d’un Second Front en Europe.

Pour cette raison, il se déclara résolu à faire des sacrifices pour la défendre, en retirant du Front de l’Est des troupes pourtant bien nécessaires. Il envisageait même de renoncer à sa nouvelle offensive à l’Est, baptisée Opération Citadelle" (1)

(1) Baxter, op cit.

vendredi 5 février 2021

6635 - le commencement des ennuis

Hitler, en promenade au Berghof, 14 avril 1943
… Berghof, 4 mai 1943

Le lieu du "grand coup" ainsi déterminé, reste à présent à en fixer la date, et - malheureusement pour les Allemands - c’est ici que les ennuis commencent !

En toute logique, l'offensive contre le Saillant de Koursk devrait être déclenchée le plus tôt possible, c-à-d avant que les Soviétiques n'aient eu le temps de renforcer leurs positions sur le terrain.

A l'origine, Manstein souhaitait même attaquer directement dans la foulée de la reprise de Kharkov, mais l’arrivée de la raspoutitsa, et l'épuisement de ses propres forces (à elle seule, la SS Leibstandarte a perdu 40 % de ses effectifs !) l'ont déjà contraint à reporter l'opération à la mi-avril.

Et comme les reconnaissances aériennes de la Luftwaffe ont pour leur part révélé la présence de forces soviétiques plus importantes que prévues, la dite attaque a ensuite été repoussée d'un bon mois, pour permettre l'acheminement d'importants renforts de troupes et de matériels.

Le 4 mai, Hitler convoque alors tous ses responsables au Berghof afin de faire le point.

Pour Manstein, mais aussi pour Hans Jeschonnek, chef d'État-major de la Luftwaffe, il est clair que l'assaut doit être lancé à la mi-mai, ou au plus tard fin mai, faute de quoi il serait préférable de tout annuler.

Responsable de l'attaque depuis Orel (Nord), le général Walter Model estime au contraire qu'il ne disposera pas d'assez de moyens à cette date, ce pourquoi réclame-t-il un nouveau délai

jeudi 4 février 2021

6634 - les deux branches de la tenaille

Hitler, au Berghof, avec le Roi Boris III de de Bulgarie, 31 mars 1943
… ceci dit, où et comment réussir ce "grand coup" ?

A l'Ouest, la France, et plus précisément les plages du futur et désormais inévitable débarquement anglo-américain, s’impose d’elle-même : si le Reich, grâce à son Mur de l’Atlantique, parvient à y écraser la force d'invasion, et y a tuer des dizaines de milliers d’Anglo-américains, il dissuadera peut-être Londres et Washington de retenter l'aventure, et les incitera à rechercher une paix séparée.

A l'Est, la contre-offensive victorieuse de Manstein à Kharkov a permis de stabiliser le Front oriental sur une ligne qui, en cette fin d’hiver 1943, s’étend sur des milliers de kilomètres, du Golfe de Finlande au Nord à la Mer d’Azov au Sud.

Approximativement au centre de cette ligne, et plus précisément entre Orel et Kharkov, on trouve un profond saillant d’environ 200 kilomètres de longueur sur 150 de profondeur, articulé autour de la ville de Koursk, et où se trouvent concentrés plusieurs centaines de milliers de soldats soviétiques qui menacent directement le Dniepr, dont les Allemands ont l’intention de se servir comme principale ligne de défense.

Fin mars, l’État-major de Manstein a donc dressé un plan ambitieux, qui vise à liquider le dit saillant mais qui, surtout, pourrait constituer le grosse Schlag souhaité.

Selon ce plan, la 9ème Armée du maréchal Model attaquera au Nord, à partir d’Orel, et les forces de Manstein au Sud, à partir de Kharkov, afin de prendre les forces soviétiques au creux d’une vaste tenaille dont les deux branches se rejoindront à Koursk.

Voilà pour la théorie…

mercredi 3 février 2021

6633 - le grand coup

Hitler lors de "Journée de la commémoration des héros", 21 mars 1943
… dans ces conditions, et Hitler en convient lui-même, il n’est cette fois plus question d’espérer remporter une "victoire totale" contre les Soviétiques au printemps 1943 ni, a fortiori, de la remporter contre les Soviétiques et les Anglo-Américains réunis !

En revanche, un "grosse Schlag", un "grand coup", c-à-d une grande victoire tactique obtenue contre l’un ou l’autre de ces adversaires pourrait l’amener à se présenter à la table de négociations et le convaincre de signer une paix séparée sur le modèle de celle arrachée aux Russes par l'empereur d'Allemagne Guillaume II, lors du Traité de Brest-Litovsk de mars 1918.

A Casablanca, les Alliés ont certes affirmé qu’ils n’accepteraient rien moins de l'Allemagne qu'une "Capitulation sans condition", mais des pertes matérielles et humaines très élevées dans leurs rangs pourraient cependant les amener à changer d’avis et à réaliser que le coût d’une telle exigence n’en vaut tout simplement pas la chandelle.

Et quand bien même aucun des adversaires ne se résoudrait finalement à négocier, les quelques semaines ou quelques mois également gagnés grâce à ce grosse Schlag permettront de toute manière au Reich de respirer et peut-être même de mettre en service l’une ou l’autre "arme miracle" déjà en développement, renversant ainsi le cours de la guerre en sa faveur.

Qu’importe ici le degré de réalisme d’un pareil espoir : pour Hitler, pour ses officiers, et sans doute pour la plus grande partie du peuple allemand, le "grand coup" constitue bel et bien la seule alternative à la défaite, et le seul moyen d’obtenir sinon une paix séparée, du moins un délai peut-être salvateur…

mardi 2 février 2021

6632 - l'impossible compensation des pertes

Hitler, lors d'une visite à Manstein, 10 mars 1943 : quand l'espoir renaît...

... car si la reprise de Kharkov constitue assurément une bonne nouvelle qui vaut d'ailleurs à son auteur, Erich von Manstein, la Croix de Chevalier, elle ne représente néanmoins qu'une faible consolation en regard de l'annihilation de la 6ème Armée à Stalingrad.

Et si la Wehrmacht a effectivement repris quelques dizaines de kilomètres ici ou là, il n'en demeure pas moins qu'elle a grosso-modo été ramenée une fois de plus sur ses positions du printemps précédent, sans qu'aucun des objectifs que s'était fixé le Führer n'ait été atteint.

Mais le plus grave, ce sont assurément les pertes matérielles et surtout humaines.

Si l'industrie allemande est en principe capable, en particulier depuis l’arrivée d’Albert Speer, de compenser les milliers d'avions, de tanks, et de camions détruits depuis l’été 1941, elle n'est cependant pas en mesure d'en produire autant que l'industrie soviétique ni, a fortiori autant que les industries soviétiques, britanniques et américaines réunies !

Et surtout, comment le Reich pourrait-il remplacer les fantassins, les tankistes, les aviateurs tués au combat avec un bassin de population bien plus faible que celui des ses adversaires ?

L'un dans l'autre, le rapport de forces a donc désormais complètement basculé en faveur des Alliés : rien que sur le Front de l'Est, l'Armée rouge aligne en effet, en ce début d'avril 1943, prés de 6 000 000 de combattants, 20 000 canons et 6 000 tanks, contre… 2 700 000 hommes, 6 400 canons et 1 300 tanks pour la Wehrmacht qui, par ailleurs, va inévitablement devoir en retrancher une partie non négligeable pour contrer le futur débarquement des Anglo-américains à l’Ouest !

lundi 1 février 2021

6631 - le Miracle de la Donets

Manstein (à l'extrême gauche) et Hitler, 17 février 1943 : "Le Miracle de la Donets"
… Wolfsschanze, 14 mars 1943

Au lendemain du retour d'Hitler à la Wolfsschanze, "le personnel du quartier-général découvrit un Hitler d’excellente humeur. Devant ses généraux, il déclara ouvertement que sa décision de tenir bon sur le Front de l’Est avait sauvé l’armée allemande d’une catastrophe totale.

Les rapports en provenance du Front démontraient effectivement que durant les deux dernières semaines de février, l’armée allemande avait bénéficié d’un total retournement de situation, que les soldats qui y avaient combattu appellerait plus tard le "Miracle de la Donets"" (1)

La situation militaire rétablie, mais également bloquée pour plusieurs semaines à cause de la boue, autant en profiter pour se reposer un peu, et surtout pour changer d’air et échapper pour un temps à la morosité et l’insalubrité des bunkers de la Wolfsschanze, ce pourquoi, le 20 mars, le "Cirque Hitler" reprend-il le train à destination  du Berghof.

Si pour beaucoup, à commencer par les secrétaires, ce changement de cadre s’apparente à des vacances bien méritées, il ne s’agit, pour Hitler, que de l’occasion de se refaire une santé et de définir une stratégie en prévision de la reprise inévitable des hostilités, dès le retour des beaux jours.

Mais après El-Alamein, après Stalingrad, après les débarquements alliés en Afrique du Nord, de quelle stratégie le Troisième Reich est-il encore capable ?

(1) Baxter, op cit