lundi 30 juin 2003

119 - le plus gros de tous les canons du monde









... Plus de 30 mètres de long et 1 350 tonnes, c'était le plus gros canon de tous les Temps, la contribution personnelle de Krupp à l'effort de guerre allemand, mais aussi une arme parfaitement «kolossale», en tout point digne de figurer dans un roman de Jules Vernes.

Dora était capable de propulser un obus de 7 tonnes (!) en calibre 800mm à une distance de 60 kilomètres. Il n'apparut qu'en 1942 et fut immédiatement testé contre les russes à Sébastopol.

Pour spectaculaires qu'ils étaient (à chaque obus tiré, l'équivalent d'un pâté de maisons disparaissait.), les résultats étaient sans commune mesure avec les moyens que l'on devait déployer pour les obtenir.

De par ses dimensions, Dora ne pouvait en effet être transporté jusqu'au site de tir que par chemin de fer, en pièces détachées, avant d'être réassemblé sur place. Le bâti à lui seul était tellement large qu'il ne pouvait s'appuyer sur une seule voie ferrée, comme c'était jusqu'alors l'usage. Les artilleurs devaient donc en bâtir une deuxième, parallèle à la première, avant d'entamer le lent et fastidieux processus de remontage.

Cette opération durait plusieurs semaines et mobilisait plus d'un millier d'hommes, ainsi qu'un impressionnant matériel lourd

Inadapté à une guerre de mouvements, impossible à camoufler et seulement déplaçable sur quelques mètres, l'ensemble restait de surcroît très vulnérable aux contre-attaques ennemies, en particulier aux bombardements aériens, ce qui explique pourquoi, en dehors d'une cinquantaine d'obus tiré sur Sébastopol, le plus gros canon du monde demeura inutilisé le reste du conflit et fut finalement découvert en Bavière, partiellement détruit et abandonné sur une voie de garage, à la fin de la guerre comme tant d'autres rêves hitlériens

dimanche 29 juin 2003

118 - Karl

... dès sa prise de pouvoir en 1933, Adolf Hitler s’était lancé dans un vaste programme de réarmement.

Dans l’hypothèse d’une guerre contre la France, se posait inévitablement le problème de la destruction des forts de la ligne Maginot. A cette époque, on ne parlait pas encore de «contournement» par la forêt des Ardennes avec des divisions blindées, (comme cela fut finalement réalisé en mai 1940). Seule la tactique traditionnelle (la destruction) était à l’ordre du jour. Les industriels furent donc contactés, et chargés d’étudier les meilleurs moyens pour venir à bout de fortifications par ailleurs réputées imprenables.

Face à un objectif en dur, l’approche la plus conventionnelle consistait tout simplement à employer un projectile de très gros calibre, qui agirait comme un bélier. Il «suffisait» en somme d’utiliser un obus plus gros que ce que l’adversaire avait prévu qu’on utiliserait contre lui.

Cette manière de procéder avait déjà donné de bons résultats en 1914, lorsque les forts de Liège, conçus pour résister à l’impact d’obus de 305mm (c-à-d au calibre de leur propre artillerie), avaient été écrasés par des obusiers de... 420mm (les fameuses «Grosse Bertha») : les Belges n’avaient tout simplement pas imaginé que dans une guerre, l’ennemi ne se contente généralement pas de faire ce que vous voudriez qu’il fasse

Les ingénieurs se mirent au travail, mais ils avaient sous-estimé les difficultés que l’on rencontrerait à mettre au point et produire des canons deux fois plus gros que tout ce que l’on avait connu jusque là. Le programme accusa bientôt un retard considérable et la guerre éclata avant qu’ils soient achevés. Pour finir, deux réalisations viables virent le jour, respectivement surnommées Karl et Dora.

Développé par la firme Rheinmetall, Karl était un obusier automoteur de calibre 600mm qui envoyait à 6 500 mètres un projectile d’une tonne et demie. Il en existait une seconde version, d’un calibre réduit à 540mm, qui envoyait un projectile de 1 250 kg à 10 500 mètres. On en construisit une demi-douzaine, qui furent du reste très peu employés.

En effet, bien que montés sur des bâtis chenillés que l’on pouvait éventuellement transporter par rail, ces obusiers étaient difficilement déplaçables et ne pouvaient donc être utilisés que dans des circonstances bien précises.

Mais ce n’était encore rien par rapport à Dora

samedi 28 juin 2003

117 - de la théorie à la pratique

... en octobre 1943, le premier canon V3 en calibre de 150mm était achevé, mais tout ce qui pouvait aller de travers... alla de travers. Les obus étaient instables et retombaient à peu près n’importe où (quand ils n’explosaient pas à la sortie du tube). Les sections du canon éclataient les unes après les autres, les portées atteintes n’atteignaient que 40 kms - le quart de ce qui était nécessaire pour atteindre Londres.

Pendant des mois, tous les responsables se renvoyèrent la balle, ou plutôt l’obus, car personne ne manifestait le moindre enthousiasme à l’idée d’être celui qui, le premier, en parlerait au Führer. Ce n’est qu’en mai 1944, après d’intenses travaux de soufflerie, et alors que l’ingénieur Cönders était mis sur la touche, que l’on commença enfin à entrevoir le bout du tunnel. On atteignit des portées de 90 kms avec une précision satisfaisante. Encore quelques mois et l’arme finirait probablement par correspondre aux voeux du Führer.

L’ennui, c’est que les alliés avaient débarqué en Normandie en juin. Début juillet, des bombardiers britanniques avaient réglé (avec des bombes de 5 tonnes) le sort du bunker de Marquise Mimoyecques, encore en achèvement.

Cette fois, on était vraiment tout prêt de la fin. Pour sauver du programme ce qui pouvait encore l’être, deux canons d’une longueur réduite à 50 mètres furent néanmoins réalisés et convoyés jusque Lampaden (près de Trèves) en novembre 44’. Installés à flanc de colline, selon un angle soigneusement calculé, ils commencèrent à tirer sur Luxembourg (distant d’une quarantaine de kilomètres) le 30 décembre suivant.

Mais l’approvisionnement en projectiles était devenu aléatoire et les problèmes techniques (en particulier l’éclatement prématuré de diverses sections du tube), qui avaient affecté tout le projet depuis l’origine, étaient loin d’être résolus, ce qui diminuait fortement la cadence de tir.

En deux mois de bombardement, seuls 183 obus furent tirés, sans que jamais les résultats obtenus (une cinquantaine de morts et de blessés côté alliés) ne justifient les moyens déployés, et les millions de Reichmarks engloutis.

Le 27 février 1945, afin d’échapper à l’avance alliée, les derniers servants évacuèrent le site de Lampaden en compagnie des deux pièces hâtivement démontées. Le plus extraordinaire canon de tous les temps disparut de la mémoires des Hommes, jusqu'au jour où il fut redécouvert par un Canadien qui, depuis l'enfance, rêvait à la Lune.

Ce Canadien s'appelait Gérald Bull. Son client, Saddam Hussein.

vendredi 27 juin 2003

116 - le V3

... dans la rubrique "Armes miracles du Troisième Reich", le V3 (Vergeltungswaffe 3, également appelé "HDP" ou LRK (Langröhrkanone)) demeure incontestablement le plus pittoresque.

L’idée de base était pourtant remarquablement simple, et presque aussi vieille que l’invention de la culasse elle-même. Dans un canon ordinaire, l’obus et la charge explosive sont introduits par l’arrière (la culasse). Toutes choses égales par ailleurs, plus cette charge est importante, plus le volume des gaz libérés lors de l’explosion sera conséquent, et plus la portée de l’obus s’en trouvera augmentée.

Cependant, pour des raisons physiques évidentes, il est impossible d’augmenter la charge au delà d’une certaine limite : seule une partie de la poudre aurait le temps de brûler, à supposer même que la culasse ou le tube puissent résister à la déflagration.

Dans un canon à chambres multiples, ce n’est plus une mais plusieurs dizaines de culasses (ou «chambres») qui se succèdent sur toute la longueur de la pièce. Un HDP est donc un très long tube (plus de 50 mètres) flanqué de chaque côté de croisillons droits ou obliques qui se succèdent tous les 4 ou 5 mètres comme autant d’arêtes de poisson.

Mis à feu par la première culasse (à l’extrémité inférieure du tube), l’obus est propulsé à hauteur des deux premiers croisillons, dont le déclenchement procure une poussée additionnelle à l’obus, qui arrive alors à hauteur des deux croisillons suivants, et ainsi de suite.

Au début 1943, August Cönders, ingénieur chez Röchling, soumit l’idée au Ministre de l’Armement, Albert Speer, lequel la présenta ensuite au Führer qui s’enthousiasma immédiatement pour un projet capable - en théorie du moins - d’expédier de jour comme de nuit des projectiles à plus de 200 kilomètres de distance. Il pensait enfin tenir le parfait instrument de vengeance qui mettrait Londres à sa merci. Et il y affecta aussitôt la plus haute priorité.

Jusqu'alors, seul un modèle réduit du canon (en calibre 20mm) avait été testé avec quelque succès, et personne ne savait si la version définitive (en calibre 150mm) tiendrait ses promesses.

Mais on ne discute pas les «ordres personnels du Führer». C’est pourquoi, sans plus attendre, on commença à construire un gigantesque bunker à Marquise Mimoyecques (Pas-de-Calais), destiné à abriter une cinquantaine de canons HDP longs de 127 mètres (!) encore à l’état de projet, et qu’on installerait dans des puits creusés à 50°, dont la sortie supérieure serait protégée par une épaisseur de béton de 5,50 mètres et des volets obturateurs en acier de 2,45 mètres ...

Londres n’était qu’à 153 kilomètres, et avec une batterie de 50 pièces, on espérait atteindre une cadence de 600 coups par heure, soit un obus toutes les six secondes (!).

jeudi 26 juin 2003

115 - les "armes miracle"

... dans la mythologie du Troisième Reich, les "armes miracles" tiennent incontestablement une place à part, tant elles préfigurent l'avenir de l'armement et de la guerre elle-même.

Mais au delà du mythe, quel fut exactement leur rôle sur la conduite - et l'issue - de la guerre ? La réponse tient en un mot : insignifiant.

Rapidement confrontée à un rapport de forces de plus en plus défavorable pour elle, l'Allemagne nazie n'eut de cesse de découvrir "l'arme miracle" qui, à elle seule, contrebalancerait la supériorité écrasante des Alliés en matière d'hommes, d'avions, de canons, etc.

Dans ce contexte, il n'est guère surprenant que des concepts très - et souvent trop - avant-gardistes aient pu voir le jour, bénéficiant tous, à un moment ou un autre, des faveurs personnelles du Führer.

De ceux-ci la fusée V1 est probablement le plus célèbre. Lancé à environ 10 000 exemplaires à partir de juin 1944, cet avion sans pilote (authentique précurseur de nos actuels missiles de croisière), emportait une tonne d'explosifs à 600 kms/h. Responsable de la mort d'environ 20 000 personnes, le V1 n'eut cependant qu'un intérêt militaire limité. En effet, son imprécision était telle (environ 3 kilomètres de rayon) qu'il ne pouvait être utilisé que comme "arme de représailles", sur de grandes villes comme Londres, Anvers ou Liège. Pour l'Allemagne, son seul avantage militaire fut de mobiliser quantités d'intercepteurs et de canons de DCA alliés, qui auraient pu être utilisés ailleurs.

L'impact de la fusée V2, à partir de septembre 1944, fut encore plus négligeable. Son imprécision, et l'absence d'une charge explosive réellement puissante (comme une bombe atomique) la destinait là encore au seul bombardement des villes. Mais comme il était impossible de l'intercepter en vol, elle ne mobilisa, à la différence de la V1, aucun moyen de défense allié. Et sa conception, autrement plus sophistiquée que celle de la V1, réclamait une main d'oeuvre qualifiée, et des composants (roulements à billes, gyroscopes, câblages électriques,...) dont l'Allemagne manquait cruellement.

Quant au super-canon V3 - un monstre de 150 mètres de long qui était censé envoyer ses obus à plus de 180 kms de distance - sa réalisation fut à ce point entachée de problèmes et d'auto-explosions prématurées, que seuls deux prototypes, réduits à une cinquantaine de mètres, purent être assemblés, et testés au combat, avant la fin de la guerre.

mercredi 25 juin 2003

138 - diminuer le temps de réaction

... en Irak, le plus petit drone américain - le Dragon Eye - mesurait une quarantaine de centimètres et pesait 3 kg. Le plus gros - le Global Hawk - avouait 31 mètres d'envergure et un poids de 15 tonnes.

Lancé à la main et mû par un moteur électrique, le premier navigue au GPS sur un parcours programmé à l'avance. Décollant comme un avion classique et propulsé par un réacteur, le second est piloté à distance, depuis n'importe quel point du globe.

Les petites caméras du premier lui permettent tout de même de transmettre, durant une heure, les images du champ de bataille en temps réel et, par exemple, de faire savoir au commandant de compagnie ce qui se cache derrière un bâtiment.

Portant plus d'une tonne d'instruments divers, le second peut voler plus de 40 heures d'affilée à 20 000 mètres d'altitude, et transmettre ses informations à des "opérateurs-pilotes" qui se relayent par quart de travail, à des milliers de kilomètres de là.

En moyenne, moins de 15 minutes s'écoulent désormais entre la collecte de l'information par le drone et le tir d'une bombe ou d'un missile sur l'objectif repéré. Et à aucun moment, ni le pilote de l'avion ni l'officier-missilier n'auront eux-mêmes identifié l'objectif dont les coordonnées leur auront directement été transmises en plein ciel ou à bord de leur navire.

Durant la Seconde Guerre mondiale, il s'écoulait généralement plusieurs jours entre la prise d'une photographie et la chute des premières bombes sur les cibles qu'elle révélait.

Dans l'avenir, et en particulier avec la généralisation des drones-tueurs, le délai de réaction devrait être ramené à une poignée de secondes...

114 - les "Experten"

... 352 victoires pour Erich Hartmann, 158 pour Hans-Joachim Marseille, 104 pilotes titulaires de plus de 100 victoires en combat aérien,... 60 ans plus tard, le palmarès des "Experten" de la Luftwaffe continue de susciter une admiration sans borne.

Comment expliquer pareils scores face aux meilleurs pilotes français, britanniques, américains, russes, qui n'en atteignirent même pas la moitié ?

Derrière cette énième variation sur la mythologie du Troisième Reich, pas de miracles mais plusieurs explications complémentaires.

Et tout d'abord le fait que si 91 "Experten" sur 104 ont acquis la plupart (voire la totalité) de leurs victoires sur le Front de l'Est, face à un adversaire qualitativement inférieur, la plupart de ceux qui furent ensuite mutés à l'Ouest (et notamment après le débarquement de Normandie), se firent presque aussitôt descendre par des pilotes autrement mieux entraînés et équipés que ceux qu'ils avaient l'habitude d'affronter.

Ensuite le fait que, faute de relève, la Luftwaffe fut rapidement contrainte de maintenir au front, jusqu'à épuisement complet, tous ses pilotes chevronnés, alors que, chez les Alliés, ceux-ci étaient régulièrement renvoyés à l'arrière, ou carrément mutés comme instructeurs. Volant en moyenne deux à trois plus souvent que leurs adversaires, les pilotes allemands avaient davantage d'occasions de se tailler un palmarès enviable.

De plus, dès 1943, la plupart des pilotes et escadrilles de chasse alliés furent affectés à des missions de chasse-bombardement, contre des ponts, des trains, des concentrations de troupes ennemies, alors que, dans le même temps, leurs homologues allemands pouvaient continuer à affronter chasseurs et bombardiers alliés

Le fait que, dès 1942, les pilotes allemands combattirent presque toujours en infériorité numérique joue également un grand rôle. Nombre de pilotes alliés n'ont tout simplement jamais eu l'occasion d'apercevoir un avion allemand dans le ciel. A contrario, combattant à un contre cinq, les pilotes allemands étaient presque toujours assurés d'apercevoir un avion allié dès qu'ils prenaient l'air, ce qui augmentait bien évidemment les chances de victoire... tout comme celles de se faire descendre.

Enfin, la procédure d'homologation allemande favorisait davantage les revendications des pilotes, ce dont la propagande s'accommodait fort bien. A la différence des avions des alliés occidentaux, les avions allemands étaient généralement dépourvus de cinémitrailleuse. Si leurs victimes s'abattaient en mer, ou du mauvais côté du front, il fallait bien souvent se contenter des revendications des pilotes qui, dans toutes les armées du monde, avaient toujours tendance à enjoliver les résultats.

Ainsi, les 352 victoires d'Erich Hartmann étaient d'abord et avant tout celles qu'il se reconnaissait. Seules 180 furent confirmées officiellement. Toutes sur le Front de l'Est.

mardi 24 juin 2003

113 - l'avion-miracle


... en septembre 1944, la Luftwaffe ne disposait plus que de 180 000 tonnes d'essence pour ses avions et son matériel roulant.

En octobre, la production d'essence fut pratiquement stoppée par les bombardements alliés, et n'atteignit que 2 500 tonnes. De quoi faire voler ses avions pendant quelques heures,... et à condition de ne plus faire rouler ni les camions, ni les tanks, ni aucun autre véhicule de l'armée (!)

Dans le même temps, les premiers exemplaires du Messerschmitt 262 entraient enfin en service. Révolutionnaire, ce premier biréacteur de chasse volait à 800 km/h,... mais consommait tellement d'essence que son autonomie ne dépassait pas 800 kms.

Sur les aérodromes allemands constamment bombardés, de petits véhicules chenillés "kettenkrads" tiraient les appareils jusqu'au seuil de piste, où les réacteurs n'étaient démarrés qu'à l'instant précis du décollage, pour économiser 'essence.

Très loin au dessus d'eux, des patrouilles de P51 "Mustang" se relayaient en quasi permanence.

Surclassés en performances pures, ces chasseurs américains à hélice pouvaient quant à eux se permettre de tenir l'air durant de longues heures,... et d'attendre le moment propice où les biréacteurs allemands, empêtrés dans leurs lentes manoeuvres de décollage et d'atterrissage, étaient le plus vulnérable.

lundi 23 juin 2003

112 - beaucoup d'avions mais pas d'essence

... en 1940, c'est grâce à l'essence russe qu'Hitler avait pu partir à la conquête de l'Europe.

En 1941, c'est pour garantir ses livraisons d'essence russe qu'Hitler avait décidé d'envahir l'URSS.

Mais les choses ne se passèrent pas comme prévu, et en 1943, malgré l'essence synthétique produite à la grande raffinerie de Leuna, l'Allemagne disposait à peine des réserves en carburant qu'elle possédait avant l'invasion de la Russie.

En août 1944, les soviétiques s'emparèrent de la raffinerie de Ploïesti (Roumanie) au moment où les Américains multipliaient les bombardements contre les raffineries allemandes.

Désormais, l'Allemagne était condamnée. La Luftwaffe, qui disposait dans ses réserves d'environ 500 000 tonnes d'essence pour avions en juin 1944 n'en avait plus que 180 000 en septembre.

En octobre, la production d'essence fut pratiquement stoppée et n'atteignit que 2 500 tonnes. De quoi faire voler les avions pendant quelques heures,... et à condition de ne plus faire rouler ni les camions, ni les tanks, ni aucun autre véhicule de l'armée (!)

dimanche 22 juin 2003

111 - exiger l'impossible















... en Allemagne, les avions de transport furent les premiers à se retrouver sacrifiés sur l'autel du productivisme. Déjà obsolète en 1939, le Junker 52 ne fut jamais remplacé. Et lorsqu'il fallut ravitailler par air la VIème armée du général Paulus, encerclée à Stalingrad, on n'eut d'autre solution, faute de Junkers 52 en suffisance, que de transformer hâtivement en avions de transport une kyrielle de bombardiers qui n'avaient jamais été conçus pour cela, et qui s'acquittèrent donc de leur tâche avec un succès très relatif.

Vinrent ensuite les bombardiers - armes offensives. N'ayant jamais voulu développer de bombardiers lourds sur le modèle de ceux que les Alliés produisirent par milliers d'exemplaires, l'Allemagne perdit son temps sur des projets irréalistes (comme le bombardier transatlantique que voulait absolument Hitler pour attaquer New-York) ou développés en dépit du bon sens (comme le Heinkel 177, quadrimoteur... à deux hélices, et probablement recordman du monde au nombre d'incendies en plein vol)

En 1944, toutes ces merveilles (du moins celles qui n'avaient pas déjà été détruites par les Alliés ou dans d'innombrables accidents) passèrent à la trappe, ou furent ferraillées. Les bombardiers moyens eurent à peine plus de chance : ils continuèrent à combattre jusqu'à la fin alors qu'ils auraient dû, pour la plupart, être remplacés dès 1941.

Ne resta donc plus qu'un nombre sans cesse croissant de petits chasseurs-bombardiers mono ou bimoteur, à qui l'on demanda l'impossible : défendre le Reich contre les vagues de gros quadrimoteurs anglais et britanniques,... et opérer les mêmes missions de bombardement qu'eux (!)

samedi 21 juin 2003

110 - les historiens comptables

... pour les historiens-comptables, pas de doute : les bombardements massifs opérés sur les grandes villes et centres industriels allemands n'ont servi à rien - si ce n'est à provoquer la mort d'innombrables civils innocents - puisque la production de matériel de guerre a ontinué à croître presque jusqu'à la fin.

Et à l'appui de leurs dires, de citer les chiffres officiels allemands, comme ceux de la production "d'avions", passée de moins de 10 000 par an en 1941 à 40 000 en 1944, soit au plus fort des bombardements alliés (!)

S'ils condescendent parfois à admettre que les chiffres officiels ont pu être surestimés pour différentes raisons, qu'ils ne disent rien sur la qualité (de plus en plus exécrable) des avions produits, ou qu'ils auraient pu être encore bien plus élevés si l'Allemagne n'avait été obligée, par les bombardements, à décentraliser et délocaliser ses usines d'un bout à l'autre du pays, les historiens-comptables s'accrochent néanmoins mordicus au fait que des "avions" sont et restent nécessairement des "avions".

A priori en effet, quoi de plus logique que de soutenir que les "avions" de 1944 étaient, aux désignations et performances près, les mêmes qu'en 1941 ou en 1939 ?

Et c'est ici que le piège se referme. Au début de la guerre, l'Allemagne construisait en effet une multitude de types et de modèles différents, allant du petit monomoteur de chasse Messerschnmitt 109 aux gros avions de transport tri et quadrimoteur Junker 52 ou Focke-Wulf 200, en passant par une kyrielle de bimoteurs de reconnaissance, de transport ou de bombardement.

Engagée dans une guerre de conquête, il lui fallait naturellement davantage de bombardiers (armes offensives) et d'avions de transport (armes de outien) que de chasseurs (armes défensives), et la part de ces derniers représentait donc moins du tiers des appareils construits

En 1944, en revanche, murée dans une guerre strictement défensive, l'Allemagne ne produisait pour ainsi dire plus que quelques types et modèles (10 en 1944, 8 en 1945) de petits chasseurs-bombardiers, mono ou bimoteur.

Or, il est bien évident - mais parfaitement ignoré des historiens-comptables - qu'il faut infiniment plus de temps pour construire un gros bombardier qauadrimoteur qu'un petit chasseur monomoteur. Dans les faits, des bombardiers quadrimoteur comme les B17, B24 et autres Lancaster (dont les Anglais produisirent plus de 16 000 exemplaires et les Américains, le double), nécessitaient 5 à 6 fois plus d'heures de travail qu'un chasseur monomoteur (!)

vendredi 20 juin 2003

109 - qu'est-ce qu'un avion ?

... moins de 10 000 avions en 1941,16 000 en 1942, 26 000 en 1943, 40 000 en 1944 : la production aéronautique volait de records en records alors que, dans le même temps, les villes et centre industriels de la Grande Allemagne étaient soumis à des bombardements de plus en plus intensifs, faisant des centaines de milliers de morts (!)

Sur base de ces chiffres bruts, la condamnation du bombardement stratégique s'imposerait d'elle-même si, dans les faits, la réalité ne s'avérait beaucoup plus contrastée.

Tout d'abord - et on l'oublie trop souvent - les chiffres officiels étaient systématiquement gonflés de multiples manières et pour de multiples raisons, plus ou moins liées à la crainte d'une mutation sur le Front de l'Est.

De plus, si les bombardements alliés ne stoppèrent nullement la production, ils eurent néanmoins pour principal effet de contraindre les industriels allemands à décentraliser les fabrications, à recourir massivement à la sous-traitance, et à délocaliser les usines d'un bout à l'autre de l'Allemagne, dans des tunnels ferroviaires, au fond de mines de sel, voire même en pleine forêt.

Cette délocalisation systématique eut évidemment des effets désastreux sur la qualité de fabrication, la coordination des multiples sites de production, la régularité de leurs approvisionnements et, enfin, sur l'acheminement des avions vers le front, par des ponts, des routes ou des voies ferrées régulièrement bombardés.

De plus, nul ne sait combien d'avions *supplémentaires* l'industrie allemande aurait pu produire si elle avait été en mesure de continuer à les fabriquer dans ses usines habituelles, plutôt que de se voir contrainte de déménager celles-ci, dans des conditions souvent improvisées.

Pourtant, ces diverses nuances passent encore, comme le font trop d'historiens-comptables, à côté de l'essentiel, parce qu'elles éludent une question finalement toute simple : qu'est-ce qu'un "avion" ?

jeudi 19 juin 2003

108 - les avions disparus

... si l'industrie allemande fabriqua 40 000 avions de combat en 1944, son seul et unique client - la Luftwaffe - n'en alignait guère que 4 000 au 1er janvier 1945.

Tout au long de l'année 1944, les pertes naturelles (par accidents, bombardements ou combats aériens) en avaient certes fait disparaître une bonne vingtaine de milliers, mais il restait, au bas mot, un écart de 15 000 appareils entre les chiffres officiels de production et ceux dont disposaient réellement les unités.

Cette "disparition" avait en fait plusieurs causes.

Quand ils n'étaient pas scandaleusement gonflés pour des raisons de propagande (ou tout simplement pour éviter aux responsables des usines de se retrouver mutés beaucoup plus à l'Est), les chiffres officiels passaient pudiquement sous silence la qualité souvent exécrable des avions produits, que la dispersion des sites de production n'avait fait qu'aggraver.

Nombre d'avions flambant neufs eux étaient tout simplement impropres au combat, s'émiettaient en plein vol, ou se brisaient carrément au roulage (!)

De plus, il arrivait fréquemment que des avions endommagés en unités soient renvoyés en usine pour réparations,... et en ressortent comptés comme avions "neufs".

Mais le plus grave était sans doute la dispersion des sites de production, rendue nécessaire par l'intensification des bombardements alliés qui, nuit et jour, pilonnaient les grandes villes allemandes et les sites industriels traditionnels.

S'il était facile - bien qu'extrêmement coûteux - de délocaliser les ateliers dans des tunnels ferroviaires, des mines de sel, voire même au beau milieu des forêts (!), coordonner l'activité de ces centaines de sites différents était une toute autre affaire.

Acheminer les avions partiellement démontés jusqu'au front relevait enfin de la mission impossible dans un pays où la plus petite route, la moindre voie de chemin de fer, était régulièrement survolée, et bombardée, par l'aviation alliée.

De fait, à la capitulation de l'Allemagne, Britanniques, Américains, Russes, découvrirent, camouflés dans les bois, dissimulés dans des granges, rangés dans des caisses, abandonnés sur des voies de garage, les centaines d'avions allemands absolument neufs qui avaient cruellement manqué aux unités de première ligne.

107 - le mystère des 36 000 avions manquants

... en 1942, l'industrie allemande produisait 16 000 avions de combat.

Un an plus tard, malgré les bombardements, elle parvint à en faire sortir 26 000 de ses usines, chiffre qui fut même porté à 40 000 pour l'année 1944 (!)

De cette augmentation de production apparemment vertigineuse, nombre d'historiens, pas nécessairement révisionnistes, tirent souvent parti pour dénoncer l'inefficacité des frappes alliées sur les grandes villes d'Allemagne. Frappes aériennes qui, à les entendre, n'auraient servi à rien sinon à tuer des civils innocents.

Mais si l'industrie allemande était parvenue - du moins l'affirmait-elle - à fabriquer 40 000 avions durant l'année 1944, la Luftwaffe, son seul et unique client, n'en alignait guère que 4 000 au 1er janvier 1945 (!)

Où étaient donc passés les 36 000 avions manquants ?

mardi 17 juin 2003

106 - des pertes ahurissantes

... de septembre 1939 à janvier 1942, la Luftwaffe avait perdu près de 16 000 avions, dont plus de 9 000 irrécupérables.

De janvier à décembre 1942, soit en une seule année, les pertes se chiffrèrent à 11 900 avions dont 7 500 entièrement détruits.

Si l'industrie fut en mesure, jusqu'à la fin, de compenser les pertes, du moins sur le papier, il n'en allait pas de même pour le personnel naviguant. Formés de plus en plus rapidement, les aviateurs allemands mouraient de plus en plus vite.

Il faut dire que la qualité de construction, voire les performances, de leurs avions subissait le même déclin irréversible. En 1945, la durée de vie des réacteurs Jumo 004, qui équipaient le biréacteur Messerschmitt 262, ne dépassait pas 25 heures d'utilisation,... ce qui était finalement sans importance,puisque la durée de survie moyenne d'un pilote de Messerschmitt 262 dans le ciel européen était de toute manière inférieure à 25 heures.

lundi 16 juin 2003

105 - mission impossible

... fin 1942, la Vième armée du Général Paulus se trouva encerclée à Stalingrad, ville que le Führer, en dépit de ses dénégations, concevait bel et bien comme un nouveau Verdun, qu'il fallait donc prendre - et conserver - à tout prix, bien davantage pour le symbole lié à son nom - la "ville de Staline" - que pour son importance stratégique réelle.

Malgré l'avis de tous ses généraux, Hitler donna donc l'ordre de tenir sur place plutôt que de battre en retraite quand c'était encore possible. Il est vrai que le propre chef de la Luftwaffe, le très immodeste Hermann Goering, s'était engagé à ravitailler par la voie des airs les 300 000 soldats allemands bloqués dans la poche.

Mais pour ravitailler ces 300 000 hommes, il aurait fallu transporter 600 tonnes de munitions, de nourriture et d'équipements divers chaque jour. En grattant les fonds de hangars, en transformant en avions-cargo improvisés tous les bombardiers disponibles, on parvint péniblement, les premiers jours, à rassembler 400 avions.

Mais comme il n'y en eut jamais plus de 150 opérationnels en même temps, il fut impossible, par beau temps et en dehors de toute intervention de la chasse ou de la DCA soviétique, de transporter plus de 289 tonnes par jour.

Le 31 janvier 1943, ce fut la fin. Sur les quelque 300 000 soldats allemands qui s'étaient présentés devant Stalingrad, 210 000 étaient morts de froid, e faim, d'épuisement, ou sous la mitraille russe. Et sur les 90 000 soldats faits prisonniers et internés dans des conditions véritablement inhumaines, seuls 5 000 revirent finalement l'Allemagne,... dix ans après la fin de la guerre.

Quant à la Luftwaffe, elle avait perdu, sur cette simple obsession
d'Hitler, 800 appareils et plus de 2 500 aviateurs et mécaniciens

dimanche 15 juin 2003

104 - "une retraite et un effondrement comme le monde n'en a encore jamais vu"

... pour envahir la Pologne, en septembre 1940, la Luftwaffe avait rassemblé 2 387 avions de combat, qui se rendirent maîtres du ciel en quelques heures.

... pour envahir la France, en mai 1940, la Luftwaffe avait réuni la bagatelle de 3 530 avions de combat, ce qui représentait environ 90% de ses appareils disponibles.

... pour envahir la Russie, en juin 1941, cette même Luftwaffe n'avait pu rassembler que... 2 258 appareils, qui se dispersèrent bientôt sur un front de plus de 1 800 kilomètres (!)

Plus les armées allemandes s'avançaient en territoire ennemi, plus les lignes d'approvisionnement s'étiraient. Il fallut rapidement mobiliser un nombre sans cesse croissant d'avions pour transporter l'essence dont d'autres avions avaient besoin, à des centaines de kilomètres de là.

Pourtant, Hitler, convaincu de l'abrutissement du combattant russe et de la supériorité du guerrier aryen, était convaincu de remporter une victoire rapide, et de s'emparer sans coup férir du blé ukrainien et du pétrole du Caucase.

En novembre, les armées allemandes furent arrêtées par l'hiver et la résistance russe, sans avoir obtenu le blé et le pétrole indispensables.

Rien n'avait été prévu, ni vêtements ni matériels, pour affronter le froid. Pour chauffer les moteurs des avions, qu'il fallait maintenir en température toute la nuit sous peine de ne plus pouvoir les démarrer le matin, les mécaniciens en furent vite réduits à a llumer en dessous d'eux des bidons d'une essence déjà rare (!)

En mars 1941,alors que la guerre n'avait même pas encore commencé à l'Est, le général Korten, chef d'État-major de la Luftflotte 4 et ancien stagiaire de l'école russe de Lipetsk dans les années '20, avait déclaré qu'après quelques succès aussi fulgurants qu'éphémères, l'Allemagne allait connaître "une retraite et un effondrement comme le monde n'en a encore jamais vu".

samedi 14 juin 2003

103 - bombarder New-York

... dès l'entrée en guerre des États-Unis, Adolf Hitler fut littéralement hanté par l'idée de bombarder New-York, fût-ce avec un seul avion (!)

Jusqu'à la fin de la guerre, des dizaines d'ingénieurs, de techniciens, de dessinateurs, travaillèrent donc, en pure perte et alors que leurs talents auraient été bien plus utiles ailleurs, à imaginer un appareil capable de traverser l'Atlantique, de délivrer son chargement de bombes et d'en revenir.

Personne n'osa faire remarquer au Führer que cette performance était rigoureusement irréalisable avec les moyens et techniques de l'époque. Mais comme il fallait bien lui donner un os à ronger, des constructeurs comme Messerschmitt et Junkers réalisèrent, à grands frais, une poignée de prototypes dont on espérait qu'ils parviendraient un jour à satisfaire aux performances requises.

Messerschmitt réalisa ainsi trois exemplaires du Me 264... presque aussitôt détruits par les bombardements alliés. De 1942 à 1944, Junkers réussit pour sa part à fabriquer 31 grands quadrimoteurs Ju 290.

Aucun de ces avions n'atteignit jamais New-York.

Dans le même temps, et selon des spécifications infiniment plus réalistes, les Britanniques produisirent, à eux seuls, plus de 16 000 quadrimoteurs, qui transformèrent les villes allemande en amas de ruines fumantes.

vendredi 13 juin 2003

102 - en pure perte

... dès le début de 1940, Adolf Hitler donna l'ordre de cesser toute nouvelle construction de grands navires de combat. La construction du Graf Zeppelin, seul et unique porte-avions allemand fut ainsi abandonnée bien avant d'être terminé, tandis que d'autres grandes coques en construction furent tout simplement ferraillées sur place.

Pour autant, dans ce curieux mélange d'inefficacité et de rigueur germanique qui caractérisait le Troisième Reich, des dizaines d'ingénieurs et de dessinateurs travaillèrent jusqu'à la fin de la guerre, en pure perte, à étudier et à tracer les plans de nouveaux cuirassés de plus en plus monstrueux,... que toutes les marines du monde avaient déjà abandonnés.

Sans le moindre souci des réalités naquirent ainsi, mais uniquement sur le papier, de véritables monstres dont la réalisation d'un seul exemplaire aurait absorbé l'acier... d'une année de production entière de chars Tigre (!)

jeudi 12 juin 2003

101 - le mépris des réalités

... de sa naissance à sa mort, le Troisième Reich s'est toujours distingué par son souverain mépris des réalités matérielles.

Ainsi, en 1939, les planificateurs, qui avaient prévu de produire 18 500 avions de combat en 1942, avaient complètement oublié que pour faire fonctionner ses innombrables appareils, il aurait fallu leur consacrer... 85% de l'essence raffinée produite en 1939 (!), ou encore décupler la production d'essence en trois ans si l'on voulait que les camions, les tanks, les navires, ou les sous-marins continuent eux aussi de fonctionner.

Comme on ne pouvait guère s'attendre à ce que la Russie accepte de décupler ses livraisons de pétrole à un pays qui risquait tôt ou tard de lui chercher querelle, et comme l'Allemagne n'avait de toute manière pas d'argent pour payer ce pétrole, il ne restait donc plus qu'à accepter la panne sèche... ou entrer en guerre contre la Russie afin d'obtenir, gratuitement, le précieux or noir.

Sans surprise, c'est la seconde alternative qui fut choisie

mercredi 11 juin 2003

100 - les gnomes de Berne

... de 1939 à 1945, l'Allemagne nazie avait fait blanchir en Suisse plus de deux milliards de francs suisses d'or volé dans les banques centrales d'une quinzaine de pays de l'Europe occupée.

Le 25 mai 1946, réunis à Washington,les Alliés victorieux de l'ogre nazi capitulèrent néanmoins devant le nain helvétique. Alors que les 210 tonnes d'or volé en Belgique et échangé en Suisse valaient à eux seules un milliard de francs suisses, ils se contentèrent, pour solde de tout compte, d'un chèque de 250 millions de francs, que la Suisse versait en tant que "contribution à la reconstruction de l'Europe".

Quant aux dizaines de tonnes d'or hollandais, italien, albanais et autres, qui pendant des années s'étaient amassées dans les coffres-forts de Berne, nul n'en entendit plus jamais parler.

Mais cette victoire inattendue, et à dire vrai inespérée, ne satisfaisait pourtant ni les banquiers suisses (qui espéraient l'impunité), ni le chef de la délégation suisse, le ministre Walter Stucki (qui alla jusqu'à traiter un des négociateurs américains de "petit youpin en culottes courtes"), ni la Presse de droite (qui fit ses gros titres du "droit du plus fort" et compara cette "défaite de la Suisse" à celle de Marignan, en 1515).

En juin 1946, les deux chambres du Parlement furent convoquées en session extraordinaire afin de ratifier l'accord. A cette occasion, plusieurs députés stigmatisèrent ce traité "honteux", où "la force l'avait emporté sur le droit", la "plus profonde humiliation infligée à la Confédération depuis le début de son existence".

La plupart, toutefois, ratifièrent l'accord, jugeant plus sage de songer aux affaires que l'on pourrait conclure avec les Alliés maintenant que l'on ne pouvait plus les conclure avec l'Allemagne nazie

lundi 9 juin 2003

99 - le compromis des dupes

... en mars 1946, la délégation suisse, avec à sa tête le ministre Walter Stucki, fut convoquée à Washington pour y rendre des comptes.

Pour les Alliés, et en particulier pour la France (qui avait imprudemment indemnisé la Belgique pour les 210 tonnes d'or belge volé par l'Allemagne et revendu en Suisse), l'affaire ne devait être qu'une simple formalité, tant le recel et le blanchiment de biens volés paraissaient évidents.

Bien entendu, la délégation suisse ne l'entendait pas de cette oreille. Niant la matérialité des faits, invoquant la sacro-sainte neutralité qui la contraignait à commercer avec tout le monde, minimisant par ici, contestant par là, les Suisses combattirent avec acharnement les 18 puissances venues leur réclamer indemnisations et restitution de l'or volé.

Contre toute attente, ce fut le nain helvétique qui triompha du géant coalisé. De guerre lasse, après 68 jours de discussions éreintantes, celui-ci accepta finalement un compromis : la Suisse payerait aux Alliés, et "pour solde de tout compte", une somme forfaitaire, présentée comme "contribution volontaire à la reconstruction de l'Europe".

Le montant de cette "contribution" fut fixé à 250 millions de francs suisses.

Le seul or belge, abrité dans les coffre-forts de Berne, valait un milliard de francs suisses.

98 - un or belge devenu français

... prévoyant une guerre en Europe, la Banque Nationale de Belgique avait pris la précaution d'envoyer aux États-Unis la moitié de ses réserves en or.

L'autre moitié (environ 210 tonnes) fut ensuite confiée à la Banque de France, qui réussit à l'évacuer en Afrique du Nord lors de la débâcle de mai-juin 1940.

Hélas, après de multiples péripéties, cet or tomba aux mains d'Hitler, lequel, après l'avoir refondu, s'empressa de le transformer en or "allemand" afin de l'échanger en Suisse contre 1 milliard de beaux francs suisses, qui lui permirent de continuer à acheter sur les marchés internationaux les fournitures indispensables à la poursuite de son effort de guerre.

A la Libération, la Banque Nationale de Belgique était donc orpheline de la moitié de ses réserves en or.

Heureusement, certains fonctionnaires belges, plus zélés que de coutume, avaient réussi à sauvegarder tous les reçus et documents attestant la prise en charge de l'or belge par la France, et donc sa propre responsabilité.

Persuadé qu'il parviendrait, grâce à l'appui de ses alliés américains et britanniques, à récupérer en Suisse l'or volé par l'Allemagne dans les banques centrales de 11 pays de l'Europe occupée (!), le gouvernement du général De Gaulle accepta, en octobre 1944, d'indemniser directement la Belgique, et lui livra donc 210 tonnes d'or provenant des réserves de la Banque de France.

Après quoi, en mars 1946, bien décidée à récupérer ce qui était devenu "son" or, la délégation française prit le chemin de Washington, où les Suisses avaient été convoqués pour passer à la caisse...

dimanche 8 juin 2003

97 - les convois de l'or

... les banquiers suisses qui, mois après mois, année après année, voyaient des dizaines de tonnes d'or prétendument "allemand" s'empiler dans leurs chambres fortes, ne pouvaient ignorer qu'avant-guerre, les réserves en métal précieux de la Reichsbank étaient déjà réduites à leur plus simple.

Bien que généralement très croyants, il leur était cependant difficile de croire en la multiplication des lingots d'or.

Mais les sceaux et les numéros de série étant incontestablement allemands, il jugèrent préférables - et il est vrai infiniment plus rémunérateur - de ne pas pousser plus avant leurs interrogations existentielles.

Le 6 avril 1945, le dernier convoi d'or "allemand" parvint à Berne, sous escorte allemande.

Un mois plus tard, l'Allemagne capitulait

samedi 7 juin 2003

96 - le bonheur d'être suisse

... après avoir finalement récupéré les 210 tonnes d'or de la Banque Nationale de Belgique, les autorités allemandes entendaient bien en disposer à leur gré pour s'offrir sur les marchés internationaux les matières premières (bauxite, manganèse, tungstène,... ) indispensables à la poursuite de leur effort de guerre.

Mais les fournisseurs des pays neutres (suédois, portugais, espagnols, suisses,...) n'entendaient évidemment pas se faire payer en Reichsmark, qui n'avaient aucune valeur en dehors des frontières du Reich. Restait donc le dollar, la livre sterling et... le franc suisse.

Les deux premières devises étant naturellement exclues - ne
serait-ce qu'en raison des quantités très limitées récupérées ici et là - le franc suisse s'imposait donc tout naturellement, ce pourquoi Hitler se garda bien d'envahir la Suisse, ce qui eut fait perdre toute valeur d'échange à sa monnaie.

Mais légalistes jusqu'au bout des ongles, les Suisses, de leur côté, ne pouvaient accepter, sous peine de se poser en receleurs, d'échanger leurs beaux francs bien propres contre du vilain or volé en Belgique ou ailleurs.

La solution - évidente - s'imposa d'emblée : puisque les Suisses n'accepteraient jamais de l'or estampillé en Belgique, en Hollande ou dans n'importe lequel des pays envahis et occupés par l'Allemagne, il suffisait de le refondre, puis de le refrapper en Allemagne avec des sceaux de la Reichsbank et des numéros de série d'avant-guerre.

Devenu "allemand", cet or pouvait ensuite être échangé en Suisse, tout à fait légalement (la Suisse étant pays neutre) contre des francs suisses, lesquels servaient alors à payer le bauxite, le manganèse... ou même les canons anti-aériens construits en Suisse par la dynamique entreprise Oerlikon-Bührle.

vendredi 6 juin 2003

95 - l'or belge

... en ouvrant le bal de la Seconde Guerre mondiale, Adolf Hitler pensait sans doute à devenir le Maître du Monde, mais aussi à éviter la faillite aux finances publiques du Troisième Reich qui, de 1933 à 1939, avaient été consacrées à 52% au réarmement.

C'est pourquoi, dès le début, des instructions furent données, et des unités spéciales constituées, pour s'emparer chez l'ennemi vaincu de tout ce qui pourrait bénéficier à l'économie allemande, et en particulier de l'or et des devises.

En Belgique, la moitié des réserves d'or de la Banque Nationale avait été prudemment expédiée aux États-Unis avant le début de la guerre. L'autre moitié - environ 210 tonnes - fut ensuite confiée, dès le déclenchement des hostilités, aux bons soins de la Banque de France, laquelle parvint à l'exporter en Afrique du Nord avant la signature de l'armistice.

Les autorités allemandes entendaient bien mettre la main sur cet or et, après quantités de péripéties parfois dignes d'Indiana Jones, réussirent finalement à le ramener en Allemagne.

Mais la saga de l'or belge était loin d'être terminée

jeudi 5 juin 2003

94 - le mémorandum de Schacht

... dès 1938, le plan de réarmement a précipité l'Allemagne nazie au bord de la faillite. Ses réserves d'or et de devises sont inexistantes, et même l'or issu, sans bourse délier, des banques centrales tchèque et autrichienne, ne peut combler les brèches.

Tout le système politico-économique de l'Allemagne repose sur la fabrication de canons et un régime d'oppression. Son gigantesque complexe militaro-industriel a certes résorbé le chômage, mais a également vidé les coffres..Et ce n'est pas en vendant uniquement des tanks et des canons à des clients par ailleurs inexistants qu'on pourrait les remplir.

En fait, la situation financière de l'Allemagne est bien pire que celle de la France ou de l'Angleterre. En effet, l'Allemagne ne dispose pas de colonies riches en matières premières. Elle doit tout acheter sur le marché international, sur lequel elle ne peut payer en Reichsmarks, qui n'ont aucune valeur en dehors de ses frontières.

Le 7 janvier 1939, Hjalmar Schacht, président de la Reichsbank, se résigne donc à adresser un mémorandum à Hitler, dans lequel il lui explique, en termes néanmoins prudents, qu'il est impératif de réduire les dépenses publiques qui, de 1933 à 1939, ont été consacrées, à 52%, au réarmement.

Mais Hitler, non content de se prendre pour un fabuleux stratège s'imagine aussi prodigieux économiste : il limoge Schacht et n'aura plus de cesse que de s'emparer de tout l'or qu'il pourra trouver dans toutes les banques centrales des pays qu'il va bientôt conquérir.

Si Hitler déclenche finalement la guerre en septembre 1939, c'est évidemment pour des raisons idéologiques (les Allemands de Dantzig). C'est aussi pour des raisons stratégiques (ayant réarmé plus tôt que la France et l'Angleterre, il ne peut se permettre d'attendre que ceux-ci aient résorbé leur retard).

Mais c'est aussi, et surtout, pour des raisons financières : c'est la guerre ou la faillite pure et dure, et donc la fin de son régime...

mercredi 4 juin 2003

93 - le rêve de tout banquier

... de 1933 à 1939, le réarmement allemand ne cessa de gagner en importance.

Parallèlement, l'usage immodéré des lettres de change "Mefo", le troc de produits "made in Germany" contre des fournitures étrangères essentielles, l'aryanisation systématique et à vil prix des commerces et entreprises appartenant aux juifs allemands (suivie de leur déportation tarifée), parvenaient de moins en moins à combler les brèches.

Les fournisseurs, en particulier étrangers, exigeant d'être payés en devises fortes plutôt qu'en Reichsmark n'ayant aucune valeur en dehors des frontières du Reich, il fallut se résoudre à vendre l'or de la Reichsbank, qui fondit bientôt comme neige au soleil.

Heureusement, en Allemagne plus qu'ailleurs, l'imagination était au Pouvoir: puisqu'il fallait de l'or pour continuer à se payer de nouvelles armes, autant utiliser les armes existantes pour se procurer, chez le voisin, l'or nécessaire (!)

En 1938, l'invasion de la Tchécoslovaquie et, plus encore, l'annexion de l'Autriche, permit de mettre la main, gratuitement, sur des dizaines de tonnes d'or tchéque et autrichien qui, devenu instantanément "or allemand", pouvait combler les brèches pour quelques mois

mardi 3 juin 2003

92 - de bric et de troc

... de 1933 à 1939, l'Allemagne fut confrontée à un problème de plus en plus insurmontable : trouver de l'argent pour financer son gigantesque programme de réarmement, qui procurait certes du travail à beaucoup de monde mais accaparait 52% des dépenses publiques.

Les lettres de change Mefo n'étant finalement que du papier, et les fournisseurs étrangers exigeant d'être payés en devises fortes plutôt qu'en Reichsmark, d'aucuns eurent l'idée de recourir au troc et, par exemple, d'échanger du pétrole russe contre des fournitures militaires "made in Germany".

Lancé en 1939, et tout point semblable au Prinz Eugen, le croiseur lourd Lützow (à ne pas confondre avec le cuirassé de poche du même nom) fut ainsi cédé en 1940 à l'URSS où, rebaptisé Petropavlovsk, il servit contre l'armée allemande quelques mois plus tard...

On pouvait également recourir au vol, et en particulier "aryaniser" à vil prix - mais toujours en Reichsmark - les commerces et entreprises appartenant aux juifs allemands. Comme il fallait malgré tout conserver une apparence de légalité à la chose, les propriétaires juifs évincés furent vivement encouragés à émigrer, ce qu'ils ne pouvaient faire légalement qu'en s'acquittant d'un "impôt de départ"... correspondant plus ou moins à l'indemnisation qu'ils avaient obtenue et qui, de toute manière, ne leur aurait servi à rien à l'étranger, où le Reichsmark était sans valeur (!)

Par parenthèse, cette recette de "l'émigré-forcé-mais-payeur" fut encore appliquée bien des années plus tard, et à l'autre bout du monde, par le gouvernement de Robert "Comrade Bob" Mugabe, lequel, dès son arrivée au Pouvoir, et considérant que tous les Blancs du Zimbabwe étaient des exploiteurs méritant pis que pendre, incita vivement 250 000 d'entre eux à s'en aller voir ailleurs. Ils pouvaient certes revendre leurs propriétés, leurs maisons ou leurs voitures, à des Zimbabwéens "authentiques" (et donc Noirs), mais ne pouvaient quitter le pays qu'avec un maximum de 1 000 ollars ou l'équivalent en biens meubles...

lundi 2 juin 2003

91 - une faillite programmée

... de 1933 à 1939, 52% des dépenses publiques allemandes avaient été consacrées au réarmement. A cette époque, l'Allemagne dépensait autant d'argent pour son armée que la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis réunis (!)

Comme le disait alors Hermann Goëring, "Je collectionne les avions comme d'autres collectionnent les timbres avec, pour seule différence, que l'argent n'est pas un problème pour moi"

Mais cet argent, il fallait évidemment le trouver, et dans ce domaine comme dans bien d'autres, l'imagination allemande s'avéra sans limite.

Hjalmar Schacht, Ministre des Finances du Troisième Reich, eut ainsi l'idée de créer de toute pièce les "Mefo-Wechselbrief" (lettres de change Mefo), selon un système qui n'était pas sans rappeler celui des assignats imprimés par la Révolution française : en 1936 par exemple, des 10 273 millions de Reichsmark consacrés au réarmement, 4 452 provenaient de lettres de change émises par la Mefo (fantomatique compagnie de recherches métallurgiques) qu'il suffisait de présenter à la Reichsbank pour obtenir des fonds.

On ne saurait financer éternellement "sur le papier". Très vite, les réserves de devises, au demeurant fort limitées, furent donc réduites à leur plus simple expression,... ce qui s'avéra d'autant plus gênant que l'Allemagne, dépourvue de colonies et n'exportant pour ainsi dire rien, devait absolument se procurer sur les marchés internationaux le pétrole et les matières premières (bauxite, nickel, tungstène, etc.) indispensables à son effort de guerre, mais qu'elle ne savait payer en Reichsmark, lesquels n'avaient aucune valeur en dehors des frontières du Reich...

dimanche 1 juin 2003

90 - logique de guerre

... dès l'arrivée au Pouvoir d'Hitler, les fabriquants d'armes allemands, jusque là contraints à une semi-clandestinité, passèrent à la vitesse supérieure.

Ainsi, l'industrie aéronautique, qui n'employait que 4 000 personnes au 1er janvier 1933, vit ses effectifs passer à 17 000 en 1934, 54 000 en 1935 et plus de 100 000 en 1936 (!)

Dans le même temps, les usines d'aviation virent leurs bureaux et ateliers passer de 40 000 m2 en 1933 à 330 000 m2 en 1939.

La production, qui n'atteignait même pas un millier d'avions par an en 1932, passa quant à elle à 3 200 en 1935, 5 100 en 1936 et 8 300 en 1939.

Pourtant, dès le milieu des années '30, généraux et industriels firent comprendre à Hitler que l'Allemagne, dépourvue de colonies, important l'essentiel de ses approvisionnements, et accusant un déficit commercial ahurissant - n'aurait pas les moyens de mener une guerre longue et qu'il était donc impératif d'emporter la décision avant 1942, c-à-d avant que les franco-britannique n'aient terminé leur réarmement et fait basculer l'équilibre des forces en leur faveur