samedi 31 mai 2003

89 - guerre préventive à l'Est

... si la France fut jusqu'en 1938 le principal partenaire commercial de l'Allemagne nazie, c'est l'Union soviétique qui, jusqu'en 1941, fournit au Troisième Reich l'essentiel du pétrole lui permettant d'envahir l'Europe entière, en ce compris la France.

De nombreux historiens vont même jusqu'à estimer que c'est la crainte d'une rupture de son approvisionnement pétrolier qui persuada Hitler de partir en guerre contre l'URSS, manière il est vrai radicale d'obtenir du pétrole... gratuit

vendredi 30 mai 2003

88 - le centre de formation de Lipetsk

... le Traité de Versailles de 1919 interdisait à l'Allemagne de posséder une aviation de combat

Pourtant, dès 1921, des contacts furent noués avec l'Union soviétique afin de reconstituer et d'entraîner secrètement une flotte aérienne au Paradis des prolétaires.

Le 16 avril 1922, le Traité de Rapallo scella la collaboration germano-soviétique. Désormais, l'Allemagne pouvait installer en Russie des "centres de formation et d'expérimentation militaires" dans un "but pacifique" (sic)

Un an plus tard, la société Junkers implanta une usine d'avions près de Moscou. En 1925, les premiers élèves-aviateurs allemands débarquèrent à Lipetsk et commencèrent à s'entraîner à leurs futures missions de chasse et de bombardement.

La France et la Grande-Bretagne apprirent très vite l'existence de ce centre mais, curieusement, n'intervinrent jamais,... alors que l'article 179 du Traité de Versailles interdisait formellement à l'Allemagne d'entretenir des missions aéronautiques hors de ses frontières, et aux citoyens allemands, de suivre, à l'étranger, un entraînement militaire ou de participer à des forces aériennes étrangères (!)

De 1925 à 1933, les activités du centre de formation de Lipetsk suscitèrent un intense trafic maritime entre l'Allemagne et la Russie. A plusieurs reprises, des cargos allemands furent contraints de faire escale au port de Reval (Estonie). Il apparut clairement que du matériel militaire se trouvait à leur bord, et que des munitions et des avions en pièces détachées figuraient pudiquement sur les manifestes comme "poudre de chasse", "produits chimiques" et même "matériel sanitaire"

Là encore, la France et la Grande-Bretagne restèrent de marbre

En 1933, à l'arrivée au Pouvoir d'Hitler, le centre de Lipetsk fut fermé. La Luftwaffe pouvait maintenant s'entraîner chez elle, au vu et au su de tout le monde

jeudi 29 mai 2003

87 - le dernier des géants














... Au matin du 7 avril 1945, le Yamato est - comme prévu - repéré par les premiers appareils de reconnaissance américains, qui appellent aussitôt à la curée.

Malgré plusieurs changements de cap, le bâtiment est définitivement localisé vers midi. Trente minutes plus tard, les premiers bombardiers-torpilleurs apparaissent, et déjà les turbines montent en régime. 18, 22, 24 nœuds, l'étrave du navire laboure l'océan de toute la puissance de ses 150.000 chevaux. Mais les avions sont là, implacables. Plusieurs bombes explosent à l'arrière, une torpille le touche à l'avant gauche.

A 13H00 les communications intérieures sont coupées suite à l'impact de deux nouvelles torpilles, et les Américains continuent de se relayer méthodiquement sur le bâtiment blessé, vague après vague, comme meutes de chacals à la poursuite d'un buffle à l'agonie. A 13H30, trois nouvelles torpilles le touchent près de l'étrave, la gîtes s'accentue, les chaudières sont noyées et l'immense navire se traîne maintenant sur l'eau à moins de 7 nœuds, tournant en ronds car son gouvernail est endommagé. "Aucun espoir" signale-t-on à l'amiral Ito, qui décide alors de transférer son pavillon sur un destroyer de l'escorte

A 14H17, le cuirassé encaisse sa dixième torpille au but,... il ne verra jamais Okinawa, il ne reverra jamais le Japon et la rade de Kuré qui l'a vu naître, Okinawa mourra sans lui et le Japon capitulera dans trois mois.

Le capitaine de vaisseau Ariga se fait attacher sur la passerelle, pour mourir avec son navire, puis donne l'ordre d'évacuation. Trop tard: à 14H23 une gigantesque explosion causée par l'éclatement de ses propres munitions déchire les flancs du Yamato, qui coule en quelques secondes, emportant 2 498 personnes dans sa tombe liquide et mettant ainsi un point final à une épopée superbe, grandiose,...

Et parfaitement inutile.

mercredi 28 mai 2003

86 - le voyage sans retour

... avec ses 72.800 tonnes à pleine charge, ses 263 mètres de long, ses 150.000 CV, ses 9 canons de 456mm, ses 2.800 marins et officiers, le Yamato est, en avril 1945, le dernier des géants, le plus gros bâtiment de ligne au monde, la plus formidable machine de guerre jamais lancée sur les mers.

Mais en avril 1945, que valent encore ces superlatifs face à la toute-puissance de l'aviation américaine qui, un an auparavant, a déjà envoyé son frère - le Musachi - par le fond ?

A quoi pense le Vice-Amiral Ito en appareillant pour Okinawa le 6 avril 1945 ? Certainement pas à un retour glorieux, puisqu'aucun retour n'est prévu - le Yamato n'a emporté de mazout que pour un unique trajet aller.

Ses ordres lui enjoignent de se frayer un passage jusqu'à l'île, en bousculant les forces d'invasion américaines, puis d'y échouer le Yamato, avant de pilonner les troupes de débarquement avec ses énormes canons, capables d'envoyer une obus d'une tonne et demie à 41 kilomètres.

Mais face à une flotte d'invasion jamais vue, qui dépasse même celle qui s'est présentée le 6 juin 1944 devant les côtes normandes (!), il ne fait aucun doute que le cuirassé sera repéré et attaqué par toute l'aéronavale américaine bien avant d'atteindre son objectif.

C'est donc une mission kamikaze, un pur suicide pour l'Honneur, un sacrifice gratuit sur l'autel d'une cause perdue, un ultime défi adressé à un adversaire bien trop fort et dont on attend le coup de grâce final.

mardi 27 mai 2003

85 - une résistance incroyable











... le 24 octobre 1944, un des deux plus gros cuirassés du monde, le japonais Musachi, succomba sous les coups de plusieurs centaines d'appareils de l'aéronavale américaine, et après avoir résisté pendant... 7 heures.

Avant de disparaître dans les flots, le géant de 72 000 tonnes avait encaissé la bagatelle de 20 torpilles et 17 bombes au but, soit davantage que n'importe quel autre bâtiment de ligne avant lui.

Il chavira à 17H35, entraînant dans la mort 1 039 officiers et marins sur un total de 2 400.

Après le torpillage, un mois plus tard, du Shinano (transformé en porte-avions) par un sous-marin américain au large de Formose, le Yamato était désormais le dernier des géants.

Il lui restait neuf mois à vivre

lundi 26 mai 2003

84 - fin de race









... après Tarente (novembre 1940), Pearl Harbour (décembre 1941), après la destruction par l'aéronavale japonaise de deux cuirassés britanniques en pleine mer, il était devenu évident, bien que difficile à admettre, que les gros bâtiments de ligne appartenaient désormais à la race des dinosaures, et qu'il disparaîtraient bientôt eux aussi sans laisser de descendance.

Coup sur coup, on vit les Américains abandonner leurs projets de cinq "super-cuirassés" de la classe Montana, et les Anglais - qui à vrai dire avaient bien d'autres soucis - suspendre pendant plusieurs mois la construction du Anson et du Howe.

Mais c'est au Japon que le déchirement fut le plus douloureux, et la révision la plus radicale. A Midway (juin 1942), l'Empire du Soleil levant avait perdu quatre portes-avions presque irremplaçables compte tenu de la situation économique du pays.

Le Japon se lança donc dans un vaste programme de constructions de nouveaux porte-avions... dont aucun ne vit le jour avant la fin de la guerre.

Pour gagner du temps, les ingénieurs nippons décidèrent de transformer immédiatement les vieux cuirassés Ise et Hyuga en "cuirassés-porte-avions", supprimant leurs deux tourelles arrière afin d'y installer un pont d'envol pour une vingtaine d'hydravions de bombardements

Hélas, les hybrides ainsi obtenus tenaient plus de la monstruosité technique que de la machine de guerre efficace, et ne justifièrent jamais le temps et l'argent investis dans leur transformation. Du reste, lorsqu'ils repartirent au combat, à l'automne 1943, le Japon n'avait déjà plus de pilotes ni d'hydravions disponibles.

Le projet le plus grandiose fut pourtant la transformation du cuirassé Shinano (frère inachevé des Yamato et Musachi) en porte-avions de 62 000 tonnes, ce qui en faisait le plus grand porte-avions du monde.

Mais là encore, les dieux avaient abandonné le Japon : le Shinano fut coulé par un sous-marin américain le 29 novembre 1944, huit jours seulement après sa sortie des chantiers de construction.

dimanche 25 mai 2003

83 - la palme d'or du contribuable le plus malchanceux












... s'il avait fallu décerner une Palme au contribuable le plus malchanceux de la Seconde Guerre mondiale, le Français aurait eu toutes les chances de l'emporter.

Coincé entre sa ruineuse Ligne Maginot parfaitement inutile et ses coûteux avions commandés aux États-Unis mais jamais livrés à temps, le contribuable hexagonal pouvait encore, cinq ans plus tard, se demander à quoi avait servi les milliards investis dans une marine dont le rôle fut purement anecdotique et qui, dans la plupart des cas, fut tout simplement détruite à quai quand elle ne se saborda pas elle-même (!)

La coûteuse transformation du cuirassé Béarn en porte-avions (suite au Traité de Washington de 1922) fut tellement ratée que le gouvernement jugea plus prudent de le désarmer à l'entrée en guerre de la France, puis de le laisser rouiller aux Antilles jusqu'en 1943.

Les Dunkerque et Strasbourg (répliques aux "cuirassés de poche" allemands) furent sabordés par leurs équipages à Toulon en 1942, en compagnie de 6 croiseurs, 29 torpilleurs et une douzaine de sous-marins (!). Le Jean-Bart, qui n'était pas terminé en 1940, passa toute la guerre le long d'un quai de Casablanca. Son frère, le Richelieu, ne fut terminé aux États-Unis qu'en 1943 avant de servir, anonymement, dans le Pacifique.

Quant aux cuirassés plus anciens, certains furent détruits ou gravement endommagés par les Anglais à Mers-El-Kebir (juillet 1940), un autre interné par ces mêmes anglais à Alexandrie jusqu'en 1943, les survivants se ontentant d'appuyer les opérations de débarquement ou, comme le Courbet, de finir la guerre à Arromanches, comme brise-lames...

samedi 24 mai 2003

82 - les occasions ratées

... en lançant, au début des années '30, son gigantesque programme de construction et de rénovation de cuirassés, Benito Mussolini espérait bien refaire de la Méditerranée une Mare Nostrum italienne.

Hélas, sa marine de guerre apprit bientôt à ses dépens qu'il ne suffit pas de beaux navires pour gagner une guerre. Sous-entraînés, aussi dépourvus d'initiatives que d'ardeur au combat, les marins italiens durent rapidement composer avec un autre ennemi plus insidieux encore que les britanniques : le manque chronique de carburant.

Il faut dire que, taillés pour évoluer à grande vitesse au sein d'une mer étroite, et constamment à proximité de leurs ports d'attache, les plus écents cuirassés italiens engloutissaient la bagatelle de... 1,2 tonne de diesel au kilomètre (!)

C'est l'allié allemand qui fournissait le pétrole. Mais au fil des mois, le dit allié ne cessa de réduire ses livraisons à une marine italienne qui, il est vrai, allait d'insuccès en défaites, et de défaites en désastres.

En novembre 1940, une vingtaine de petits biplans Swordfish, lancés du porte-avions Illustrious, parvinrent à couler 3 cuirassés italiens dans le port de Tarente. Une démonstration qui ne fut certes pas perdue pour les aponais qui, un an plus tard et à l'autre bout du monde, rééditèrent la manoeuvre contre les cuirassés américains ancrés à Pearl Harbour.

En mars 1941, la bataille du Cap Matapan se termina pour les Italiens par une fuite éperdue et la perte de trois croiseurs lourds. A ce petit jeu méditerranéen, l'aviation et les sous-marins allemands se révélèrent en vérité autrement plus efficaces que les gros bâtiments italiens, coulant ou endommageant gravement plusieurs porte-avions et cuirassés britanniques

Et ce n'est pas l'attaque, en décembre de la même année, et en plein port d'Alexandrie, de deux cuirassés britanniques par les nageurs de combat de la Xème MAS qui redonna du coeur à l'ouvrage aux marins italiens. Clouée au port par le manque de carburant et la peur de perdre, la superbe marine de Mussolini laissa passer l'occasion et termina la guerre sans gloire, le plus souvent à quai.

vendredi 23 mai 2003

81 - la tragédie du Scharnhorst












... parmi les plus grandes tragédies navales de la Seconde guerre mondiale, la destruction du Scharnhorst occupe, par son ampleur, une place à part.

Ayant appareillé de son fjord norvégien le 25 décembre 1943, après une carrière militaire en demi-teinte, le grand croiseur de bataille allemand fut rapidement repéré par le cuirassé britannique Duke of York qui, en compagnie de plusieurs croiseurs et destroyers assurait la protection du convoi JW 55B en partance vers l'URSS.

Attaqué dès 9H00, le matin du 26 décembre 1943, le Scharnhorst subit, pendant une dizaine d'heures une véritable avalanche d'obus et de torpilles. Luttant jusqu'au bout, brûlant d'un bord à l'autre, il sombra peu avant 20H00.

Sur près de 2 000 hommes d'équipage, seuls 36 survivants purent être arrachés aux eaux glaciales de l'arctique.

jeudi 22 mai 2003

80 - la fin du Tirpitz











... après l'abandon par l'Allemagne, dès 1940, du "plan Z" de construction de nouveaux cuirassés, et la destruction du Bismarck en mai 1941, il ne restait plus à Hitler qu'un seul bâtiment - le Tirpitz - pour défendre ce qui restait de l'honneur des cuirassés.

Mais déjà, la supériorité aérienne alliée était devenue telle que l'État-major allemand avait préféré l'envoyer très loin au nord, dans un fjord norvégien, où il se trouvait certes relativement à l'abri mais ne servait strictement plus à rien, si ce n'est à menacer par sa seule présence l'interminable noriah de convois qui, partis d'Angleterre, ravitaillaient l'Union soviétique via Mourmansk.

Dès 1943, la Royal Navy d'abord, le Bomber Command ensuite, rivalisèrent d'ingéniosité pour le détruire au fond de son fjord. Une attaque effectuée par des sous-marins de poche en septembre 1943 le mit hors service pour 6 mois. Un an plus tard, presque jour pour jour, des bombardiers Lancaster l'attaquèrent avec des bombes de 6 tonnes, qui lui infligèrent de tels dégâts qu'une réparation sur place fut jugée impossible.

Il fallait donc ramener le Tirpitz en Allemagne, et le mettre en cale sèche pour plusieurs mois (!) Le sort des armes ne s'y prêtait plus guère, ce pourquoi Hitler décida de le faire remorquer jusqu'à Tromsoë où, échoué sur un lit de pierres, il servirait de batterie flottante pour contrer une invasion de la Norvège qu'il jugeait désormais imminente.

Le Bomber Command en décida autrement : le 12 novembre 1944, le Tirpitz fut à nouveau bombardé avec des "Tallboys" de 6 tonnes. Plusieurs coups au but le firent chavirer, entraînant dans la mort plus de 700 hommes.

Mais si sa destruction mit un terme définitif aux exploits - du reste bien décevants - des grands navires de surface allemands, ce fut l'amirauté britannique qui se montra la plus mauvaise perdante, soutenant que l'aviation n'avait pas vraiment coulé le dernier cuirassé allemand... puisqu'une partie de sa coque - la quille - était toujours visible au dessus de l'eau (!)

mercredi 21 mai 2003

79 - l'affaire de Malaisie

... si l'on a énormément écrit sur Pearl Harbour et la destruction, par l'aviation japonaise, de la flotte américaine du Pacifique qui s'y trouvait au mouillage, peu de gens ont en revanche entendu parler de "l'affaire de alaisie" qui, trois jours à peine après Pearl Harbour, sonna le glas des cuirassés.

Jusqu'au 9 décembre 1941 en effet, les amirautés s'étaient persuadées que leurs gros bâtiments sauraient se défendre contre les attaques aériennes.

Le Bismarck allemand avait bien été attaqué par des avions-torpilleurs, mais il avait finalement succombé sous les obus d'autres cuirassés. La flotte italienne avait bien été en partie détruite à Tarente (novembre 1940), et la flotte américaine à Pearl Harbour (décembre 1941), mais il s'agissait dans les deux cas d'attaques exécutées contre des navires au mouillage et des équipages pris par surprise.

Après Singapour, en revanche, le doute ne fut plus permis. Surpris en pleine mer par quelques dizaines d'avions-torpilleurs et de bombardiers japonais, le croiseur de bataille Repulse et le cuirassé Prince of Wales - pourtant ultra-moderne - furent envoyés par le fond en moins d'une heure et demie, entraînant la mort de plus de 800 marins.

De leur côté, les Japonais ne perdirent que 8 appareils.

L'avion, minuscule engin né de bois et de toile, venait de condamner les plus puissants navires du monde...

mardi 20 mai 2003

78 - les dinosaures

... ayant décidé de construire de nouveaux cuirassés armés de canons de 356mm, les Britanniques se trouvèrent fort embarrassés de découvrir que toutes les autres marines du monde avaient opté pour un calibre supérieur (380mm en Allemagne, en Italie et en France, 406mm aux États-Unis et même... 456mm au Japon).

Comme il ne pouvait être question de refaire toutes les études et d'envoyer à la ferraille les bâtiments qu'on venait à peine de mettre en chantier, les ingénieurs décidèrent... d'augmenter le nombre de canons, qui passèrent de 8 ou 9 (comme c'était la norme de l'époque) à une douzaine.

Mais comment compenser l'inévitable augmentation de poids que ne manquerait pas de provoquer ce nombre accru de canons ?

Dans un premier temps, les britanniques renoncèrent aux tourelles double ou triple (comme c'était là encore la norme de l'époque), au profit de trois tourelles quadruple... plus encombrées et au maniement autrement plus difficile.

Hélas, ce n'était pas encore suffisant, et il fallut donc se résoudre, toujours pour gagner du poids, à sacrifier une des tourelles quadruple au profit... d'une tourelle double (!), ramenant à 10 le nombre de canons. Une décision étrange, qui coûta non seulement fort cher au contribuable, mais retarda considérablement l'entrée en service des nouveaux cuirassés dont le dernier - le Howe - ne rejoignit finalement la flotte qu'en août 1942, alors que les jours de ces dinosaures étaient désormais comptés.

lundi 19 mai 2003

77 - la perfide Albion












... si le Traité de Washington (1922) avait permis à la Grande-Bretagne de conserver 18 cuirassés contre 10 à la France, à l'Italie et au Japon, le gouvernement britannique se rendit compte, dès 1934, qu'il risquait fort de se retrouver bientôt en guerre contre le Japon, l'Allemagne et l'Italie.

A la Conférence de Londres, en 1935, l'amirauté insista donc pour obtenir la mise en chantier de nouveaux cuirassés mais, comme le gouvernement croyait toujours en la paix et au désarmement, il fut décidé de limiter le calibre de leur artillerie à 356mm,... alors que la France et l'Italie avaient opté pour des canons de 380mm, que les Américains s'accrochaient à leurs 406mm et que le Japon étudiait, secrètement, des navires armées de 456mm (!)

Par des triomphes de diplomatie, les Anglais l'emportèrent sur les Américains mais ceux-ci, prudents, décidèrent néanmoins de geler leurs nouvelles constructions pour quelques mois, et insistèrent pour qu'une clause prévoie la réinstallation de canons de 406mm si le Japon refusait pour sa part d'accepter les termes de l'accord après 1937, ce qui fut le cas.

Les Américains purent donc, comme ils l'avaient prévu, mettre en chantier des bâtiments armés de canons de 406mm alors que la Grande-Bretagne, qui avait démarré plus tôt, devrait se contenter, pour sa classe King George V, de canons de 356mm pendant toute la durée de la guerre...

dimanche 18 mai 2003

76 - la marine italienne











... à l'instar du Japon et de la France, l'Italie n'avait accepté que de fort mauvaise grâce d'adhérer au Traité de Washington (1922), qui la contraignait à ne posséder que 10 cuirassés quand les marines américaines et britanniques avaient le droit d'en aligner 18, et faisait donc du pays de Jules César une "puissance de deuxième ordre"

Mais comme pour la française, la rancoeur italienne était de pure politique : les finances du pays n'auraient de toute manière pas permis de construire une nouvelle marine de guerre, le Traité l'eut-il autorisé.

Cependant, l'arrivée au Pouvoir de Mussolini, puis l'apparition en France des croiseurs de bataille Dunkerque et Strasbourg (qui se voulaient répliques au Deutschland allemand et à ses deux frères), redonna des ailes à la construction navale italienne, qui dès 1934 mit en chantier deux cuirassés modernes répondant - théoriquement - aux caractéristiques définies par le Traité de Washington.

Les Dunkerque et Strasbourg avouant 26 000 tonnes, Mussolini opta, sur les Littorio et Vittorio Venetto, pour 35 000 tonnes, soit la limite maximale du Traité.

En réalité, l'Italie avait - elle aussi - triché : à leur lancement, en 1937, ces deux "35 000 tonnes Washington" avouaient 6 000 tonnes... de plus (!)

La France, déjà préoccupée par la mise en chantier, en Allemagne, des Scharnhorst et Gneiseneau (répliques aux Dunkerque et Strasbourg), répliqua par deux 35 000 tonnes qui, ayant à leur tour pris 10 000 tonnes supplémentaires au moment de leur lancement (!), devinrent les Richelieu et Jean Bart.

Voyant cela, Mussolini, déjà fortement engagé en Éthiopie et en Espagne, décida à son tour de doubler la mise, en annonçant la construction, en 1938, de deux autres Littorio (le Roma et l'Impero) qui devaient, pensait-il, lui assurer la suprématie en Méditerranée et faire de celle-ci une nouvelle mare nostrum italienne...

samedi 17 mai 2003

75 - la naissance des porte-avions










... dans son désir de limiter le nombre de cuirassés détenus par chaque nation (et donc de réduire les coûts de l'armement naval), le Traité de Washington (1922) permit en réalité la naissance de celui qui allait non seulement ruiner toutes les marines du monde, mais aussi condamner à mort les cuirassés eux-mêmes.

Jusqu'à cette date en effet, les portes-avions ressemblaient davantage à de fragiles navires expérimentaux qu'à d'authentiques bâtiments de combat.

De petites dimensions, généralement extrapolés à partir de cargos sur lesquels on avait hâtivement bricolé un étroit pont d'envol, ils ne pouvaient mettre en oeuvre qu'une poignée de minuscules biplans de toile et de bois, bien incapables d'occasionner quelque dommage que ce soit aux gigantesques cuirassés qui constituaient à l'époque l'orgueil et la force des grandes puissances.

Mais en réduisant le nombre de cuirassés existants, et en interdisant toute nouvelle construction avant dix ans, le Traité de Washington vouait également à la destruction un certain nombre de grandes coques, commandées durant la guerre mais non terminées. Coques qui auraient dû devenir cuirassés ou croiseurs de bataille.

Pourquoi, se dirent les ingénieurs, ne pas tenter de les transformer en portes-avions plutôt que de les envoyer bêtement à la ferraille ?

De l'idée à la réalisation, il n'y avait qu'un pas que franchirent rapidement la France (avec le Béarn), l'Angleterre (avec les Courageous et Glorious), le Japon (avec le Kaga, l'Akagi, l'Ise et le Hyuga) et les États-Unis (avec les Lexington et Saratoga).

Même si certaines de ces transformations s'avérèrent finalement catastrophiques (à l'image du Béarn fraqnçais), elles firent pourtant entrer d'un seul coup les portes-avions dans l'âge adulte, multipliant leurs dimensions par trois ou quatre et leur permettant ainsi d'emporter et de mettre en oeuvre un plus grand nombre d'avions plus grands et beaucoup plus lourds... donc susceptibles d'emporter les puissantes bombes et torpilles qui pousseraient bientôt les cuirassés vers une retraite sans gloire...

vendredi 16 mai 2003

74 - le procès du siècle

... le 18 septembre 2000, un curieux procès s'ouvrait à Belgrade contre quatorze présidents et ministres d'États membres de l'OTAN.

Bill Clinton, Tony Blair et Jacques Chirac, y étaient en effet jugés par contumace pour "tentative de meurtre, violation du territoire yougoslave et utilisation illégale d'armes de guerre" lors des bombardements de l'OTAN contre la Yougoslavie en 1999. Pour ces crimes, Belgrade exigeait un dédommagement et des peines de prison allant jusqu'à 20 ans.

Trois jours plus tard, le 21 septembre 2000, le tribunal déclarait Bill Clinton et Jacques Chirac coupables "de tous les points de l'accusation", et donc d'avoir ordonné l'agression contre la Yougoslavie (RFY/Serbie et Monténégro), commis des crimes contre la population civile, utilisé des armes interdites, attenté à la vie du président yougoslave Slobodan Milosevic, et provoqué la mort de 546 (cinq cents quarante six) soldats de l'armée yougoslave, de 138 (cent trente huit) policiers serbes, et de 504 (cinq cents quatre) civils, dont 88 (quatre-vingt huit) enfants.

Pour ces crimes de guerre, Bill Clinton et Jacques Chirac furent tous les deux condamnés à 20 ans de travaux forcés.

Prudent, le tribunal précisa néanmoins que les peines seraient applicables... "à partir du jour de l'arrestation"

On attend toujours

jeudi 15 mai 2003

73 - le Yamato








... du Yamato et de ses deux frères, l'on peut dire qu'ils furent dessinés en fonction des écluses du Canal de Panama, ou plus exactement pour qu'aucun rival américain ne puisse plus franchir les dites écluses, en raison de son poids et de sa taille.

Alors que le Traité de Washington de 1922 avait fixé à 35 000 tonnes le poids maximal des futurs cuirassés, le Japon décida, en 1937, de construire des bâtiments de... 72 000 tonnes.

Des bâtiments moins nombreux que ce que pourraient construire les Américains, mais beaucoup plus puissants et mieux protégés que ces derniers.

Là où l'Amérique se contentait encore de canons de 406mm, le Japon opta pour 456mm, et commença à tracer les plans de navires encore plus gros, armés de canons de 508mm.

Pour réaliser les plaques de blindage (dont les plus lourdes avouaient 68 tonnes), il fallut construire une nouvelle aciérie, et pour les transporter, un navire spécial. Aucun chantier japonais n'ayant jamais lancé de coques de plus de 30 000 tonnes, Il fallut aussi élargir les cales sèches, installer de nouvelles grues... et dissimuler les monstres aux regards indiscrets. A Kure, le Yamato fut ainsi abrité sous un gigantesque toit construit au dessus de la cale. A Nagasaki, le Musachi fut dissimulé sous un filet de camouflage de 408 tonnes...

A l'entrée en guerre du Japon, en décembre 1941, ils terminaient à peine leurs essais.

En matière de blindage et de puissance de feu, rien de tel n'avait jamais fendu les flots. Chaque canon (il y en avait 9, sans même parler de l'artillerie secondaire) envoyait à plus de 40 kms un obus d'une tonne et demi. Chacune des trois tourelles pesait 2 800 tonnes. Les parties vitales étaient protégées par des plaques d'acier de 40 cm, capables d'arrêter un obus de 456mm tiré à 20 000 mètres. Quant au blindage de pont de 20cm, il pouvait résister à une bombe d'une tonne lancée d'une hauteur de 5 000 mètres.

Pourtant, dès son lancement, le Yamato appartenait déjà à une espèce condamnée, qui disparaîtrait bientôt sous les coups du porte-avions,... c-à-d du navire dont il avait lui-même assuré la naissance (!)

mercredi 14 mai 2003

72 - l'accouchement d'un monstre

... le Traité de Washington de 1922 avait fixé à 35 000 tonnes le poids maximal des nouveaux cuirassés, et à 406mm le calibre de leur artillerie.

Très vite, les nations occidentales (États-Unis, France, Angleterre, Italie, Allemagne) s'arrangèrent pour "arrondir" les angles de ce Traité par trop carré. Mentant ici, trichant là bas, elles finirent toutes par mettre en service des bâtiments qui dépassaient parfois de 5 000, 6 000 ou même 7 000 tonnes les limites autorisées.

Au Japon, la situation était plus ambiguë. Réalisant qu'ils ne pourraient jamais construire autant de cuirassés que les Occidentaux, les Japonais résolurent d'en construire moins... mais beaucoup plus gros, et pour autant que leur mise en service intervienne *après* le retrait du Japon de tous les traités internationaux (!)

Les ingénieurs nippons se mirent au travail et réalisèrent bientôt l'avantage conféré aux Américains par le Canal de Panama, qui permettait à ces derniers de faire passer rapidement leurs cuirassés d'un océan à un autre, c-à-d de la menace allemande à la menace japonaise, sans qu'ils soient obligés de construire autant de cuirassés que le Japon et l'Allemagne réunis.

Il fallait donc construire un monstre tellement gros que tout rival américain serait incapable de franchir les écluses du Canal qui, dans le cas des bâtiments de la classe Iowa (lancés en 1942-43), laissaient moins d'un mètre de part et d'autre du navire (!)

L'accouchement serait long, douloureux et, bien entendu, monstrueux.

mardi 13 mai 2003

71 - la marine japonaise









... au terme du Traité de Washington de 1922, le Japon, la France et l'Italie ne pouvaient plus posséder et mettre en oeuvre que 10 cuirassés chacun.

Les Japonais nourrirent immédiatement une violente rancune envers ce Traité qu'ils avaient signé de fort mauvaise grâce et qui, selon eux, correspondait à la volonté délibérée des États-Unis et de l'Angleterre (dotés chacun de 18 cuirassés) de maintenir le Japon à un rang inférieur.

Ne pouvant construire de nouveaux cuirassés avant 10 ans, ils commencèrent à exploiter fort subtilement toutes les clauses autorisant la modernisation des bâtiments actuels,... y compris ceux qui, officiellement du moins, avaient été déclarés "démilitarisés" (!)

Le Kongo et ses trois frères furent ainsi entièrement reconstruits de la proue à la poupe, allongés de plus de 7 mètres et renforcés de multiples plaques de blindage tandis que les moteurs étaient remplacés, faisant passer la puissance de 64 000... 136 000 CV.

En matière de bâtiments neufs cependant, le Japon ne pouvait espérer rivaliser avec les États-Unis. Sachant cela, l'État-major impérial décida de se contenter d'un plus petit nombre de navires, pour autant qu'ils soient les plus puissants que l'on puisse construire.

Mais pour construire les plus puissants cuirassés du monde, il fallait enfreindre un Traité qui, depuis 1922, avait fixé à 35 000 tonnes le poids maximal d'un cuirassé.

Le Japon résolut le problème à sa manière... en mettant en chantier, dans le plus grand secret, des navires qui, bien que trahissant tous les traités internationaux, n'entreraient en service qu'après le retrait officiel du Japon des dits traités (!)

La route de Pearl Harbour s'ouvrait désormais sur cette curieuse logique, qui imposerait au préalable un petit détour... par le Canal de Panama.

lundi 12 mai 2003

70 - les Richelieu et Jean Bart














... dès l'apparition des premiers "cuirassés de poche" allemands de 10 000 tonnes , la France avait décidé de répliquer, en lançant la construction des Dunkerque et Strasbourg de 26 000 tonnes.

L'Allemagne avait à son tour répliqué à la réplique française, en lançant les Scharnhorst et Gneisenau de 32 000 tonnes

Mais la clause dérogatoire au Traité de Washington de 1922, signée entre elle-même et la Grande-Bretagne, l'autorisa désormais à construire et posséder une flotte de guerre équivalente à 35% de la flotte britannique, ce dont elle ne se priva pas, mettant immédiatement en chantier les Bismarck et Tirpitz de 42 000 tonnes.

De répliques en répliques, les autres nations n'eurent plus qu'à emboîter à leur tour le pas du réarmement massif. La France mit bientôt sur cales ses Richelieu et Jean Bart de 42 000 tonnes, dont la construction n'était cependant pas terminée au déclenchement des hostilités, et dont la carrière guerrière fut aussi brève qu'anecdotique...

dimanche 11 mai 2003

69 - les Bismarck et Tirpitz













... en signant unilatéralement, le 18 juin 1935, un accord dérogatoire au Traité de Washington de 1922, la Grande-Bretagne, bien loin de calmer les appétits de l'ogre hitlérien, offrait en réalité au monstre la possibilité de construire tous les bâtiments de guerre qu'il voulait, sans plus se soucier de dissimuler leur nombre ou leurs caractéristiques réelles.

Jusque là entreprise à petite échelle, sous le couvert des activités hollandaises de Krupp-Germania, la construction des sous-marins (interdite par le Traité de Versailles de 1919) recommença à battre son plein, ce qui permit à l'Allemagne, quelques années plus tard, de couler des millions de tonnes de navires alliés.

Pour les navires de surface, la clause dérogatoire lui permit de mettre immédiatement en chantier les cuirassés Bismarck et Tirpitz mais aussi, puisque les traités ne valaient désormais plus rien dire, de construire des 42 000 tonnes là où le Traité de Washington de 1922 interdisait à l'Allemagne de construire des navires de plus de 10 000 tonnes, et à toutes les nations des navires de plus de 35 000 tonnes...

samedi 10 mai 2003

68 - la fuite en avant

... le Traité de Versailles de 1919 interdisait à l'Allemagne de posséder une flotte sous-marine alors que le Traité de Washington de 1922 lui interdisait de mettre en service des navires de guerre de plus de 10 000 tonnes.

En 1933, à l'arrivée au Pouvoir d'Hitler, le Deutschland (le premier des "cuirassés de poche") et ses deux frères avouaient déjà 12 000 tonnes. La France ayant répliqué en construisant deux croiseurs de bataille de 26 000 tonnes, l'Allemagne répliqua à la France en construisant à son tour deux croiseurs de bataille (les Scharnhorst et Gneisenau) qui, bien que présentés comme "26 000 tonnes" en faisaient 6 000... de plus.

Les Traités devenaient lettres mortes et ni la France ni l'Angleterre ne semblaient plus en mesure de les faire respecter. Pire encore : à mesure que la machine de guerre hitlérienne prenait de la vitesse, elles lui cédaient de plus en plus de terrain, persuadées, mais bien à tort, qu'Hitler finirait par se calmer une fois ses "légitimes revendications" satisfaites, et l'Allemagne guérie de son "humiliation" de 1919.

Le 18 juin 1935, la Grande-Bretagne se fit même hara-kiri. Sans consulter aucun de ses alliés, elle signa avec Hitler un accord dérogatoire au Traité de Washington de 1922. Un accord qui, unilatéralement, autorisait à présent l'Allemagne à construire et posséder une flotte de guerre équivalente à 35% de la flotte britannique, et même à posséder une flotte sous-marine (!)

Sautant sur l'aubaine comme la famine sur le pauvre monde, l'Allemagne se remit aussitôt à construire en masse, et très officiellement cette fois, les sous-marins qu'elle développait jusqu'alors en secret, et illégalement, en... Hollande (!). Sous-marins qui, quelques années plus tard, couleraient des millions de tonnes de navires alliés, et acculeraient la Grande-Bretagne à la faillite.

vendredi 9 mai 2003

67 - la réplique à la réplique












... pour la France, le lancement en 1935-1936 du Dunkerque et du Strasbourg se voulait la réplique au lancement par l'Allemagne de ses trois "cuirassés de poche".

Mais Hitler ne l'entendait pas de cette oreille et revendiqua immédiatement le droit de construire deux répliques aux répliques françaises (!)

La France et l'Angleterre protestèrent, mais durent admettre qu'elles ne pouvaient rien pour empêcher le lancement, en 1938 et 1939, du Scharnhorst et du Gneisenau

Faute de respecter la lettre des traités internationaux, ces deux nouveaux croiseurs de bataille semblaient du moins en respecter l'esprit : là où les deux navires français alignaient 8 canons de 330mm, les Allemands en plaçaient 9 mais de plus petit calibre (280mm) alors même que leur poids (26 000 tonnes) rejoignait celui du Dunkerque et du Strasbourg.

Hélas, l'Allemagne avait à nouveau menti et triché. Si en 1933, elle avait sous-évalué le poids du Deutschland et de ses deux frères d'environ 2 000 tonnes, en 1938, "l'erreur" pour les Scharnhorst et Gneisenau atteignait la bagatelle de 6 000 tonnes (32 000 tonnes réelles contre 26 000 tonnes déclarées)

Et le pire était encore à venir...

jeudi 8 mai 2003

66 - la réplique des Dunkerque et Strasbourg

... en 1919, la marine de guerre française ne représentait même pas le 1/5ème de son homologue britannique, et ni l'état de l'opinion, ni surtout celui de ses finances publiques, n'offrait au pays de Molière le moindre espoir d'améliorer sa situation dans un délai raisonnable.

Mais la France n'étant jamais fidèle qu'à elle-même, ses politiciens prirent très mal l'obligation juridique que leur faisait le Traité de Washington - et donc les Américains - de ne posséder que la moitié de leurs propres cuirassés (10 contre 18)

Très tôt, la France résolut donc de développer sa flotte sous-marine... pour compenser les cuirassés qu'elle n'avait ni l'autorisation, ni surtout les moyens de construire. Mais c'est l'apparition du Deutschland, en 1933, qui mit véritablement le feu aux poudres hexagonales.

Pour répliquer à la construction de ces trois "cuirassés de poche" allemands armés de 6 canons de 280mm, la France mit aussitôt en chantier deux croiseurs de bataille - les Dunkerque et Strasbourg - porteurs de 8 canons de 330mm et, tant qu'elle y était, opta pour 25 000 tonnes là où les Allemands, officiellement du moins, s'étaient contentés de 10 000.

La course aux armements - et au gigantisme - était relancée. Elle n'allait plus s'arrêter

mercredi 7 mai 2003

65 - le lancement du Deutschland











... si le Traité de Washington (1922) sur la réduction des armements navals interdisait à l'Allemagne de posséder des cuirassés, il lui permettait en revanche de conserver, pour sa défense côtière, quelques vieux bâtiments construits au début du siècle. Leur remplacement était autorisé, mais seulement unité pour unité, et avec une limite maximale de 10 000 tonnes par bâtiment nouveau, ce qui correspondait, grosso-mode, aux croiseurs lourds (armés de 6 à 12 canons de 155 ou 203mm) alors en service dans toutes les marines du monde.

L'apparition du Deutschland - le premier des "cuirassés de poche - en 1933 jeta un sérieux pavé dans la mare internationale,... et plongea les ingénieurs des pays concurrents dans des abîmes de perplexité, se demandant par quel fabuleux miracle leurs collègues allemands avaient bien pu concevoir un navire de guerre ayant la taille, la vitesse et l'autonomie d'un croiseur lourd, mais la puissance de feu d'un petit cuirassé (6 canons de 280mm, 8 de 150mm),... tout en restant dans la limite légale des 10 000 tonnes.

Plus que le génie allemand, l'usage de la soudure au lieu de rivets, ou un quelconque "triomphe de la volonté" cher à la cinéaste Leni Riefenstahl, l'explication - infiniment plus prosaïque - tenait en quelques mots : les Allemands avaient tout simplement triché et menti, présentant le Deutschland et ses deux frères comme des "10 000 tonnes Washington" alors qu'ils en avouaient en réalité... 2 000 de plus

mardi 6 mai 2003

64 - le Traité de Washington















... le Traité de Washington (1922), qui instaura les "Vacances du Cuirassé" fut le premier exemple de traité de désarmement véritablement multilatéral,... mais aussi le premier exemple de traité de désarmement où tout le monde, dès le départ, s'évertua à tricher.

Soucieux d'empêcher une nouvelle - et ruineuse - course aux armements navals, le gouvernement américain parvint, le 6 février 1922, à limiter le nombre de cuirassés que pourrait détenir chaque vainqueur de la Première Guerre mondiale. L'Angleterre - alors première puissance navale au monde - en aurait 18, de même que les États-Unis. Les Japonais, les Français et les Italiens, 10 chacun.

Mais s'il était facile de déterminer quels cuirassés anciens s'en iraient à la ferraille parce que devenus surnuméraires, ou de contrôler le nombre de cuirassés détenus par chaque nation, il s'avéra en revanche infiniment plus difficile de fixer les caractéristiques techniques que devraient obligatoirement posséder les nouveaux cuirassés à mettre en chantier et qui, progressivement, remplaceraient les anciens

Après de fort longs palabres, les nations signataires s'entendirent finalement pour limiter le poids à 35 000 tonnes, et l'artillerie au calibre maximal de 406mm

Et c'est alors que les ennuis commencèrent.

Depuis le milieu du 19ème siècle, le déplacement des navires de guerre (également appelé "liste navale") comprenait le poids du bâtiment construit, sans équipage, mais avec ses munitions, son combustible et son eau d'approvisionnement.

A Washington, les Anglais s'accrochèrent à la définition du "poids", et insistèrent pour en obtenir une nouvelle, qui ne comprendrait ni le combustible ni l'eau d'approvisionnement. Officiellement, ils arguaient que leurs bâtiments, ayant à effectuer d'immenses trajets d'un bout à l'autre de leur vaste Empire, devaient emporter davantage d'eau douce et de mazout que leurs rivaux étrangers, ce qui, à poids égal, les obligerait à se contenter d'un blindage plus mince que ceux-ci.

En réalité, les ingénieurs britanniques avaient imaginé de doter leurs nouveaux cuirassés d'une "protection liquide"... sous la forme de compartiments-sandwichs remplis d'eau ou de mazout.

Lancés en 1927, et accusant officiellement 35 000 tonnes, les Nelson et Rodney incorporaient ces compartiments qui, par rapport à leurs homologues du Traité, augmentaient leur poids et leur blindage d'environ 2 000 tonnes.

Les autres nations signataires n'y virent que du feu - ou plutôt que de l'eau - pendant 40 ans...

lundi 5 mai 2003

63 - l'échappée belle

... durant toute la Seconde Guerre mondiale, les sous-mariniers allemands et américains eurent à affronter un ennemi identique : la qualité exécrable de leurs propres torpilles (!)

Dans son journal, l'amiral Karl Dönitz reconnaîtra lui-même que 30% des torpilles allemandes étaient défectueuses... ce dont les Britanniques n'eurent aucune raison de se plaindre.

Ainsi, le 30 octobre 1939, lorsque le sous-marin allemand U-56 se retrouva au beau milieu de la Home Fleet britannique, avec dans sa ligne de mire les cuirassés Nelson et Rodney, flanqués du croiseur de bataille Hood et d'une dizaine de destroyers, il n'eut que l'embarras du choix.

Le U-56 lança trois torpilles à courte distance sur le Nelson. L'une rata sa cible, les deux autres touchèrent le cuirassé... sans exploser.

A bord du Nelson se trouvaient réunis pour une conférence le commandant en chef de la Home Fleet, l'amiral Sir Charles Forbes, le premier Lord de la Mer, Sir Dudley Pound, et celui qui n'était encore que Lord de l'Amirauté,... Winston Churchill en personne (!)

dimanche 4 mai 2003

62 - l'amertume du mari cocufié pendant 20 ans

... en 1945, s'emparer d'Adolf Hitler, si possible vivant, était devenu une véritable obsession pour Joseph Staline, hanté par l'idée que le maître du Troisième Reich parvienne à lui échapper.

Toujours aussi méfiant à l'égard de l'armée régulière, il avait placé sur écoute les communications de la 5ème armée du Maréchal Joukov, à qui était dévolue la prise de la Chancellerie du Reich.

Quelle ne fut pas la surprise des soldats de la 5ème armée de voir débouler les sbires du SMERSH dans les minutes suivant leur arrivée au bunker de la Chancellerie.

En quelques minutes, les hommes du général Alexandre Anatolievitch Vadis, chef du directorat du SMERSH, expulsèrent du "Führerbunker" leurs camarades de la 5ème armée , installèrent un "cordon sanitaire" tout autour de la Chancellerie, et allèrent même jusqu'à en interdire l'entrée au Maréchal Joukov (!)

Pendant des jours, dans le plus grand secret, le SMERSH fouilla ensuite le moindre centimètre carré de la Chancellerie. Le 5 mai, deux corps calcinés furent finalement exhumés dans les jardins, avec les cadavres d'un berger allemand et d'un chiot. Ils furent transportés en pleine nuit, et toujours dans le secret le plus absolu, à Buch, dans la banlieue de Berlin, où le SMERSH s'était installé.

Les médecins qui autopsièrent Hitler et Eva Braun reçurent, là encore, l'ordre formel de garder un silence absolu et définitif sur cette affaire. Le 7 mai, le général Vadis informa personnellement Staline de la réussite de l'opération. Staline n'en reparla jamais.

Quant au pauvre Maréchal Joukov, qui pendant des mois eut à supporter stoïquement les sarcasmes d'un Staline lui reprochant de n'avoir pu mettre la main sur le cadavre d'Hitler (!), ce n'est que 20 ans plus tard qu'il apprit le rôle exact joué par le SMERSH et le Petit Père des Peuples dans cette affaire.

Il en conçut, dit-on, l'amertume du mari cocufié pendant 20 ans...

samedi 3 mai 2003

61 - grandeur et déchéance

... si le Maréchal Joukov fut le vainqueur de la course-poursuite engagée entre lui et Koniev pour la conquête de Berlin, son succès fut de courte durée.

Une semaine après la parade de la Victoire - qu'il mena sur un cheval blanc - il vit Staline, qui n'avait jamais combattu que derrière son bureau, accéder au titre de Généralissime pour "services exceptionnels durant la Grande Guerre patriotique", et être décoré de la médaille de Héros de l'Union soviétique, de l'Ordre de Lénine, ainsi que de la l'Ordre de la Victoire (une étoile à 5 branches, de 135 diamants et 5 rubis)

Dans le même temps, Staline faisait installer des micros dans la datcha de Joukov, arrêter et torturer ses compagnons d'armes, avant d'envoyer le Maréchal en exil dans les provinces les plus éloignées de l'empire soviétique.

Officiellement réhabilité en 1965, Joukov dut pourtant demeurer dans sa datcha toujours truffée de micros, jusqu'à sa mort, en 1974...

vendredi 2 mai 2003

60 - les pertes sont sans importance

... si Eisenhower renonça à s'emparer de Berlin parce qu'il ne voulait pas sacrifier la vie de nombreux soldats américains dans un combat qu'il estimait inutile, Staline, en revanche, y tenait à un tel point qu'il organisa une véritable course-poursuite entre ses généraux.

Après avoir écarté Rokossovsky au motif que celui-ci, d'origine polonaise, ne pouvait décemment conquérir la capitale du Reich allemand pour le compte de la Russie, il ne cessa d'aiguillonner Koniev et Joukov, mentant à l'un sur la progression réelle de l'autre, et aux deux sur la progression des anglo-américains.

Pour plaire au Petit Père des Peuples, Koniev et Joukov se lancèrent sur Berlin avec le seul souci d'y arriver le premier, et donc sans le moindre égard pour les pertes dans leurs rangs et, bien entendu, pour celles des "civils innocents" du camp d'en face.

Des dizaines de milliers de soldats russes et de civils berlinois payèrent ainsi de leur vie la prise d'une capitale gagnée d'avance...

jeudi 1 mai 2003

59 - la traversée de l'Elbe

... Churchill aurait - et de loin - préféré arriver à Berlin avant les Russes. Le 14 avril 1945, alors que les troupes américaines n'étaient plus qu'à moins de 100 kilomètres de Berlin, Eisenhower demanda au général Bradley son estimation de la situation. Bradley, toujours très prudent, estima les pertes américaines à 100 000 hommes s'il fallait s'emparer de Berlin, et estima que ce serait un prix trop élevé pour s'emparer d'une ville symbolique et d'une région dont les troupes américaines devraient de toute manière, au terme des accords de Yalta, se retirer à la fin du conflit.

Le général Simpson estimait au contraire, tout comme Patton, que la ville pouvait être prise en 48 heures tant les troupes allemandes étaient épuisées. De fait, celles-ci ne combattaient plus que sur le front de l'Est, afin de permettre à des millions de civils de s'enfuir vers l'Ouest.

Le lendemain, 15 avril, Simpson, dont les blindés traversaient à présent l'Elbe en flots continus, fut convoqué par Bradley à Wiesbaden:

(...) "il lui annonça sans préambule que la Neuvième armée devait s'arrêter sur l'Elbe et ne pas avancer plus loin en direction de Berlin.
"Qui diable vous a dit cela ?", demanda Simpson, interloqué
"Ike", répondit Bradley
Décontenancé et écoeuré, Simpson regagna son quartier général, se demandant ce qu'il allait pouvoir dire à ses officiers et à ses hommes"