lundi 31 octobre 2022

7369 - "L'occasion manquée est celle-là même qui compte"

Savo : "l'occasion manquée est celle-là même qui compte"
... Mikawa, donc, préfère ce contenter de ce qu'il a déjà gagné, soit une très brillante victoire contre la Navy américaine, plutôt que de risquer de tout perdre en s'en prenant ensuite à de "simples" cargos.

Mais le problème, c'est qu'aussi légitimes soient-elles, ses craintes sont en réalité... infondées !

Devant Guadalcanal, les Américains ne disposent en effet plus que d'un croiseur lourd et deux légers, qui ne sauraient faire le poids contre sa propre escadre et, surtout, les porte-avions américains qu'il redoute tant ont en réalité depuis longtemps vidé les lieux, et ne pourraient en aucune manière se porter au secours des cargos s'il décidait de les attaquer dans la matinée !

Contre toute attente, les dits cargos vont donc échapper à une destruction qui paraissait certaine mais aussi - et c'est bien plus grave - ... continuer à approvisionner Guadalcanal dans les semaines et les mois à venir !

Nul ne peut bien sûr soutenir que leur destruction aurait ensuite permis aux Japonais de remporter la Bataille de Guadalcanal, ni a fortiori la Bataille du Pacifique (!), mais le fait demeure que, sans eux, les Américains, déjà confrontés à d'immenses difficultés pour empêcher les Japonais de reconquérir l'île, auraient certainement dû repenser toute leur stratégie dans les Salomon, et envisager d'autres manières de remporter la victoire.

"L'occasion manquée est celle-là même qui compte", a écrit Saint-Exupéry, et en décidant de s'en retourner à Rabaul en ces premières heures du 09 août 1942, l'amiral Mikawa, et le Japon tout entier, est bel et bien en train de passer à côté de quelque chose qui va compter énormément par la suite...

dimanche 30 octobre 2022

7368 - rentrer à la base

Savo : une brillante victoire japonaise... qui aurait pu être plus brillante encore
... croiseur Chokai, 09 août 1942, 02h20

Sur le Chokai, Mikawa doit à présent décider s'il entend prolonger son action en s'en prenant cette fois aux navires de transport américains toujours ancrés devant Lunga Point, ou s'il doit au contraire reprendre immédiatement le chemin de Rabaul avec la douce euphorie que confèrent toujours la victoire et le sentiment du devoir accompli.

A 02h20, l'amiral japonais opte pour la seconde option, que chacun approuve sur le Chokai comme en haut-lieu, mais que beaucoup regretteront amèrement par la suite.

A l'appui de sa décision, il y a tout d'abord l'aversion bien connue des amiraux japonais à l'égard de toute improvisation : le plan de bataille prévoyait simplement de faire le tour de l'île Savo en coulant tous les croiseurs américains qui y montaient la garde, puis de s'en retourner à la base à la faveur de la nuit, mais pas de s'en prendre ensuite à de simples et fort vulgaires cargos.

Il y a aussi le fait que ses propres croiseurs ont déjà consommé beaucoup de carburant et de munitions, et que, s'ils prolongeaient par trop leur présence sur place, ils risqueraient alors d'être attaqués de jour par les appareils des porte-avions américains, dont tout le monde connait l'existence mais en aucune manière la position exacte.

Or, et Mikawa est mieux placé que quiconque pour le savoir, les dits croiseurs sont dores et déjà irremplaçables puisque, depuis Midway, les chantiers navals japonais ont reçu l'ordre de ne plus en construire afin de concentrer tous leurs efforts sur de nouveaux porte-avions.

A trop vouloir gagner, on risque souvent de tout perdre et Mikawa, en cet instant, ne voit guère ce qu'il pourrait gagner de plus,... mais réalise en revanche très bien ce qu'il pourrait perdre !

Alors, et à l'étonnement des Américains eux-mêmes, l'escadre japonaise ne tarde pas à vider les lieux, en longeant Savo par le Nord...

samedi 29 octobre 2022

7367 - "Que la lumière soit, et la lumière fut"

Savo : un des plus grands désastres de la Marine américaine
... nord-est de l'île Savo, 09 août 1942, 01h50

"Que la lumière soit, et la lumière fut"

Et de fait, à 01h50, à la stupéfaction des équipages américains, leurs navires s'illuminent sous l'action des puissants projecteurs des croiseurs japonais qui, une fois de plus sans être repérés, sont parvenus à se positionner à bâbord comme à tribord !

Et aussitôt, l'enfer se déchaîne ! En quelques minutes, l'Astoria, ciblé par le Chokai puis par trois autres croiseurs japonais, est transformé en amas de ferrailles et ravagé par les explosions. Désemparé et à la dérive, il sombrera peu après 12h00.

Pris en tenaille entre les Aoba, Furutaka, et Tenryū, et atteint par deux torpilles de ce dernier, le Quincy est rapidement réduit à l'impuissance, non sans avoir au moins eu la satisfaction de mettre un coup au but particulièrement chanceux sur le Chokai... qu'il ne visait même pas ! Atteint une nouvelle fois par une torpille de l'Aoba, et avec tout son personnel de passerelle tué, le croiseur américain s'enfonce par la proue, et s'engloutit à 02h38.

Atteint à 01h55 par deux torpilles du décidément infatigable Chokai, puis martelé par l'ensemble des croiseurs japonaises, le Vincennes brûle quant à lui d'une extrémité à l'autre. Bientôt abandonné par son équipage, il coule à 02h50

A 02h16, la Bataille de Savo, que beaucoup d'Américains qualifieront amèrement de "Battle of the Sitting Ducks", de "Bataille des canards posés sur l'eau", se termine sur décision de Mikawa lui-même, qui a toutes les raisons d'être satisfait mais doit à présent déterminer la suite qu'il entend donner à cette affaire...

vendredi 28 octobre 2022

7366 - le chaos

Ayant liquidé les croiseurs au Sud de Savo, les Japonais effectuent un 180 degrés  contre ceux postés au Nord

... est de l'île Savo, 09 août 1942, 01h40

Avec le Canberra hors de combat, et le Chicago en pleine retraite vers l'Ouest, l'Honneur du Groupe "Sud", et le salut des transports dont ils ont la charge, repose désormais sur les seuls destroyers Patterson et Bagley, et aussi - mais à son insu ! - sur le Jarvis qui, endommagé lors de l'attaque aérienne du jour précédent, et privé de tout moyen de communication radio, s'efforce, après des réparations sommaires, de regagner l'Australie par ses propres moyens,... et se retrouve à présent bien malgré lui plongé en plein chaos (1)

Car les trois destroyers américains ont beau multiplier les fusées éclairantes et les coups de projecteurs, et expédier torpilles et obus de 127mm en pagaille dans la direction supposée des navires japonais, ceux-ci demeurent insaisissables, et d'autant plus qu'aussitôt après avoir réglé le compte des deux croiseurs, ils viennent eux-mêmes d'abattre de 180 degrés sur bâbord, avant de remettre le cap vers le nord-ouest. 

Car conformément à son plan, et toujours guidé par ses hydravions, Mikawa a maintenant la ferme intention de s'en prendre aux croiseurs américains du Groupe "Nord" qui, comme nous l'avons vu, montent la garde entre l'île de Florida et celle de Savo.

Et, plus fort encore, il a l'intention, comme à l'entraînement, de prendre la ligne des croiseurs américains en sandwich entre ses propres croiseurs, désormais scindés en deux colonnes parallèles !

A 01h40, les pointeurs japonais aperçoivent donc les trois croiseurs américains qui, en  file indienne, et comme indifférents aux événements qui viennent de se passer, poursuivent tranquillement leur patrouille à seulement dix nœuds.

Le massacre peut commencer...

(1) ayant survécu par miracle à cette nouvelle attaque, le malheureux Jarvis devait malheureusement périr le lendemain, et avec tout son équipage, au sud de Guadalcanal, sous les bombes d'appareils japonais partis de Rabaul.

jeudi 27 octobre 2022

7365 - "feu par les lance-torpilles"

Le Chokai, navire-amiral de Mikawa, à la Bataille de l'île Savo
... sud-est de l'île Savo, 09 août 1942, 01h35

"Très calme, sûr de lui, Gunichi Mikawa lança l’ordre : — Feu par les lance-torpilles. Les croiseurs japonais virèrent de 90 degrés pour lancer les "longues lances" (1). Elles bondirent des tubes et tombèrent dans une flaque d’écume où elles disparurent en direction des deux croiseurs" (2)

Cent fois répétée à l'entraînement, la manœuvre s'exécute en quelques instants, dans un synchronisme parfait, et un silence quasi-absolu.

Sur le destroyer Patterson, où l'on vient tout juste de s'apercevoir de la présence de navires "inconnus" à proximité, c'est au contraire le branlebas dans le poste radio, où l'opérateur enchaîne frénétiquement les messages d'alerte.

Trop tard : touché par une ou deux torpilles, et bientôt par une avalanche d'obus de 203mm, le vieux Canberra australien, un Kent/County qui date des années 1920, et que les Japonais ont reconnu sans peine grâce à ses trois squelettiques cheminées, est bientôt en flammes et immobilisé sur l'eau, n'attendant plus que le coup-de-grâce.

Avec son étrave éventrée, mais son artillerie intacte, le Chicago américain s'en sort bien, et en tout cas mieux que son commandant qui, brutalement tiré d'un profond sommeil, émerge hébété de sa cabine, monte sur la passerelle et, en état de choc ou alors simplement dépassé par les événements (2), ordonne de quitter la ligne et de retraiter sans combattre vers l'Ouest, abandonnant ainsi les transports qu'il est tout de même censé protéger, mais surtout sans avertir personne et en particulier les croiseurs du Groupe "Nord" sur lesquels les bâtiments de Mikawa vont maintenant déchaîner leur fureur...

(1) avec ses dimensions exceptionnelles (9 mètres de long et près de 3 tonnes) et son moteur à oxygène pur lui conférant une autonomie de plus de 20 km, la torpille japonaise type 93 était la torpille la plus performante de son époque. L'appellation "longue lance", qui lui est fréquemment accolée, est néanmoins postérieure à la 2ème G.M.
(2) relevé de son commandement, puis gravement mis en cause par une commission d'enquête ultérieure, le commandant Howard Bode se suicidera le 19 avril 1943

mercredi 26 octobre 2022

7364 - un trou béant

Le croiseur Canberra, devant Tulagi, 7 ou 8 août 1942
... sud-ouest de l'île Savo, 09 août 1942, 00h40

Sur le papier, avec un total de six croiseurs lourds, deux légers et huit destroyers, néanmoins largement espacés les uns des autres, les Américains l'emportent donc sur les Japonais, qui ne disposent que de cinq croiseurs lourds et deux légers, et d'un seul et unique destroyer

Reste maintenant à utiliser correctement cet avantage !

Car déjà, les deux destroyers américains qui jouent le rôle de piquet au nord-ouest et au sud-ouest de Savo ne remplissent que très imparfaitement leur rôle

Bien que considérés comme le nec-plus-ultra de l'époque, leurs radars n'offrent en effet qu'une portée réduite et de surcroît sévèrement handicapée par le relief des îles avoisinantes

A l'insu de leurs propres opérateurs, ils laissent donc en permanence un trou béant de plusieurs km dans lequel des navires ennemis habilement manœuvrés pourraient s'insinuer sans être repérés.

Et c'est d'ailleurs ce qui se produit sur le coup de 00h40, lorsque les croiseurs japonais, progressant en file indienne, Chokai en tête, et constamment guidés dans leurs manœuvres par les hydravions qu'ils ont fait décoller à la nuit noire, se présentent par le travers sud-ouest de Savo sans être détectés par le destroyer Blue, pourtant distant d'à peine 2 000 mètres !

Encore une heure et, à l'insu de leurs adversaires qui ne se doutent toujours de rien (!), les vigies du Chokai aperçoivent une formation de deux croiseurs et un destroyer ennemis - les Chicago et Canberra (1) et le destroyer Patterson - par tribord avant...

(1) peu avant 21h00, l'Australia avait quitté le Groupe "Sud" pour finalement se retrouver assigné à patrouiller face à la plage de débarquement

mardi 25 octobre 2022

7363 - sur le papier...

Les positions américaines et japonaises dans la nuit du 08 au 09 août
... pour ne rien arranger, alors qu'ils bénéficiaient jusqu'ici d'excellents renseignement sur la composition et les intentions des forces japonaises, les Américains ignorent qu'une division de croiseurs japonais s'apprête à les attaquer.

La dite division a pourtant été repérée dans la journée du 08 août par un appareil de reconnaissance australien, mais elle a entretemps changé de cap et, suite à une succession d'erreurs, l'information n'a de toute manière pas pu être transmise à temps aux différents bâtiments américains et australiens qui montent la garde devant Guadalcanal.

Sur les dits bâtiments, les incessantes activités des 48 dernières heures ont d'autre part laissé des traces : les équipages sont épuisés, les hommes de veille sont à effectif réduit, et personne, de toute manière, n'imagine bientôt se retrouver dans le collimateur de croiseurs japonais.

Pour protéger l'intégralité de la zone où leurs cargos sont toujours occupés à décharger matériels et équipements, les Américains ont divisé leurs forces en trois Groupes : le "Nord" est composé des croiseurs lourds Astoria, Vincennes et Quincy et de deux destroyers, qui barrent le passage entre l'île Savo et celle de Florida; le "Sud" comprend le croiseur lourd Chicago et les Australiens Canberra et Australia et deux destroyers, qui en font de même entre l'île Savo et l'extrémité nord-ouest de Guadalcanal; et "l'Est" se compose quant à lui du tout nouveau croiseurs léger San Juan et de l'australien Hobart, accompagnés là encore de deux destroyers, positionnés à l'Est de Lunga Point, entre Guadalcanal et Florida.

Pour compléter le dispositif, les destroyers Ralph Talbot et Blue effectuent de constants aller-retours respectivement au nord-ouest et au sud-ouest de l'île Savo et, grâce à leurs radars, doivent en principe détecter toute formation ennemie qui tenterait de s'insinuer au Nord ou au Sud de Savo, et en avertir le Groupe de croiseurs correspondant.

lundi 24 octobre 2022

7362 - une spécialité japonaise

L'amiral Mikawa, bourreau de la flotte américaine devant Guadalcanal
... croiseur Chokai, 08 août 1942

Car sur la passerelle du Chokai, en route vers Guadalcanal à la tête d'une petite division de croiseurs, l'amiral Mikawa est quant à lui plus que jamais décidé à donner l'assaut !

Pour une fois, le plan japonais est d'une remarquable simplicité : "Nous entrerons dans la Baie par le sud de l’île de Savo et torpillerons le gros des forces américaines de Guadalcanal. De là, nous progresserons jusqu’au secteur avancé de l’île de Tulagi, où nous emploierons canons et torpilles pour nous retirer ensuite au nord de l’île de Savo" (1)

Et pour mettre toutes les chances de son côté, et en particulier pour éviter d'avoir à affronter en mer les appareils des porte-avions américains dont personne ne connait la position exacte, cette attaque sera menée de nuit.

L'attaque de nuit, c'est du reste la grande spécialité de la Marine impériale, une spécialité pour laquelle elle s'est longuement entraînée dans l'entre-deux guerres, mettant au point toutes sortes de procédures et développant quantités de moyens techniques, mais en revanche aucun radar, destinés à lui permettre de voir et de détruire l'ennemi sans être repéré et détruit par lui.

Et malheureusement pour elle, la Navy a totalement négligé cette discipline très particulière, erreur gravissime, qui ne sera compensée qu'à partir de 1943, avec la généralisation sur tous les navires américains de radars couplés à des calculateurs de tirs,... et d'opérateurs capables de s'en servir (!), et erreur va maintenant se payer cash.

Et au prix du sang...

(1) Hérubel, op cit

dimanche 23 octobre 2022

7361 - le massacre du 08 août

Un G4M lors de l'attaque du 08 août
 ... stupidement entassé sur la plage, ce matériel - vital pour la suite des opérations - est on ne peut plus vulnérable, mais les Japonais, pour l'heure, continuent de briller tantôt par leur absence, tantôt par leur inefficacité.

Au lendemain d'une première attaque aérienne pour le moins infructueuse et dans laquelle elle a elle-même perdu une trentaine d'appareils, l'Aviation japonaise remet en effet le couvert dans les mêmes conditions,... et avec le même résultat final.

A nouveau partis de Rabaul, à près de 1 000 km, et gréés cette fois en avions-torpilleurs, la quarantaine de bimoteurs G4M "Betty", que les Américains surnomment "briquets volants" en raison de leur extrême inflammabilité (1) sont proprement décimés par la DCA des navires et la chasse des porte-avions américains.

Bilan un destroyer américain, le Jarvis, gravement endommagé - et un transport incendié, pour la perte... de la totalité des bombardiers à l'exception d'un seul !

Jusqu'ici, Watchtower s'avère donc un succès total, qui dépasse même les rêves les plus fous, et sur la plage de Lunga Point comme sur les navires qui croisent au large, les Américains commencent à se demander si les Japonais, finalement, ne sont pas déjà au bout de leur rouleau.

Mais Dame Chance, qui n'a cessé de les combler d'égards depuis 48 heures, est sur le point de tourner casaque...

(1) pour gagner du poids, les avions japonais étaient dépourvus de réservoirs auto-obturants, ce qui les rendait très vulnérables aux projectiles incendiaires

samedi 22 octobre 2022

7360 - une immense brocante

Amoncellement de caisses et d'équipements divers sur la plage : on commence par où ?
... non contents de mettre la main, et quasiment sans combattre (!), sur un aérodrome flambant neuf et sur des infrastructures et des équipements intacts et prêts à servir, les Marines ont également la surprise de découvrir que les Japonais, dans leur fuite éperdue, ont abandonné d'impressionnantes quantités de nourriture."

Quand les hommes du 5e régiment atteignirent le camp de Kukum, ils y découvrirent des stocks qui ne représentaient pas moins ceux d’un corps de bataille. L’adversaire voyait grand et loin. Il y avait évidemment l’éternel riz sans lequel l’Armée impériale ne peut se déplacer. Des sacs de riz par centaines entassés les uns sur les autres, certains mangés déjà par les vers. Les Marines, qui méprisaient cette nourriture fadasse des soldats du Mikado, voulurent y mettre le feu. Bien leur en prit de ne pas le faire. Ils allaient être heureux de récupérer cette "nourriture pourrie" un peu plus tard" (1)

Pour Vandergrift, le seul et véritable problème de l'heure, c'est encore et toujours le matériel que les barges continuent de déverser sur la plage dans le plus grand désordre et bien plus vite que ses hommes ne sont en mesure d'en disposer !

"Des centaines de chalands américains, à la queue-leu-leu, crachaient sur le sable par-dessus leur porte rabattue, non pas du riz mais du corned-beef, du pain à toasts, des caisses de cartouches, de Coca-Cola, de cigarettes, de bière, des stocks de vêtements, des tentes, tables, chaises, rames de papier, machines à écrire.

Les aires de déchargement mal délimitées provoquaient des confusions incroyables : un service chirurgical atterrissait parmi un stock de carburant, des caisses de munitions s’entassaient au milieu d’un complexe de campement démonté. Des chars voisinaient avec des lits. On entendait des cris, des ordres, des jurons. La plage devenait un ramassis pour une immense brocante. Les Marines s’engueulaient entre eux (2)

(1) et (2) Hérubel, op cit

vendredi 21 octobre 2022

7359 - le cadeau-surprise

L'installation frigorifique de l’aérodrome, telle que découverte par les Marines le 08 août
... Guadalcanal, 08 août 1942, 16h00

Au lendemain du débarquement, tout va toujours pour le mieux pour les Marines qui, après s'être enterrés pour passer la nuit, ont repris dès l'aube leur progression vers l'intérieur des terres.

Gênés bien davantage par la nature du terrain que par la résistance toujours aussi désordonnée des rares défenseurs japonais, leurs avant-gardes atteignent finalement le terrain d'aviation, objectif principal de l'opération, sur le coup de 16h00, et ont la surprise de le découvrir non seulement quasi-terminé mais également intact et totalement déserté par l'ennemi !

Car contrairement à ce qui s'est passé à Tulagi et Gavutu, où le personnel affecté à la construction s'est battu aux cotés des soldats, celui de Guadalcanal  a purement et simplement pris la clé des champs dès les premiers bombardements pour se réfugier dans la jungle, en abandonnant tout leur matériel sur place et sans même prendre le temps d'incendier les bâtiments, dont les Marines vont dès lors pouvoir disposer à leur aise !

"Depuis le début juillet, les occupants avaient construit le grand terrain d’atterrissage, l’objectif "prioritaire", mais aussi des jetées, un quai, des baraquements qui abritaient une station radio, un complexe frigorifique, des groupes électrogènes, des ensembles sanitaires, de réparation, d’oxygénation, administratifs, etc"

(...) Les ouvriers du corps de la marine, les sapeurs, les indigènes enrôlés de force, avaient enfilé leurs tabis et déguerpi dans la jungle. Plus grave, les soldats s’étaient égaillés, plaquant la protection du camp de l’aérodrome, des stocks, et abandonnant des armes. Une chose inconcevable dans la tradition militaire nippone ! Désormais les chefs se montreront implacables. A partir de Guadalcanal ce sera tenir ou crever. L’officier tirera sur le soldat hésitant" (1)

(1) Hérubel, op cit

jeudi 20 octobre 2022

7358 - l'éternel retour de la Kantai Kessen

Yamamoto, ou l'éternel fantasme de Kantai Kessem...
... une fois de plus, parce qu'il ne disposent que de piètres moyens de renseignement, les Japonais se méprennent donc totalement sur les véritables objectifs des Américains et n'ont donc pour l'heure aucune intention de renoncer à leur propre offensive en Nouvelle-Guinée, perçue à Tokyo comme la porte d'entrée obligée vers l'Australie.

Et alors que les cuirassés et porte-avions japonais, s'ils appareillaient immédiatement, pourraient très facilement anéantir les forces américaines présentes devant Guadalcanal, ceux-ci restent donc à l'ancre et dans l'attente des ordres de Yamamoto qui, malgré sa récente déconvenue de Midway, n'a toujours pas renoncé - et ne renoncera d'ailleurs jamais - à son idée, ou plutôt à son fantasme, de Kantai Kessen, de "Grand combat naval décisif" !

En apprenant la nouvelle du débarquement américain à Guadalcanal, Yamamoto a en effet commencé à échafauder un nouveau plan tout aussi ambitieux et visant une fois encore à anéantir les trois derniers porte-avions américains (1) en les attirant dans un piège en tout point semblable à celui qu'il leur avait vainement tendu devant Midway.

Mais le problème, c'est que, comme à Midway, les Américains n'ont aucunement l'intention de tomber dans le panneau : avant-même le lancement de  Watchtower, Fletcher a d'ailleurs clairement signifié à qui voulait l'entendre qu'il ne demeurerait pas plus de 48 heures à proximité de Guadalcanal, mais qu'il retraiterait au contraire prudemment vers l'Ouest avec ses porte-avions aussitôt les Marines débarqués...

(1) à ce moment, le Hornet, en réparations après la Bataille de Midway, se trouvait encore en cale sèche à Pearl Harbor

mercredi 19 octobre 2022

7357 - "Nous pensons qu’il n’y a rien qui ne soit vraiment digne d’attention pour Votre Majesté"

Le croiseur Chokai, navire-amiral de Mikawa, en 1941
... Rabaul, 7 août 1942

Sur le croiseur Chokai, l'amiral Mikawa, bien que lui aussi abasourdi par la nouvelle de l'attaque américaine contre Tulagi et Guadalcanal, n'est pas non plus demeuré inactif, et a aussitôt dressé un plan visant à lancer un raid de nuit contre les navires américains avec son propre Chokai et les autres bâtiments de la 8ème Flotte de Rabaul, soit sept croiseurs lourds et légers (1) et un destroyer

En suivant la voie hiérarchique, le rapport de Mikawa, et le résumé de ses intentions, est ensuite remonté jusqu'à l'amiral Yamamoto, au Ministre de la Marine Osami Nagano, et finalement jusqu'à l'Empereur Hirohito lui-même.

Personne ne s'étant objecté à ses intentions, Mikawa a donc mis le cap sur Guadalcanal avec le ferme désir d'en découdre au plus vite mais aussi avec la conviction, par ailleurs unanimement partagée en haut-lieu, que cette attaque américaine ne constitue en fait qu'une sorte de reconnaissance-en-force et en aucune manière la première étape d'une bien plus vaste campagne visant à reconquérir l'ensemble des îles du Pacifique, en commençant par les Salomon du Sud.

A l'Empereur qui, à l'annonce du débarquement américain, lui a fait part de son intention de quitter son palais d'été pour regagner Tokyo, Nagano a d'ailleurs affirmé que "notre attaché militaire à Moscou nous confirme qu’il n’y a guère que deux mille Américains sur place. Ils veulent s’emparer de l’aérodrome que nous avions construit à Guadalcanal. Ce n’est qu’un raid de leur part. Ils n’ont pas les moyens d’une puissante attaque. Nous les chasserons de l’île. Nous pensons qu’il n’y a rien qui ne soit vraiment digne d’attention pour Votre Majesté" (2)

(1) rappelons une fois encore que la distinction entre croiseurs "lourds" et "légers" repose uniquement sur le calibre de l'armement embarqué et pas sur le tonnage réel du bâtiment, les croiseurs "lourds" disposant de canons d'un calibre de 203mm, et les "légers" de pièces d'un calibre maximal de 155mm
(2) Hérubel, op cit

mardi 18 octobre 2022

7356 - l'obligation de contre-attaquer

Marines, goûtant quelques instants de repos. Où es l'ennemi ?
... Lunga Point, Guadalcanal, 07 août 1942, 13h15

Car les Japonais ont rien moins que l'obligation de contre-attaquer !

La perte de l'hydrobase de Tulagi et de l'aérodrome - au demeurant inachevé - de Guadalcanal est en soit insignifiante, mais la création d'un poste avancé américain dans les Salomon du Sud n'en risquerait pas moins de menacer à terme les ambitions japonaises dans cette même région, en particulier vis-à-vis de Port Moresby et de la Nouvelle-Guinée, voire de l'Australie.

Et puis, et surtout, en plus de constituer un véritable et fort humiliant camouflet, ne rien faire, c-à-d concéder la victoire aux Américains, ne pourrait que galvaniser ces derniers et les dissuader encore un peu plus de rechercher avec le Japon cette "paix négociée" sur laquelle Tokyo a bâti toute sa stratégie de conquête !

Alors, il faut tuer le ver dans le fruit, le tuer immédiatement, ou plutôt l'écraser dans le sang et sans même s'interroger sur sa composition et ses véritables intentions, et sans même chercher à élaborer au préalable un quelconque plan de bataille : dès 13h15, une cinquantaine de chasseurs et de bombardiers partis de Rabaul entreprennent donc de pilonner la petite armada américaine occupée à décharger hommes et matériels sur la plage de Lunga Point, enregistrant un coup au but sur un destroyer, mais perdant eux-mêmes une trentaine d'appareils dans l'aventure (1)

Un instant stoppé par cette attaque, le déchargement n'en reprend pas moins de plus belle,... et même bien plus vite que ce que les Marines sont en mesure de gérer sur la plage !

Partout, des caisses, des bidons, des véhicules s'amoncellent dans le plus grand désordre, et la situation devient même si chaotique que l'amiral Turner, aux premières heures du lendemain, prend carrément la décision de suspendre provisoirement les opérations...
 
(1) atteint par la mitrailleuse ventrale d'un Avenger qu'il avait confondu avec un Wildcat, le grand as japonais Saburo Sakaï sera grièvement blessé dans cette attaque, où il perdra un oeil, tout en réussissant malgré tout à retourner à Rabaul après un vol de près de 1000 km

lundi 17 octobre 2022

7355 - jusqu'ici, tout va bien...

Marines descendant vers une barge de débarquement. Jusqu'ici, c'est facile...
... à Guadalcanal, et même dans leurs rêves les plus fous, personne, chez les Marines, ne s'attendait à un scénario aussi facile !

Non contents d'être très largement inférieurs en nombre, et pour ainsi dire dépourvus d'armes, les défenseurs japonais, pourtant unanimement dépeints depuis des mois comme des combattants redoutables, pour ne pas dire invincibles, se sont proprement évanouis dans la jungle et dans le plus grand désordre, leur livrant ainsi l'aérodrome sur un plateau !

Sur Tulagi, Gavutu et Tanambogo, les quelque soldats 900 Japonais présents, bien que contraints de lutter à un contre cinq, et avec là encore très peu d'armes, s'accrochent cependant davantage au terrain et, avant-goût de ce que réserve l'avenir, préfèrent déjà se faire tuer presque jusqu'au dernier homme plutôt que de se rendre.

Mais il en faudrait bien davantage pour stopper le nouveau rouleau-compresseur américain qui, en moins de 48 heures, signe là sa première et indiscutable victoire, ne laissant qu'à une poignée de défenseurs nippons hébétés la possibilité de s'enfuir à la nage vers Florida, où les Marines les débusqueront néanmoins dans les semaines suivantes.

Le premier acte se solde donc par un authentique triomphe américain qui, au prix de pertes très légères - quelques centaines de tués et blessés - se sont emparés de l'hydrobase de Tulagi et surtout de l'aérodrome de Guadalcanal, qu'ils ont bien l'intention de terminer au plus vite, histoire de parer une éventuelle contre-attaque japonaise...

dimanche 16 octobre 2022

7354 - "De quoi peut-il s'agir ?"

Marines débarquant à Guadalcanal,... avec une décontraction étonnante
 ... "Les Japonais, dissimulés dans la jungle, n’avaient pas encore tiré. Le jour était levé. L’ennemi avait été totalement surpris. Sous les ordres hurlés par leurs chefs, ils cavalaient vers de nouvelles positions de combat, en retrait, dans la jungle. Des colonnes de fumée noire s’élevaient au nord de Guadalcanal et de Tulagi. Des docks, des baraquements, des stocks, du carburant brûlaient.

L’armée impériale étonna pour la première fois par sa réaction confuse. Le responsable de la défense de Guadalcanal envoya un message au vice-amiral Mikawa. Il croisait à mille kilomètres dans le nord-est à la tête de son escadre.

Le radio du [croiseur] Chokai transmit l’incroyable information à un officier d’état-major, qui alla porter le papier au pas de course. Mikawa lut : "Affrontons forces du débarquement américaines. Puissante formation de bateaux de guerre inconnue dans le golfe. Nombre et modèles indéterminés. De quoi peut-il s’agir ? Battons en retraite dans la jungle". Sans avoir tiré ni un coup de canon ni une rafale de mitrailleuse !

(...) Quelques minutes plus tard, Mikawa reçut un nouveau message. Il avait été lancé, cette fois-ci, du poste de l’île de Tulagi. Il était plus précis, plus glorieux aussi, dans la tradition : "Les forces ennemies sont écrasantes. Nous défendrons nos positions jusqu’à la mort, en priant pour une victoire éternelle"

(...) Ce fut le dernier message envoyé par Tulagi. Quelques minutes plus tard, une salve ajustée par un télémétriste breveté du croiseur léger San Juan envoya en l’air le baraquement qui abritait la radio avec ses occupants"

(1) Michel Hérubel, La bataille de Guadalcanal

samedi 15 octobre 2022

7353 - une surprise totale

Lunga Point,  et l’aérodrome, futur Henderson Field, quelques km plus plus sud
 ... Lunga Point, Guadalcanal, 07 août 1942, 06h14

A l'aube du 07 août, un déluge de bombes et d'obus américains s'abat sur l'extrémité nord de Guadalcanal.

Objectif principal : les plages de Lunga Point, à seulement quelques km du terrain d'aviation que les Japonais sont occupés à bâtir.

Mais quantités de projectiles frappent aussi Tulagi et les îles avoisinantes, où les Américains ont également l'intention de débarquer.

Dans le camp japonais, la surprise est totale, et la réaction... totalement inexistante.

Il faut dire qu'en cet endroit perdu du bout du monde, l'Empire entretient moins de 4 000 hommes de troupe,... dont à peine 600 peuvent être considérés comme des combattants !

Guadalcanal-même n'est défendue que par 250 hommes,... dépourvus d'artillerie et même de toute position défensive (!), ce qui permet donc aux premiers Marines d'y débarquer comme à l'entraînement sur le coup de 09h00, à peine dérangés par quelques rares coups de feu désordonnés.

A vrai dire, le seul véritable obstacle qui se dresse entre eux et l'aérodrome est - déjà - le terrain lui-même, et en particulier les hautes herbes et la rivière Tenaru, à l'ouest de leur tête-de-pont...

vendredi 14 octobre 2022

7352 - dans l'attente du premier acte

... repassons à présent du côté américain et de leur petite escadre qui s'approche lentement de Guadalcanal,... à l'insu des Japonais qui, parce qu'ils n'ont pas encore appris à adopter une posture défensive, et aussi parce qu'ils manquent - déjà - cruellement de moyens de reconnaissance, ne s'attendent pas du tout à être attaqués à cet endroit.

Côté américain, donc, l'affaire se présente ainsi : appuyés par le feu des croiseurs et destroyers de Turner, et protégés à longue distance par les porte-avions de Fletcher, les "Combat Group A" et "B", soit un total d'environ 8 000 hommes, doivent débarquer à Guadalcanal, tandis qu'un "Northern Group", de quelque 4 000 Marines, doit quant à lui en faire de même sur les îles de Tulagi, Florida, Gavutu et Tanambogo.

Plusieurs milliers d'hommes sont quant à eux tenus en réserve en prévision d'un futur débarquement sur Nendö (Îles Santa Cruz), où la Navy entend construire un aérodrome, débarquement qui - mais n'anticipons pas - sera cependant vite annulé, vu la rapide détérioration de la situation militaire sur Guadalcanal.

Aux Fidji, nous l'avons dit, l'ultime répétition de ces différents débarquements s'est très mal passée, ce qui augure mal de la suite des événements mais, heureusement pour eux, les Marines inexpérimentés vont bénéficier de ce qu'il convient d'appeler "la Chance du Débutant" puisque les Japonais, par trop confiants, n'ont pour leur part rien prévu pour parer une éventuelle attaque !

Le décor maintenant dressé, place au premier acte d'un spectacle, ou plutôt d'une tragédie, que personne, ni dans le camp américain ni dans le camp japonais, n'imagine durer six mois...

jeudi 13 octobre 2022

7351 - terra incognita

Marines, pataugeant dans leur camp inondé par la pluie, Guadalcanal, 1944
... et puis, et peut-être surtout, il y a, dans les deux camps, la méconnaissance quasi-totale du terrain où l'on est tout de même supposé se battre !

Avant-guerre, Guadalcanal était pour ainsi dire une terra incognita, une terre inconnue, qui, comme tant d'autres dans le Pacifique, n'intéressait personne et n'était par conséquent que fort peu documentée.

Comme les populations indigènes, par ailleurs misérables et peu nombreuses, n'étaient établies que le long du littoral, où se trouvaient également les quelques plantations dirigées par de rares Occidentaux, les cartes, lorsqu'elles existaient, se limitaient quasiment au tracé des côtes, un tracé par ailleurs très approximatif et entaché de nombreuses erreurs, et qui laissait l'intérieur des terres dans un néant presque total.
 
Qu'ils soient Américains ou Japonais, les soldats, mais aussi leurs État-majors respectifs, ignorent donc à peu près tout de l'endroit où ils vont devoir combattre et dont ils n'apprendront en définitive l'existence que peu de temps avant d'y débarquer.

Plus que l'adversaire, c'est donc la Nature elle-même, avec ses pièges, sa flore, sa faune et surtout ses insectes, qu'ils vont devoir affronter et tenter d'apprivoiser !

La Nature,... mais aussi le climat tropical, avec une température moyenne de 30 degrés, un taux d'humidité moyen de 80%, et surtout une pluviométrie infernale, qui atteint 5 600mm par an, soit sept fois plus qu'en Belgique ou en Irlande, pays pourtant réputés pour leur pluie !

Une Nature et un Climat qui, on s'en doute, ne leur feront aucun cadeau...

mercredi 12 octobre 2022

7350 - l'enfer vert

La rivière Tenaru, à Guadalcanal. Un enfer vert où l'ennemi peut se dissimuler partout...
... lorsqu'on les interrogera, après la guerre, sur les endroits où ils ont préféré se battre, les soldats américains désigneront tout d'abord le Proche Orient, puis l'Europe de l'Ouest et, en tout dernier lieu, les îles du Pacifique qui, dans leur grande majorité, sont aux antipodes de l'image que s'en fait traditionnellement le vacancier.

Et c'est particulièrement vrai de Guadalcanal, de la Nouvelle-Guinée, de la Nouvelle-Bretagne, de toutes ces îles qui, à l'exception d'une étroite bande le long du littoral, sont recouvertes d'une jungle épaisse et quasi impénétrable, où l'ennemi peut se dissimuler n'importe où, y compris dans votre dos, sans qu'on jamais puisse l'apercevoir.

Et lorsque ces îles, comme Guadalcanal, sont de surcroît de grandes dimensions, on y trouve immanquablement des montagnes, des collines, des ravins, des torrents, mais aussi des marécages qui compliquent terriblement la progression et soumettent toute la chaine logistique à une pression insoutenable.

Guadalcanal, c'est un enfer vert, où les maladies tropicales comme la malaria, la dysenterie, la dengue, les infections fongiques sont endémiques, particulièrement en période de mousson, lorsque les pluies torrentielles transforment les rares sentiers en bourbiers infects.

Et ces maladies, souvent mal documentées et contre lesquelles il n'existe guère de remèdes, peuvent décimer les hommes par régiments entiers bien plus efficacement que l'ennemi : à Guadalcanal, en six mois de campagne, la malaria à elle seule va ainsi compter pour les deux-tiers des Marines mis hors de combat,… contre un tiers seulement aux balles et obus japonais !

Encore les soldats américains peuvent-ils être considérés comme des ultra-privilégiés par rapport à leurs adversaires nippons, qui n'ont jamais jugé utile de se doter d'un véritable service de santé, et qui n'ont rien prévu pour traiter des maladies que le soldat, en digne héritier des samouraïs, est supposé supporter stoïquement et jusqu'à sa mort ou alors guérison complète...

 

mardi 11 octobre 2022

7349 - une mutuelle obligation de tout apprendre

Le général Harukichi Hyakutake, commandant de la 17ème Armée, à Rabaul, en 1942
... les 16 000 Marines de la 1ère Division n'ont - nous l'avons dit - aucune expérience du combat, mais non contents d'être cinq à six fois moins nombreux (!), leurs futurs adversaires japonais présents à Guadalcanal et sur les îles avoisinantes, sont quant à eux tout sauf des combattants d'élite !

Relevant pour la plupart de la 17ème Armée du général Harukichi Hyakutake, qui a son Q.G. à Rabaul, ils sont, au mieux, des soldats de seconde ligne et, souvent, du Génie dont on attend seulement qu'ils construisent des routes, des ponts et, dans ce cas-ci, un aérodrome, aidés en cela non pas par des engins mécanisés - dont l'Armée japonaise est à peu près dépourvue - mais par des milliers de travailleurs coréens, le plus souvent forcés (1)

Et si les soldats américains ont tout à découvrir en matière de débarquement, les japonais, qui du reste ne s'attendent pas du tout à être attaqués (!), ont tout à apprendre en matière de défense, puisque rien ou presque n'a été prévu à cette fin !

Contrairement à ce que l'on verra en 1943, en particulier à partir de Tarawa, on ne trouve en effet, à Guadalcanal, aucun abri bétonné, aucun réseau de souterrains, aucun nid de canons ou de mitrailleuses, aucun champ de mines, aucune tranchée ni même aucun réseau de barbelés !

Toutes ces merveilles, et la meilleure manière de s'en servir, viendront plus tard, à mesure que l'Armée japonaise apprendra, à la dure et contre son gré, à passer d'une attitude offensive à une posture strictement défensive.

Mais en cet été de 1942, on n'en est pas encore là et, en pratique, ce ne sont donc ni les défenses japonaises ni les soldats japonais qui, au moins durant les premiers jours, vont donner le plus de fil à retordre aux Marines, mais bien Guadalcanal elle-même...

(1) "protectorat" nippon depuis 1905, la Corée était officiellement devenue japonaise, et occupée par ses forces armées, en 1910

lundi 10 octobre 2022

7348 - à la recherche d'un but

Les "super-cuirassés" Yamato et Musashi, à Truk, en 1943 : aussi puissants qu'inutiles...
... en cet été de 1942, regroupée pour une bonne partie dans le Lagon de Truk (Îles Caroline), où elle bénéficie - du moins pour l'instant - d'une bonne protection contre les torpilles et les bombes américaines, la Flotte combinée japonaise fait néanmoins très bonne figure.

Mais reste à lui trouver un but !

Car depuis Midway, en juin, plus personne, même parmi les jeunes officiers, n'envisage encore sérieusement de s'en aller un conquérir le littoral australien !

De l'offensive tous azimuts où l'on surprend et où l'on dicte constamment le tempo à l'adversaire, on est passé, presque du jour au lendemain, à une posture strictement défensive, où l'on se contente à présent d'observer les événements puis de réagir en fonction des initiatives du dit adversaire.

Or rien n'est plus étranger à la doctrine militaire japonaise, qui privilégie au contraire l'attaque à outrance jusqu'à soumission ou complet anéantissement de l'ennemi !

Et c'est particulièrement vrai dans la Marine, où depuis Tsushima, c-à-depuis 1905, on ne connait et n'enseigne pour ainsi dire que la Kantai Kessen, ou "Bataille navale décisive", qui consiste, dans un premier temps, à affaiblir suffisamment la flotte ennemie, puis, dans un second, à l'attirer en un endroit bien précis pour finalement l’y écraser avec tous les moyens dont on dispose dans un seul et gigantesque affrontement supposément décisif.

C'est précisément cette doctrine qui avait été mise en œuvre par l'amiral Yamamoto en vue de la Bataille de Midway, laquelle, malheureusement pour lui et pour le Japon, s'était soldée par une éclatante victoire américaine, et c'est encore cette doctrine que Yamamoto puis tous ses successeurs, malheureusement pour eux et pour le Japon, s'efforceront encore de mettre en œuvre, et en pure perte, quasiment jusqu'à la fin de la guerre...

dimanche 9 octobre 2022

7347 - la gueule-de-bois

Le Mogami, en 1943, devenu "croiseur-porte-hydravions".... et symbole de la détresse japonaise
... abandonnons à présent la petite escadre américaine qui cingle vers Guadalcanal pour passer dans le camp japonais, où l'enthousiasme du début de la guerre a fait place, depuis Midway, à une sérieuse gueule-de-bois.

Personne, bien sûr, ne parle encore de "défaite", ni a fortiori de "capitulation", mais, l'élan, à l'évidence, n'y est plus : sur tous les Fronts, chacun retient désormais son souffle et, dans les État-majors, se demande comment, et vers où, on pourrait bien se relancer.

Se doter d'une "profondeur stratégique" pour défendre les ressources des pays conquis contre d'éventuelles attaques américaines est à n'en point douter une excellente idée, et même la seule chose à faire, mais encore faudrait-il en avoir les moyens !

Les plus informés, ou les plus lucides, savent que l'appareil industriel japonais ne saurait rivaliser avec celui des États-Unis, et c'est particulièrement vrai dans le domaine naval, où chaque jour qui passe ne pourra que renforcer la Navy américaine et affaiblir la Marine impériale.

Faute d'être en mesure de lancer rapidement de nouveaux bâtiments, et en particulier de nouveaux porte-avions, celle-ci a du reste déjà commencé à recourir à de bien étranges expédients, qui témoignent de sa profonde détresse : après la perte de quatre porte-avions à Midway, et d'un cinquième en Mer de Corail, décision a en effet été prise de convertir en "porte-avions-atelier-ravitailleur" géant la coque inachevée du "super-cuirassé" Shinano (1), d'envisager également la conversion en porte-avions des cuirassés Ise et Hyuga, qui datent de la 1ère G.M. (2), et de convertir en "croiseur-porte-hydravions" le croiseur Mogami (3)...

(1) achevé en novembre 1944, le Shinano de 65 000 tonnes sera coulé par un sous-marin américain dix jours à peine après sa mise en service, et sans un seul  avion à son bord !
(2) faute de temps et d'argent, ces deux bâtiments ne seront finalement convertis, à partir de 1943, qu'en "cuirassés-porte-hydravions", abandonnant simplement leurs deux tourelles arrière de 356mm au "profit" d'un pont d'envol ne s'étendant que sur moins d'un tiers de la longueur du navire !
(3) rentré très endommagé de Midway, le Mogami abandonna lui aussi ses deux tourelles arrière au "profit" d'un petit pont d'envol pour hydravions

samedi 8 octobre 2022

7346 - faire avec ce qu'on a...

Le North Carolina, en juin 1942, premier cuirassé américain moderne
... îles Fidji, 31 juillet 1942

Pour s'emparer de Guadalacanal, mais aussi de Tulagi, de Florida et des quelques îles avoisinantes, les Américains ont mobilisé trois porte-avions, un cuirassé, quatorze croiseurs (dont trois australiens) et une trentaine de destroyers, qui accompagnent et protègent une poignée de navires de transport, pétroliers et dragueurs de mines.

Ce n'est guère, et même totalement insignifiant lorsque rapporté aux centaines et centaines de navires dont disposeront leurs Task Forces dans deux ans à peine, lorsqu'elles se présenteront devant Saïpan, Peleliu,Leyte ou encore Iwo-Jima, mais il faut bien commencer par quelque part et, de toute manière, c'est le maximum que peut faire la Navy, encore convalescente, en cet instant.

Parmi les navires qui appareillent des Fidji le 31 juillet 1942, les marins ne peuvent s'empêcher d'observer la silhouette massive du North Carolina

Entré en service à peine un an plus tôt, le North Carolina de 36 000 tonnes, et neuf canons de 406mm, est en effet le premier cuirassé moderne dont dispose la Navy dans le Pacifique, et aussi le premier qui,  à 28 nœuds, soit raisonnablement en mesure de suivre le rythme des porte-avions (1)

Depuis Pearl Harbor et, surtout, depuis Kuantan, chacun, et autant dans le camp américain que dans le camp japonais - nous y reviendrons - sait pourtant que les cuirassés, naguère orgueils et fleurons de toutes les flottes de combat, ont été définitivement détrônés par les porte-avions, et sont d'ailleurs très vulnérables à leurs attaques, mais puisqu'ils existent, et qu'on est en guerre, autant les utiliser, que ce soit pour appuyer une opération amphibie, pour servir de plateforme de DCA (2),... ou alors dans l'éventualité où un cuirassé ennemi se profilerait malgré tout sur l'horizon....

(1) les cuirassés rescapés de Pearl Harbor n'étaient pas assez rapides pour accompagner les porte-avions. Ils ne furent utilisés qu'à partir de 1943, et uniquement pour appuyer les opérations de débarquement
(2) par sa conception-même, un cuirassé est plus en mesure d'accueillir de nombreuses pièces de DCA qu'un porte-avions et, grâce à son épais blindage, de  résister aux bombes d'avion.

vendredi 7 octobre 2022

7345 - la pomme de discorde

Turner (à gauche) et Vandergrift, peu avant le déclenchement de Watchtower
... bien qu'ayant d'abord et avant tout la responsabilité de soutenir et de mettre à terre la 1ère Division de Marines, puis de veiller à leur assurer un  constant ravitaillement, Turner a quant à lui dores et déjà la ferme intention de se mêler de la conduite des opérations à terre, ce qui, on s'en doute ne fait pas du tout les affaires de Vandergrift !

"Selon la doctrine amphibie américaine de l'époque, et étant entendu que la force de débarquement n'était vue que comme une simple extension de la force amphibie, Vandegrift se trouvait placé sous le commandement de Turner

C'était une pomme de discorde majeure avec le Corps des Marines, lequel considérait au contraire qu'une fois rendu à terre, le commandant de la force de débarquement se devait de mener sa propre bataille sans en référer au préalable à un commandant qui se trouvait en mer et n'était de toute manière pas formé pour mener une bataille au sol.

Plus tard dans la campagne, Halsey clarifia ce point de commandement, en rendant les Marines indépendants du contrôle de Turner, mais pendant la première phase de la campagne, les deux parties furent contraintes de vivre avec cet arrangement malcommode (1)

(1) Mark Stille, Guadalcanal 1942–43: America's first victory on the road to Tokyo

jeudi 6 octobre 2022

7344 - le triumvirat

Le vice-amiral Robert Ghormley, en 1942, alors qu'il commandait la South Pacific Area
... pour ne rien arranger, la chaîne de commandement de Watchtower est elle-même passablement complexe et, comme nous allons le voir, franchement dysfonctionnelle

Watchtower relève en effet de la la South Pacific Area, c-à-d du vice-amiral Robert Ghormley, 58 ans, dont la toute récente nomination à ce poste va s'avérer - mais n'anticipons pas - d'autant plus malheureuse que Ghormley s'estime déjà à ce point surchargé de travail et de responsabilités qu'il n'envisage pas pour l'heure, et n'envisagera en fait jamais, de quitter son confortable Q.G. de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) pour se présenter lui-même sur le terrain et s'assurer de la bonne conduite des opérations.

En pratique, Ghormley a donc entièrement délégué celles-ci à une sorte de triumvirat composé du vice-amiral Frank Fletcher, du contre-amiral Richmond Turner, et du major-général Vandergrift.

Le premier dirige la Force de couverture, essentiellement composée des porte-avions Saratoga (navire-amiral), Enterprise et Wasp qui, à bonne distance, doivent assurer la protection de la Force de débarquement et de soutien du second, laquelle, grâce aux feux de ses croiseurs, doit directement appuyer le débarquement des fantassins du troisième, puis, grâce à ses cargos, veiller à leur constant ravitaillement.

Sur le papier, l'affaire parait donc simple, mais à la nonchalance déjà évoquée de Ghormley s'ajoute à présent l'extrême prudence de Fletcher qui, comme cela avait déjà été le cas en Mer de Corail, n'a pas la moindre envie de faire courir le moindre risque aux rares et précieux porte-avions de la Navy et ne montre donc aucun enthousiasme à l'idée de demeurer longtemps en faction pour protéger les bâtiments de Turner...

mercredi 5 octobre 2022

7343 - Watchtower

Alexander Vandergrift, commandant de la 1ère Division de Marines
... le 5 juillet, la découverte des préparatifs japonais visant à construire un aérodrome sur l'île de Guadalcanal pousse cependant King et Nimitz à inclure explicitement celle-ci (1) dans les objectifs de l'Opération, baptisée Watchtower, qu'ils se préparent à lancer.

Conformément à la volonté de King, Watchtower sera, dès le départ, une opération menée sous le contrôle exclusif de la Navy,... mais aussi exclusivement avec les moyens de la Navy, c-à-d avec sa propre Infanterie - les Marines - notoirement inférieure en quantité à celle de l'Armée de Terre.

Sur le papier, les hommes de la 1ère Division de Marines sont certes considérés comme des combattants d'élite, mais Guadalcanal, ainsi que Tulagi, Florida ou encore Gavabutu, n'en constituera pas moins leur baptême du feu, ce qui laisse déjà présager de grosses difficultés.

Ayant quitté Norfolk (Virginie) en mai, les quelque 16 000 Marines de la 1ère Division ont en tout cas fini par rallier Wellington (Nouvelle-Zélande) le mois suivant afin de s'y regrouper et de s'y entrainer.

Le 18 juillet, ils sont passés sous le commandement du major-général (2) Alexander Vandegrift, 55 ans, unanimement considéré comme un officier aussi compétent que tenace

Et de la ténacité Vandegrift, va assurément en avoir besoin, puisqu'une ultime répétition, menée fin juillet aux Fidji, se solde par un véritable désastre, où tout ce qui peut tourner mal tourner... tourne effectivement au chaos.

Mauvais présage...

(1) cet ajout entraîna le renoncement aux îles Santa Cruz, initialement prévues dans l'Opération
(2) deux étoiles

mardi 4 octobre 2022

7342 - hors limite !

Nimitz, en 1945, aussi discret et effacé que MacArthur s'avérait voyant...
... la nomination de MacArthur à la tête de la South West Pacific Area s'est naturellement opérée avec le total assentiment de George Marshall

Marshall n'aime pas MacArthur qui, de son côté, n'aime il est vrai personne d'autre que lui-même (!), et il ne se fait pas davantage d'illusions sur les réelles capacités militaires de ce dernier, et encore moins sur celles de son État-major - "Vous n’avez pas un État-major, Douglas", lui a-t-il dit un jour, "mais seulement une Cour" - mais il a besoin de lui, et de sa popularité, dans le Pacifique, ne serait-ce que pour faire contrepoids aux ambitions de King et de son propre poulain, le très efficace mais fort discret Chester Nimitz.

Nimitz, justement, a convenu avec King de partir aussi vite que possible à la reconquête de la petite île de Tulagi, devenue importante hydrobase japonaise, ainsi que "des îles avoisinantes", ce qui inclut en principe Guadalcanal, située à une quarantaine de km au sud de Tulagi.

Or il se fait que Tulagi, et Guadalcanal, se trouvent en plein dans la South West Pacific Area,... autrement dit dans la zone d'opérations à présent dévolue à MacArthur et à l'Armée de Terre !

Pour le très anglophobe Ernest King, il n'est évidemment pas question que la première opération véritablement offensive de la Guerre du Pacifique soit menée par MacArthur et l'US Army, et a fortiori par une US Army qui pour l'heure, et en pratique, est composée presque exclusivement de soldats... australiens !

Alors, le 2 juillet, King et Marshall s'entendent finalement sur un compromis, qui consiste tout bonnement à déplacer les limites de la South West Pacific Area (1) pour que Tulagi, Guadalcanal et les Salomon du Sud se retrouvent dans celles de la South Pacific Area, autrement dit dans celles de King, de Nimitz et de la Navy !

(1) dans sa propre zone, MacArthur, lança par la suite une offensive très laborieuse et finalement écourtée en direction de la Nouvelle-Guinée, des îles de l'Amirauté ainsi que de l'archipel Bismarck, incluant en particulier l'île forteresse de Rabaul

lundi 3 octobre 2022

7341 - le "Supreme Commander South West Pacific Area"

Douglas MacArthur,... tel qu'en lui-même
... après la débâcle des Philippines où il n'a jamais été en mesure d'arrêter les Japonais - mais qui aurait réellement pu faire mieux ? - puis sa fuite humiliante de Corregidor, certes menée "sur ordres" mais néanmoins avec épouse, fils, suite, domesticité et même sacs d'argent (!), Douglas MacArthur aurait pu, aurait dû, tomber dans l’oubli.

Mais sa déclaration du 20 mars 1942, dans la minuscule gare de Terowie (Australie), "I came out of Bataan and I shall return !" - "Je suis sorti de Bataan et j'y retournerai !" (2), habilement exploitée par une Presse américaine alors désespérément en quête de héros et de symboles positifs, lui a au contraire permis de rebondir, de transformer cette défaite en mythe et en promesse de revanche, et finalement de devenir, ou du moins de paraître, comme l'homme indispensable à toute victoire contre le Japon !

Il faut dire qu'avec son air hautain et toujours sûr de lui, sa pipe de maïs au bec, et sa vieille casquette graisseuse perpétuellement vissée au front, le Grand Homme était déjà, bien avant la guerre, le chouchou des médias et en particulier de ceux d’Henry Luce, propriétaire de Time et de Life Magazine, qui lui achètera d'ailleurs - fort cher - ses mémoires en 1963.

Grâce aux médias, MacArthur est donc très vite remonté en selle, au point d'ailleurs de se voir promu, moins d'un mois plus tard, "Supreme Commander South West Pacific Area" ("commandant suprême des forces alliées dans la Zone du Pacifique Sud-Ouest"), formulation en définitive aussi grandiloquente que le personnage puisque ne reposant pour l'heure que sur de faibles régiments d'Infanterie australienne désespérément à court d'armes, de moral et de moyens de transport...

(1) après avoir pris connaissance de cette déclaration, le gouvernement américain demanda à MacArthur de la modifier en "Nous y reviendrons", une requête de bon sens mais que l’intéressé s’empressa, comme à son habitude, d’ignorer totalement…

dimanche 2 octobre 2022

7340 - ne rien céder à l'US Army

Ernest King, commandant-en-chef de la Navy : ne rien céder à l'US Army
... ayant quasiment obtenu un chèque en blanc du gouvernement, et du contribuable, américain, King a pour "sa" Navy des ambitions dévorantes, et à vrai dire franchement mégalomanes, qui le placent constamment en opposition avec le commandant-en-chef de l'US Army, le général George Marshall.

Il faut dire que King n'a jamais digéré le "Germany First", c-à-d la décision du Président Roosevelt d'accorder, peu après Pearl Harbor, la priorité à la guerre en Europe, reléguant ainsi celle du Pacifique au second plan.

Car comme la Kriegsmarine, à l'exception de ses sous-marins, est pour ainsi dire... inexistante (!), ce n'est certes pas sur le Front européen que la Navy pourra s'illustrer, ce qui, dès le départ, la condamne donc à n'y faire que de la figuration au profit de l'Armée de Terre et des hommes de Marshall, lesquels vont dès lors y glaner tous les lauriers !

Mais s'il n'a eu d'autre choix que de céder sur l'Europe, King n'entend certes pas en faire de même pour le Pacifique !

Tout "secondaire" soit-il dans l'esprit du Président, ce théâtre d'opérations est, et doit demeurer, le terrain de chasse exclusif de la Navy,... ce qui ne va pourtant pas de soi, d'abord parce que la reconquête des innombrables îles et territoires tombés aux mains des Japonais va inévitablement requérir de fort nombreuses divisions d'Infanterie, et ensuite parce que, dans le Pacifique, Marshall dispose d'autre part d'un "Champion Poids Lourds" et authentique chouchou des médias...

... Douglas MacArthur

samedi 1 octobre 2022

7339 - un raisonnable optimisme

Midway : quand les défaites, les humiliations et l'amertume cèdent la place à un raisonnable optimisme...
... car les Américains n'ont évidemment pas l'intention de demeurer les bras croisés pendant que leurs adversaires japonais construisent sur l'île de Guadalcanal un aérodrome susceptible de menacer l'allié australien !

Le 31 décembre 1941, c-à-d à peine trois semaines après l'attaque japonaise contre Pearl Harbor, le commandant-en-chef de la Navy, l'amiral Ernest King, avait d'ailleurs clairement exposé à Nimitz, récemment promu commandant de la Flotte américaine du Pacifique, les trois objectifs qu'il fallait défendre et tenir à n'importe quel prix, à savoir les îles Hawaï, l'atoll de Midway,... et les voies de communication entre les États-Unis et l'Australie.

Vu l'extrême faiblesse des moyens militaires dont Nimitz avait hérité, c'était tout de même beaucoup lui demander, mais l'intéressé, aidé en cela par les porte-avions et les aviateurs de Halsey, un excellent service de décryptage des communications japonaises, et une juste dose de chance, s'est néanmoins acquitté de cette mission avec brio.

Mieux : devant Midway, en juin, il vient tout juste d'infliger aux Japonais leur première véritable défaite de la guerre, et a anéanti d'un seul coup une bonne partie de leur avantage aéronaval !

Dans le Pacifique, en ce mois de juillet 1942, la Navy est certes encore loin de pouvoir lutter à armes égales avec la Marine impériale, mais le Temps, et la puissance industrielle infiniment supérieure des États-Unis, jouent incontestablement en sa faveur : dans tous les chantiers navals américains, des dizaines de sous-marins, destroyers, croiseurs, cuirassés et, bien entendu, porte-avions, sont en effet en construction, voire en achèvement, de même qu'un nombre encore bien plus grand de cargos, pétroliers, transporteurs de troupes et navires de soutien de toute sorte.

Les défaites, les humiliations et l'amertume des premiers mois cèdent désormais la place à un raisonnable optimisme, qui permet même, pour la première fois, d'envisager de passer à l'Offensive...