dimanche 31 janvier 2016

4723 - ... et la dispense de sexe

Mal à l'aise avec les femmes, dut attendre ses 28 ans avant de goûter au sexe
… à bientôt 20 ans, et bien que fréquentant assidument les cercles étudiants, Himmler est toujours puceau, et la situation n’est certes pas sur le point de changer.

Car si le jeune-homme semble bel et bien attiré par les femmes, ce sont toujours les sœurs ou les amies de ses camarades et connaissances.

Et parce qu’il est maladivement timide, ou peut-être parce qu’il les idéalise trop, Himmler, bien qu’en mesure de se montrer agréable avec elles, se révèle incapable de passer à l’acte.

Et pas question pour lui de remplacer ces jeunes-filles "bien comme il faut" par d’autres, davantage "comme il en faut" : les "filles faciles", et les prostituées - qui sont pourtant légion dans cette Allemagne ruinée par la guerre et l’Armistice - lui inspirent en effet au moins autant de terreur que de dédain !

En fait, chacun s’accorde aujourd’hui pour estimer que le futur chef suprême de la SS - cette formation de virils guerriers par excellence - ne connaîtra sa première expérience sexuelle qu'à l'âge de 28 ans, à l'occasion de son mariage avec Margarete Siegroth, par ailleurs de 7 ans son aînée, qu'il rencontrera en 1926.

Mais n’anticipons pas et intéressons-nous à présent à ce petit moustachu anonyme mais enthousiaste, que nous avons laissé sur la Place de l’Odéon à Munich, le 2 aout 1914…

samedi 30 janvier 2016

4722 - la dispense de bière

Himmler, en 1918
… au lycée, Himmler n’était certes pas l’élève le plus populaire  du moment et - faut-il vraiment s’en étonner - il ne l’est pas davantage à l’université !

Ce n’est pourtant pas faute d’essayer, puisqu’il s’est inscrit dans pas moins d’une dizaine d'associations étudiantes différentes… pour mieux s’y faire rattraper, une fois de plus, par le cruel principe de Réalité !

Il faut dire que dans ces milieux, on boit énormément, ce qui, hélas, s’accommode fort mal des troubles gastriques - réels ou imaginaires - dont l’intéressé se plaint depuis l’enfance.

Ulcéré autant par les brûlures d’estomac que par les railleries de ses camarades quant à son manque de résistance à la bière, Himmler finira bientôt par exhiber un certificat médical "d'irritation à l'estomac" qui, s'il lui vaudra "dispense de bière", ne contribuera certes pas à le rendre plus populaire !

Mais si les étudiants ont la réputation - non usurpée - de refaire le monde autour d’un verre de bière, ils ont aussi celle de courir le beau sexe.

Et dans ce domaine-là aussi, le pauvre Heinrich se révèle lamentable…

vendredi 29 janvier 2016

4721 - "Je suis après tout un soldat et le resterai"

Milices d'extrême-droite, les Freikorps collaboraient avec l'armée régulière
… décembre 1919

Contraint à un repos forcé qui ne semble pourtant pas le chagriner outre mesure, Himmler lit beaucoup.

Grand admirateur de Jules Vernes, il en dévore les romans les uns après les autres, mais se passionne aussi pour des oeuvres plus "formatrices", et notamment le "Weltfreimaurerei, Weltrevolution, Weltrepublik, eine Untersuchung über Ursprung und Endziele des Weltkrieges" de Friedrich Wichtl, homme politique mais surtout polémiste autrichien que l’on rangerait aujourd’hui dans la catégorie des "conspirationnistes maladifs" tant il est convaincu de la mainmise des Francs-maçons et des Juifs sur les affaires du monde, et de leur rôle décisif dans toutes les guerres qui ravagent celui-ci.

"Un livre qui nous éclaire sur tout et nous révèle qui nous devons combattre en premier" (1) écrit Himmler dans son journal.

Le 18 octobre, le voilà en tout cas suffisamment rétabli pour s’inscrire à l’Université technique agricole de Munich… et pour renouer avec l’uniforme au sein d’une unité de réserve de la Reichswehr qui entretient des relations très étroites avec les Freikorps

"Je suis après tout un soldat et le resterai",  écrit-il en décembre.

A l’évidence, Himmler, qui vient de fêter ses dix-neuf ans, rêve toujours de carrière militaire et d’action, mais la carrière et l’action n’en continuent pas moins de se dérober devant lui…

(1) ibid, page 30

jeudi 28 janvier 2016

4720 - une singulière vocation agraire

Le "Retour à la terre" nazi : Himmler l'avait expérimenté dès 1919... avec un succès très relatif
... Oberhaunstadt, 01 août 1919

A l'été, rendu à une vie civile qu'il n'a pas vraiment quittée, Himmler obtient enfin son abitur, soit le précieux certificat d'études secondaires qui lui ouvre les portes de l'Université.

Mais son choix pour la suite de son cursus est pour le moins singulier puisque, à la stupéfaction de ses parents, le pur citadin qu'est Himmler décide de se lancer dans des études... d'Agriculture !

Pour certains, ce choix ne s'opère que "faute de mieux" et reflète tout bonnement la naïveté et l'indécision totale du jeune-homme quant à son avenir; pour d'autres, il repose au contraire et avant tout sur sa conviction profonde d'y rencontrer nombre d'anciens officiers eux aussi contraints au "retour à la terre" du fait de la réduction drastique des effectifs de la Reichswehr après l'Armistice.

Quelle que soit la véritable raison, Himmler se doit néanmoins de décrocher au préalable un stage pratique d'un an dans une exploitation agricole, stage qu'il déniche finalement le 01 août près d'Oberhaunstadt.

Dans son esprit, les rudes travaux de la ferme, auxquels il s'adonne avec entrain six jours sur sept et douze heures par jour, contribueront à l'endurcir. Hélas, ils ont surtout pour effet de le rendre gravement malade après un peu plus d'une semaine ! 

Hospitalisé d'urgence à Ingolstadt où on le pense - à tort - victime d'une paratyphoïde, le malheureux garçon se voit contraint de garder le lit durant trois semaines. Rentré à Munich le 25 septembre avec toute sa famille accourue à son chevet, on lui diagnostique cette fois une cardiomégalie - autrement dit une hypertrophie du coeur - qui, aux dires du médecin de famille, va le contraindre à la tranquillité et au repos pendant une bonne année...

mercredi 27 janvier 2016

4719 - Freikorps

Membres des Freikorps, en 1919
… Munich, 7 avril 1919

Pour Himmler, la journée du 11 novembre 1918 est une tragédie, qui le prive de tout espoir non seulement d’accéder à la gloire, mais aussi de devenir officier… et même de demeurer dans l’Armée puisque, conséquence inévitable de l’Armistice et de la défaite, celle-ci se voit contrainte de sabrer massivement dans ses effectifs

Le 18 décembre, Himmler est ainsi démobilisé contre son gré, et comme simple aspirant, et renvoyé dans ses foyers sans la moindre idée de la conduite à tenir, ni de la carrière à suivre.

Dans l’immédiat, il n’a en tout cas d’autre choix que de réintégrer le domicile parental, puis de terminer ses études au Wilhelmsgymnasium tandis que la violence se déchaîne à l’extérieur, entre les révolutionnaires de gauche et les groupes paramilitaires de droite - les Freikorps - soutenus plus ou moins discrètement par l’armée régulière

Le 7 avril, à Munich, les bolcheviques renversent d’ailleurs le Ministre-Président bavarois Johannes Hoffman (qui a lui-même succédé à Kurt Eisner, abattu le 21 février par un ex-officier d’extrême-droite), puis proclament une République des Soviets immédiatement combattue par les Freikorps qu’Himmler – mais faut-il vraiment s’en étonner – intègre à la fin du mois et qui fourniront, plus tard, bon nombre de SA et de SS éminents, dont un certain... Reynhard Heydrich (1)

Début mai, la République des Soviets est écrasée dans le sang, Johannes Hoffman réinstallé à son poste,... et Himmler renvoyé à ses études

Même s’il s’en enorgueillira par la suite, il ne semble pas qu’il ait réellement joué un rôle dans ces événements tragiques, lesquels n’en auront pas moins marqué, et aggravé, sa conception du monde et de la politique..

(1) alors âgé de 15 ans, Heydrich avait intégré le Freikorps Halle au début de 1919, mais n'y avait joué lui aussi qu'un rôle extrêmement mineur. Saviez-vous que... L'homme au coeur de fer

mardi 26 janvier 2016

4718 - quand l'Avenir n'appartient plus qu'au Passé

11 novembre 1918. L'Armistice est signé. Pour Himmler, c'est une tragédie
... 16 octobre 1918

Alors que la situation militaire, mais aussi politique, ne cesse de se détériorer, on peut s'étonner de voir le jeune Heinrich Himmler toujours à l'entraînement plus de neuf mois après son entrée comme élève-officier.

Pour certains historiens, cela s'explique d'abord et avant tout par le poids des traditions et du conformisme au sein d'une armée allemande peu soucieuse de voir dilués ses hauts standards de qualité, n'en déplaise aux urgences de l'heure.

Mais d'autres y voient aussi la preuve des réticences des supérieurs d'Himmler à conférer un brevet d'officier, et la lourde charge de mener des hommes au combat, à ce jeune homme qu'ils ne jugeraient pas suffisamment mûr, et dont ils ne percevraient que trop clairement les faiblesses.

Quelle que soit l'explication - et les deux sont assurément complémentaires - la probabilité de voir l'intéressé monter au Front avant l'issue de plus en plus prévisible du conflit ne cesse de diminuer, et Himmler lui-même en est bien conscient qui, dans une lettre à ses parents datée du 16 octobre, souligne "qu'il voit désormais l'avenir politique comme terriblement noir, complètement noir" (1)

De fait, le 7 novembre, un soulèvement révolutionnaire force le Roi de Bavière à jeter l'éponge (2); le 9, c'est au tour du Kaiser Guillaume II d'abdiquer et de se réfugier aux Pays-Bas (3); le 11, l'Armistice est signé près de Compiègne.

C'est fini : au grand dam d'Heinrich, son avenir militaire appartient désormais au Passé, et son frère aîné restera le seul membre de la famille à avoir connu non seulement les honneurs de la guerre - dont il a par ailleurs eu la chance de sortir vivant - mais aussi le privilège d'être promu lieutenant, et décoré de la Croix de Fer, avant la conclusion de celle-ci

(1) ibid, page 25
(2) ultime souverain de Bavière, Ludwig III s'éteindra dans son château de Nadasny (Hongrie) le 18 octobre 1921
(3) contraint à l'exil, Guillaume II décèdera à Doorn (Pays-Bas) à l'âge de 82 ans, et sans jamais avoir dû répondre de son rôle dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale

lundi 25 janvier 2016

4717 - un entraînement qui n'en finit pas

Le Traité de Brest-Litovsk, entre l'Allemagne et la Russie, mit fin à la guerre à l'Est
... 23 décembre 1917

En mai de l'année suivante, Gebhard Ludwig, qui approche de ses 19 ans, est enfin incorporé comme élève-officier au sein du 16ème régiment d'Infanterie bavarois, un privilège qui échappe toujours à Heinrich malgré tous les efforts de son père, qui tente d'intercéder en sa faveur en faisant jouer ses derniers contacts à la Cour, mais doit néanmoins attendre décembre avant de voir ceux-ci finalement couronnés de succès.

Le 23 décembre 1917, Heinrich reçoit en effet la lettre tant attendue, qui l'autorise à entrer à son tour comme élève-officier au sein du 11ème Régiment d'Infanterie, où il commence à s'entraîner le 2 janvier suivant.

S'il a donc atteint son rêve d'intégrer l'Armée, l'Armée, hélas, est loin de correspondre à l'image pour le moins romantique que nourrissait jusqu'alors ce jeune-homme de dix-sept ans : dans les innombrables lettres qu'il envoie à ses parents, Heinrich, qui continue de souffrir de douleurs stomacales chroniques, ne cesse de se plaindre des repas et des piètres conditions de logement auxquels il est astreint, et de réclamer des colis de nourriture et de vêtements... qu'il s'indigne de ne pas recevoir assez vite ni assez fréquemment.

A l'automne de 1918, alors que son frère aîné est au Front depuis plusieurs mois, et a déjà connu ses premiers combats, Heinrich est toujours à l'entraînement, et toujours aussi dépendant des colis, mais aussi des lettres d'affection, qu'il reçoit de ses parents.

Sur le Front, justement, la situation ne cesse de se détériorer pour l'Allemagne qui, après le sursaut d'un Traité de Brest-Litovsk qui lui a permis de rapatrier massivement ses troupes présentes à l'Est (1) a échoué lors de la Seconde Bataille de la Marne (2), et se trouve à présent au bord de l'effondrement...

(1) signé le 3 mars 1918 dans la foulée de la Révolution bolchevique d'octobre 1917, ce Traité très favorable à l'Allemagne a mis fin aux combats à l'Est
(2) menée du 27 mai au 2 août 1918, cette bataille fut la dernière offensive allemande à l'Ouest

dimanche 24 janvier 2016

4716 - "Si seulement j’étais assez vieux, je m’y précipiterais comme une balle"

1916 : la Bataille de la Somme fait plus d'un million de morts et de blessés
… novembre 1916

Poursuivant ses études, et voué à devenir officier, Gebhard Ludwig n’est certes pas prêt de connaître le baptême du feu, mais son incorporation dans la Landsturm n’en ravive pas moins l’enthousiasme du jeune Heinrich pour la guerre… et ses regrets de ne pas en être. 

"Si seulement j’étais assez vieux, je m’y précipiterais comme une balle" (1) écrit-il dans son journal 

A défaut de pouvoir en faire partie, Heinrich s’y prépare en tout cas du mieux qu’il peut, en particulier dans les salles et sur les terrains de sport, domaine qui a toujours été son point faible et qui, hélas, le restera.

En novembre 1916, le conflit dure maintenant depuis deux ans, et ses effets commencent à se faire sentir en Allemagne-même, où la population, jusque-là épargnée, subit ses premiers rationnements, et voit tous les hommes de 17 à 60 ans qui ne sont pas encore sous les drapeaux priés de se rendre disponibles au sein d’un "service patriotique" destiné à renforcer l’effort de guerre.

Au même moment, une nouvelle encore plus attristante parvient aux oreilles d’Heinrich, qui apprend le décès de son parrain, le Prince Heinrich de Bavière, tué au combat en Roumanie, à l’âge de 32 ans.

Une nouvelle qui, au-delà des relations d’amitié qui existaient entre les deux familles, prive aussi les Himmler de leur entrée à la Cour…

(1) ibid, page 21

samedi 23 janvier 2016

4715 - "nous voudrions bien combattre nous-mêmes en cet instant"

En 1914, chacun croyait à une guerre rapide. Il fallut vite déchanter...
... juillet 1915

Dans son journal personnel, qu'il tient depuis 1910, le jeune Himmler est au moins aussi enthousiaste que le caporal Hitler.

A l'entrée du 28 aout, on peut ainsi lire que "l'Armée anglaise est battue (...) Nous faisons maintenant des progrès considérables. Je suis heureux de ces victoires (...) Falk et moi-même voudrions bien combattre nous-mêmes en cet instant. Il est clair que tous les braves Allemands et leurs loyaux alliés autrichiens n'ont pas peur d'un monde rempli d'ennemis" (1)

Mais contrairement au futur Führer du Troisième Reich, onze ans plus âgé, Himmler est encore trop jeune pour participer aux combats, ce qu'il aura d'ailleurs l'occasion de regretter amèrement, et à maintes reprises dans les années à venir,... et d'autant plus que l'inévitable et si exemplaire frère aîné, Gebhard Ludwig, aura, lui, l'honneur d'y goûter avec brio.

Mais n'anticipons pas.

Si chacun, en Europe, envisageait une guerre courte, voire "fraîche et joyeuse", la réalité du conflit ne tarde malheureusement pas à s'avérer toute autre : les communiqués officiels demeurent certes triomphants, mais chaque jour, puis chaque semaine, puis chaque mois, apporte son nouveau contingent de morts et de blessés.

Pour autant, la famille Himmler n'en ressent pas encore les effets qui, comme chaque année, part en vacances d'été, couronnées par l'incorporation, en juillet 1915, de Gebhard Ludwig au sein de la Landsturm, l'Armée territoriale, sorte de classe préparatoire à la guerre...

(1) Longerich, op cit, page 20

vendredi 22 janvier 2016

4714 - la grande fête de l'Odeonplatz

Munich, Odeonplatz : parmi  ces milliers d'anonymes, un certain Adolf Hitler
... Munich, Odeonplatz, 2 aout 1914

A Munich, comme dans tout le reste de l'Europe,  des foules enthousiastes se rassemblent spontanément pour saluer l'entrée de leur pays dans la guerre.

Parmi les milliers d'anonymes massés sur la Place de l'Odéon, personne ne remarque un petit homme moustachu, ironiquement promis par le destin à un grand avenir.

Autrichien de naissance, mais Allemand de cœur et abhorrant l'empire des Habsbourg, ce petit homme demeure convaincu de son talent artistique, même après avoir été recalé par deux fois au concours d'entrée de l'Académie des Beaux-Arts de Vienne.

Après avoir vécu dans la rue, et vivoté pendant quelques années de menus travaux et des rares aquarelles qu'il est parvenu à vendre, le petit homme s'est finalement exilé à Munich au printemps 1913, autant pour y poursuivre sa vie de bohème que pour échapper à la conscription au sein de l'armée austro-hongroise.

Joignant l'acte à la parole, et alors que rien ne l'y oblige, le petit homme se bientôt volontaire dans l'armée bavaroise où, pendant quatre ans, il va servir comme estafette, avec le grade de caporal.

Le petit homme s'appelle Adolf Hitler...

jeudi 21 janvier 2016

4713 - un 28 juin, à Sarajevo

28 aout 1914 : l'Histoire de l'Europe vient de basculer
… Sarajevo, 28 juin 1914

S’il n’est certes pas l’élève le plus populaire de son lycée, le petit Heinrich Himmler n’est pas pour autant totalement dénué d’amis, et s’il ne manifeste aucun génie particulier, son application de tous les instants lui attire néanmoins le respect de ses professeurs.

Bien que rédigé dans ce style ô combien convenu propre au corps enseignant, son bulletin de notes de 1913 le décrit d'ailleurs comme un "étudiant apparemment très capable qui, par son travail acharné, son ambition dévorante et sa participation très active a atteint les meilleurs résultats de sa classe" (1)

Si le cours de l’Histoire avait été différent, cet élève "à la conduite exemplaire" (sic) aurait assurément connu un tout autre destin, mais l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie, à Sarajevo, le 28 juin 1914, va hélas en décider autrement.

Par le jeu complexe des alliances, et sans que personne l’ait véritablement voulu, cet événement va en effet bouter le feu à l’Europe entière, et inciter les peuples à se précipiter dans la guerre avec une unanimité et un enthousiasme à vrai dire parfaitement incompréhensibles au lecteur contemporain… 

(1) Peter Longerich, « Himmler, a Life », page 19

mercredi 20 janvier 2016

4712 - quand on n'a pas la santé...

Le Wilhelmsgymnasium de Munich, où Himmler fit son entrée en 1910
... et de fait, la première année scolaire du petit Heinrich - celle de 1906 - se déroule sous le signe de l'agonie, puisque, du fait de la toux, de la rougeole, des oreillons et de la pneumonie (!), il rate pas moins de 150 jours d'école et ne doit finalement sa réussite qu'à des cours privés donnés au domicile de ses parents.

Un changement d'établissement améliore quelque peu les choses mais, malgré toute la bonne volonté d'Heinrich, et les constants efforts d'encouragement et de surveillance déployés par son père, les résultats de l'enfant demeurent - et demeureront toujours - en-dessous de ceux de son frère aîné.

En 1910, Heinrich intègre néanmoins le prestigieux Wilhelmsgymnasium, où son père enseigne depuis huit ans. Interrogés des décennies plus tard, ses condisciples qui auront eu la chance de survivre à la guerre se rappelleront de lui comme d'un garçon à la constitution fragile et au visage entièrement dominé par d'énormes lunettes rondes, un garçon certes apprécié des professeurs pour son application, mais peu populaire parmi les autres élèves, et singulièrement mal à l'aise en gymnastique.

Mais s'il deviendra un jour le bourreau et la terreur des Juifs, le jeune Himmler ne manifeste pour l'heure aucun comportement antisémite, se caractérisant plutôt, et comme la plupart des Allemands, par un fort sentiment anti-Français.

De son côté, Gebhard Himmler poursuit son ascension sociale : promu directeur du Wilhelmsgymnasium en 1913, il peut à présent installer confortablement, et dans une grande maison avec jardin cette famille si typique d'une moyenne bourgeoise allemande qui semble plus que jamais promise à un bel avenir...

mardi 19 janvier 2016

4711 - le cadet de la famille

1906 : Heinrich, Ernst et Gebhard Ludwig posent avec leurs parents
… Munich, décembre 1905

De l’avis de ses étudiants, Gebhard Himmler est un enseignant "sévère mais juste"

Mais c’est aussi un père qui, à défaut de spectaculaires marques d’affection, témoigne d’un réel intérêt quant à l’éducation, et à l’avenir, de ses enfants, qu’il souhaite voir un jour entrer à l’université, privilège auquel n'accèdent encore que de rares élus.

Pour le petit Heinrich, qui vient de fêter ses cinq ans, l’avenir n’est pourtant pas si simple : l’enfant souffre en effet de sa petite taille, d'une sévère myopie, mais aussi d’une constitution fragile qui l’expose à diverses maladies chroniques, lesquelles le poursuivront d’ailleurs tout au long de sa vie,… encore que de nombreux auteurs modernes hasardent l’hypothèse selon laquelle sa position de cadet, coincé entre un aîné considéré comme modèle (1) et un benjamin nouveau né (2) et à présent l’objet de toutes les attentions, l'aurait incité à somatiser cet inconfort en fréquents troubles stomacaux de nature à lui faire recouvrer un peu d’attention parentale...

Que cette explication soit ou non la bonne, le fait demeure que si le jeune Himmler va rapidement se montrer élève-modèle, il ne tardera pas non plus à multiplier les absences scolaires tout en se révélant par ailleurs très faible en gymnastique, et ce à une époque où cette discipline ô combien préparatoire à la guerre et à l'obéissance est occupée à prendre de plus en plus d'importance dans la société allemande...

(1) né en 1898 et mort en 1982, Gebhard Ludwig Himmler deviendra ingénieur en mécanique, puis fonctionnaire du Reich(2) né le 23 décembre 1905, Ernst Hermann Himmler deviendra quant à lui ingénieur en électricité puis directeur à la radio nationale du Reich, avant d’être tué au sein de la Volksturm le 2 mai 1945 dans les ultimes combats de Berlin

lundi 18 janvier 2016

4710 - il est né le petit Heinrich

Himmler, à 7 ans. Petit, chétif et déjà myope
… Munich, 07 octobre 1900

En ce 7 octobre 1900, à Munich, la famille de Gebhard Himmler et Anna Maria Heyder  a le plaisir d’accueillir le deuxième de ses trois fils, Heinrich Luitpold.

Et le choix de ces deux prénoms n’a rien anodin : alors âgé de 16 ans, le Prince Heinrich de Bavière (1), dont Gebhard Himmler a eu le privilège d’être précepteur, a en effet accepté de devenir le parrain du nouveau né, tandis que Luitpold (ou Léopold) désigne nul autre que l’actuel Prince-Régent Luitpold (2), grand-père d’Heinrich.

Catholique, conservatrice et nationaliste, la famille du petit Himmler est typique de la moyenne-bourgeoisie en pleine ascension de cette époque : malgré des origines très modestes, Gebhard est en effet devenu un homme cultivé, qui a brillamment réussi ses études avant de devenir professeur de grammaire dans un lycée réputé; fille d'un homme d'affaires, et catholique dévote, Anna Maria est quant à elle entièrement dévouée à son foyer et à l’éducation de ses enfants.

A l'instar de son futur adjoint Reinhard Heydrich, aucun manque d'argent, aucune carence affective, aucun déficit d'éducation, aucune "mauvaise influence", ne prédestine donc le petit Heinrich à devenir un assassin ni, a fortiori, un meurtrier de masse...

(1) né en 1884, Heinrich de Bavière sera tué par un sniper roumain près de Sibiu (Transylvanie) le 8 novembre 1916
(2) né en 1821, et régent de Bavière après l’internement puis la mort du Roi Louis II en 1866, Luitpold de Bavière mourra d’une bronchite à Munich le 12 décembre 1912

dimanche 17 janvier 2016

4709 - au Coeur des Ténèbres

Hitler (au centre), Himmler et Heydrich, en 1939 : l'organigramme officieux du Reich
… la Seconde Guerre mondiale est sans conteste une des périodes de l’Histoire les plus étudiées et les plus commentées, en ce compris dans ces colonnes.

Si l’on considère qu’elle est de surcroît fort récente - car vieille d’à peine soixante-dix ans - et abondamment documentée par quantités de documents - en ce compris audio-visuels - parvenus souvent intacts jusqu’à nous, chacun serait tenté de la croire à présent débarrassée de toute zone d’ombre.

C’est pourtant loin d’être le cas, puisqu’aujourd’hui encore, on continue de s’interroger sur ce "Mystère Hitler", qui a permis à un vulgaire caporal de Bohème,  ancien clochard et artiste raté, de devenir le chef absolu d’une nouvelle Grande Allemagne appelée à conquérir le monde, puis à s’effondrer, dans un maelström de feu et de sang.

Mais s’il existe un "Mystère Hitler", il existe un "Mystère Himmler" plus intrigant encore, tant on peine à comprendre comment ce personnage quant à lui dénué de tout charisme et, semble-t-il, de tout attrait ou talent personnel, a pu non seulement connaître la carrière que l'on sait, mais aussi se présenter publiquement comme le guide suprême - pour ne pas dire le nouveau Roi Arthur - d’une nouvelle "race de chevaliers" idéalement grands, blonds, athlétiques… c-à-d totalement à l’opposé de lui-même !

C’est à cette quête par avance impossible que je vous invite dans ces pages.

Une quête qui va nous amener…

… au Coeur des Ténèbres

samedi 16 janvier 2016

4708 - le patron, l'ami, et le mentor

Himmler (à gauche) et Heydrich : le mentor et le disciple
…  général de la SS, numéro trois ou quatre du régime hitlérien, grand patron du RSHA, Reichsprotektor de Bohème-Moravie, grand organisateur de la Solution finale au problème juif,Reinhard Heydrich, "l’homme au coeur de fer", était un meurtrier de masse et un opportuniste dénué de tout scrupule.

Mais c’était aussi un homme de grande culture, un excellent musicien, un sportif de très haut niveau (en particulier à l’escrime), ainsi qu’un pilote de chasse sans doute amateur et sans palmarès mais certes pas sans courage ni panache, un courage et un panache qui le poussèrent d’ailleurs, tout au long de sa brève et fulgurante carrière, à vouloir constamment montrer l’exemple et à prendre tous les risques, au point de ne circuler qu’en voiture découverte, et sans escorte, alors-même qu’il savait sa tête mise à prix, et ses assassins potentiels déjà à l’ouvrage, quelque part dans la campagne praguoise.

Grand, blond, athlétique, Heydrich incarnait à merveille ce fantasme du surhomme aryen que, dans son délire, Hitler appelait à dominer - et à repeupler - la Terre.

Personnage extraordinairement complexe, Heydrich n’était pourtant devenu antisémite, SS, nazi, bourreau, et finalement figure de proue et carte de visite du Troisième Reich, que par pur accident, lorsque, contraint et forcé de se trouver un nouvel emploi après son renvoi de la Marine pour conduite déshonorante (1), son chemin avait soudainement croisé celui d’un petit homme chétif et binoclard, quant à lui à la recherche d’un "spécialiste du Renseignement"... qu’Heydrich n’était pas !

De quelques années son aîné, et totalement inconnu du public au moment de cette rencontre décisive, le petit homme était, au physique comme au mental, l’exact opposé du jeune Reynhard, ce qui ne l’empêcha cependant pas de devenir non seulement son patron mais aussi son mentor, et même son ami, autant de rôles qu’il continua du reste de jouer jusqu’à la mort du premier cité, dans un hôpital de Prague, le 4 juin 1942...

Ce petit homme s’appelait...

... Heinrich Himmler

(1) Saviez-vous que… L’homme au coeur de fer

vendredi 15 janvier 2016

4707 - le Yamato repensé - l'Histoire sans fin

Space Battleship Yamato : le Yamato dans l'espace...
... devenu superstar à titre posthume, le Yamato a hélas totalement éclipsé son jumeau Musashi, son demi-frère Shinano, mais aussi tous ces bâtiments de la Marine impériale qui, comme lui, combattirent vaillamment mais finirent écrasés sous les bombes, obus ou torpilles du rouleau-compresseur américain.

Au-delà de son sacrifice de kamikaze, c'est évidemment le gigantisme du navire, et la symbolique ô combien phallique de ses énormes canons qui, aujourd'hui encore, expliquent ce traitement préférentiel et, il faut bien le dire, fort injuste.

Et c'est pour ces mêmes raisons qu'aux États-Unis, un nombre au moins égal de fidèles se sont également pris de passion pour leurs propres et vieux cuirassés, et en particulier pour leurs quatre Iowa, transformés en musées flottants 

Battleship : le vieux cuirassé comme ultime rempart contre les extra-terrestres
Dans Under Siege ("Piège en Haute Mer", 1992), le Missouri (1) est ainsi pris en otage par des terroristes armés jusqu'aux dents, alors que dans Battleship (2012), ce même cuirassé-musée affronte cette fois des extraterrestres dotés des pires intentions, un rôle, et un scénario, que reprend du reste l'Iowa dans le mockbuster American Warships (2012) 

Et dans les jeux vidéo, où tout en ce compris le plus invraisemblable, est permis, Yamato et Iowa continuent de s'affronter dans des batailles sans merci, quitte parfois jusqu'à faire équipe afin de combattre de redoutables adversaires originaires ou non de la Planète Terre.

Soixante-dix ans après sa destruction, la saga du Yamato n'est certes pas sur le point de s'achever...

(1) si l'action de ce film se situe à bord du Missouri, le tournage fut en réalité réalisé à bord du cuirassé Alabama, lui aussi musée flottant

jeudi 14 janvier 2016

4706 - le Yamato repensé : quand la réalité devient dessin animé

La réplique du Yamato, utilisée lors du tournage de Sekkan Yamato en 1953
… l’ultime mission du Yamato se solda donc, à l’image de toute sa brève carrière, par un lamentable - et cette fois définitif - désastre militaire.

Pourtant, ironiquement, c’est ce désastre en tout point prévisible, ou plus exactement les circonstances très particulières de celui-ci, qui valurent bientôt au super-cuirassé d’entrer dans la légende,... comme symbole par excellence de la volonté de résistance de tout un peuple qui sait le combat sans espoir mais refuse néanmoins d’abandonner la lutte.

Tel le Phénix, le Yamato renaquit de ses cendres dès le début des années 1950, dans la littérature d’abord, puis au cinéma, avec le film Sekkan Yamato (1953), qui connut un immense succès dans ce Japon en pleine reconstruction et à la recherche d’un sens positif à donner à cette guerre dont il était sorti vaincu et ruiné.

Des romans, des mangas, des jeux vidéo et, bien entendu d’autres films, de plus en plus éloignés des faits, virent le jour dans les années suivantes.

Presque aussi vrai que vrai...
Dans la série de dessins animés Uchū Senkan Yamato ("Space Battleship Yamato", 1974-1975), le Yamato, qui va jusqu’à reprendre la silhouette - en ce compris les tourelles et leurs énormes canons ! - du cuirassé original, devient ainsi un formidable vaisseau spatial sauveur de l’Humanité.

Si Otokotachi no Yamato ("Les Hommes du Yamato", 2005), a le mérite de revenir à la réalité historique cinquante ans après Sekkan Yamato (et soixante ans après le naufrage du véritable cuirassé), "Space Battleship : L'Ultime Espoir" (2010) reprend quant à lui la thématique fantaisiste des dessins animés de 1975 mais en la portant au cinéma, avec de vrais acteurs confrontés à des extra-terrestres encore plus nombreux et puissants que ne l’étaient les Américains en 1945...

mercredi 13 janvier 2016

4705 - le Yamato repensé : ... jusqu'au suicide final

Énorme échec militaire, le Yamato n'apporta rien à l'effort de guerre nippon
... même si les ultimes traversées du Bismarck et du duo Prince of Wales/Repulse ont souvent été qualifiées de "missions-suicides", elles ne l'ont néanmoins été qu'à posteriori car, bien que conscients des dangers encourus, ni la Kriegsmarine, ni la Royal Navy, ni surtout les équipages, ne s'attendaient, au moment de l'appareillage, à ce que l'affaire se solde inévitablement par la perte des navires concernés et de la plus grande partie de leurs officiers et marins.

A l'inverse, Ten-gō Sakusen fut conçue dès le départ comme un suicide collectif, dont toute possibilité de victoire, et même de survie (!), était exclue par principe, et dont les prémisses s'avéraient si irréalistes qu'elles en devenaient parfaitement fantaisistes

Car même s'il avait réussi à rallier Okinawa sans être coulé ou fortement endommagé en route, comment le Yamato aurait-il pu forcer le blocus des cuirassés et croiseurs américains ? Comment aurait-il réussi, ensuite, à s'échouer sur la plage prévue ? Et une fois ses machines hors-service, comment aurait-on pu continuer à pointer les tourelles et à élever les canons ? Et comment ses derniers survivants seraient-ils finalement parvenus, à découvert, et sans la moindre embarcation, à rejoindre la terre ferme et les défenseurs de l'île ?

La Marine impériale, il est vrai. était confrontée à un épouvantable dilemme qui, quelle que soit l'option choisie - prendre la mer ou demeurer au port - ne pouvait se traduire que par la destruction du super-cuirassé. 

Militairement parlant, seule la première option offrait encore un semblant d'intérêt, mais encore aurait-il fallu l'organiser avec un minimum de rigueur et d'objectivité, c-à-d sans lyrisme excessif et rappels incessants à "l'Honneur"

Lancer le Yamato, mais aussi le Yahagi et les destroyers d'escorte, contre l'un des innombrables convois américains occupés à sillonner le Pacifique se serait assurément avéré bien plus payant que de les expédier tous vers Okinawa et l'Invincible armada ennemie qui s'y trouvait rassemblée

Mais "l'Honneur" - ou du moins l'idée que l'on s'en faisait à Tokyo - en décida hélas autrement...

mardi 12 janvier 2016

4704 - le Yamato repensé : de l'infernale succession des mauvais choix...

L'épave du Yamato : un rêve à jamais brisé
… se lancer dans la construction de super-cuirassés plus d’une décennie après que l’Américain Billy Mitchell ait démontré  la vulnérabilité de ce type de navires aux bombes et torpilles d’avions constituait à l’évidence un mauvais choix,… d’autant plus regrettable lorsque venant d'une Nation, le Japon, pionnière dans le domaine aéronaval.

On ne peut d’ailleurs qu’essayer d’imaginer ce qu’aurait été la Guerre du Pacifique si le Soleil Levant avait, comme le réclamaient ses aviateurs, consacré ses ressources, et aussi son culte du secret (!), à la réalisation de porte-avions géants plutôt que de cuirassés géants, mais ce (mauvais) choix effectué, il ne restait plus qu’à vivre avec ses conséquences et, surtout, à tenter d’en tirer malgré tout le plus grand profit possible.

Ce ne fut malheureusement pas le cas puisqu’après Pearl Harbor, après Kuantan, l’Amirauté japonaise se refusa systématiquement à faire courir le moindre risque à ce navire devenu symbole par excellence de l'Empire.

A Midway et, surtout, durant l’interminable Campagne de Guadalcanal, le Yamato demeura ainsi à l’abri et fort loin des combats, laissant à des vétérans bien moins puissants le soin de lutter, et de mourir, à sa place.

Rien ne put pourtant jamais convaincre cette même Amirauté de désarmer ce navire ainsi devenu inutile : à l'instar du Tirpitz allemand, et pour des raisons analogues, le Yamato fut tenu en réserve, et constamment entretenu, et même amélioré à grands frais, au cas où se présenterait une opportunité qui lui permettrait de briller.

Mais lorsque celle-ci se matérialisa enfin, devant Leyte, de nouveaux mauvais choix, tactiques cette fois, ruinèrent cet ultime espoir, en sorte qu'il ne resta plus qu'une seule issue possible...

... celle du suicide

lundi 11 janvier 2016

4703 - le Yamato repensé : tout ça pour ça

Utilisée pour le film de 2005, la réplique du Yamato est devenue attraction touristique
… techniquement désuet, étonnamment fragile, peu ou pas du tout utilisé, le Yamato ne fut en définitive - et tout comme le Tirpitz - qu’un immense gâchis financier et matériel, qui n’apporta strictement rien à l’effort de guerre japonais, et mobilisa au contraire d’énormes ressources qui auraient pu, et qui auraient dû, être employées bien plus utilement ailleurs.

Constamment protégé, entretenu, réparé, et même amélioré tout au long de la guerre - et à un coût exorbitant ! - il fut finalement sacrifié lors des derniers mois de celle-ci, dans le cadre d’une mission-suicide totalement improvisée et qui n’avait en réalité d’autre but que de racheter une conduite à une Marine impériale accusée par beaucoup de ne pas en faire assez pour la Nation, un reproche que la Kriegsmarine allemande, ou du moins sa flotte de surface, dut également subir tout au long du conflit.

Avec les limites qui étaient les siennes, et dans cette guerre où les cuirassés n’avaient depuis longtemps plus leur place, le Yamato n’avait évidemment aucune chance de briller - ni a fortiori de l’emporter ! - face à l’immense et invincible armada rassemblée par les États-Unis devant Okinawa.

En vérité, il n’avait même quasiment aucune chance d’arriver jusque-là, ce dont chacun à bord était parfaitement conscient mais qui n’empêcha pourtant ni officiers ni marins d’appareiller avec enthousiasme et même la volonté de mourir héroïquement pour l’Empereur-dieu, un objectif qui, à en croire un certain général Patton, n’avait pourtant jamais conduit nulle part et qui, de fait, ne conduisit le Yamato qu’au désastre, par un horrible après-midi du 7 avril 1945…

dimanche 10 janvier 2016

4702 - le Yamato repensé : un rendement clairement décroissant

Les canons géants du Yamato : aussi spectaculaires qu'inutiles...
… s’ils frappèrent les imaginations, les énormes canons de 460mm du Yamato frappèrent d’abord et avant tout le mur des rendements décroissants.

Par rapport au 406mm américains, et aux 410mm des Nagato, le léger bénéfice de portée et de punch conféré par un tel calibre ne pouvait en effet contrebalancer la considérable augmentation des contraintes - notamment en matière de protection contre le souffle - liées à son emploi.

Comme avec le blindage, l’absence de tout affrontement direct entre les Yamato et les Iowa américains ne permet pas d’apporter une réponse définitive à la fameuse question du "qui l’aurait emporté en combat singulier," qui déchire les partisans des deux camps depuis soixante-dix ans.

Si le punch est clairement du côté japonais, on se doit en revanche de souligner le considérable avantage de précision que conféraient aux Américains l’usage de radars et de calculateurs de tirs intégrés, dont les Yamato étaient quant à eux dépourvus.

Quant à la portée, les 460mm japonais offraient certes un léger avantage sur les 406mm américains, mais tous les essais de tirs à très grande distance effectués par les Japonais eux-mêmes s’avérèrent particulièrement décevants et ne firent en réalité que confirmer ce que l’on savait déjà depuis la Première Guerre mondiale, à savoir qu’il était virtuellement impossible, avec de simples télémètres optiques, d’obtenir des coups au but à plus de 20 kms de distance sur un navire en mouvement...

samedi 9 janvier 2016

4701 - le Yamato repensé : la question du blindage

Le blindage du Yamato : sans égal, mais peu efficace
… le Yamato disposait, nous l’avons dit, d’un blindage et d’un armement sans équivalant dans le petit monde des cuirassés, mais aujourd’hui encore, l’efficacité réelle de l’un et de l’autre apparaît fort discutable.

S’il ne fut jamais possible, faute du moindre affrontement entre  les deux Yamato et n’importe lequel de leurs contemporains américains ou britanniques, de tester la résistance réelle de leur blindage aux obus de gros calibre, le dit blindage montra en revanche une inquiétante vulnérabilité aux torpilles, pourtant peu puissantes, et aux bombes, pourtant relativement légères, des sous-marins et avions américains.

Le 25 décembre 1943, le Yamato se retrouva ainsi en très fâcheuse posture suite à l’impact d’une seule torpille, qui l’expédia pour plusieurs semaines dans un chantier naval, tandis que la première bombe de 1 000 livres qui le frappa le 7 août 1945 s’avéra en mesure, en plus de transpercer plusieurs ponts, de mettre hors de combat la tourelle secondaire arrière ainsi que le radar principal, et de déclencher sur tout l’arrière du cuirassé un incendie que les équipes de secours japonaises ne furent jamais en mesure de circonscrire.

A cet égard, le fait que le Yamato et le Musashi ne sombrèrent - comme se plaisent depuis des décennies à le rappeler leurs admirateurs  -  "qu’après avoir encaissé plus de bombes et de torpilles qu’aucun autre cuirassé avant eux" ne s’explique en réalité que par la véritable orgie de moyens dont disposaient les Américains, et ne doit donc pas faire illusion : faute de tout navire, et en particulier de tout remorqueur, capable de les haler jusqu’à un port ami, les deux bâtiments auraient certainement fini par sombrer, ou par exploser, même s'ils n'avaient encaissé qu'un nombre bien plus réduit de bombes ou de torpilles...

vendredi 8 janvier 2016

4700 - le Yamato repensé : sur le banc de touche

Malgré canons et blindage, le Yamato était clairement condamné par l'Histoire
… le Yamato fut sans conteste le plus puissant cuirassé du monde, mais il fut aussi, avec le Tirpitz allemand, un des plus inutiles, puisque de toute la guerre, et en dehors de l’entraînement, ses énormes canons de 460mm ne furent utilisés qu’une seule fois, devant l’île de Samar, le 25 octobre 1944.

Et encore ne furent-ils employés que contre une poignée de petits porte-avions d’escorte et de destroyers en fer blanc, et avec des résultats en tout point pitoyables, puisqu’il n’a jamais été établi que sur le porte-avions (1) et les trois destroyers américains détruits lors de cette action, un seul l’ait été par les obus du Yamato uniquement…

Tout aussi inefficace fut l’emploi, dans ces mêmes canons de 460mm, des obus spéciaux Sanshiki destinés à lui conférer une protection supplémentaire contre les avions, au prix, il est vrai, d’une usure spectaculaire de l’âme des pièces.

Séduisants sur le papier, les dits obus ne constituèrent en réalité qu’un coûteux et bien inutile gadget, dont il n’a jamais été établi non plus qu’ils aient provoqué la destruction d’un seul avion américain…

En pratique, et comme le Tirpitz, le Yamato passa la quasi-totalité de sa brève carrière sur le banc de touche, c-à-d à l’ancre dans une rade ou un lagon, ou alors dans la cale sèche d'un chantier naval pour réparations ou ajout de canons antiaériens, lesquels, privés de radar et de calculateur de tirs, ne furent cependant jamais en mesure de le protéger efficacement contre les attaques qui finirent par entraîner sa perte...

(1) également coulé lors de cette action, le porte-avions d’escorte St-Lo le fut par un appareil kamikaze

jeudi 7 janvier 2016

4699 - le Yamato repensé : l'après Kuantan

Après Kuantan, le Yamato, trop vulnérable, fut constamment tenu loin des combats
… car au-dessus de Pearl Harbor et, surtout, au large de Kuantan (1), contre le cuirassé Prince of Wales et le croiseur de bataille Repulse, les Japonais eux-mêmes firent la démonstration  que face à l’Aviation, les navires de ligne, aussi modernes et puissants soient-ils, n’étaient plus désormais qu’impotents canards posés sur l’eau le jour de l’ouverture de la chasse !

Bien que devenus inutiles d’un point de vue militaire, tous ces bâtiments, dont certains, comme le Yamato, étaient flambants neufs, devaient néanmoins, pour des raisons tenant essentiellement au prestige national, être protégés à tout prix.

Et comme il n’était pas davantage question de les expédier à la ferraille, la Marine impériale décida pour sa part de maintenir le Yamato et son jumeau Musashi le plus loin possible de la guerre, de convertir le Shinano en porte-avions, et d’annuler sine die tous les autres super-cuirassés encore en construction ou en projet.

L’allié allemand (avec le Tirpitz), mais aussi les adversaires britanniques et américains en firent de même ce qui, du coup, rendit rarissimes les affrontements entre cuirassés des deux  camps.

Ce n’est qu’à la toute fin de la guerre, bien après que tout espoir de victoire se fut évanoui, que la Marine impériale accepta le risque de sortir ces mastodontes de leur tanière, mais avec des résultats qui, malheureusement pour leurs supporters, furent très loin de correspondre aux attentes…

(1) Saviez-vous que... Le Drame de Kuatan

mercredi 6 janvier 2016

4698 - le Yamato repensé : la course au gigantisme

Plus gros, puis puissant... mais pour quoi faire ?
… beaucoup plus gros, mieux armés et mieux protégés que tout ce qui existait jusque-là, ces nouveaux super-cuirassés s’avérèrent aussi beaucoup plus coûteux que leurs prédécesseurs car, plutôt que de se contenter d’agrandir leurs Nagato existants, les Japonais optèrent pour le gigantisme, ce qui les contraignit à partir d’une feuille blanche.

Pour couler les énormes plaques de blindage, il fallut ainsi construire de nouvelles aciéries, puis de nouveaux bateaux et de nouveaux portiques pour les transporter et ensuite les hisser au-dessus des cales de lancement, lesquelles durent elles-mêmes être considérablement élargies, voire reconstruites.

Les gigantesques canons de 460mm posèrent également d’immenses difficultés pratiques, non seulement en raison de leur masse mais aussi de l’effet de souffle qu’ils généraient et qui obligea les ingénieurs à installer tous les autres équipements sous de lourdes carapaces d’acier.

L’obligation de procéder dans le secret le plus absolu - par peur de voir Britanniques et Américains se mettre à leur tour à construire semblables navires - entraîna elle aussi d’importants surcoûts, en sorte qu’avant-même la mise en service du Yamato, premier de cette nouvelle lignée de super-cuirassés, le rendement coût-bénéfice s’annonçait déjà catastrophique.

Mais le véritable coup de grâce, celui qui condamna le Yamato à devenir et à demeurer un chef d’œuvre d’inutilité guerrière fut porté décembre 1941

Et par nuls autres que les Japonais eux-mêmes !

mardi 5 janvier 2016

4697 - le Yamato repensé : le pari de l'arme miracle

Le Yamato : une "arme-miracle" pas du tout miraculeuse...
… confronté à l’imminence d’une guerre, et réalisant qu’il n’aurait jamais les ressources industrielles et économiques pour construire autant de cuirassés que ses futurs adversaires américains ou britanniques, ni a fortiori autant que les deux réunis, le Japon décida de remplacer la quantité par la (supposée) qualité.

Dans l’esprit, et à la condition d’être dotés de plaques de blindage bien plus épaisses et de canons bien plus gros que tout ce qui existait jusque-là - donc d’être devenus "super" - quelques cuirassés de ce type seraient en mesure de tenir tête et même de l’emporter sur tous ceux, plus nombreux mais bien plus "conventionnels", qui oseraient se dresser sur leur route.

A la même époque, les Allemands en étaient eux aussi venus à cette conclusion avec leurs propres "super-cuirassés" Bismarck et Tirpitz et, plus tard, avec leurs "super-tanks" Maus et leurs "super-chasseurs" Messerschmitt 163 et 262

S’il n’était pas ridicule en soi, ce pari de "l’arme-miracle" était en revanche extraordinairement risqué, d’abord parce qu’il reposait sur la prémisse que l’adversaire construirait nécessairement, et exclusivement, ce qu’on voulait qu’il construise.

Ensuite, et surtout, parce que la dite arme devait obligatoirement - sous peine de catastrophe - s’avérer… miraculeuse, c-à-d bien supérieure à l’usage à toutes les armes ordinaires employées par l’adversaire.

lundi 4 janvier 2016

4696 - le triomphe de l'Aviation

Le cuirassé Missouri, où fut signée la Capitulation japonaise, est devenu un musée
… le Ministre de la Marine Mitsumasa Yonai, qui depuis des mois œuvrait secrètement en faveur de la paix, prononcera la dissolution de la Marine impériale, puis consacrera son énergie à épargner la potence à l’Empereur, avant de décéder d’une pneumonie en avril 1948.

Les Américains jongleront longtemps avec l’idée de juger Hirohito pour crimes de guerre mais, pour des raisons politiques, se contenteront au bout du compte de le désacraliser  et de lui imposer une Constitution et des réformes conçues sous l’égide du général MacArthur qui, de facto, régnera à ses côtés jusqu’en 1951.

L’Empereur-dieu mourra à Tokyo le 7 janvier 1989, à l’âge de 87 ans. Aujourd’hui encore, sa responsabilité personnelle dans le drame de Ten-gō Sakusen, mais aussi dans toutes les guerres menées par le Japon depuis le milieu des années 1920 reste sujette à controverses.

Le 2 septembre 1945, à bord du cuirassé Missouri ancré en Baie de Tokyo, MacArthur présidera la cérémonie officielle de Capitulation, qui ne durera que 33 minutes.

33 minutes pour clore une deuxième guerre mondiale qui aura fait plus de 50 millions de morts.

A la fin de la cérémonie, le cuirassé sera survolé par plus de deux mille appareils de tout type, manière de consacrer non seulement la victoire des États-Unis mais aussi le triomphe de l’Aviation sur les navires qui, comme le Yamato, étaient pourtant pourvus des plus gros canons et des plus épaisses plaques de blindage de l'Histoire…

dimanche 3 janvier 2016

4695 - l'ultime envol des kamikazes

Matome Ugaki, posant pour l'ultime mission kamikaze de la guerre
… disparus avec le Yamato, les corps de Kosaku Ariga et Seiichi Ito ne seront jamais retrouvés.

Dix jours après la mort de l’amiral Ito, son fils unique, devenu pilote kamikaze, disparaîtra au-dessus d’Okinawa.

Commandant des forces japonaises d’Okinawa, le général Mitsuru Oshijima, qui n’avait pas voulu lancer de contre-attaque terrestre le jour de l’arrivée prévue du super-cuirassé, et avait au contraire tout tenté pour en annuler l’appareillage, se suicidera le 22 juin 1945, dans son bunker encerclé par les troupes américaines.

Le "père" des kamikazes, le vice-amiral Takijiro Onishi, se fera lui aussi seppuku le 16 août 1945, mais, ayant refusé l'aide de tout assistant pour lui trancher la tête après s’être rituellement éventré, il ne mourra, dans d’atroces souffrances, que 18 heures plus tard...

Son chef d’État-major, Matome Ugaki, mettra un point d’honneur à commander l’ultime attaque kamikaze de la guerre : le 15 août 1945, en contravention avec le discours de l’Empereur qui, trois heures auparavant, a annoncé à la radio qu’il accepte la Capitulation exigée par les Alliés, Ugaki décollera pour Okinawa avec dix autres appareils qui, victimes d’une erreur de navigation ou de la chasse américaine, disparaîtront sans laisser de trace.

Nommé à la place d’Ugaki, le vice-amiral Ryūnosuke Kusaka, qui avait finalement réussi à convaincre l’amiral Ito d’appareiller vers la mort, s’éteindra tranquillement en novembre 1971, à l’âge de 78 ans.

Son supérieur, Soemu Toyoda, qui avait voulu et organisé Ten-gō Sakusen, refusera jusqu’au bout toute idée de capitulation. Arrêté par les Américains, et inculpé de crimes de guerre, il sera néanmoins jugé non coupable, et mourra d’une banale crise cardiaque en novembre 1957.

samedi 2 janvier 2016

4694 - le dernier repos des guerriers

Le Bunker Hill, en flammes après avoir été touché par deux kamikazes, 11 mai 1945
… entre 1947 et 1962, à l’exception des quatre Iowa, tous les cuirassés américains seront ferraillés, sacrifiés lors de tests atomiques ou - pour les plus chanceux - transformés en musées après de longues années d’inactivité.

Plus modernes et plus rapides cuirassés jamais construits, les Iowa connaîtront en revanche une longue et étonnante carrière, en particulier comme batteries flottantes lors de la Guerre de Corée (1950-1953), au Vietnam (1968), au Liban (1984) et finalement lors de la Première Guerre du Golfe (1991), avant de devenir eux aussi des pièces de musée.

Le porte-avions Bunker Hill, navire-amiral de Marc Mitscher lors de Ten-gō Sakusen, sera très gravement endommagé par une attaque kamikaze le 11 mai 1945. Réparé après la guerre, il deviendra, avec le Franklin, le seul porte-avions de classe Essex à ne jamais reprendre le service actif, et sera finalement ferraillé en 1973.

S’étant vu contraint de transférer son pavillon sur l’Enterprise, Mitscher verra ce dernier ravagé trois jours plus tard par une autre attaque kamikaze, qui le contraindra cette fois à déménager sur le Randolph !

Lui-même épuisé par des mois d’attaques et de tensions, Marc Mitscher demandera alors à être relevé de son commandement. Promu à la tête de la Flotte Atlantique en mars 1946, ce fumeur invétéré décédera d’une thrombose le 3 février 1947.

Après avoir quitté la Marine en 1948, Raymond Spruance deviendra  quant à lui ambassadeur des États-Unis aux Philippines, et mourra en décembre 1969, à l’âge de 83 ans

vendredi 1 janvier 2016

4693 - loin de la folie des hommes

L'épave du Nagato, aujourd'hui un des hauts-lieux du tourisme sous-marin...
... les destroyers Hatsushimo et Fuyutsuki sauteront tous deux sur une mine en juillet et en août 1945; jamais réparés, il seront ferraillés en 1948, trois après l'increvable Suzutsuki, quant à lui mis au rancart et abandonné après son retour de Ten-gō Sakusen,

Brièvement utilisé comme transporteur de troupes après la guerre, le Yukikaze sera cédé à la Chine nationaliste en juillet 1947, et utilisé sous les couleurs taïwanaises jusqu'en 1966, avant d'être démoli en 1970.

De toutes les grosses unités de la Marine impériale échouées dans les ports japonais, seul le cuirassé Nagato retrouvera une certaine utilité après la guerre : renfloué par les Américains, il sera expédié avec le croiseur léger Sakawa vers le petit atoll de Bikini (îles Marshall) où, en compagnie du croiseur lourd allemand Prinz Eugen et de nombreux autres bâtiments américains obsolètes - dont les porte-avions Saratoga et Independance - il servira à tester les effets dévastateurs de la nouvelle arme atomique.

Gravement endommagé après le test Baker du 24 juillet 1946, le vieux cuirassé chavirera cinq jours plus tard.

A moins de 40 mètres sous la surface, son épave est aujourd'hui une des attractions préférées des plongeurs amateurs.

On ne peut certes pas en dire autant de celle du Yamato : découverte en 1985, celle-ci gît, brisée en deux tronçons principaux, par plus de 300 mètres de fond, loin de la folie des hommes...