mercredi 31 juillet 2013

3799 - quand l'Histoire begaie

... 10 septembre 1943, 09h16

Le 21 novembre 1918, le Warspite avait fait partie de l'escorte chargée de mener les navires de la Hochseeflotte allemande jusqu'à leur lieu d'internement, en rade de Scapa Flow

Et 25 ans plus tard, en ce matin du 10 septembre 1943, c'est ce même cuirassé qui a pris la tête de l'escorte qui va maintenant amener les navires de la Regia Marina italienne jusqu'à Malte,... dont l'orgueilleuse marine de Mussolini aurait pu, aurait dû, s'emparer à l'automne de 1940, mais qu'elle avait préféré ignorer, la laissant ainsi se renforcer et devenir une sorte de "porte-avions incoulable" qui, au bout du compte (1), avait fini par signer l'arrêt de mort du trafic maritime de l'Axe en Méditerranée...

Le lendemain, suprême humiliation, ces navires depuis longtemps mais fort injustement devenus sujets de risées, mouillent donc à Grand Harbour.

Encore un jour, et le Warspite, comme s'il avait pris goût à son rôle de chien de berger, s'en ira rejoindre le Giulio Cesare, retardataire de la flotte italienne, dans le Golfe de Tarente, puis le conduira à son tour à Malte.

Affaiblie par trois années d'un conflit ô combien frustrant pour elle, et encore sous le choc de la tragique disparition du Roma sous les bombes de son allié d'hier, la marine de guerre italienne a cessé d'exister...

(1) Saviez-vous que... Voir Malte et puis mourir

mardi 30 juillet 2013

3798 - le jour de la grande première


… 09 septembre 1943, 15h37

Dès 1936, la Luftwaffe avait commencé à réfléchir à la meilleure manière de détruire les cuirassés britanniques.

Il ne suffisait pas, comme l'avait pourtant cru Billy Mitchell dans les années 1920, de leur lancer une grosse bombe : il fallait surtout que la dite bombe soit en mesure de les atteindre, ce qui n'avait rien d'évident en pleine mer, contre un navire en mouvement, en mesure de se défendre, et de dimensions finalement assez réduites.

Au fil des mois, on en était finalement venu à imaginer une bombe certes imposante (plus d'une tonne) mais surtout munie de petites ailettes la rendant capable de planer sur une courte distance, ainsi que de gouvernes actionnées par une radio-commande depuis l'avion-lanceur, lequel était alors capable d'en modifier la trajectoire à tout moment, et ce en fonction des manœuvres évasives du navire pris pour cible.

Le 9 septembre, et pour le plus grand malheur des Italiens, l'engin, baptisé Fritz-X, était enfin opérationnel, et de fait, à 15h37, l'un d'entre-eux touche l'Italia, et un autre le Roma.

Si le premier s'en tire sans trop de dommages, il n'en est pas même du second qui, traversé de part en part par l'engin qui a finalement explosé sous sa quille, se retrouve immédiatement privé de toute puissance, et bientôt immobilisé sur l'eau, donc à la merci d'une deuxième bombe, qui le frappe 25 minutes plus tard et provoque l'explosion d'une des soutes à munitions, projetant la tourelle "B" à plusieurs mètres de hauteur et entraînant bientôt la disparition du Roma, qui chavire et se brise en deux, entraînant plus de 1 200 officiers et marins dans la mort, donc l'amiral Bergamini.

Ce qu'on appellera un jour la "bombe intelligente" vient de naître

Elle n'a pas fini de faire parler d'elle...

lundi 29 juillet 2013

3797 - rendre les navires

… La Spezia, 9 septembre 1943, 03h00

Aux premières heures du 9 septembre, le cuirassé Roma quitte discrètement le port de La Spezia en compagnie de ses jumeaux Vittorio Veneto et Italia (1) ainsi que de trois croiseurs et huit destroyers, qui mettent tous le cap vers la Sardaigne.

En application des conventions d’Armistice, et à l’instar de la Hochseeflotte allemande en 1918, la Regia Marina doit en effet livrer ses navires aux vainqueurs, lesquels les escorteront alors vers le port de leur choix.

Mais dans la matinée, l’amiral Carlo Bergamini, qui a son pavillon sur le Roma, apprend que les Allemands viennent d’envahir l’Italie, et qu’il se trouve donc à présent en guerre avec son allié d’hier !

De fait, en milieu d’après-midi, plusieurs bombardiers Dornier Do-17 apparaissent dans le ciel mais, curieusement, ne montrent aucun signe d’hostilité, se contentant plutôt de suivre la flotte à distance respectable et en tout cas hors de portée des canons de la DCA italienne, qui viennent d’être mis en batterie.

Mais à 15h37, des bombes s’en détachent soudain, des bombes qui, à la stupéfaction des Italiens, ne tombent pas simplement à la verticale mais semblent au contraire suivre les moindres mouvements de leurs différents bâtiments…

(1) nouveau nom du Littorio depuis le mois de juillet

dimanche 28 juillet 2013

3796 - le retournement d'alliance

... Salerne, 8 juillet 1943, 21h00

Histoire d’ajouter un peu à la confusion, les Alliés eux-mêmes ont imaginé un plan de conquête de l’Italie pour le moins compliqué puisque comprenant pas moins de trois débarquements à réaliser en Calabre (en traversant le Détroit de Messine), à Tarente et, surtout, à Salerne.

Le 2 septembre 1943, après avoir quitté Malte le jour précédant en compagnie de son jumeau Valiant, le Warspite a bombardé les batteries côtières italiennes de Reggio di Calabria puis, le lendemain, a appuyé les forces de débarquement britanniques.

Rentré à Malte le 4 septembre, il en est ressorti trois jours plus tard pour prendre la route de Salerne, où le débarquement (Opération Avalanche) est prévu pour les premières heures du 9.

C’est donc en mer, dans la soirée du 8, que l’équipage du cuirassé apprend que l’Italie vient de signer l’Armistice, et qu’il devra donc bientôt accompagner vers leurs lieux d’internement, et même protéger, les marins et les navires italiens qu’il combattait encore hier !

Dans l’immédiat, la reddition italienne ne change cependant pas grand-chose,… et d’autant moins qu’à partir de 21h00, le Warspite, comme tous les autres navires de la force d’invasion, se retrouve sous le feu de quelques bombardiers allemands.

Le lendemain, après avoir appuyé le débarquement sur Salerne, le Warspite remet le cap vers le sud-ouest pour son rendez-vous avec une partie de la flotte italienne, et en particulier avec le cuirassé Roma

samedi 27 juillet 2013

3795 - complicazione

... pour les Alliés, la satisfaction consécutive à la chute de Mussolini  a rapidement cédé la place à l'embarras devant le caractère pour le moins compliqué de la réalité italienne.

Pendant des semaines, le nouveau gouvernement du maréchal Badoglio a en effet multiplié les tergiversations et les exigences avant de se résigner à signer, le 3 septembre, un armistice qui, pour compliquer encore un peu plus les choses, n'a été proclamé que cinq jours plus tard,... sans que les troupes italiennes aient reçu la moindre instruction sur la conduite à tenir advenant une invasion allemande de leur territoire !

Et Dieu sait s'il aurait fallu y penser ! Depuis des semaines, Hitler s'est en effet préparé à cette éventualité et a donc massé Panzers et fantassins près de la frontière italienne.

Sitôt l'armistice proclamé, la Wehrmacht peut donc passer à l'action et bousculer sans difficulté une armée italienne où chacun se demande ce qu'il faut faire, qui donne les ordres... et surtout s'il faut vraiment s'opposer armes à la main à des soldats aux côtés desquels on a tout de même combattu depuis trois ans.

Les soldats allemands, eux ne se posent pas tant de questions.

Leur objectif est en effet très clair : neutraliser l'armée italienne, envoyer ses hommes dans des camps de prisonniers, s'emparer de tout leur matériel de guerre... ou le détruire pour que les Alliés ne puissent en profiter.

Le nouveau cuirassé Roma va bientôt faire les frais de cette impitoyable doctrine...

vendredi 26 juillet 2013

3794 - la comedia dell'Arte

... après 21 ans de Pouvoir ininterrompu, Mussolini vient donc d'être renversé en catimini par ceux qui comptaient jusque-là parmi ses plus fervents partisans !

C'est sans doute cette raison, et aussi la crainte d'une violente réaction allemande, qui explique pourquoi le nouveau gouvernement du maréchal Badoglio, loin de le mettre en accusation ou de le faire fusiller, décide plutôt de le mettre à l'ombre le temps d'y voir plus clair (1)

Car la situation est tout sauf limpide !

Les Allemands, qui depuis deux ans tiennent l'Italie à bout de bras, doivent impérativement être rassurés, ce pourquoi Badoglio dès sa nomination, s'empresse-t-il de proclamer que "la guerre continue"

Mais en réalité, et dans la meilleure tradition de la comedia dell'Arte, Badoglio, son nouveau gouvernement, et la Maison de Savoie, multiplient déjà les contacts avec les Alliés occidentaux dans le but d'arracher un armistice, suivi d'un éventuel retournement d'alliance.

Pour eux, et il faut bien le dire pour une bonne partie des soldats et des citoyens italiens, il est en effet clair que la guerre est perdue et que la seule chose qui importe dorénavant est de sauver ce qui peut encore l'être,... en commençant bien sûr par leur propre peau, leurs positions et privilèges.

Pour Londres et Washington, la chute de Mussolini, suivie d'un probable désengagement des forces armées italiennes, serait assurément une bonne nouvelle.... s'ils disposaient des moyens militaires qui leur permettraient de débarquer et d'occuper directement l'Italie continentale, et aussi - et peut-être surtout - s'ils parvenaient à comprendre la logique et les véritables intentions des Italiens, lesquels multiplient autant les tergiversations que les envois d'émissaires dont personne ne sait s'ils sont réellement habilités à négocier !

(1) après avoir été promené pendant des semaines d'une cellule à une autre, l'ex-Duce échouera finalement dans les Appenins, et plus précisément dans un hôtel du Gran Sasso, d'où Hitler, qui ne l'a pas oublié, le fera sortir le 12 septembre, en envoyant un commando de parachutistes allemands à son secours

jeudi 25 juillet 2013

3793 - plus dure sera la chute

... Rome, 24 juillet 1943

Mussolini ne s'était engagé dans la guerre qu'une fois convaincu de la victoire allemande... et tétanisé par la perspective de ne pouvoir s'approprier une partie de la dépouille des vaincus s'il persistait dans son refus de s'y engager.

Mais en cet été de 1943, il y a bien longtemps qu'on ne parle plus de victoire allemande, et c'est au contraire  l'Italie qui n'en finit pas d'être dépecée par ses vainqueurs !

La Somalie italienne, conquise en 1889, a en effet été perdue dès l'été 1941, en même temps que l'Érythrée et l'Éthiopie; la Libye, conquise en 1912, a suivi deux ans plus tard; et bientôt ce sera le tour de l'Albanie et des îles du Dodécanèse.

Mais la Sicile a également été envahie le 10 juillet, et Rome, bombardée le 19.

Et la population romaine, qui jusque-là ne s'était nullement émue des bombardements italiens sur des villes ou villages éthiopiens, britanniques, grecs ou russes (y compris, en Éthiopie, avec des gaz de combat), la population romaine a tellement peu apprécié le fait d'être à présent prise pour cible que le Grand Conseil du Fascisme, va en tirer les conséquences, mettant Mussolini en minorité et finissant par adopter, aux petites heures du lendemain, une résolution appelant à l'octroi des pleins pouvoirs au Roi Victor-Emmanuel III.

Lorsqu'il se rend chez le monarque quelques heures plus tard, le Duce apprend alors, à sa plus grande surprise, que le Roi, suivant l'avis du dit Conseil, a décidé de le démettre de ses fonctions de Chef du gouvernement et de le remplacer sine die par le maréchal Pietro Badoglio.

A sa sortie de la Villa Savoie, le dictateur est même arrêté par les carabiniers et poussé dans une ambulance jusqu'à un poste de police où il est aussitôt enfermé...

mercredi 24 juillet 2013

3792 - "Aucun doute que la Vieille Dame peut courir quand elle relève ses jupes"

... Golfe de Syrte, 9 juillet 1943, 06h00

En ce matin du 9 juillet 1943, le Warspite, son jumeau Valiant, les Nelson et Rodney, ainsi que les porte-avions Formidable et Indomitable (eux aussi revenus de l'Océan Indien) assurent donc la couverture des transporteurs de troupes occupés à cingler vers les côtes de Sicile.

Une couverture bien inutile puisque les navires de la Regia Marina ne sont nullement disposés à s'interposer, ce qui, dès les premières heures du lendemain, permet aux fantassins britanniques et américains de fouler les plages siciliennes pour y entamer de durs combats, qui se termineront le 17 août suivant, par la capture complète de l'île et le retrait des troupes germano-italiennes à travers le Détroit de Messine.

Au plan naval - le seul qui nous intéresse ici - la véritable menace vient donc des airs, et en particulier des appareils de la Luftwaffe qui, comme en 1941, s'avèrent bien plus agressifs et efficaces que leurs homologues italiens, coulant ou endommageant plusieurs navires de débarquement ou de soutien et réussissant même, le 16 juillet, à torpiller l'Indomitable qui, sous la protection du Warspite, se voir contraint de retraiter vers Malte pour réparations.

Mais le lendemain, le grand cuirassé est lui-même victime d'un curieux incident : alors qu'il se hâte vers les côtes de Sicile pour procéder à un bombardement côtier prévu pour débuter à 18h30, sa barre se bloque soudainement et l'envoie tourner en ronds, souvenir et réminiscence de sa blessure contractée à la Bataille du Jutland, 27 ans plus tôt...

Ce n'est donc qu'à 18h42 que le Warspite est finalement en mesure de pilonner les positions italiennes près du phare de Sciari Biscari (Catane), et de tirer une soixantaine d'obus de 380mm avant de se retirer vers Malte à la tombée de la nuit, non sans avoir été attaqué à plusieurs reprises par des appareils allemands qui ne lui causent heureusement aucun dommage.

Et à son arrivée à Malte, le Warspite reçoit l'hommage de l'amiral Cunningham : "Opération menée à bien. Aucun doute que la Vieille Dame peut courir quand elle relève ses jupes"...

mardi 23 juillet 2013

3791 - briller par l'absence

... pour appuyer les troupes qui vont débarquer en Sicile, mais aussi pour parer une éventuelle sortie des navires de la Regia Marina, la Royal Navy a mobilisé pas moins de six cuirassés (dont le Warspite), deux porte-avions, et plus d'une dizaine de croiseurs.

Avec la mise en service du Roma, en juin de l'année précédente, la Regia Marina dispose elle aussi de six cuirassés et d'un nombre au moins égal de croiseurs, mais elle est plus que jamais privée de porte-avions, de moral,... et de mazout.

Après leur déroute de Matapan, en mars 1941, les Italiens n'ont pourtant jamais baissé les bras, mais si croiseurs et destroyers ont continué à escorter les convois de l'Axe à travers la Méditerranée, les grosses unités, déjà peu réputées pour leur efficacité guerrière, n'ont quasiment plus quitté leur mouillage.

De toute manière, malgré ses énormes canons et ses lourdes plaques de blindage, que pourrait faire un cuirassé comme le Roma, sans radar et surtout sans la moindre couverture aérienne, contre la véritable armada mobilisée par les Anglo-américains ?

De fait, à l'exception d'une poignée de croiseurs qui, début août, s'en iront tirer quelques obus sur les plages du débarquement avant de se retirer à toute vapeur, les navires de surface de la Regia Marina vont briller par leur absence durant toute la Campagne de Sicile, laissant ainsi au Warspite, et au reste de la flotte alliée, tout le loisir de se concentrer sur l'appui aux forces terrestres... et sur leur propre défense contre les bombardiers allemands.

lundi 22 juillet 2013

3790 - du tout au tout

… juillet 1943

Lorsque le Warspite avait dû quitter la Méditerranée, en juin 1941, l’Allemagne venait successivement de conquérir la Grèce puis la Crète, avait encerclé les Britanniques à Tobrouk, et défait une contre-offensive de ces mêmes Britanniques à la Passe d’Halfaya, à la frontière entre l’Égypte et la Libye.

Mais deux ans plus tard, la situation a changé du tout au tout !

Vaincus à El-Alamein en novembre 1942, Allemands et Italiens ont en effet dû quitter l’Égypte, puis faire face à un débarquement anglo-américain en Algérie et au Maroc (Opération Torch), lequel les a amenés à se réfugier en Tunisie, où ils ont finalement déposé les armes le 13 mai 1943, soit au moment où le Warspite, de retour de l’Océan Indien, retrouvait lui-même l’Écosse après trois ans d’absence.

La rive sud de la Méditerranée désormais définitivement sous contrôle allié, reste maintenant à en faire de même avec la rive nord, donc à conquérir une Italie plus que jamais tenue à bout de bras par son allié allemand.

Pour les Alliés, le préalable obligé est néanmoins de débarquer en Sicile, ce qui, au plan militaire, implique évidemment un appui aérien mais aussi naval.

Un appui où les énormes canons des vieux cuirassés anglais vont enfin trouver à s’employer…

dimanche 21 juillet 2013

3789 - le grand retour

... Durban, 16 avril 1943

Pour le Warspite, l'année 1943 a pourtant débuté comme s'était achevée l'année 1942, soit par une succession d'escortes de convoi et de manœuvres toujours tenues très loin des zones de combat.

Début mars, le grand cuirassé a cependant quitté Kilindini, qui lui servait de port d'attache depuis près d'un an, pour Durban afin d'y subir diverses opérations de maintenance avant son voyage de retour vers l'Angleterre, cette Angleterre qu'il a quittée il y a maintenant près de trois ans pour prendre la route de la Méditerranée

Et c'est précisément là que l'État-major a décidé de le renvoyer !

Arrivé à Glasgow début mai,  le Warspite reprend la mer le 1er juin et participe à des exercices de tirs destinés à le préparer à son nouveau rôle de bâtiment de soutien d'artillerie, et donc à l'Opération Husky, c-à-d au Débarquement en Sicile, prélude à l'invasion de l'Italie.

Le 23 juin, le Warspite arrive à Gibraltar et redécouvre donc cette Méditerranée qu'il avait été contraint de quitter le 21 juin 1941, il y a presque deux ans jour pour jour, suite à ses dommages subis lors de la Campagne de Crète.

Mais en deux ans, la situation militaire dans cette partie du monde a radicalement changé...

samedi 20 juillet 2013

3788 - faire-valoir

...  automne 1942

Opération sans risque sur le plan naval, Ironclad symbolise à elle seule tout le problème de l'Eastern Fleet britannique qui, à l'image de la Hochseeflotte allemande de 14-18, doit se contenter, en cette année 1942, de jouer le rôle de simple "flotte en puissance".

Et c'est particulièrement vrai du Warspite : déjà tenu tenu en réserve, à des centaines de kilomètres de Madagascar, lors d'Ironclad, le grand cuirassé va maintenant passer tout l'été, puis l’automne, dans une une succession d'exercices et de manœuvres certes utiles mais toujours tenus fort loin des zones de combat.

Visitant le Zanzibar à la mi-mai, effectuant des simulacres d'attaque près de Ceylan à la fin juin, puis une opération de diversion au large des îles Andaman (1) fin juillet, couvrant deux nouvelles opérations de débarquement à Madagascar début septembre, ou encore se faisant remplacer son radar à Durban (Afrique du Sud) fin octobre, le Warspite ne reste certes pas inactif mais ne joue plus aucun rôle dans la guerre elle-même.

Cette guerre, du reste, s'est déplacée de plusieurs milliers de kilomètres vers l'Ouest, et plus précisément dans les Salomon, où Japonais et Américains sont à présent engagés dans une lutte à mort qui va encore durer des mois, et une lutte où Hollandais, Australiens, Néo-Zélandais et même Britanniques peuvent tout au plus servir de faire-valoir tant c'est désormais Washington qui, côté allié, dicte le tempo et détermine les objectifs ainsi que les zones d'opérations de chacun.

Et la machine de guerre américaine tourne désormais à plein régime : elle va bientôt réussir à lancer un cargo par jour, et un porte-avions lourd par mois !

Même dans le domaine des cuirassés, que chacun juge pourtant de moins en moins utiles, l'US Navy écrase tout sur son passage : après avoir mis en service ses deux North Carolina au printemps 1941, et ses quatre South Dakota l'année suivante, elle s'apprête à en faire de même avec ses deux premiers Iowa (2), tous plus rapides et plus puissants que le malheureux Warspite qui, dans ces conditions, va bientôt faire ses adieux à l'Océan Indien...

(1) opération organisée au profit des Américains sur le point de débarquer à Guadalcanal
(2) les deux autres suivront au printemps 1944




vendredi 19 juillet 2013

3787 - Opération Ironclad

… Pour Ironclad, l’invasion de Madagascar par un corps expéditionnaire, les Britanniques ont mobilisé de gros moyens, en particulier dans le domaine naval, puisqu’en plus de la force de débarquement proprement dite, comprenant le cuirassé Ramillies et les porte-avions Indomitable et Illustrious (de retour au service actif après quasiment un an de réparations aux États-Unis), une bonne partie de l’Eastern Fleet, dont le Warspite et le Formidable, a également été mobilisée afin d’assurer une couverture lointaine au cas où des navires de surface japonais se décideraient à intervenir.

C’est donc à plusieurs centaines de kms des combats que le Warspite va vivre cette étrange opération qui, débutée le 5 mai devant le port de Diego Suarez se poursuivra, mais à allure de tortue, jusqu’au 2 novembre suivant (!) : les Français multipliant les embuscades sur cette île aussi vaste que quasiment dépourvue de routes et d’infrastructures.

Et si l’affaire se soldera au bout du compte par une victoire britannique, ce sera néanmoins une victoire coûteuse, non seulement au plan politique (Londres réussissant en effet l’exploit de se voir condamnée autant par la France de Pétain que par celle De Gaulle !), mais aussi militaire (plusieurs centaines de morts et de blessés et, surtout, le torpillage, le 29 mai, du Ramillies, en pleine rade de Diego Suarez, par un sous-marin de poche japonais, lui-même amené sur place par un sous-marin conventionnel (1))

Et ce sera surtout une victoire inutile : ayant entretemps été défaits à Midway, et sur le point de perdre la Bataille de Guadalcanal, les Japonais ont en effet renoncé à toute idée d’expansion vers l’Ouest…

(1) Ramené en Afrique du Sud pour des réparations temporaires, le Ramillies rejoindra finalement l’Angleterre mais ne reprendra le service actif qu’en juin 1943

jeudi 18 juillet 2013

3786 - Madagascar

… si la retraite du corps de bataille britannique jusqu’au Kenya permet de préserver celui-ci, elle offre cependant de nouvelles perspectives aux sous-marins japonais qui, non contents de régner à présent en maîtres dans l’Océan Indien, semblent désormais en mesure d’opérer tout au long des côtes d’Afrique de l’Est, du Cap de Bonne Espérance au Sud jusqu’à l’entrée de la Mer rouge, au Nord, faisant ainsi courir un péril mortel au ravitaillement de l’Égypte et de la VIIIème Armée britannique !.

Mais pour y arriver, les dits sous-marins auraient tout de même besoin d’une base de ravitaillement avancée, et plus précisément de l’île de Madagascar qui, à l’instar de la plupart des colonies françaises, est demeurée sous le contrôle du gouvernement de Vichy après l’Armistice de juin 1940.

Pareille perspective a évidemment le don de tétaniser Londres, où personne ne croit à la neutralité officiellement revendiquée par la France du maréchal Pétain, et où chacun fait observer, non sans raison, que la dite neutralité n’a nullement empêché le Japon d’exiger, et d’obtenir, des aérodromes, des ports et même des casernements, en Indochine, autre colonie française restée fidèle à Vichy.

Pour conjurer cette menace, les Britanniques ont donc décidé… d’envahir Madagascar les premiers (!), en mobilisant au passage plusieurs bâtiments de l’Eastern Fleet chassés de l’Océan Indien par la Marine impériale japonaise…

mercredi 17 juillet 2013

3785 - dans l'attente de jours meilleurs

... mai 1942

De fait, ce changement radical dans la stratégie japonaise tombe à point nommé pour une Eastern Fleet juste capable d'encaisser les bombes et torpilles d'une Marine impériale japonaise supérieure non seulement en nombre mais aussi, et peut-être surtout, en qualité.

A seulement 23 nœuds, le Warspite, son cuirassé le plus rapide, rend facilement 5 à 6 noeuds à ses adversaires japonais - dont la plupart sont pourtant aussi vieux que lui ! - ce qui, dans l'immensité de l'Océan Indien, constitue un handicap encore plus insurmontable  qu'en Méditerranée, contre les cuirassés italiens.

Encore le dit Warspite fait-il figure de lièvre à côté des quatre Royal Sovereign, dont les machines antédiluviennes donnent 5 à 6 noeuds... de moins !

Pour ne rien arranger, si l'avenir appartient désormais aux porte-avions, les Britanniques accusent une sévère longueur de retard dans ce domaine-là aussi : le Formidable et l'Indomitable sont pourtant des bâtiments modernes et bien conçus, par ailleurs dotés de radars dont les Japonais sont dépourvus, mais leurs appareils embarqués, et en particulier les malheureux biplaces Fulmar de chasse-bombardement (1), sont irrémédiablement surclassés par ceux des Japonais.

Fin avril, faute de disposer d'une protection aérienne convenable pour sa flotte, Somerville a donc pris la décision de délocaliser celle-ci à Kilindini (Kenya), une retraite certes peu glorieuse mais qui offre au moins l'avantage de préserver les navires pour des jours meilleurs, et en particulier pour la bien étrange opération que Londres se propose à présent de mener contre son ancien allié français...

(1) entré en service en mai 1940, le biplace Fairey Fulmar est une extrapolation du très médiocre Fairey Battle, triplace de bombardement léger.

mardi 16 juillet 2013

3784 - ... aux conséquences importantes

… averti du raid américain sur Tokyo, l'amiral Nobutake Kondo, qui venait tout juste de mouiller à Yokosuka avec la 2ème flotte, repart aussitôt à la mer, bientôt imité par son homologue de la 1ère flotte, Shiro Takasu, qui appareille quant à lui d'Hiroshima avec quatre cuirassés.

Nagumo, de son côté, cingle à toute vapeur vers le Japon, mais les Américains, qui ont remis le cap sur Hawaï depuis plusieurs heures, sont déjà bien trop loin pour les uns et les autres, en sorte qu’au grand désespoir de ses responsables, les griffes de la Marine impériale ne se referment que sur le vide.

Bien que matériellement insignifiant, ce raid va pourtant inciter le Japon à rappeler de toute urgence en métropole des navires et des unités de chasse alors occupés à conquérir le Pacifique, ce qui soulagera ainsi quelque peu la pression sur les troupes alliées qui s'efforçaient désespérément de les contenir.

Mais comme cela ne peut suffire, il faut maintenant réviser entièrement les plans de conquête, et notamment celle de l’Océan Indien, et bouleverser une stratégie qui, jusque-là, avait pourtant bien réussi au Soleil levant.

Pour mettre le Japon, et son Empereur, définitivement à l'abri d'un nouveau raid américain, l'amiral Isoroku Yamamoto - celui-là même qui a conçu et imposé l'attaque contre Pearl Harbor – est maintenant résolu à lancer une opération aéronavale si vaste et surtout si complexe qu’elle va le forcer à disperser largement les forces dont il dispose, avec pour résultat de provoquer, dans six semaines, l’anéantissement des quatre porte-avions lourds de l’amiral Nagumo au large du minuscule atoll de Midway...

lundi 15 juillet 2013

3783 - un grain de sable...

… au large de Formose, 18 avril 1942

Sur la passerelle du porte-avions Akagi, qui remonte majestueusement vers le Nord, l’amiral Chuichi Nagumo a toutes les raisons d’être satisfait : après leur succès de Pearl Harbor, en décembre de l’année précédente, et après leur fructueuse campagne dans le Pacifique durant les trois premiers mois de 1942, ses navires viennent maintenant de balayer toute opposition dans l’Océan Indien et de forcer l'Eastern Fleet britannique à chercher refuge jusqu’en Afrique de l’Est.

Pourtant, une nouvelle incroyable va bientôt radicalement modifier son humeur : Tokyo vient d’être bombardée !

Ayant réussi l’incroyable exploit de décoller depuis le pont du porte-avions Hornet – lui-même parvenu à quelque 1 000 kms des côtes japonaises avant d’être repéré – seize bombardiers moyens B-25, menés par le lieutenant-colonel James Doolittle, ont en effet réussi à bombarder la capitale japonaise puis à s’enfuir vers la Chine sans même avoir été inquiétés !

Au plan matériel, les résultats de ce raid sont insignifiants – tous les appareils américains vont d’ailleurs se crasher en Chine, sauf un qui ira se faire interner en URSS (1) – et la vie de l’Empereur, ce dieu vivant, n’a jamais été menacée, mais l’affaire démontre en tout cas que les Américains, contrairement à ce que l’on pouvait espérer, ne sont nullement disposés à jeter l’éponge et à rechercher une paix négociée.

Il faut de toute urgence laver l’affront et d’abord retrouver les navires ennemis qui, leur mission accomplie, ont aussitôt remis le cap vers Pearl Harbor…

(1) Saviez-vous que… 30 secondes sur Tokyo

dimanche 14 juillet 2013

3782 - le drame de Trincomalee

.... 9 avril 1942

En mer, il n'y a sans doute rien de plus vulnérable qu'un porte-avions sans ses avions.

Rentré à Trincomalee le 5 avril en compagnie du destroyer Vampire, l'Hermes a débarqué les siens, puis a repris la mer dans la soirée du 8 afin d'échapper à un raid aérien, dont les services de renseignements sont convaincus de l'imminence.

De fait, le dit raid a bel et bien lieu le lendemain matin, mais les Japonais, non contents de bombarder le port à 07h00, ne tardent pas à repérer l'Hermes et son escorte.

Sans le moindre avion à son bord, le petit porte-avions britannique constitue une proie facile, que l'Aéronavale japonaise expédie promptement par le fond en même temps que le Vampire et la corvette Hollyhock.

Pour Somerville et les Britanniques, c'est un désastre supplémentaire, et pour Nagumo et les Japonais, une grande victoire de plus, laquelle leur permet maintenant de rentrer au Japon la tête haute, après avoir coulé un porte-avions, deux croiseurs, plusieurs bâtiments plus petits (ainsi qu'une vingtaine de cargos et de pétroliers), le tout en seulement deux semaines et en ne perdant eux-mêmes qu'une vingtaine d'avions au total  !

Ironiquement, les deux amiraux rivaux s'entendent au moins sur une chose : l'Océan Indien est bel et bien devenu une mer japonaise, sur laquelle l'Empire du Soleil peut désormais opérer en toute impunité, et opérer des débarquement où et quand bon lui semble.

Mais à des milliers de kilomètres de là, un événement totalement imprévu va pourtant radicalement changer la donne...

samedi 13 juillet 2013

3781 - l'inévitable retraite

... 2 avril 1942

Mais si la flotte britannique est parée, les Japonais, eux, brillent par leur absence, en sorte que dans la soirée du 2 avril, Somerville prend la décision de renvoyer les croiseurs Cornwall et Dorsetshire à Colombo, et le porte-avions Hermes, accompagné du destroyer australien Vampire, à Trincomalee

Mauvaise idée, car les Japonais, en l'occurence les six porte-avions, les quatre cuirassés et les sept croiseurs de l'amiral Chuichi Nagumo - le vainqueur de Pearl Harbor - ne sont pas loin !

Après avoir quitté les Célèbes le 26 mars, leurs bombardiers-torpilleurs ont en effet mené plusieurs raids aériens dans le Golfe du Bengale avant de mettre le cap sur Ceylan. Dans l'après-midi du 5 avril, ils tombent donc sur les deux croiseurs britanniques qui, privés de toute protection aérienne, sont promptement envoyés par le fond avec quelque 400 officiers et marins (1)

Somerville, dont le seul avantage est de disposer du radar, voudrait bien mener une attaque de nuit mais, bien que repérée à plusieurs reprises, la flotte de Nagumo demeure introuvable.

Le 8 avril, considérant la disproportion des forces en présence, et les pertes déjà subies, il décide alors de retraiter et d'envoyer la Force B à Kilindini (Kenya) et la Force A (dont le Warspite) à Bombay (Inde) où elle arrive saine et sauve dans la matinée du 13.

Hélas pour les Britanniques, un autre drame s'est joué quatre jours auparavant...

(1) plus d'un millier de survivants seront néanmoins repêchés le lendemain par les Britanniques

vendredi 12 juillet 2013

3780 - désuète et disparate

... 31 mars 1942.

Sur le papier, avec cinq cuirassés, trois porte-avions, sept croiseurs et une quinzaine de destroyers, l'Eastern Fleet britannique dispose encore de moyens importants.

Mais cette flotte est en réalité aussi désuète que disparate :  la quasi-totalité des navires sont anciens, et pour la plupart fort lents, ce pourquoi Somervile, dès son arrivée à Ceylan, a-t-il décidé de les répartir en deux groupes distincts.

La Force A, dite "rapide" (tout étant cependant très relatif), comprend le Warspite, les porte-avions Formidable et Indomitable (enfin arrivé sur place après son malencontreux échouage en Jamaïque) ainsi que quatre croiseurs.

Composée de navires bien plus lents, la Force B comprend quant à elle le petit (11 000 tonnes seulement) et désuet (mis en service en 1924) porte-avions Hermes, trois croiseurs (dont le minuscule Jacob van Heemskerck hollandais de seulement 4 000 tonnes et transformé en croiseur antiaérien) ainsi que les Ramillies, Resolution, Revenge et Royal Sovereign, soit les survivants de la classe Royal Sovereign qui, bien que plus récents que le Warspite, n'ont pour ainsi dire pas été modernisés depuis leur mise en service et sont donc aujourd'hui complètement dépassés et à peine capable de filer 18 nœuds

 Le 28 mars, au lendemain de l'arrivée du Warspite à Trincomalee, un rapport des services de renseignements a appris Somerville que la flotte japonaise se préparait à lancer une attaque sur Ceylan.

Pas question de se laisser surprendre au mouillage, ce pourquoi tous les navires disponibles ont-ils aussitôt pris la mer avec pour instructions de se regrouper au sud de l'île...

jeudi 11 juillet 2013

3779 - une honteuse raclée

... et cette véritable débâcle sur mer se retrouve évidemment - mais en bien pire ! - sur terre.

Le 15 février, soit cinq jours avant l'arrivée du Warspite à Sydney, les 100 000 défenseurs de Singapour se sont en effet rendus aux hommes du général Yamashita, par ailleurs deux fois moins nombreux qu'eux. Pensant en avoir fini avec la guerre, ces malheureux vont maintenant être réquisitionnés pour construire l'abominable chemin de fer de Birmanie, où ils mourront par milliers dans les trois années à venir (1)

En Birmanie, où ils ont fait irruption le 15 janvier, les Japonais se sont d'ailleurs emparés de Rangoon le 8 mars. Encore un mois, et ils auront repoussé les Britanniques jusqu'aux Indes, poussant l'impétueux général américain Joseph Stilwell à parler d'une honteuse raclée...

Aux Philippines, les Américains ne sont pourtant pas plus en verve : après avoir abandonné Manille au Japonais (2 janvier), le général MacArthur a lui-même dû quitter Corregidor (12 mars) pour l'Australie. Le 6 mai suivant, malgré la résistance des soldats demeurés sur place, les Philippines seront entièrement japonaises (2)

Mais les Japonais, décidément insatiables, ont également envahi la Nouvelle-Guinée (23 janvier) ainsi que les Salomon, et se sont emparés de Kuala-Lumpur (11 janvier) et de Rabaul (23 janvier) tout en parachevant leur conquête des Indes néerlandaises (9 mars).

Pire encore : le 19 février, l'aviation japonaise a carrément bombardé la ville australienne de Darwin, coulant une dizaine de cargos chargés de ravitaillement et de matériel pour Java et les Philippines, mais, surtout, contraignant la population australienne à vivre désormais dans la hantise d'un débarquement...

(1) Saviez-vous que... Le Pont de la Rivière Kwaï
(2) Saviez-vous que...« I came out of Bataan and I shall return »

mercredi 10 juillet 2013

3778 - une ambiance de Fin du Monde

... 7 janvier 1942

C'est donc dans cette ambiance de Fin du Monde que le Warspite s'apprête, en ce début de 1942, à reprendre la mer.

Mais après avoir quitté Puget Sound le 7 janvier, le cuirassé va d'abord passer deux semaines d'entraînement au large des côtes canadiennes, en sorte que ce n'est donc que le 23 qu'il peut mettre le cap vers Sydney, où il arrive le 20 février suivant, après s'être constamment tenu très loin des zones hantées par les sous-marins japonais.

Et la menace sous-marine est telle qu'à peine entamée, la traversée vers Ceylan doit d'ailleurs être annulée, et le cuirassé dérouté sur Adelaïde..

Le 22 mars, le Warspite arrive enfin sain et sauf à Trincomalee (Ceylan) pour y tenir une fois de plus le rôle de navire-amiral, en l’occurrence celui de James Fownes Somerville tout juste nommé commandant-en-chef d'une flotte d'Extrême-Orient aussi disparate que traumatisée par la perte du Prince of Wales, du Repulse, mais aussi de quantités d'autres bâtiments que les Japonais, décidément invincibles, ne cessent d'expédier par le fond les uns après les autres !

Lors d'une succession de combats menés en Mer de Java et dans le Détroit de la Sonde, les forces britanniques, américaines, australiennes et néo-zélandaises viennent en effet de perdre la quasi-totalité de leurs croiseurs et destroyers disponibles dans la région, tout en n'infligeant aux Japonais que des pertes insignifiantes !

mardi 9 juillet 2013

3777 - les raisons de la débâcle

... pour expliquer les incroyables succès remportés par les Japonais durant les premiers mois de la Guerre du Pacifique, on peut évidemment évoquer les difficultés rencontrées par leurs adversaires britanniques, américains, mais aussi australiens, néo-zélandais et hollandais, pour mettre en commun leurs moyens, coordonner leurs efforts, et surtout définir une stratégie qui ne soit pas perçue par celui-ci comme servant exclusivement les intérêts de celui-là.

Mais il y a aussi la bonne vieille infatuation de "l'Homme blanc" à l'égard de tous les "petits hommes jaunes", lesquels, Japonais ou non, et qu'ils soient fantassins, aviateurs ou marins, étaient jusque-là unanimement perçus comme des combattants de piètre valeur, dotés d'un matériel qui ne l'était pas moins (1)

A cela s'ajoute, côté britannique, le fait que la guerre en Europe, qui dure maintenant depuis plus de deux ans, a insidieusement avalé les meilleures troupes et l'essentiel des ressources de l'Empire, ne laissant pour défendre l'Inde et l'Extrême-Orient que des unités de seconde ligne, par ailleurs en trop petit nombre et mal équipées.

Les Britanniques avaient certes envisagé l'hypothèse d'une guerre avec le Japon, mais tous leurs plans de bataille reposaient sur la conviction qu'ils seraient alors épaulés par l'US Navy ainsi que par l'Infanterie et l'Aviation américaines stationnées aux Philippines, sous le commandement du déjà célèbre général Douglas MacArthur.

Même dans les pires scénarios, personne n'avait prévu que tout le corps de bataille de l'US Navy pourrait être anéanti à Pearl Harbor dès les premières heures de la guerre, ni que les Philippines pourraient être envahies, et les troupes américaines déjà contraintes de lutter pour leur propre survie, à peine deux jours plus tard...

(1) à cette époque, le "Made in Japan" était universellement synonyme de "camelote" !

lundi 8 juillet 2013

3776 - vers la retraite...

... en novembre 1941, Churchill, de plus en plus inquiet face à la montée des tensions en Asie, a en effet décidé de renforcer la flotte d’Extrême-Orient, il est vrai aussi périmée que disparate, en lui expédiant le cuirassé Prince of Wales (réparé après sa rencontre avec le Bismarck en mai), le croiseur de bataille Repulse (navire rapide mais qui date tout de même de 1916) ainsi que le porte-avions Indomitable (flambant neuf mais qui, lors de la traversée, s’est malencontreusement échoué en Jamaïque et ne rejoindra finalement Ceylan qu’en janvier 1942)

Le 8 décembre, au lendemain de l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, le Prince of Wales et le Repulse ont pris la mer pour rechercher, et si possible anéantir, un débarquement signalé près de Kota Bharu (Malaisie). Mais, repérés le 9 par un avion de reconnaissance japonais, ils ont été attaqués dès le lendemain par plusieurs dizaines de bombardiers-torpilleurs qui, ont moins de deux heures, les ont tous les deux envoyés par le fond en ne perdant eux-mêmes qu’une demi-douzaine des leurs !

Et pour les cuirassés en général, cette bataille, ou plutôt cette exécution, a constitué l’ultime clou planté dans leur cercueil : jusqu'à cette date fatidique du 10 décembre 1941, les amirautés avaient en effet voulu croire que les cuirassés bien que vulnérables aux bombes et torpilles d’avions, sauraient néanmoins se défendre en mer.

A présent, le doute n'est plus permis : l'avion, minuscule engin né de bois et de toile vient de condamner les plus gros et les plus puissants navires du monde à une retraite sans gloire…

dimanche 7 juillet 2013

3775 - chez les cuirassés aussi...

… mais même dans le petit monde des cuirassés, ces sept mois ont été riches d’événements,… et de tragédies.

Le 24 mai, le Bismarck – dont c’était la première sortie opérationnelle – a en effet pulvérisé le croiseur de bataille Hood et gravement endommagé le cuirassé Prince of Wales, avant de succomber lui-même trois jours plus tard sous les obus de 356 et 406mm des King George V et Rodney,… largement aidés il vrai par les lents et disgracieux Swordfish du porte-avions Ark Royal qui, en réussissant à endommager le gouvernail de l’allemand l’ont ainsi livré pieds et poings liés aux deux cuirassés britanniques accourus au canon (1)

Mais les Allemands ont pris leur revanche le 25 novembre au large de Sidi Barrani (Égypte), lorsque le sous-marin U-331 est parvenu à loger trois torpilles sur le flanc tribord du Barham, jumeau et vieux compagnon de route du Warspite, lequel, bientôt victime de l’explosion de ses propres munitions, a disparu sous les flots en moins de cinq minutes.

Le 19 décembre, les Italiens, jusque-là fort peu en verve, se sont rappelés au bon souvenir de chacun, lorsque six de leurs nageurs de combat ont réussi à s’infiltrer au beau milieu du port d’Alexandrie et à déposer des mines sous la coque des Valiant et Queen Elizabeth – autres jumeaux du Warspite – expédiant le premier dans un chantier naval sud-africain jusqu’en juillet 1942, et le second dans un chantier américain jusqu’en juin 1943 (2)

Mais le plus significatif pour l’avenir des cuirassés, et pour celui du Warspite, s’est néanmoins joué le 10 décembre, au large de la Malaisie

(1) Saviez-vous que… 3382 à 3384
(2) Saviez-vous que… 1966 à 1968

samedi 6 juillet 2013

3774 - un radical changement de visage

... car durant ces sept mois d'immobilisation, la guerre à laquelle le Warspite participe depuis le 3 septembre 1939, cette guerre a radicalement changé de visage.

Après avoir parachevé leur conquête de la Crète (1er juin), les troupes allemandes ont envahi l'URSS (22 juin) et, tout au long de l'été et de l'automne, ont volé de victoires en victoires avant de se retrouver bloquées devant Moscou (5 décembre), autant victimes de l'arrivée de l'hiver que de la résistance de plus en plus acharnée des Soviétiques, lesquels ont aussitôt lancé une vaste contre-offensive.

Le 7 décembre, après des années d'inlassable grignotage en Chine puis en Indochine, ce sont les Japonais qui sont à leur tour partis à la conquête du monde, en commençant par s'en prendre à leur principal rival, les États-Unis, et en particulier à leur flotte de combat ancrée à Pearl Harbor

Dès l'annonce de cette attaque, Hitler a laissé éclater sa joie : "Nous ne pouvons pas perdre cette guerre. Nous avons maintenant un allié qui n'a jamais été conquis en trois mille ans !" (1) s'est exclamé le Führer, qui, le 11 décembre, a d'ailleurs déclaré la guerre aux États-Unis.

Et de fait, ces petits soldats japonais longtemps méprisés par tous les État-majors occidentaux paraissent bel et bien invincibles : Guam, possession américaine depuis 1898, est tombée le 10 décembre, Wake - malgré son héroïque résistance - le 23, et Hong-Kong, le 25.

Le 17 décembre, Bornéo a subi sa première attaque, prélude à une campagne qui se terminera le 9 mars par la chute de toutes les Indes néerlandaises (2)

Mais les Japonais, qui ont également débarqué à Malacca (Malaisie) et à Luzon (Philippines) le 8 décembre, menacent aussi Singapour (qui tombera le 15 février) et surtout Manille (où ils entreront le 2 janvier)...

(1) Kershaw, Hitler, tome II, page 649
(2) à l'exception du Timor, où des combats de guerrilla se poursuivront jusqu'en 1943

vendredi 5 juillet 2013

3773 - une parenthèse de sept mois

... 25 juin 1941

Mais renvoyer le Warspite en Grande-Bretagne impliquerait une périlleuse traversée de la Méditerranée et surtout  du Détroit de Sicile, toujours à portée des avions et des sous-marins italiens ou allemands.

De toute manière, les chantiers britanniques sont déjà saturés, ce pourquoi on va plutôt confier les réparations à un chantier américain de la côte ouest, ce qui implique évidemment de transiter par le Canal de Suez, l'Océan Indien et l'Océan Pacifique, voyage certes fort long mais du moins sans risque (1)

Le 25 juin, après quelques réparations de fortune, le cuirassé met donc le cap sur Puget Sound (État de Washington), où il arrive le 11 août suivant après 6 semaines de navigation entrecoupés d'escales à Colombo (Ceylan), Singapour, Manille, Honolulu et Esquimalt (Colombie-Britannique).

Sous effectif réduit réduit, le Warspite va alors subir quatre mois de réparations, mais aussi d'améliorations, qui comprendront notamment le remplacement de cinq de ses huit canons de 380mm et l'installation de radars surface/air et contrôle de tir, désormais indispensables sur tout navire de guerre digne de ce nom

Le 28 décembre, après une parenthèse qui aura donc duré sept mois, le bâtiment est enfin prêt à à repartir en guerre.

Mais sa nouvelle zone d'opérations ne sera pas du tout celle que prévoyait l'équipage...

(1) rappelons à nouveau qu'à cette date, ni le Japon ni les États-Unis ne sont encore en guerre...


jeudi 4 juillet 2013

3772 - l'inévitable

... 22 mai 1941, 13h32

Le 20 mai, Hitler a donc lancé ses parachutistes à l'assaut de la Crète, entraînant la mobilisation immédiate de tous les bâtiments de la Royal Navy des alentours, lesquels, initialement prévus pour repousser un éventuel débarquement de troupes germano-italiennes vont finalement... soutenir le rembarquement des soldats britanniques, australiens et néo-zélandais qui défendent l'île !

Le Warspite est de ceux-là qui, le 22 mai, pénètre dans le Canal de Cythère, au nord-ouest de la Crète, donc largement à portée des appareils de la Luftwaffe qui, depuis 09h00, se relaient au-dessus du grand cuirassé et de son jumeau Valiant

Et ce qui devait arriver arrive : à 13h32, trois chasseurs-bombardiers Me-109 parviennent à franchir l'écran de la défense anti-aérienne et à lancer leur bombe perforante de 250 kilos.

Lancé à pleine vitesse, le Warspite réussit néanmoins à éviter deux d'entre-elles mais ne peut échapper à la troisième, laquelle frappe à côté de la tourelle de 105mm bâbord, pénètre le pont et explose au beau milieu de la dernière casemate de 152mm, tuant instantanément une quarantaine de marins et provoquant un énorme incendie.

Si le Warspite demeure en poste, sa vitesse tombe à 18 nœuds. Surtout, ses munitions antiaériennes sont quasiment épuisées, en sorte que le grand cuirassé n'a bientôt plus d'autre choix que de remettre le cap sur Alexandrie, qu'il atteint dans la matinée du 24 et où le verdict tombe : les réparations vont exiger plusieurs mois d'immobilisation dans un chantier naval...

mercredi 3 juillet 2013

3771 - prendre l'affaire en main

... mai 1941

Rentré à Alexandrie le 30 mars après sa facile victoire de Matapan, le Warspite a aussitôt repris sa routine habituelle, alternant son existence entre les missions d'escorte de convois et celles de bombardement des positions italiennes de Libye.

Mais sur Terre, après des mois de statu quo et d'immobilisme, la situation vient pourtant d'évoluer dramatiquement : ne pouvant se permettre, à seulement quelques semaines de l'invasion de l'URSS, d'assister à l'effondrement de son allié italien, Hitler a en effet décidé de prendre l'affaire en main !

Le 6 avril, depuis la Bulgarie, mais aussi la Yougoslavie (qu'elle a traversée en trombe), la Wehrmacht a pénétré en territoire grec. Bousculant tout sur leur passage, ses fantassins et tankistes ont même réussi, le 25 avril,  à forcer la Grande-Bretagne à rembarquer son corps expéditionnaire à Kalamata, dans une sorte de "second Dunkerque" qui a coûté deux destroyers à la Royal Navy, en plus de dommages à d'autres bâtiments de la flotte

Et ce n'est pas fini puisque le 20 mai, Hitler, bien décidé à clore le dossier méditerranéen une fois pour toutes, a lancé ses parachutistes à l'assaut de la Crête, une opération extraordinairement coûteuse en hommes - nous en reparlerons dans une autre chronique - mais qui va du moins se solder, côté allemand, par une victoire de plus et, côté britannique, par un nouveau et humiliant rembarquement également synonyme de nombreuses pertes ou dommages aux navires...

... dont le HMS Warspite.

mardi 2 juillet 2013

3770 - dans le meilleur des cercles vicieux

… pour leur marine de guerre, les Italiens ont toujours plébiscité la vitesse,  un choix logique pour des navires destinés à opérer exclusivement en Méditerranée, donc jamais très loin de la métropole, et un choix qui, à Punta Stilo ou Matapan, a d’ailleurs permis à leur flotte, et en particulier à leurs cuirassés, de se soustraire à 30 nœuds face à des bâtiments britanniques comme le Warspite, à peine capables d’en filer 23 ou 24.

Cette grande vitesse a cependant l’inconvénient de consommer énormément de mazout, un mazout que seul le Reich est en mesure de fournir à l’Italie depuis son entrée en guerre,… et un mazout que ce même Reich ne livre que parcimonieusement, préférant, pour des raisons faciles à comprendre, le conserver pour son propre usage.

Pour économiser le mazout, les navires italiens – à commencer par les cuirassés - ne sortent que rarement en mer, ce qui ne contribue évidemment pas à améliorer le moral et le niveau de qualification des équipages... donc l’utilité guerrière des dits navires : en 15 mois, le Roma, ultime cuirassé italien à entrer en service, ne passera ainsi que 133 heures en mer, engloutissant quelque 3 300 tonnes de mazout pour parcourir  4 000 kms toujours très loin des combats !

Mais parce qu'ils sont  de moins en moins utiles, ces navires reçoivent alors de moins en moins de mazout allemand ce qui, en retour, et dans le meilleur des cercles vicieux, les condamne à demeurer de plus en plus souvent au port !

Pour ce problème-là - sans doute le plus fondamental - la Regia Marine ne parviendra pas non plus à trouver de solution, s'attirant au contraire de plus en plus de sarcasmes de la part de l'Allié allemand désormais résolu à prendre lui-même les choses en main...

lundi 1 juillet 2013

3769 - et maintenant, que faire...

... n'en déplaise aux Britanniques, la Regia Marina n'entend pourtant pas baisser les bras, et va même s'efforcer de trouver un remède aux trois principales faiblesses qui, outre les problèmes de commandement et de personnes, expliquent le désastre de Matapan : soit l'absence de porte-avions, l'absence de radar, et enfin le mauvais entraînement des équipages.

A l'automne 1941, les travaux de conversion en porte-avions vont ainsi débuter sur le paquebot Roma (renommé Aquila), dont on rasera les superstructures et que l'on remotorisera entièrement pour qu'il puisse filer 30 noeuds. 

A l'automne suivant, une transformation semblable sera également entreprise sur l'Augustus (rebaptisé Sparviero), dont on conservera néanmoins les machines d'origine - qui ne donnent pourtant que 18 noeuds - histoire de gagner du temps.

Mais il déjà trop tard : l'Aquila et le Sparviero seront en effet surpris par l'Armistice avant d'être achevés...

Même motif et même punition pour le radar, que seuls les Allemands sont en mesure de fournir, et dont les navires italiens, malgré quelques expérimentations menées ici et là, ne verront jamais la couleur, ce qui, dans les deux années à venir, représentera un handicap de plus en plus insurmontable face à leurs adversaires britanniques

Et puis, et surtout, il y a le manque d'entraînement des équipages ou, plus exactement, le manque de mazout pour réussir à sortit du port afin d'entraîner les équipages en mer...