jeudi 31 décembre 2009

2489 - Français ou Allemands ?

… le 4 septembre 1941, peu après 06h00, le train des premiers volontaires de la LVF, menés par Jacques Doriot, quitte enfin Versailles pour la Pologne.

Quelque 800 hommes au total, ce qui n’est guère, et pas davantage que la Légion Wallonie, partie près d’un mois auparavant. Suite à l’attentat manqué contre Laval, ce départ s’est également effectué presque à la sauvette, au grand dam des légionnaires, qui s’attendaient à mieux : ne s'en vont-ils pas "sauver l’Europe du péril bolchevique" ?

Mais ce n’est encore rien par rapport au fait de devoir bientôt endosser un uniforme allemand. Même assorti d’une petite cocarde tricolore, on est loin de l’uniforme français qui leur avait été promis.

Leurs chefs, Doriot en tête, avaient bien tenté de négocier. Mais les Allemands, invoquant un "Droit de la Guerre" qu’ils n’appliquaient pas eux-mêmes en URSS, et que les Russes n’avaient par ailleurs jamais ratifié (1), les Allemands, donc, étaient demeurés intraitables.

Pour ces volontaires, dont beaucoup se revendiquent sincèrement de la "Vraie France", revêtir l’uniforme d’une armée étrangère et qui occupe encore le territoire national, représente un véritable déchirement, que l'obligatoire prestation personnelle de serment de "fidélité et obéissance à Adolf Hitler" (2), le 5 octobre, ne fait qu’aggraver.

A qui se raccrocher si ce n’est à ce "Français par excellence" qu’est le maréchal Pétain ?

Alors, au début novembre, peu avant de monter au Front, le commandant de la LVF, le colonel Roger-Henri Labonne, adresse un message à ce dernier, pour lui rappeler à la fois la fidélité de la Légion à sa personne, mais aussi pour lui demander de reconnaître que la dite Légion et ses hommes combattent bel et bien "Pour la France", et au nom et dans l’intérêt de celle-ci.

Le 5 novembre, Pétain s’exécute. "Vous détenez", dit-il aux légionnaires, "une part de notre Honneur militaire (…) En participant à cette croisade (…) vous contribuez à écarter de nous le péril bolchevique : c’est votre pays que vous protégez ainsi (...)".

Pour beaucoup de Français, pas nécessairement gaullistes, cette déclaration, signée de la main-même du chef de l’État, est un véritable scandale, mais pour la LVF, et les Collaborationnistes, c’est au contraire une reconnaissance officielle (3), qui légitime leur action et renforce leur moral…

(1) L’URSS n’était pas signataire des Conventions de Genève ou de La Haye relatives aux lois de la Guerre et aux traitement des prisonniers de guerre
(2) Dès le mois d’août 1934, le traditionnel serment d’allégeance des militaires allemands à la Nation avait été remplacé par un serment personnel d’allégeance à Adolf Hitler lui-même
(3) Après-guerre, les défenseurs de Pétain affirmeront que la dite déclaration lui aurait été extorquée par la ruse, ou qu’il l’aurait signée sans même la lire, ce qui est plausible si l’on considère l’âge (85 ans) et les fréquents moments "d’absence" du vieux maréchal. Reste que si Pétain s’est par la suite bien gardé de répéter pareille déclaration, il n’a jamais renié non plus celle du 5 novembre…

mercredi 30 décembre 2009

2488 - l'attentat contre Laval

… 27 août 1941

A l’exception de Jacques Doriot, retenu en Bretagne, tout le gratin du Collaborationnisme français s’est donné rendez-vous près de Versailles afin de célébrer, à la caserne Borgnis-Desbordes, la première prise d’armes de la LVF, qui marquera également le premier levé officiel du drapeau français en zone occupée depuis l’Armistice de juin 1940.

Parmi les personnalités, on remarque même un invité-surprise: Pierre Laval, l’ancien vice-Président du Conseil, brutalement "démissionné" par Pétain en décembre 1940.

Resté depuis sans affectation officielle, mais sous la protection de l’ambassade d’Allemagne, Laval a manifestement décidé de profiter de l’événement pour se rappeler au souvenir de chacun.

Peu après 18h00, et alors que la cérémonie s’est jusque-là déroulée sans anicroche, c’est le coup de théâtre. Des coups de feu éclatent. On a tiré sur Laval ! Et même sur Déat, vers lesquel toute l’assistance se précipite.

Le coupable est un jeune chômeur de 21 ans, Paul Collette, qui, profitant de la foule, est parvenu à s’approcher des deux hommes, et à sortir son arme, un pistolet automatique de 6.35mm, dont le petit calibre va néanmoins permettre à Laval et Déat d'en réchapper.

L’émotion est intense, Quasiment lynché par les Légionnaires, Collette est finalement conduit au commissariat où les enquêteurs vont s’efforcer, pendant des jours, de lui faire avouer les rouages de son complot, tant chacun est convaincu qu’il ne peut s’agir que d’un complot, orchestré par les Gaullistes, les Communistes, les Pétainistes, ou même les partisans d’Eugène Deloncle.

Collette, pourtant, a agi seul (1) et sur le modèle de Georg Elser, ce modeste menuisier souabe qui, en 1939, avait lui aussi, et de sa propre initiative, tenté d’assassiner Adolf Hitler (2)

Laval et Déat survivront à leurs blessures, et reviendront même aux affaires, mais l’attentat a complètement éclipsé ce qui devait être la grande fête de la LVF, dont le départ pour le Front de l’Est, ou plus exactement pour un camp d’entraînement polonais, est reporté au 4 septembre, et désormais organisé dans la plus grande discrétion…

(1) Condamné à mort le 1er octobre 1941, Collette verra néanmoins sa peine commuée en prison à perpétuité. Libéré à la fin de la guerre, il mourra en 1995, après avoir reçu la Légion d’Honneur
(2) Saviez-vous que… 1479 à 1482

mardi 29 décembre 2009

2487 - auberge espagnole et panier de crabes

… à l’instar de toutes les Légions européennes, la LVF est une sorte d’auberge espagnole, où l’on trouve aussi bien des fascistes de la première heure et des anticommunistes convaincus que des jeunes désœuvrés, des chômeurs à la recherche d’un emploi, des réfractaires au STO,… ou tout bonnement de simples déboussolés, qui ont échoué là par hasard quand ce n’est pas par tromperie.

A certains, la LVF offre de "casser du Juif et du Communiste", et à d’autres non seulement un travail mais aussi une paye deux à trois fois supérieure à celle d’un ouvrier.

Mais la légion, c’est aussi la promesse d’un cadre de vie bien réglé pour ceux qui en ont besoin, ou encore un gage d’aventure pour ceux qui rêvent à de lointaines contrées aux noms exotiques.

Certains volontaires sont d’anciens militaires, bien plus tentés par une paisible sinécure dans un bureau que par un quelconque baroud; d’autres n’ont aucune expérience des armes; mais beaucoup – on n’est jamais si bien servi que par soi-même - sont tout bonnement des militants du PPF de Doriot ou du MSR de Deloncle.

Auberge espagnole donc, mais aussi vaste panier de crabes où chaque leader collaborationniste s’efforce de prendre l’ascendant sur l’autre, tant il est convaincu d’incarner à lui seul les valeurs de la "Vraie France".

Dès sa création, la LVF est donc une structure non seulement fort bureaucratique mais aussi extraordinairement politisée, ce qui ne va pas sans inquiéter les Allemands, lesquels se voient proposer des militants politiques alors qu’ils s’attendaient à recevoir des soldats.

Les Allemands reconnaîtront par ailleurs que moins de 40 % des membres de la LVF – mais ce pourcentage est certainement analogue dans les autres légions européennes – s’y sont véritablement inscrits par idéal ce qui, et c’est le moins qu’on puisse en dire, relativise les revendications de "Croisade contre le Bolchevisme".

Quel que soit l’angle d’approche, il est clair que la LVF est plutôt mal partie. Et ces malheurs ne vont certes pas s’arrêter là puisque la première prise d’armes, à la caserne Borgnis-Desbordes, près de Versailles, va tout simplement tourner à la tragédie.

lundi 28 décembre 2009

2486 - faire lever la sauce

… pour être admis dans la LVF, il faut – du moins en théorie – être Français "de souche aryenne" et avoir un casier judiciaire vierge.

Véritables nerfs de toute guerre, les soldes promises, analogues à grade égal à celles de l’armée allemande, sont extrêmement attractives pour une population française confrontée à un chômage élevé, et qui peine à se remettre de la guerre.

Pour faire lever la sauce, Deloncle annonce même, le 24 juillet 1941, que tout le comité directeur de la LVF a décidé de se porter volontaire pour le Front ! Pure bouffonnerie : Déat, qui n’était pas au courant de cette initiative, se récuse aussitôt; certains veulent bien partir, mais uniquement en qualité d’officiers; Deloncle lui-même ne cesse de postposer son départ, jusqu’à ce qu’il obtienne d’être versé dans une très vague et très bureaucratique "section de propagande", laquelle va lui permettre de passer plus de temps à Paris qu’en Russie.

En définitive, seul Doriot, alors âgé de 43 ans, finira par prendre, comme lieutenant, le chemin du Front de l’Est, ce qui lui vaudra au moins d’être complimenté par le général Oschmann, lequel déclarera, en décembre 1943 que "malgré votre âge, vous avez été légionnaire volontaire de première ligne sur le front de l’Est devant Moscou, au cours du rude hiver de 1941-1942. Vous êtes le seul des hommes politiques fondateurs de la Légion qui, dans l’armée allemande, avez pris part en personne au combat contre notre ennemi commun : le bolchevisme" (1)

Un compliment néanmoins très excessif puisque la Légion, comme nous allons le voir, n’a effectué qu'un seul et fort bref passage en première ligne, et que les détracteurs de Doriot, et des rapports de police, souligneront que "l’activité la plus importante de Doriot" avait été "de se faire photographier pour la propagande", et notamment en compagnie de l’écrivain et journaliste Robert Brasillach, en juin 1943.

Il n’en demeure pas moins que ni la Propagande, ni la solde,… ni la promesse d’une cuisine et de cuisiniers français sur le Front (!) ne parviennent à intéresser les jeunes Français : de la constitution de la LVF (juillet 1941) à sa dissolution (juillet 1944), soit en trois ans, moins de 15 000 hommes se présenteront dans les différents bureaux de recrutement,… et moins de 6 000 seront finalement retenus et incorporés.

Déjà pitoyables en soi, ces chiffres deviennent carrément catastrophiques lorsque comparés à ceux de la Légion Wallonie, qui obtiendra des résultats analogues,… mais à partir d’un bassin de population plus de 10 fois inférieur ce qui, quelque part, démontre autant la force et le pouvoir d’attraction de Léon Degrelle que la faiblesse et l’absence de charisme des Collaborationnistes français…

(1) ibid, page 351

dimanche 27 décembre 2009

- 2485 - "La guerre contre le bolchevisme donne à la France la chance inouïe de se trouver côte à côte avec ses adversaires d’hier"

… le 8 juillet 1941, la LVF est officiellement sur les rails et son comité directeur installé – admirez le symbole – dans les locaux… de l’agence de tourisme soviétique Intourist, désormais fermée !

Contrairement à celle de la Légion Wallonie, qui restera toujours sous la coupe du même Léon Degrelle, la direction de la LVF, provisoirement confiée à Eugène Deloncle, va très vite faire l’objet d’un roulement entre les chefs des différents partis collaborationnistes, qui entendent tous en tirer un surcroît de prestige et d’influence.

Dans la meilleure tradition française, ce partage continu du Pouvoir entre fortes têtes qui - et c'est un euphémisme - ne s’entendent guère va également donner naissance – et toujours à la différence de la Wallonie - à une bureaucratie pléthorique, volontiers kafkaïenne, et assurément fort coûteuse.

Pour payer la solde des futurs légionnaires,… et les salaires des chefs et du personnel administratif, on doit immédiatement, faute de financement public, recourir à des souscriptions. Or celles-ci - et c’est un autre euphémisme - ne soulèvent aucun enthousiasme, ce qui contraint donc l’ambassade d’Allemagne à éponger les dettes (1)

Mais le véritable enjeu, c’est évidemment de recruter des volontaires pour le Front de l’Est, ce qui, contrairement à ce que proclamaient les Collaborationnistes quelques jours plus tôt, est loin d’être facile.

Malgré une intense campagne de Propagande, la LVF n’attire pas les foules, et d’autant moins que, dès le départ, nombre de bureaux de recrutement sont vandalisés par des Français "ordinaires", qui sont sans doute prêts à fermer les yeux sur la présence de soldats allemands en France mais n’acceptent pas de voir d’autres Français se mettre au service de ces mêmes soldats allemands.

Comme il n’est pas question de céder au défaitisme… ni de perdre la face devant les autorités allemandes à qui l'on s’était fait fort de fournir jusqu’à 100 000 volontaires, on s’empresse d’organiser, au Vélodrome d’Hiver, une grande manifestation de soutien à la LVF


Le 18 juillet, devant une foule disciplinée et entièrement acquise à leur cause, les leaders collaborationnistes se relaient donc à la tribune pour exprimer leur confiance dans cette Légion ainsi que leur foi en l’avenir des relations franco-allemandes.

"Cette Europe que nous n’avons pas su construire dans la paix sera demain l’Europe de l’ordre dressée contre le bolchevisme et le capitalisme anglo-saxon", s’exclame ainsi Marcel Déat. "La guerre contre le bolchevisme donne à la France la chance inouïe de se trouver côte à côte avec ses adversaires d’hier. Elle n’a pas le droit de la laisser passer", renchérit Jacques Doriot.

Reste néanmoins à en convaincre les Français…

(1) En pratique, l’argent versé par l’ambassade d’Allemagne à la LVF provenait tout simplement des coffres de la Banque de France, au titre des "frais d’Occupation"

samedi 26 décembre 2009

2484 - l'union sacrée

… dès le 22 juin 1941, et face à la frilosité prévisible de Vichy, les Collaborationnistes ont imaginé la création d’une armée privée – autrement dit une "Légion" - composée de volontaires bien évidemment dévorés par le désir de combattre le "Judéo-Bolchevisme".

Début juillet, les principaux chefs collaborationnistes se sont donc rencontrés à Paris afin d’y constituer une "union sacrée" pour le moins hétéroclite puisqu’on y trouve aussi bien d’anciens gauchistes "repentis", comme Doriot et Déat, que des fascistes de la première heure, comme Eugène Deloncle (ancien de l’Action française et de la Cagoule qui, en 1940, a créé le Mouvement Social Révolutionnaire (MSR)) ou Marcel Bucard (fondateur en 1933 du Parti Franciste)

Si tout ce beau monde s’entend sur la création d’une Légion de volontaires, reste néanmoins à obtenir l’accord et l'appui non seulement de Vichy mais aussi de Berlin ce qui, dans les deux cas, ne va pas sans poser quelques difficultés.

Bien qu’anti-communiste et enclin à collaborer avec l’Allemagne nazie, le gouvernement du maréchal Pétain n’a, nous l’avons vu, aucune intention de se retrouver en guerre avec Moscou, et va donc se contenter de souligner qu’il ne saurait interdire aux Français qui le souhaiteraient de s’engager à titre privé dans cette Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme (LVF) fondée sous le couvert de la Loi de 1901… a priori bien plus destinée aux associations culturelles ou sportives qu'aux unités militaires !

C’est donc un soutien du bout des lèvres, et un soutien qui ne s’accompagne par ailleurs d’aucune promesse d’aide financière, mais du moins n’est-ce pas un refus ce qui, pour les Collaborationnistes, est évidemment l’essentiel.

L’obstacle hitlérien est tout aussi redoutable. Le Führer, mais aussi l'Allemagne en général, n’a en effet que mépris pour ces Français terrassés en seulement six semaines,... et aucune envie de partager avec quelque volontaire étranger que ce soit le privilège de parader à Moscou.

La politique ayant ses droits, Hitler finit néanmoins, tout comme dans le cas des Wallons par se ranger aux arguments d’Otto Abetz, très influant ambassadeur d’Allemagne à Paris, et autorise donc la création de cette LVF qui devra néanmoins demeurer sous contrôle allemand, et ne pourra en aucune manière aligner plus de 15 000 hommes, soit les effectifs approximatifs d’une division d’infanterie.

Pareille limitation irrite évidemment les Collaborationnistes qui, renchérissant les uns sur les autres avaient fini par promettre la mobilisation de 80 000 à 100 000 volontaires, estimation particulièrement optimiste, comme la suite des événements va bientôt le démontrer...

vendredi 25 décembre 2009

2483 - "En se jetant à la gorge du colosse russe, le Chancelier a sauvé l’Europe !"

… en France également, le déclenchement de l’Opération Barbarossa est accueilli avec des cris d’enthousiasme par les Collaborationnistes, au premier rang desquels on trouve Jacques Doriot qui, comme tant d’autres leaders de l’ultra-droite européenne, a débuté sa carrière politique à la gauche et même à l’extrême gauche de l’échiquier, puisqu’il fut chef de file des jeunesses communistes françaises, et un des membres les plus éminents du PCF avant d’en être brutalement exclu , en juin 1934.

Ulcéré, Doriot a ensuite créé son propre parti politique, le Parti Populaire Français (PPF), lequel a progressivement glissé de l’extrême-gauche à l’extrême droite à mesure que Doriot lui-même s’éloignait de Moscou pour se rapprocher de Berlin.

Condamné à vivoter dans l’ombre du Maréchal après l’armistice de 1940, Doriot va immédiatement réaliser le formidable potentiel que représente l’invasion de l’URSS pour lui-même et son parti.

En attaquant l’URSS, écrit Doriot, Hitler a fait preuve "d’une lucidité sans pareille" et a déjoué "avec une géniale rapidité dans la décision, le coup qui visait l’Europe" car, ajoute-t-il, "ce n’est pas l’Allemagne hitlérienne qui était menacée, mais toute l’Europe".

"En se jetant à la gorge du colosse russe, le Chancelier a sauvé l’Europe !" (2), renchérit Marcel Déat, concurrent direct de Doriot, et lui aussi issu de la gauche, en l’occurrence de la SFIO.

Pacifiste et neutraliste en 1939, Déat a tout fait pour empêcher la France de se ranger aux côtés de la Pologne et de déclarer la guerre à l’Allemagne ce qui, en toute logique, l’a rangé parmi les partisans de Pétain et Laval au lendemain de l’Armistice.

Mais Déat veut davantage. A la "Révolution Nationale" du Maréchal, il oppose donc une "Révolution Nationale-Socialiste" dont le nom veut tout dire et qui l’incite, en février 1941, a créer le Rassemblement National Populaire (RNP), ouvertement collaborationniste mais contraint lui aussi à faire de la figuration en raison de l’immense popularité personnelle de Pétain

Avec la moitié de son territoire national occupé par les troupes allemandes, et de nombreux ultra dans ses propres rangs, le gouvernement du dit Pétain n’a évidemment d’autre choix que de rompre ses relations diplomatiques avec Moscou, et de se débarrasser des diplomates soviétiques, contraints de quitter Vichy le 1er juillet 1941.

Pour Pétain, qui un an plus tôt avait refusé d’entrer en guerre contre l’Angleterre, il n’est cependant pas question d’aller plus loin et de déclarer la guerre à l’URSS, au grand dam des Collaborationnistes qui espéraient mieux mais ont déjà mis sur pieds une solution de rechange…

(1) Giolitto, op. cit., page 8
(2) ibid, page 9


jeudi 24 décembre 2009

2482 - Maréchal, nous voilà !

... Philippe Pétain a beau être somnolant, prendre ses ordres à Berlin, régner sur du vide et ne pas décider grand-chose, il n'en reste pas moins - et de très loin - le Français le plus populaire en cet hiver 1940-1941 où l'on manque déjà de tout.

Sa prétendue "Révolution Nationale" a beau n'être qu'un vaste fourre-tout de vieux clichés réactionnaires dépourvus de toute originalité, elle n'en demeure pas moins le seul espoir auquel les Français peuvent encore raisonnablement s'accrocher tout en y trouvant même une explication simple et lumineuse de la défaite de mai-juin 1940, dont les coupables sont évidemment les Juifs, les communistes et les francs-maçons, bref tous les membres et supporters de cette"Anti-France" dont Pétain constitue évidemment à la fois le remède et la rédemption.

Les Allemands ont beau occuper la moitié du pays et parader en grand uniforme sur les Champs-Élysées, la politique de Collaboration incarnée par le vieux maréchal semble la seule voie possible puisqu'il n'y a plus rien à attendre des Anglais, surtout depuis que ces derniers ont osé ouvrir le feu, le 3 juillet 1940, sur les navires français ancrés à Mers El-Kébir (Algérie) conformément aux conventions d'Armistice signées avec l'Allemagne.

"Une défaite suffit !", s'est contenté de dire Pétain à Laval et Darlan accourus pour lui demander de déclarer la guerre à l'Angleterre, ce qui aurait assurément ravi l'Allemagne mais désespérés les Français qui ne songent plus - au propre et au figuré - qu'à cultiver leur propre jardin en oubliant tout le reste.

Et de fait, les Français sont reconnaissants à Pétain de leur avoir épargné cette nouvelle aventure, tout comme ils lui seront reconnaissants, dans quelques mois, de se limiter à rompre les relations diplomatiques avec Moscou plutôt que de déclarer la guerre à l'URSS, mais n'anticipons pas.

Cette recherche du moindre mal et du compromis avec l'Occupant allemand est naturellement vivement dénoncée à Londres, où les opposants à Vichy et à l'Allemagne ont commencé à se rassembler autour du général De Gaulle.

Mais elle aussi dénoncée par les Collaborationnistes, c-à-d par les tenants d'un alignement, voire d'une fusion, de la France avec l'Allemagne nazie, et qui ne se satisfont pas du vague "partenariat" discuté lors de la rencontre de Pétain et d'Hitler à Montoire, le 24 octobre.

Pour autant, ni les partisans de la "France libre" ni ceux d'une "France allemande" ne peuvent grand-chose contre la légitimité du gouvernement de Vichy et la popularité de Pétain,... surtout depuis que ce dernier a eu la bonne idée de se débarrasser - provisoirement - du détesté Pierre Laval, en le limogeant le 13 décembre.

Les événements du printemps vont cependant bientôt changer la donne...

mercredi 23 décembre 2009

2481 - la Révolution Nationale

... Paris, juillet 1940

Alors que l'armée allemande parade sur les Champs Élysées, chacun se demande comment la France, qui avait résisté pendant quatre ans lors de la Première Guerre, a pu être vaincue en seulement six semaines, puis contrainte à un armistice humiliant (22 juin), qui a coupé le pays en deux avec, au Nord, une zone occupée et dirigée par les Allemands, et, au Sud, une zone dite "libre" mais démilitarisée de facto et administrée par un gouvernement techniquement "français" mais dont chacun sait qu'il prend en vérité ses ordres à Berlin.

Puisque les Allemands occupent Paris, ce gouvernement-croupion a donc été contraint de déménager ses pénates à Vichy, paisible ville thermale offrant non seulement l'avantage d'être située en zone "libre", mais aussi de disposer d'un grand nombre d'hôtels, qui ont tous été réquisitionnés pour abriter les ministres et fonctionnaires du nouveau gouvernement dirigé par le Maréchal Philippe Pétain, à qui l'Assemblée Nationale a octroyé les pleins pouvoirs (10 juillet) suite aux pressions exercées par Pierre Laval, vice-Président du Conseil et grand favori des Allemands.

La Paix est revenue mais les Français n'en ont pourtant pas fini avec les traumatismes de la guerre, que ce soit par l'étendue des dommages et des destructions, par le pillage économique que le Reich a commencé à mettre en place, par la présence des réfugiés ou,... l'absence de centaines de milliers de soldats à présent prisonniers en Allemagne

Si quelques rares Français ont décidé de poursuivre la lutte armée aux côtés des Britanniques et d'un certain général de Gaulle, l'écrasante majorité de la population a quant à elle préféré se rallier au concept bien plus pacifique de "Révolution Nationale" incarnée, quoi que de manière plutôt paradoxale, par Philippe Pétain, un ultra-conservateur de 84 ans dont les mauvaises langues affirment qu'il passe en fait plus de temps à dormir dans son luxueux bureaux de l'Hôtel du Parc qu'à "remettre la France au Travail".

Considéré du point de vue allemand, Pétain, somnolant ou non, a au moins le double avantage de ne pas poser de problèmes, et aussi de rallier (presque) tous les Français derrière lui, tout en les engageant, sans qu'ils s'en rendent compte, dans la voie d'une Collaboration de plus en plus intime avec le Reich dont lui-même espère, non sans naïveté, qu'elle finira à terme par rendre à la France la place européenne qu'elle mérite.

Cette Collaboration "feutrée" ne fait cependant pas les affaires de la droite ultra, pour sa part convaincue que seul l'engagement total et sans réserve de la France aux côtés de l'Allemagne pourrait restaurer la grandeur de celle-ci et s'attirer la sympathie des Allemands.

Ceux-là n'attendent en fait qu'une occasion favorable pour donner de la voix...

mardi 22 décembre 2009

2480 - le volontaire étranger idéal

... pour l'Allemagne nazie, Léon Degrelle fut probablement ce qui se rapprocha le plus du volontaire étranger "idéal".

Il avait certes ses défauts - mythomanie, vantardise, manque de sérieux,... - qu'Hitler et Himmler ne pouvaient qu'attribuer à son détestable patrimoine racial, bien plus latin que germanique.

Mais, de leur point de vue, : il était surtout un "meneur d'hommes" charismatique, et aussi un "homme d'action" qui, jusqu'à la fin - et même après ! - leur demeura fidèle ainsi qu'au Troisième Reich.

Degrelle était un soldat, un soldat certes "politique", et un soldat assurément engagé "du mauvais côté". Mais ce n'était pas un "criminel de guerre", comme ses détracteurs, au premier rang desquels figuraient ses propres compatriotes, tentèrent de le faire accroire après la guerre, oubliant que Degrelle, tout comme Hitler d'ailleurs, avait d'abord été le fruit de son époque ainsi qu'un représentant démocratiquement élu d'une population à ce point lassée de la Démocratie qu'elle était prête à s'offrir à un dictateur.

Au total, et en ne considérant que les véritables volontaires, les Wallons ne furent guère plus de 5 000 à endosser l'uniforme de la Wehrmacht, puis de la Waffen-SS.

C'est peu dans l'absolu, mais c'est énorme si on rapporte ce chiffre à celui de leurs homologues français qui, au même moment, et dans les mêmes conditions, empruntèrent la même route et se révélèrent par ailleurs bien moins efficaces que les Wallons dans la lutte contre le "Judeo-bolchevisme".

Sans Degrelle pour les inspirer, jamais les volontaires wallons n'auraient été aussi nombreux à défiler sous le drapeau à Croix gammée. Et sans Degrelle pour se battre à leurs côtés, jamais ils ne se seraient attirés le respect des soldats allemands et des volontaires "germaniques".

"Le nez de Cléopâtre eut-il été plus court, toute la face de la Terre aurait changé", déclara Pascal. Mais avec un Degrelle à leurs côtés, peut-être le sort des volontaires français de la LVF eut-il lui aussi été différent...

lundi 21 décembre 2009

2479 - la dernière promotion avant la faillite

... fin septembre 1944, ce soudain afflux de Wallons permet à la Brigade d'assaut SS-Wallonie d'accéder au rang de 28ème Division SS-Wallonie.

Une promotion purement théorique. D'abord parce que ses effectifs - environ 8 000 hommes - sont encore loin de correspondre à ceux d'une véritable division, et ensuite parce qu'une bonne moitié de ces hommes n'ont aucune formation militaire et doivent préalablement être entraînés.

Mais pour Degrelle du moins, le statut a toujours eu davantage d'importance que la réalité.

Alors, à la fin de l'automne, quelques éléments de cette "division SS" partent pour la Poméranie où, en compagnie de leurs compatriotes flamands de la Langemarck, également élevée au rang de "division" (et dans les mêmes conditions), ils ne cessent d'affronter les Soviétiques, lesquels progressent néanmoins inexorablement.

Début avril 1945, les volontaires wallons ont été repoussés jusqu'à l'Oder. On est désormais tout prêt de la fin, mais quelques centaines d'irréductibles continuent néanmoins de combattre.

A la fin du mois, Degrelle ordonne aux derniers survivants - 200 à 300 hommes au maximum - de déposer les armes et de se rendre aux Anglo-américains.

Condamné à mort en Belgique, Degrelle va néanmoins suivre un autre chemin. Dans des circonstances rocambolesques, il parvient à rejoindre le Danemark, puis la Norvège, où il réquisitionne un avion qui, de manière incroyable parvient à survoler la moitié de l'Europe sans être abattu, et même, rendu à court d'essence, à se poser en catastrophe en Espagne.

On se croirait dans une Aventure de Tintin et pourtant Degrelle, qui fut un ami d'Hergé et à qui il inspira dit-il le personnage du reporter en pantalon de golf, Degrelle, donc, est en vie et désormais à l'abri des autorités belges qui tenteront, mais en vain, d'en obtenir l'extradition.

Naturalisé Espagnol en 1954, il refait sa vie, se remarie, multiplie les interviews. On le voit même parfois célébrer, en grand uniforme, l'une ou l'autre cérémonie dédiée aux anciens combattants du Front de l'Est.

Il ne regrettera jamais rien, et surtout pas son engagement en faveur du Troisième Reich, et mourra à Malaga le 31 mars 1994, à l'âge de 87 ans...

dimanche 20 décembre 2009

2478 - de plus en plus nombreux, de moins en moins volontaires

... comme toutes les formations de volontaires issus de pays occupés, la Wallonie a toujours été confrontée à des problèmes de recrutement : ses effectifs n'ont jamais dépassé les deux mille hommes, avec rarement plus d'un millier engagés en même temps sur le Front.

Difficile en effet de susciter de nombreuses vocations dans des pays envahis et toujours occupés militairement par l'Allemagne, a fortiori lorsque les dits pays espèrent et s'attendent à être rapidement libérés par des armées alliés où combattent par ailleurs bon nombre de leurs propres nationaux.

Ceux néanmoins tentés par le service du Reich préfèrent de loin - et sans même parler d'un travail plus ou moins volontaire en Allemagne - s'engager dans des formations paramilitaires plus "paisibles" que les Légions ou la Waffen-SS.

Les Wallons n'y font pas exception, qui se tournent bien davantage vers la NSKK (ils seront environ 5 000 à s'y engager), la Todt ou encore les milices locales (comme les Gardes Wallonnes).

Et il faut bien le talent oratoire de Degrelle, et les récits passablement mythifiés de ses exploits, pour convaincre les jeunes Wallons de continuer à s'engager mois après mois dans une unité qui combat à des milliers de kilomètres de Liège ou d'Arlon, dans la neige et le froid, et qui perd des dizaines et même des centaines d'hommes à chaque bataille.

Ironiquement, c'est le succès du Débarquement allié, en juin 1944, et la Libération de la Belgique, à partir du mois de septembre, qui vont propulser les effectifs de la Wallonie (mais aussi d'autres formations de volontaires étrangers) à un niveau jamais vu.

En quelques jours, quand ce n'est pas en quelques heures, des centaines de Wallons, jusque-là très favorables à l'Occupant, se découvrent en effet le besoin impératif de mettre la plus grande distance possible entre eux-mêmes et leurs compatriotes, ce qui les pousse à accompagner les troupes allemandes durant leur retraite, et à échouer finalement en Allemagne... et sous l'emprise de la SS-Wallonie

Plus question cette fois de "volontariat" : dans un Troisième Reich à l'agonie, tout ce qui peut encore porter une arme finit - sous peine de mort - par se retrouver sous les drapeaux, au sein d'unités largement improvisées, où l'on jette pèle-mêle soldats et civils, vétérans et néophytes.

Ainsi en est-il de la Wallonie qui, de 1 200 hommes en juin 1944, passe à plus de 8 000 en octobre, suite à l'incorporation en son sein de plusieurs milliers de Wallons jusque-là membres de la NSKK, de la Todt ou des milices...

samedi 19 décembre 2009

2477 - l'heure de gloire

… A la fin février 1944, Léon Degrelle, auréolé de ses exploits en Ukraine, est de retour en Belgique pour y recevoir ses lauriers… et lancer par-là même une nouvelle campagne de recrutement pour une SS-Wallonie qui vient de perdre les 2/3 de ses effectifs !

Après des meetings à Bruxelles, Charleroi, Liège et Paris, où il est à chaque fois accueilli par des foules par avance acquises à sa cause, Degrelle reçoit, le 1er avril, l’autorisation de faire défiler les volontaires wallons – du moins les survivants – eux aussi rapatriés du Front de l’Est.


Grâce à des véhicules aimablement prêtés par la SS Hitlerjugend, les Wallons paradent donc à Charleroi, puis montent sur Bruxelles, toujours filmés par des cameramen de la Propagande allemande à ce point doués qu’ils parviennent à donner l’illusion de milliers de héros acclamés à tout rompre par des dizaines si pas des centaines de milliers de Belges enthousiastes.

Degrelle lui-même n’est évidemment pas en reste, qui se fait photographier partout, y compris en compagnie de ses propres enfants singeant le salut nazi.

Plus tard, dans ses mémoires, il fera même de cet événement un compte-rendu digne d’un Napoléon s’en revenant victorieux d’Austerlitz !

Qu’importe : l’essentiel est d’attirer de nouveaux volontaires, ce qui est d’autant plus difficile qu'en Belgique chacun sait le Débarquement allié imminent.

A l’été 1944, alors que les dits Alliés ont débarqué en Normandie et s’apprêtent à libérer la Belgique, Degrelle et ses Wallons sont de retour sur le Front de l’Est et se battent en Estonie, puis en Courlande, à nouveau courageusement, et avec de lourdes pertes, mais à nouveau en vain.

Le 25 août, Degrelle, exfiltré de Courlande, est à nouveau décoré par Hitler. De cette troisième – et dernière – rencontre, dont il gardera un souvenir encore plus ému, et plus dithyrambique, que les précédentes, naîtra la célèbre phrase : "Si j'avais eu un fils, j'aurais aimé qu'il fût comme vous", qu'il prêtera au Führer, mais qui est plus que probablement apocryphe.

A la fin de l’année, la Belgique est libérée et Degrelle, qui vient d’être nommé Volksführer der Wallonen (23 novembre), est condamné à mort par un tribunal de Bruxelles (29 décembre), ce qui, contrairement à ce que l’on serait tenté d’imaginer, va lui permettre de porter les effectifs de la Wallonie à un niveau jamais vu..

vendredi 18 décembre 2009

2476 - saisir l'occasion

… bien qu’appartenant désormais à la grande famille SS, la Wallonie et Léon Degrelle lui-même souffrent toujours d’un sérieux déficit de crédibilité.

On ne reproche certes pas aux volontaires wallons de manquer de courage, ni à Degrelle de manquer d’énergie – dans son cas, ce serait plutôt le contraire ! - mais plutôt de ne pas faire preuve du sérieux et de la rigueur nécessaires, soit des qualités que seuls posséderaient les véritables "Germaniques".

A l’automne 1943, la "Brigade d’assaut Wallonie", complètement rééquipée, est néanmoins expédiée en Ukraine, où elle va combattre aux côtés de cette authentique unité germanique que constitue la division SS-Wiking.

Lucien Lippert, qui commande cette unité depuis avril 1942 – un record ! – ne souhaite pas engager les volontaires wallons dans une action offensive, au grand dam de Degrelle (désormais officiel commandant en second), lequel a au contraire besoin d’un coup d’éclat pour asseoir sa position… et ses prétentions.

Comme toujours, c’est Degrelle qui finit par triompher : à la mi-janvier 1944, lors de la Bataille de Tcherkassy, par un froid glacial et sous plus de 50 cm de neige, les volontaires wallons réussissent à s’emparer, dans la forêt de Teklino, des positions tenues par les Soviétiques et contre lesquels butaient jusque-là les hommes de la Wiking.

Une victoire coûteuse et sans lendemain, mais qui force d’autant plus le respect des "Germaniques" que, quelques jours plus tard, c’est la Wiking… et la Wallonie qui ont la lourde tâche de couvrir la retraite des troupes allemandes, lesquelles tentent de se soustraire à l’encerclement des Soviétiques autour de Korsun (24 janvier au 16 février 1944)

Brillamment exécuté par Erich von Manstein, ce "repli stratégique" coûte la vie à Lucien Lippert (tué le 13 février par un sniper soviétique) et à plus d’un millier de volontaires wallons : à la fin février, seuls 600 hommes sont encore en état de combattre, parmi lesquels on trouve un Léon Degrelle qui, bien que blessé, parvient une fois de plus à s’en sortir et même à se voir décerner la Croix de Chevalier des mains du Führer en personne !

Pour Degrelle, qui n’avait plus revu Hitler depuis septembre 1936, le succès est total et (sur) exploité aussi bien par la propagande allemande que par lui-même, qui donnera de cette rencontre du 20 février 1944 un souvenir aussi lyrique que largement exagéré.

Qu’importent la mort de Lippert et celle de centaines de volontaires wallons; qu’importe le fait qu’un "repli stratégique", aussi brillamment exécuté soit-il, ne dissimule en réalité rien d’autre qu’une défaite : le Reich assiégé a plus que jamais besoin de héros, et la Propagande est là pour en faire des légendes.

Pour Degrelle, voici donc venue l’heure du triomphe…

jeudi 17 décembre 2009

2475 - "Degrelle, tout le monde veut le voir ! C’est sans doute le sous-officier le plus célèbre de notre armée !"

"le parti [national-socialiste] est Hitler et Hitler est l’Allemagne !", avait l’habitude de scander Rudolf Hess.

Léon Degrelle n’est pas la Belgique, ni même la Wallonie, mais Rex et la Légion Wallonie, devenue Brigade d’Assaut SS-Wallonie, sont bel et bien Degrelle, et s’effacent totalement derrière lui, comme si les militants du parti et les volontaires de cette unité n’étaient en vérité que simples accessoires de la pièce dans laquelle il joue.

Au fil des mois, malgré ses défauts – arrivisme, mythomanie, mégalomanie... pour n'en citer que quelques-uns – ou peut-être à cause de ses défauts, Degrelle est devenu l’archétype du volontaire étranger, celui qui s’identifie tellement au Troisième Reich qu’on en fait un modèle dont la photo trône dans les journaux et à la première page de Signal, et quasiment une légende dont la réputation ne cesse de croître et circule dans les endroits où lui-même n’a jamais été.

"Degrelle, tout le monde veut le voir ! C’est sans doute le sous-officier le plus célèbre de notre armée. Mais il est au Front, vous savez, et ça chauffe là-haut !". Cette phrase, que Jonathan Littell prête à un officier allemand dans son roman "Les Bienveillantes", cette phrase résume à elle seule toute la singularité de Degrelle.

Dans ce roman, le SS Max Aue était spécialement venu voir Degrelle, que lui avait chaudement recommandé son ami Brasillach. Et de fait, le véritable écrivain et collaborationniste Robert Brasillach avait bel et bien rencontré Léon Degrelle en 1936, et avait à ce point été fasciné par le personnage qu’il lui avait aussitôt consacré un livre (1)

"Je ne crois pas", écrit Brasillach dans le "Je suis Partout" du 20 juin 1936, "Je ne crois pas qu'il y ait de grands chefs sans une sorte d'animalité assez puissante, de rayonnement physique. J'ignore si Léon Degrelle a d'autres qualités: il a d'abord celles-là".

Et Brasillach n’avait pas été le seul à succomber à "l’animalité" de ce Degrelle qui cultive l’étrange paradoxe d’être à la fois un politicien et un homme d’action, aussi à l’aise dans les salons que sur les champs de bataille.

Simple soldat au départ de la Légion Wallonie, en août 1941, il est promu adjudant en février 1942, lieutenant en mai, capitaine en janvier 1944 et commandant en avril de la même année.

Il finira colonel un an plus tard, mais on aurait tort de ne voir dans cette ascension météorique que le seul effet du copinage et de la politique car Degrelle, à la différence de tant de leaders collaborationnistes, paie réellement de sa personne, se bat au Front, dans la neige, la boue et le froid, et est blessé à plusieurs reprises.

(1) Léon Degrelle et l'avenir de « Rex », Plon, 1936

mercredi 16 décembre 2009

2474 - le transfert à la SS

… Degrelle y pensait depuis longtemps, mais sa rencontre avec Felix Steiner et la SS-Wiking, en septembre 1942, l’a définitivement convaincu de demander le transfert de la Légion Wallonie à la Waffen-SS, ce qui permettrait à cette dernière de participer enfin aux actions offensives synonymes de Gloire et, par extension, de Pouvoir.

Reste un problème de taille : même si elle s’est ouverte aux étrangers depuis l’automne 1940, la Waffen-SS n’admet dans ses rangs que des "Germaniques",… ce que les Wallons ne sont pas, à moins d’un considérable effort d’imagination.

Cet effort, Degrelle va l’imposer à Victor Mathys, chef suppléant de Rex qui, le 25 octobre, proclame fièrement la "germanité" des Wallons, initiative néanmoins sans conséquence et qui n'engage que lui puisque le véritable accord ne peut provenir que d’Heinrich Himmler, lequel est loin d’y être favorable, non seulement parce que la SS se veut une "élite raciale", mais aussi pour éviter d’éventuels conflits avec les SS flamands, quant à eux authentiquement "germaniques".

Si Degrelle, de passage à Berlin, fait quelque peu avancer son projet fin décembre, en réussissant à rencontrer quelques proches collaborateurs de Himmler, la porte du chef suprême de la SS lui demeure inaccessible.

Pourtant, le 23 mai 1943, cette porte s’ouvre enfin non seulement sur Himmler mais aussi sur un accord qui, le 1er juin 1943 fait de la Légion Wallonie la nouvelle SS-Freiwillingen-Brigade Wallonien, laquelle devient même SS-Sturmbrigade Wallonien (Brigade SS d’assaut Wallonie) le 3 juillet suivant.

Que s’est-il donc passé ?

Fondamentalement, et n'en déplaise aux fanfaronnades de Degrelle qui va s'en attribuer tout le mérite, ce ne sont ni ses efforts ni le soutien amical de Steiner, mais tout simplement le désastre de Stalingrad (où la 6ème Armée allemande s’est rendue le 2 février), ainsi que l’ampleur dramatique des pertes au sein de la SS elle-même, qui expliquent le revirement du Reichsführer-SS

Dans une Allemagne désormais sur la défensive, et bientôt harcelée sur deux Fronts, même l'arrogante Waffen-SS ne peut plus se permettre de faire la fine bouche... et l'impasse sur les bonnes volontés - de plus en plus rares - qui se présentent encore.

Et après tout, comment refuser aux Wallons d’intégrer la Waffen-SS quand Himmler lui-même, faisant fi de tous ses idéaux raciaux a proposé, fin 1942, la création d’une SS… musulmane (la SS-Handschar), qu’Hitler - qui lui non plus n’est plus à un paradoxe-près – a finalement accepté, le 10 février 1943…