samedi 31 octobre 2009

2428 - du bon et du moins bon

... qu'elle se soit ou non avérée comme "la plus grande de l'Histoire", la Bataille de Koursk est effectivement une bataille où les divisions blindées ont joué le rôle sinon exclusif, du moins principal.

Face aux T-34 soviétiques, les Panzers III et IV ont une fois de plus avoué leurs limites. Même si la production du second se poursuivra, faute de réelle alternative, jusqu'à la fin de la guerre, il est clair que ceux-ci ne sont plus depuis longtemps dans la course et sont même devenus autant de pièges mortels maintenant que les Russes ont appris à utiliser leurs propres blindés avec méthode et efficacité.

A contrario, le Tiger, utilisé pour la première fois en grand nombre, s'est avéré une bonne surprise. Malgré ses nombreux défauts - qui ne seront du reste jamais résolus, ce char lourd au blindage épais et au puissant canon de 88mm, s'est montré en mesure de faire la différence dans les moments décisifs.

Hélas pour elle, la Wehrmacht n'a pas été et ne sera jamais capable de le produire en quantités suffisantes.

Le bilan global du Ferdinand est franchement défavorable. En tant que "casseur de chars", et avec un kill-ratio de 10 pour 1, l’engin fait assurément le poids – dans tous les sens du terme ! – et son blindage (qui n’a été transpercé que dans 3 cas sur les 90 exemplaires engagés à Koursk) confère une excellente protection à l'équipage.

En revanche, les roulements demeurent vulnérables aux mines et aux obus, tandis que la mécanique, dans son ensemble, ne supporte pas un usage intensif ou simplement prolongé.

Tout est bien sûr réparable, mais en cas d’offensive ennemie, et comme il n’existe aucun moyen de remorquer la bête hors de la zone des combats, la moindre panne contraint l’équipage à abandonner le véhicule sur place. Près de la moitié des Ferdinand engagés à Koursk a ainsi fini entre les mains des Soviétiques.

La plus grande désillusion est cependant venue du Panther, dont la Wehrmacht – et Hitler lui-même – attendait pourtant un miracle. La conception de l’engin n’est pas en cause, mais il est clair qu’un gros effort de fiabilisation s’impose avant qu’il devienne une machine efficace au combat,... et tout aussi clair qu’il n’aurait jamais dû effectuer ses débuts sur un champ de bataille aussi exigeant que Koursk.

Ses opérations ne furent en effet qu’une interminable litanie d’incidents mécaniques divers, entrecoupés de temps à autres par quelques brèves passes d’armes qui donnèrent au moins quelque espoir aux équipages.

Sur les quelque deux cents exemplaires expédiés à Koursk, deux avaient déjà brûlé de fond en comble rien qu’en descendant du train (!) et les neuf Panther qui survécurent aux combats dans le saillant furent aussitôt renvoyés en usine pour y être reconstruits….

vendredi 30 octobre 2009

2427 - par delà la légende...

... l'échec de Citadelle, c'est d'abord la fin des espoirs hitlériens de réussir un "grand coup" à l'Est, et de contraindre l'adversaire soviétique à négocier une paix séparée.

Après Koursk, le regard du Führer se portera vers les côtes de France, où un échec, si possible sanglant, du Débarquement des Anglo-Américains pourrait - peut-être - convaincre ces derniers de se présenter à leur tour à la table des négociations.

Mais Koursk, par delà sa légende de "plus grande bataille de tanks de l'Histoire" est d'abord et avant l'échec d'une conception idéologique par trop centrée sur la supériorité du combattant individuel, de sa "Volonté", de son commandement et de son équipement, sur la Loi du plus grand nombre.

En 1941, et même en 1942, fantassins, tankistes et aviateurs allemands étaient en mesure, malgré leur constante infériorité numérique, de conquérir de vastes territoires, simplement en infligeant à l'ennemi davantage de pertes qu'ils n'en subissaient eux-mêmes.

Mais à Koursk, cet écart, bien que toujours favorable à la Croix gammée, s'est hélas réduit à un tel point que la conquête, et même la victoire, est devenue impossible.

Sur le plan tactique, l'État-major soviétique est désormais en mesure de monter des offensives, et même de vastes offensives, en se basant sur autre chose que la force brute d'un capital humain pour ainsi dire envoyé à l'abattoir.

A contrario, du côté allemand, chacun se réfugie de plus en plus dans le déni de la Réalité et derrière les "ordres personnels du Führer", quand bien-même chacun sait que ces ordres ne peuvent conduire qu'à la défaite.

Même un esprit aussi brillant que Manstein n'y fait pas exception qui, après avoir conçu les plans de l'Offensive allemande sur Koursk, et avoir lui-même convenu qu'elle ne serait réalisable qu'à la condition d'être menée avant la mi-mai, a finalement accepté qu'elle ne soit lancée qu'au mois de juillet, et s'y est ensuite accroché comme un noyé à une bouée quand bien même les renseignements obtenus démontraient-ils qu'elle allait s'enferrer dans des lignes de défense soviétiques dont le nombre et l'importance croissaient d'heure en heure...

jeudi 29 octobre 2009

2426 - la foire aux Panzers

... la fin officielle de l'Opération Citadelle ne signifie évidemment pas l'arrêt des combats qui, pendant plusieurs semaines, vont se poursuivre dans puis autour du saillant de Koursk.

Au Nord, Orel est libérée le 5 août, soit un mois jour pour jour après le début de l'offensive de Model sur Koursk. Un mois plus tard, c'est au tour de Bryansk (17 septembre), puis Smolensk (25 septembre)

Au Sud, où l'Armée rouge a bien plus souffert du fait des Panzers de Manstein, il faut attendre le 3 août avant de voir les T-34 passer à leur tour à l'offensive.

Belgorod tombe le 5 août, mais il faudra aux Soviétiques douze jours de combats acharnés pour reprendre enfin Kharkov (23 août) que Manstein leur avait lui-même repris en mars.

A la fin août, la Wehrmacht, qui retraite néanmoins en bon ordre, n'a plus d'autre choix que de se retrancher derrière le Dniepr, où elle va résister pendant les quatre prochains mois.

Victorieux lors de ce que les historiens appelleront "la plus grande bataille de tanks de l'Histoire", les Soviétiques ont à présent le temps de souffler un peu... et d'examiner de plus près l'incroyable capharnaüm que les Allemands ont été contraints d'abandonner derrière eux faute de pouvoir l'emporter dans leur retraite.

Un peu partout, et pour la plus grande joie des officiers de renseignement mais aussi des simples civils, l'Armée rouge se fait en effet un devoir d'organiser des expositions de matériels allemands capturés, où le plus banal des Sturmgeschutz côtoie l'impressionnant Tiger, le monstrueux Ferdinand, ou encore le tout nouveau Panther avec lequel Hitler espérait bien renverser le cours des événements à l'Est.

Et à l'Est, justement, le Panther, mais aussi la Wehrmacht dans son ensemble, n'a pas encore dit son dernier mot.

Mais ceci est une autre histoire...

mercredi 28 octobre 2009

2425 - à la Pyrrhus

... à Prokhorovka, les Panzers et les fantassins de Manstein ont remporté une nouvelle victoire, qui leur a permis d'infliger une fois de plus aux Soviétiques bien plus de pertes qu'ils n'en ont eux-mêmes subi.

Mais c'est aussi une nouvelle victoire à la Pyrrhus, qui les laisse presque complètement exsangue alors que leurs adversaires, eux, disposent encore de réserves, et même de réserves si importantes qu'elles leur permettent, le même jour, de lancer une offensive aussi soudaine qu'imprévue sur le côté Nord du saillant, où les troupes de Model piétinent depuis maintenant une semaine !

Préparée de longue date, cette "Opération Kutuzov", lancée en direction d'Orel, prend la Wehrmacht complètement au dépourvu.

De fait, dés le lendemain, et alors que la fumée des tanks détruits continue d'obscurcir le ciel de Prokhorovka, Manstein est convoqué au Wolfschantze de Rastenburg, pour y apprendre de la bouche-même d'Hitler l'arrêt de l'Opération Citadelle.

D'un point de vue militaire, la décision du Führer est parfaitement logique. En une semaine de combats acharnés, la Wehrmacht n'est en effet parvenue à remplir aucun des objectifs qui lui avaient été assignés, et a de surcroît subi des pertes colossales.

La nécessité d'expédier troupes et matériels en Italie, pour contrer le débarquement anglo-américain en Sicile, et celle de constituer une ligne de défense pour affronter l'offensive soviétique déclenchée contre Orel, signifient l'arrêt de mort d'une Opération Citadelle à laquelle le Führer a cessé de croire mais qui constituait aussi son ultime espoir de réussir un "grand coup" et d'arracher une paix séparée à l'Est.

Manstein, en irréductible optimiste, croit pourtant encore en la victoire et obtient - provisoirement - l'autorisation de poursuivre l'offensive au sud du saillant.

Mais le 16 juillet, l'affaire est définitivement enterrée, et les Panzers contraints de battre en retraite jusqu'à leur ligne de départ du 5 juillet, non sans avoir dû abandonner derrière eux leurs congénères - et en particulier les Ferdinand - impossibles à remorquer ou à réparer à brève échéance...

mardi 27 octobre 2009

2424 - l'enfer de Prokhorovka

... "les décharges des canons emplissent le ciel d'un grondement immense et ininterrompu de tonnerre", écrira le général Romistrov.

"Les blindés soviétiques se précipitent à toute allure sur les avant-gardes allemandes et enfoncent leur rideau protecteur.

Les T-34 attaquent de près les Tiger, dont l'armement formidable et la cuirasse épaisse ne présentent plus d'avantage dans un combat rapproché.

Les chars des deux camps sont en étroit contact. Ils n'ont ni l'espace ni le temps de se détacher de l'adversaire pour reprendre leur formation de de combat et pour pouvoir manœuvrer.

A de si courtes distances, les obus transpercent toutes les cuirasses aussi bien frontales que latérales. L'épaisseur du blindage ne joue aucun rôle décisif, pas plus que la longueur du tube du canon. Les munitions et les réservoirs de carburant explosent souvent, projetant à une douzaine de mètres la tourelle qu'arrache la déflagration.

En même temps, des combats aériens acharnés se livrent au dessus du champ de bataille. Aviateurs soviétiques et allemands veulent secourir leurs troupes terrestres, faire pencher la balance en leur faveur. Bombardiers, chasseurs et avions d'assaut semblent ne devoir jamais quitter le ciel de Prokhorovka.

Les duels s'y succèdent sans interruption. L'épaisse fumée des chars incendiés recouvre bientôt tout le firmament. Sur une terre noire et calcinée, on les voit partout flamber comme des torches. Il est difficile de distinguer qui est l'assaillant et qui résiste..." (1)

(1) Fana de l'Aviation, HS 37, page 37

lundi 26 octobre 2009

2423 - quand le vin est tiré

... pour Manstein, l'annonce du débarquement anglo-américain en Sicile tombe assurément fort mal.

Si, dans l'immédiat, cela ne change rien à sa situation personnelle ni aux (faibles) moyens dont il dispose pour lancer son attaque sur Prokhorovka, il est néanmoins certain que le dit débarquement va, à plus ou moins brève échéance, ponctionner dangereusement les ressources déjà insuffisantes de la Werhrmacht à l'Est.

Il va aussi, et peut-être surtout, distraire l'attention d'un Hitler dont le dilettantisme stratégique n'est plus à démontrer et qui, faute d'obtenir à Koursk la victoire rapide sur laquelle il comptait, est déjà prêt à passer à autre chose.

Mais quand le vin est tiré, il faut le boire. Alors, débarquement ou non, épuisement des troupes et insuffisance des moyens ou pas, les Panzers repartent à l'assaut au petit matin du 12 juillet, dans ce qui va probablement constituer le plus grand affrontement de tanks de l'Histoire

Comme les jours précédents, les formations blindées des uns et des autres sont d'autre part survolées et soutenues par leur aviation respective, qui canonne et bombarde tout ce qui passe à portée.

Très vite, cet affrontement dégénère en une mêlée titanesque et extraordinairement confuse, où les tanks soviétiques, surclassés en matière d'armements, cherchent à tout prix le contact frontal alors que les allemands, eux, s'efforcent désespérément de les tenir à distance

Sur ce Front de quelques kilomètres carrés, les carcasses éventrées de dizaines, puis de centaines de tanks se mettent bientôt à joncher la plaine.

La contre-attaque des Soviétiques est brisée. Mais malgré les pertes énormes dans leurs propres rangs (400 chars et 6 000 hommes contre une centaine de chars et un millier de soldats côté allemand), les Soviétiques disposent encore de réserves importantes alors que les Allemands, eux, sont bel et bien au bout du rouleau...

dimanche 25 octobre 2009

2422 - défense sicilienne

... le 10 juillet, à des milliers de kilomètres de Koursk et de Prokhorovka, 160 000 Anglo-Américains débarquent en Sicile, dans le cadre de l'Opération Husky.

Pour Hitler, et pour l'État-major allemand en général, il est clair que ce débarquement , qui tombe par ailleurs au plus mauvais moment et en plein milieu de l'Opération Citadelle, il est clair que ce débarquement préfigure celui de la Péninsule italienne dans son ensemble.

Et il est tout aussi clair que l'armée italienne, compte tenu de ses piètres performances des années précédentes (1) s'avérera incapable d'y faire face à elle seule...

Pour éviter l'ouverture à l'Ouest d'un "Second Front" terrestre, ou du moins en minimiser les conséquences, il importe donc d'envoyer de toute urgence en Italie des renforts de troupes, mais aussi de fantassins et de blindés,... ne serait-ce que pour réveiller les ardeurs belliqueuses d'un Mussolini dont Hitler lui-même commence sérieusement à se méfier et à douter de sa foi en la victoire finale.

Mais faute de réserves opérationnelles, la seule manière d'y arriver consiste une fois de plus à les prélever ailleurs, c-à-d en l'occurrence sur le Front de l'Est,... où leur nombre est déjà dramatiquement insuffisant.

Concrètement, la SS Leibstandarte va ainsi quitter le Front de l'Est, en abandonnant tout son matériel derrière elle, tandis que la Luftwaffe, pourtant exsangue, n'aura d'autre choix que de jouer une fois de plus au "pompier volant", en dépêchant en catastrophe sur le théâtre méditerranéen des appareils et des pilotes qui manqueront cruellement à l'Est (2) lorsque se déclenchera, dans quelques jours, la contre-offensive soviétique

(1) Saviez-vous que... Forza Italia
(2) avant-même le débarquement de Sicile, le Front de l'Est ne représentait déjà plus que 40 % des effectifs totaux de la Luftwaffe, et moins de 30 % de ses chasseurs

samedi 24 octobre 2009

2421 - l'éternel optimiste

... pour Manstein, ni l'ampleur des pertes ni la faiblesse des résultats obtenus sur le terrain ne peuvent justifier de changer de cheval au milieu du gué.

Éternel optimiste, le feld-maréchal demeure convaincu que les forces russes s'épuisent plus rapidement que les siennes, et qu'un ultime effort de la Wehrmacht et de ses Panzers permettrait enfin de percer les lignes soviétiques et de prendre leurs défenseurs au piège.

Une occasion favorable se présente justement le 11 juillet prés de la petite ville de Prokhorovka, dont la gare, élément vital dans le dispositif d'approvisionnement soviétique, est à présent directement menacées par les divisions blindées SS "Leibstandarte", "Das Reich" et "Totenkopf".

En réunissant tous les moyens dont il dispose encore dans ce secteur, Manstein est en mesure de lancer quelque 300 tanks dans la bataille, mais seulement quelques dizaines de Tiger.

Malgré leurs nombreux défauts (lenteur, poids excessif,...), ces chars lourds représentent ses meilleurs atouts face aux Soviétiques, lesquels, une fois de plus, vont jouir d'une confortable supériorité numérique, puisque disposant d'environ 400 T-34 ainsi que de quelques dizaines de KV-1, SU-76, SU-122 et même Churchill britanniques.

L'affaire, on le voit, s'annonce aussi difficile que les jours précédents, surtout si l'on considère que la Luftwaffe, dont l'appui tactique s'est souvent avéré déterminant, alignera elle aussi bien moins d'appareils que les VVS soviétiques.

Mais sur ces entrefaites, un événement imprévu, et aux conséquences potentiellement catastrophiques, vient de se produire...

vendredi 23 octobre 2009

2420 - l'hémorragie

... revenons à présent sur Terre, et plus précisément au Sud du saillant, où Panzers et fantassins allemands, confrontés à une résistance soviétique toujours aussi acharnée, progressent de plus en plus lentement.

Disposant de moins de blindés que l'Armée rouge, la Wehrmacht s'efforce naturellement de profiter au mieux de leur supériorité en matière d'armements.

Les 88mm des Tiger et Ferdinand, ou les 75mm des Panther, ont en effet une portée utile supérieure à celle des 76mm montés sur les T-34, ce qui, en théorie, leur permet de détruire les tanks russes avant que ceux-ci ne soient en mesure de leur rendre la pareille, et d'autant plus qu'ils disposent également - surtout pour les deux premiers - d'un meilleur blindage.

En plaine, les formations blindés allemandes s'efforcent donc d'avancer en triangle, avec les Tiger et Ferdinand en tête, et les Panther et Panzer III ou IV sur les flancs.

Mais le problème, c'est que leurs adversaires actuels sont bien moins naïfs et beaucoup mieux commandés qu'en 1941.

En plus des mines, ils ont souvent enterré leurs tanks et installé une invraisemblable quantité de canons antichars qui, s'ils ne détruisent pas systématiquement les blindés de tête, sont néanmoins en mesure de les endommager ou de les mettre hors de combat pour un temps plus ou moins long, laissant ainsi aux T-34, à la fois plus agiles et plus rapides, la possibilité d'attaquer les flancs moins protégés des unités allemandes.

Ce harcèlement constant a pour effet d'entamer sérieusement le potentiel offensif de la Wehrmacht, qui, le 11 juillet, n'a guère avancé que d'une quarantaine de kilomètres (!).

Ainsi, sur les quelque 90 Ferdinand engagés, près de 40 sont déjà hors de combat, et tous, sauf 3, suite à des explosions de mines, des tirs dans les roulements ou, tout bonnement, des bris mécaniques difficilement réparables dans l'immédiat puisque, comme nous l'avons vu, le poids démesuré de ces engins interdit tout remorquage.

La situation est encore plus dramatique pour les nouveaux chars Panther : sur les 184 qui se sont finalement lancés à l'assaut des positions soviétiques au matin du 5 juillet, seuls 40 sont encore opérationnels deux jours plus tard. Le 10 juillet, ils ne sont plus qu'une dizaine...

jeudi 22 octobre 2009

2419 - un affrontement à l'usure

... les exploits des Panzerknacker ne doivent cependant pas faire illusion : à Koursk, la Luftwaffe s'achemine, à l'instar de toute l'armée allemande, vers une lente mais inexorable défaite par asphyxie.

De 4 200 dans la journée du 5 juillet 1943, le nombre de sorties de ses pilotes va rapidement passer à 2 100 le 6, 1 200 le 7 et... 350 le 9 juillet alors que, parallèlement, celui des pilotes soviétiques ne fait que croître, passant d'environ 1 100 au 8 juillet à 7 600 quatre jours plus tard (!)

Plus encore que Stalingrad, Koursk va bien vite symboliser l'irrémédiable faillite d'une conception doctrinale basée sur la supériorité du combattant individuel et de ses armes : comme 1941, comme en 1942, la Lufwaffe continue certes de détruire davantage d'avions ennemis qu'elle n'en perd elle-même, mais cette différence (566 avions contre 487, du 5 au 8 juillet 1943) est à présent bien trop faible pour la sauver du désastre.

En matière d'avions, aussi de blindés, de canons ou de fantassins, les Soviétiques, possèdent en effet des réserves sinon infinies, du moins importantes et surtout rapidement mobilisables alors que les Allemands, eux, ont jeté dès le premier jour dans la bataille quasiment tout ce dont ils disposaient sur le Front de l'Est.

Dès le 6 juillet, les IL-2 "Shtourmoviks" commencent donc à saturer le ciel et à bombarder et canonner impitoyablement tous les véhicules allemands qu'ils rencontrent.

Pire encore : en lançant à la mi-juillet - mais n'anticipons pas - une vaste contre-offensive tant au Nord qu'au Sud du saillant, les Soviétiques vont bien vite obliger les Allemands à disperser les moyens aériens dont ils disposent encore.

A la fin juillet, les effectifs auront ainsi fondu de 1 800 à quelque 1 200 avions, cette fois entre trois grands groupements (Orel, Bielgorod et Stalino) d'importance égale mais désormais totalement incapables de ravir la maîtrise du Ciel à une Aviation soviétique au sommet de sa puissance et qui ne s'arrêtera plus qu'à Berlin...

mercredi 21 octobre 2009

2418 - comme une nouvelle discipline olympique

... à Koursk, une nouvelle discipline olympique est en train de naître, celle de Panzerknacker, ou "casseur de chars".

La médaille d'or dans cette spécialité ô combien périlleuse est un jeune Hauptmann qui vient tout juste de fêter son 27ème anniversaire : Hans-Ulrich Rudel.

Nazi convaincu, sportif émérite et alpiniste chevronné, Rudel va mettre au point une technique très particulière et destinée à optimiser les capacités de son vénérable Junkers 87 "Stuka", que le montage d'un canon de 37mm sous chaque aile a rendu encore plus lent et vulnérable qu'à l'habitude.

Il s'agit, pour l'essentiel, de frapper les tanks soviétiques dans le dos, là où leur blindage est le plus faible, et où les obus de 37mm avaient le moins de chances de ricocher.

"En voyant défiler sous mes ailes ces énormes masses de chars, je me souviens de mon avion-canon que j'ai eu la bonne idée d'emmener lorsque nous avons quitté la Crimée.

(...) La DCA au dessus des détachements russes est, certes, d'une intensité terrifiante, mais comme l'espace entre leurs ligne et les nôtres dépasse rarement 1 500 à 1 800 mètres (...) j'aurai probablement le temps de ramener mon zinc jusqu'à nos positions et de me poser comme je pourrai.

(...) Je m'envole donc, un matin, avec mon avion-canon, escorté par tous les appareils de la première escadrille. Mon succès dépasse tous mes espoirs les plus extravagants. Dès ma première passe, quatre chars russes sautent sous les obus bien ajustés de mes canons (1) Le soir, je puis en inscrire 12 à mon tableau de chasse. J'exulte". (2)

Hans-Ulrich Rudel terminera la guerre en ayant personnellement détruit 519 tanks (!), un millier de véhicules, 70 péniches de débarquement, une demi-douzaine d'avions, un cuirassé, deux croiseurs et un destroyer, soit un palmarès sans équivalent dans le monde, et obtenu pour l'essentiel à bord d'un avion déjà démodé en 1940.

Lui-même abattu une trentaine de fois (!), et blessé à de multiples reprises, il sera amputé d'une jambe en février 1945, ce qui ne l'empêchera pas de retourner au combat six semaines plus tard...

(1) un résultat exceptionnel si l'on considère que chacun des deux canons est alimenté par un chargeur de 6 obus seulement
(2) Fana de l'Aviation, HS 37, page 38

mardi 20 octobre 2009

2417 - la Luftwaffe en vedette

... pour la Luftwaffe, l'Opération Citadelle a assurément bien commencé.

Après avoir échappé de fort peu à une attaque-surprise des VVS (1) qui aurait pu leur coûter très cher, les pilotes allemands se sont brillamment ressaisis et ont rapidement conquis la maîtrise du Ciel au dessus des vastes plaines de la région de Koursk

Alors que les Russes semblent avoir bien du mal à se remettre de leur échec de la matinée, les Allemands, eux, multiplient les attaques, effectuant 4 300 sorties (2) pour la seule journée du 5 juillet.

L'essentiel de l'effort aérien - 2 800 sorties - est dirigé sur le Front Nord du saillant où, comme nous l'avons vu, la progression des troupes et des blindés est loin de correspondre aux attentes de l'État-major.

Toute la journée, Focke-Wulf, Henschel, Heinkel et autres Junkers, vont ainsi se livrer à une véritable orgie de T-34, bombardant et canonnant sans relâche... mais sans parvenir pour autant à briser la résistance des Soviétiques.

Même l'emploi massif de bombes à fragmentation particulièrement meurtrières ne change pas la donne : les fantassins ennemis préférant mourir sur place ou se contentant, dans le meilleur des cas, de se replier tranquillement sur de nouvelles positions défensives tout aussi bien préparées, et érigées seulement quelques centaines de mètres plus loin.

Au Sud, les Henschel 129 veillent tout aussi jalousement sur la progression des Panzers de Manstein, brisant dans l'oeuf toute contre-attaque des blindés soviétiques, ce qui pourrait s'avérer décisif si les dits blindés ne continuaient pas à surgir inlassablement, vague après vague, au point que pilotes allemands ou roumains commencent à se demander s'ils auront assez d'avions, de munitions et d'essence pour en venir à bout...

(1) abréviation de "Voenno-Vozdushnye Sily" ou "forces aériennes militaires"
(2) une "sortie" correspond à un mouvement de décollage-vol-atterrissage d'un avion de combat. Un même avion peut naturellement effectuer plusieurs "sorties" dans la même journée.

lundi 19 octobre 2009

2416 - difficile progression au Sud

... Au Sud, Manstein a ordonné de percer dans deux directions différentes.

La branche principale de l’attaque, où figurent les Panzers du célèbre général Hermann Hoth (1) visera la ville d’Oboyan et remontera vers le Nord, mais restera constamment flanquée, à sa droite et de l’autre côté du Donets, par le détachement d'armée du général Werner Kempf

A l’aube du 5 juillet, tout ce petit monde se met en route mais ne tarde pas, lui aussi, à buter sur les champs de mines,... ainsi que sur la résistance acharnée des Soviétiques.

Contrairement à ce qui se passe au même moment au Nord du saillant, les troupes progressent néanmoins à travers la plaine. La progression est certes plus lente et plus difficile qu’anticipé, mais au moins s’agit-il encore d’une progression.

Le seul problème – mais il est de taille – c’est que Panzers et fantassins ne franchissent champs de mines, fossés et tranchées que pour se retrouver aussitôt confrontés, quelques dizaines de mètres plus loin, à de nouveaux champs de mines, de nouveaux fossés et de nouvelles tranchées.

Et quand ils parviennent, en fin de journée, à s’affranchir de l’ensemble et à percer la ligne de défense des Soviétiques, c’est pour mieux se retrouver, dès le lendemain, et une quinzaine de kilomètres plus loin,... face à une seconde ligne de défense en tout point semblable (!)

Ce petit jeu a, on s’en doute, un effet dévastateur sur le moral et l’état physique des combattants, mais aussi sur la quantité et la disponibilité des véhicules, en particulier les nouveaux chars Ferdinand et Panther qui, comme il fallait s’y attendre, commencent à tomber en panne les uns après les autres, souvent sans même avoir combattu.

Dit autrement, la défense "en profondeur" des Soviétiques est bel et bien en train d’étouffer lentement la Wehrmacht, qui ne possède quasiment aucune réserve opérationnelle alors que l’Armée rouge, elle, semble au contraire posséder un inépuisable vivier de fantassins, canons et tanks frais.

Aujourd’hui encore, les admirateurs de la Wehrmacht, et ceux de Manstein, ont raison de faire remarquer que, partout à Koursk, les Allemands ont occasionné aux Soviétiques bien plus de pertes qu’il n’en ont subi eux-mêmes.

Hélas pour eux, c’est en annihilant les capacités et la volonté de résistance de l’ennemi que l’on remporte les batailles, et pas en se contentant de tuer et de détruire plus que lui.

Parlez-en donc aux aviateurs de la Luftwaffe...

(1) Fin 1942, l’intéressé avait tenté, sous les ordres de Manstein, d’atteindre Stalingrad avec ses blindés afin de dégager la VIème armée assiégée – Saviez-vous que.. 1368 à 1376

dimanche 18 octobre 2009

2415 - piétinements au Nord

... dès l’aube du 05 juillet, la Wehrmacht passe à l’offensive. Mais comme la première victime d’une bataille est toujours le plan de la bataille, les résultats sont loin de correspondre aux attentes.

Au Nord, le Groupe d’armées Centre, qui attaque depuis Orel, se heurte immédiatement à la résistance acharnée des Soviétiques, par ailleurs protégés par d’immenses champs de mines, qui immobilisent promptement les trois quarts des cinquante chasseurs de chars Ferdinand de 65 tonnes dont dispose Model.

La plupart de ces monstres, qui constituent le fer de lance des divisions blindées allemandes, sont certes réparables à plus ou moins brève échéance, mais il est clair que le dit fer est déjà passablement émoussé.

Comme c’est également au Nord que les forces allemandes sont les plus faibles, mais les forces soviétiques les plus fortes (!), les espoirs de Model d’arriver à Koursk avant Manstein ne tardent pas à s’évanouir.

Encore Model serait-il bien heureux si ses fantassins et ses Panzers parvenaient seulement à avancer. Au soir du 5 juillet, les uns et les autres n’ont en effet progressé que de… 5 kilomètres (!)

Une allure de tortue, qui passe d’ailleurs à un pitoyable 4 kilomètres le lendemain, et à 2 kilomètres le surlendemain. A ce rythme, il faudrait bien un mois à Model pour rallier Koursk… à condition qu’il parvienne à trouver les fantassins, les blindés et les avions pour remplacer ceux déjà tués ou détruits.

Au soir du 10 juillet, Model, dont les forces n’ont finalement progressé que de 12 kilomètres au total (!), Model, donc, doit se rendre à l’évidence,… et se résigner à jeter l’éponge, au grand dam du Führer, qui peine à comprendre comment ces sous-hommes slaves sont parvenus à mettre hors de combat près de 400 chars (dont quelques dizaines de Tiger et Ferdinand), et à tuer ou blesser des dizaines de milliers d’hommes.

Les pertes soviétiques, dans leur ensemble, sont certes supérieures. Mais comme l’Armée rouge semble disposer de réserves inépuisables, cette consolation est de peu d’importance.

Tous les espoirs d’Hitler reposent maintenant sur les épaules du seul Manstein et de son Groupe d’armées Sud qui, depuis Kharkov, progresse (un peu) plus facilement…

samedi 17 octobre 2009

2414 - de mauvais augure

... si l’offensive allemande a bien débuté dans les airs, elle va en revanche très vite prendre une tournure beaucoup plus inquiétante au sol.

Géographiquement parlant, le saillant de Koursk est une immense plaine qui se prêterait remarquablement bien aux mouvements des blindés, n’était l’existence de quelques rivières et vallées et, surtout, de champs de blé où pourraient se dissimuler des armées entières.

Aussi, dès l’après-midi du 4 juillet, la IVème Panzer commence-t-elle à investir les collines basses qui, au sud du saillant, dominent la plaine et constituent autant de magnifiques postes d’observation pour les Soviétiques.

Si cette attaque limitée est couronnée de succès, l’affaire ne se déroule pourtant pas sans casse – en maints endroits, il faut même recourir aux lance-flammes pour déloger les Soviétiques - et augure plutôt mal de la suite, d’autant qu’à 22h30, c’est au tour de l’artillerie soviétique de se déchaîner contre les positions allemandes.

Bien que les dégâts qu’elle provoque sur les avant-postes allemands demeurent fort limités, les cratères d’obus, et la pluie qui tombe en abondance, vont singulièrement compliquer la progression des troupes et des chars, le lendemain.

Au Nord, la préparation allemande se limite à quelques bombardements de Junkers 87, suivis d’un violent pilonnage d’artillerie,... auquel, à 22h30, les canons de l’Armée rouge répliquent également du tac au tac.

Plusieurs batteries allemandes sont touchées mais, là encore, l’affaire démontre surtout que les Soviétiques sont prêts à se battre, et pas du tout disposés à se laisser impressionner par les moyens, pourtant gigantesques, que la Wehrmacht et la Luftwaffe ont rassemblé pour l’occasion...

vendredi 16 octobre 2009

2413 - un prologue aérien

... en réalité, il y a déjà plusieurs jours que la Bataille de Koursk a commencé dans les airs.

Fin juin, les bombardiers de la Luftwaffe ont en effet mené plusieurs attaques derrière le Front, sur les usines de chars de Gorki ou les dépôts de carburant de Saratov, ou au-dessus du saillant lui-même, sur les terrains d'aviation situés entre Orel et Koursk

Mais les bombardiers allemands sont trop petits, et trop peu nombreux, pour provoquer autre chose que de vagues nuisances dans le dispositif soviétique.

Pire : les Soviétiques ont immédiatement répliqué, en lançant à leur tour des frappes aériennes sur Briansk ou Orel et, surtout, en mettant sur pied une gigantesque "attaque préventive" dont le but est d'écraser par surprise la Luftwaffe avant-même le début de l'offensive de la Wehrmacht, prévue pour 05h00, le 5 juillet 1943.

Le 5 juillet, vers 03h00, près de 400 appareils décollent donc à destination des aérodromes allemands situés près de Kharkov.

Ils sont malheureusement repérés par les radars allemands, ce qui va permettre à la chasse de décoller en catastrophe et de fondre sur eux. Dans ce petit jeu du tel est pris qui croyait surprendre, l'affaire tourne vite au désastre pour les Soviétiques, dont les avions sont surchargés de bombes.

"C'était un spectacle qu'on voit rarement", écrira le général Seidemann. "Partout des appareils s'abattaient en flammes". De fait, quelque 120 appareils marqués de l'étoile rouge se retrouvent bientôt au tapis. Et lorsque les survivants atteignent enfin leurs objectifs, c'est pour ne plus y trouver âme qui vive, et y larguer leurs bombes au hasard.

Avantage aux Allemands donc, qui, pourtant, sont passés à quelques minutes du désastre et qui, surtout, ont dû faire face - ce qui est quasiment un nouveauté en soi - à une attaque soviétique non seulement massive mais également intelligemment montée et bien coordonnée.

On n'a encore rien vu...