lundi 31 mai 2004

449 - "Partout où j'allais, je voyais des Juifs"

... Identifier les Juifs, les expulser du corps social allemand, était, avant même le déclenchement de la Première Guerre mondiale, le credo fondamental d’Adolf Hitler, celui qui motiva toute sa carrière politique.

"Partout où j'allais, je voyais des Juifs. Et plus j'en voyais, plus mes yeux apprenaient à les distinguer nettement des autres hommes", écrivit-il.

Rien d’étonnant dès lors à ce qu’un boycott des magasins juifs ait été organisé dans toute l’Allemagne dès le 1er avril 1933, deux mois après sa nomination à la tête du gouvernement, et une semaine à peine après que le Reichstag lui eut voté les pleins pouvoirs.

La suite, au demeurant aussi logique que prévisible, fut celle d’une descente aux enfers de plus en plus rapide.

Le 10 mai 1933, dans toutes les villes universitaires, on commença à brûler les livres de tous les auteurs "interdits", parce que Juifs, défaitistes, décadents ou simplement "anti-allemands".

Le 15 septembre 1935, les "lois de Nuremberg" déchurent tous les Juifs de leur citoyenneté allemande, interdirent les mariages mixtes et mêmes les simples relations sexuelles entre Juifs et non-Juifs.

Un instant ralentie par les Jeux Olympiques de 1936, la persécution des Juifs reprit de plus belle dès 1937. Le 9 juin 1938, la synagogue de Munich fut détruite, le 10 août, ce fut le tour de celle de Nuremberg.

Le 25 juillet, les Juifs ne pouvaient plus être médecins. Le 27 septembre, ils ne pouvaient même plus être avocats.

Engluée par les revendications pacifistes, le reste de l’Europe ne bougea pas, détourna les yeux, ou applaudit secrètement la "remise au pas" des Juifs détestés qui, c’était bien connu, étaient responsables de tout et même du temps qu’il faisait.

"On ne veut pas mourir pour Dantzig !", clamaient les pacifistes en 1939, mais depuis des années, ils ne voulaient surtout pas mourir pour les Juifs allemands.

Le 28 octobre 1938, 17 000 Juifs furent expulsés vers la Pologne. Le 7 novembre, le juif Herschel Grynnszpan tira sur un obscur secrétaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris, qui décéda deux jours plus tard.

Ce fut le début de la "Nuit de Cristal".

dimanche 30 mai 2004

448 - le règne de la délation

... aussi populaire que fut le régime nazi parmi le peuple allemand, la répression n'en était pas moins indispensable à sa survie.

Les médias désormais contrôlés par le Ministère de la Propagande, les syndicats supprimés, les églises sévèrement contrôlées, les principaux opposants politiques éliminés, emprisonnés ou contraints à l'exil, ne restait plus pour menacer la pérennité de l'Ordre nouveau que l'écrasante majorité des citoyens ordinaires.

Mais il n'était nul besoin de transformer l'Allemagne entière en une gigantesque prison, ni de placer un policier derrière chaque Allemand adulte : le traditionnel sens civique, le non moins traditionnel respect de l'Autorité, ainsi que les bonnes vieilles rivalités et jalousies, allaient faire de chaque Allemand l'auxiliaire passif, sinon volontaire,
de sa propre répression.

En 1937 par exemple, la Gestapo ne disposait que de 126 officiers pour surveiller les agissements des 500 000 habitants de Düsseldorf, de 43 à Essen pour 650 000 habitants, et... de 22 à Würzburg, pour les 840 000 habitants de toute la basse Franconie (!)

Impossible, dans ces conditions, de repérer les "éléments subversifs" en s'en remettant au seul flair des rares agents en place. La loi sur les
"comportements malveillants" du 21 mars 1933 allait s'en charger, et être à l'origine d'une gigantesque vague de dénonciations, le plus souvent anonymes.

Partout dans le Reich, des centaines de milliers de dénonciations furent ainsi collectées. Dans les archives de la seule Gestapo de Düsseldorf, on retrouva après guerre 72 000 dossiers de dénonciation, sans compter les quelque 30 000 qui auraient disparu (!)

Chacun dénonçait son voisin, son collègue, son copain de bistrot, qu'il
soupçonnait "d'activités subversives", ou dont il voulait, plus prosaïquement, se venger pour des raisons futiles.

Et puisque chacun se transformait en mouchard, tout le monde apprit à raser les murs, à garder profil bas, à éviter tout comportement ou propos susceptible de porter à controverses. Il suffisait désormais à la Gestapo d'opérer une descente de temps à autre, et de procéder à quelques arrestations quasiment au hasard, pour que chaque habitant suspecte son voisin d'en être l'instigateur, et se réfugie plus que jamais dans le plus grand conformisme et la plus grande soumission à l'Autorité.

Cette méthode s'avéra en vérité si efficace que les autorités, submergées par les dénonciations, durent immédiatement créer des tribunaux spéciaux, chargés d'appliquer une justice (très) accélérée.

Et quand vint le temps de la conquête de l'Europe, on vit des dizaines
de milliers de braves citoyens belges, français, hollandais, polonais, se mettre à leur tour à dénoncer leurs compatriotes juifs, communistes ou simplement "subversifs" aux autorités d'Occupation qui, bien entendu, n'en demandaient pas tant et étaient bien contentes d'un tel élan de civisme...

samedi 29 mai 2004

447 - réoccuper la Rhénanie

... pour Hitler, la signature du pacte naval du 18 juin 1935 fut non seulement un clou supplémentaire enfoncé dans le cercueil du Traité de Versailles, mais aussi, comme il le qualifia lui-même, "le jour le plus heureux de ma vie"

Encouragé par ce succès, le maître du Troisième Reich se lança au début de 1936 dans un nouveau et spectaculaire pari : la réoccupation de la Rhénanie, action qui violait non seulement le Traité de Versailles de 1919, mais aussi le Traité de Locarno de 1925.

Cette fois, l'armée elle-même s'alarma de la témérité du Führer, et le
pressa de reconsidérer sa décision, appuyée en cela par le Ministère des Affaires étrangères qui, persuadé d'une riposte franco-britannique, le supplia de n'en rien faire.

Ébranlé dans ses certitudes, Hitler hésita un moment, puis retomba dans son éternel credo du "sans risque, pas de gain", et donna l'ordre de réoccuper militairement la Rhénanie.

Contre toute attente, le pari s'avéra payant : une fois de plus, la France et la Grande-Bretagne se contentèrent de protestations diplomatiques, tandis que dans son journal, le Ministre de la Propagande Joseph Goebbels écrivait :

"Le Führer est rayonnant. L'Angleterre reste passive. La France ne bouge pas, l'Italie est déçue et l'Amérique s'en désintéresse"

Contre l'avis de ses généraux, et de tous ses conseillers, Hitler avait
donc gagné son pari, et prouvé une fois de plus que l'audace était payante : trois semaines après la réoccupation de la Rhénanie, 99% des Allemands lui apportèrent leur soutien au terme d'un semblant d'élections au Reichstag.

A la mi-juillet, au vu et au su de toutes les démocraties, les troupes allemandes et italiennes s'en furent prêter main forte à la révolution
déclenchée en Espagne par le général Franco contre le gouvernement
socialo-communiste démocratiquement élu.

Le 1er novembre, la signature de "L'Axe Rome-Berlin" consacra l'union de fait des fascistes italiens et allemands. Le 25, le "Pacte
anti-Komintern" en fit de même entre l'Allemagne et le Japon.

Et le 1er décembre 1936, tous les garçons et filles d'Allemagne durent
adhérer aux Jeunesses hitlériennes, qui comptèrent près de 5 500 000 membres à la fin de l'année 1936...

vendredi 28 mai 2004

446 - le pacte naval

... le 16 mars 1935, profitant de son éclatant succès dans le rattachement de la Sarre à l'Allemagne, Adolf Hitler avait violé une nouvelle fois le Traité de Versailles, en annonçant le rétablissement du service militaire obligatoire, et son intention de doter l'Allemagne d'une armée de 550 000 hommes

Une fois de plus, les démocraties occidentales s'étaient contentées d'envoyer de vagues notes de protestation, qui ne seraient certes pas les dernières.

Un mois plus tard, à la Conférence de Stresa, les représentants italiens, anglais et français réaffirmèrent leur soutien au Traité de Versailles, et soulignèrent qu'ils n'accepteraient plus aucune nouvelle violation de la part de l'Allemagne

Vaine rodomontade : deux mois plus tard, le 18 juin 1935, la Grande-Bretagne, pensant ainsi calmer la Bête, signa avec elle un pacte séparé qui violait le Traité de Washington de 1922 sur les constructions navales. Un pacte qui autorisait non seulement l'Allemagne à posséder jusqu'à 35% du tonnage de la marine de guerre britannique, mais aussi, et surtout, à construire une flotte sous-marine... interdite par le Traité de Versailles (!)

Une flotte qui, quelques années plus tard, allait se distinguer en mettant l'Angleterre à genoux, et en coulant un nombre record de navires anglais...

jeudi 27 mai 2004

445 - "Herr Hitler est à présent inattaquable"

... En janvier 1920, le Traité de Versailles, dans une de ses nombreuses erreurs, avait placé le territoire allemand de la Sarre sous l'autorité directe de la Société des Nations (SDN) pour une durée de 15 ans

Le plébiscite du 13 janvier 1935 permit à Adolf Hitler de démontrer une nouvelle fois son immense popularité personnelle.

Majoritairement catholiques, les Sarrois, qui avant 1933 n'avaient été que fort peu sensibles aux attraits des sirènes nazies, devaient se prononcer pour le maintien du statu-quo, pour le rattachement à la France, ou pour le rattachement à l'Allemagne

A près de 91%, ils votèrent pour le rattachement à l'Allemagne, illustrant ainsi les propos de l'ambassadeur de Grande-Bretagne qui, un an auparavant, avait déclaré "Une chose du moins est certaine. Herr Hitler est à présent inattaquable, même dans les milieux qui n'adhèrent pas entièrement au national-socialisme"

Comme à chaque fois, ce succès diplomatique fut l'occasion d'un nouveau coup d'éclat : quinze jours à peine après le rattachement officiel de la Sarre à l'Allemagne (1er mars 1935), Hitler proclama le rétablissement du service militaire obligatoire, et son intention de se doter d'une armée de 550 000 hommes.

On aurait pu s'attendre à ce que la France et la Grande-Bretagne réagissent vivement devant cette nouvelle et flagrante violation du Traité de Versailles. Mais, une fois de plus, elles préférèrent jouer la carte de la diplomatie et de la conciliation,... et se contentèrent d'une simple note de protestation.

Comme le nota Paul Schmidt, interprète d'Hitler, "si deux ans plus
tôt, les représentants allemands avaient formulé de telles exigences, le ciel se serait écroulé"


Car loin de calmer la Bête nazie, les temporisations, relativisations et autres conciliations des puissances occidentales ne firent qu'aiguiser son appétit et l'incitèrent à exiger, et obtenir, sans cesse davantage...

mercredi 26 mai 2004

444 - l'État, c'est moi

... après l'assassinat d'Ernst Röhm et de ses principaux sympathisants, les "chemises brunes" de la SA ne constituaient plus une menace pour l'autorité d'Hitler.

Exécutée de main de maître, la "Nuit des Longs Couteaux" avait fait moins d'une centaine de victimes, permis à la SS d'assurer son rôle de chien de garde, et rassuré la Reichswehr dont les généraux ne s'étaient ralliés à Hitler qu'après de nombreuses réticences.

Après ce jour du 30 juin 1934, il n'y eut plus la moindre résistance
organisée au régime.

La mort, un mois plus tard, du Président Hindenbourg (2 août 1934) permit même à Hitler de cumuler les fonctions de Président et de Chancelier du Reich. Un cumul qu'il fit à nouveau approuver par plébiscite, et par près de 90% des électeurs allemands.

Hindebourg disparu, la Reichswehr dut à son tour prêter serment d'allégeance à la personne-même d'Hitler qui, désormais, était devenu l'incarnation vivante de la formule "l'État, c'est moi".

En un an à peine, tous les fondements d'un État traditionnel avaient purement et simplement disparu. Il n'y avait plus d'Opposition, plus de syndicats, plus de Presse libre, plus de Justice indépendante, plus rien qui aurait pu menacer le pouvoir absolu du Führer.

Même les lois, ou ce qui en restait, étaient désormais réécrites par
et pour les besoins du Troisième Reich, qui ne manqua jamais de juristes pour aryaniser les bien juifs, ni de juges pour les priver de liberté, et bientôt de leur vie.

Et puisqu'Hitler méprisait le Droit ("cette notion artificielle qui n'était qu'un moyen de maintenir l'ordre public, mais n'avait aucune
valeur en soi"
), haïssait les hommes de loi ("tous mauvais par nature ou le devenant avec le temps"), et ne supportait aucune contrainte, on vit bientôt les Traités internationaux signés par l'Allemagne ne plus valoir que le poids du papier sur lequel ils étaient imprimés...

mardi 25 mai 2004

443 - la Nuit des Longs Couteaux

... ayant éliminé avec brio tous ses opposants politiques dès l'été 1933, et retiré l'Allemagne de la Société des Nations, Adolf Hitler se trouvait confronté, en ce début de 1934, à la menace persistante du plus remuant de ses alliés, Ernst Röhm, et de sa SA, organisation paramilitaire fondée le 3 août 1921.

Comme tous les mouvements de révolution permanente fondés d'abord et avant tout sur la politique du coup de force, le nazisme risquait à présent de se voir débordé sur sa droite par plus extrême que lui, d'être dépassé par un Ernst Röhm qui appelait ouvertement à une "seconde révolution nationale", et par une milice qui menaçait les prérogatives de l'armée elle-même.

Ancien capitaine de la Première guerre mondiale, Ernst Röhm s'était ensuite lancé dans la politique, et commandait les Sections d'Assaut (Sturm Abteilung ou SA) depuis leur origine. Après l'échec du coup d'État nazi en Bavière (novembre 1923), il avait dû s'exiler en Bolivie, d'où il fut rappelé par Hitler en 1931, pour se voir à nouveau confier la direction des SA.

Ayant puissamment aidé Hitler à prendre le Pouvoir en 1933, Röhm commit alors une erreur impardonnable : insister pour que la SA, donc lui-même, se voit à présent confier le contrôle de l'armée allemande.

Il n'en fallait pas plus pour fédérer dans une rare unanimité les généraux traditionnels, les Gestapistes d'Hermann Goering, les SS d'Heinrich Himmler, et Adolf Hitler lui-même.

Le 30 juin 1934, dans une opération spectaculaire appelée "Nuit des Longs Couteaux", des commandos de la SS et de la Gestapo arrêtèrent la plupart des chefs SA, et les exécutèrent sur-le-champ. Ernst Röhm lui-même fut emprisonné à Munich, et exécuté dès le lendemain...

lundi 24 mai 2004

442 - le parti unique

... désormais nanti des pleins pouvoirs par le Reichstag (23 mars 1933), Adolf Hitler pouvait maintenant s'attaquer à la tâche de sa vie: remodeler l'Allemagne - et bientôt l'Europe - selon ses propres convictions ou psychoses.

Fin mars, le parti communiste allemand, naguère si puissant, n'existait plus en tant que force politique. Le 2 mai, tous les syndicats furent officiellement dissouts. Le 22 juin, ce fut au tour du parti social-démocrate (SPD) de mettre la clé sous la porte. Et le 14 juillet, le NSDAP fut tout aussi officiellement proclamé parti unique.

De toutes les institutions socio-politiques allemandes, c'est l'Église catholique qui résista le plus longtemps à la pression nazie.

Comme le souligne Ian Kershaw "Ceux qui soutenaient Hitler étaient plus nombreux dans le nord et l'est de l'Allemagne, essentiellement protestants, que dans le sud et l'ouest, à majorité catholique, dans les campagnes et les petites villes (hormis les régions catholiques) que dans les grands centres urbains, et en ville, dans les banlieues petite-bourgeoises que dans les quartiers ouvriers déshérités" (*)

Cependant, la signature, le 20 juillet 1933, d'un concordat entre le Vatican et le Reich finit par vaincre les dernières réticences d'une Église catholique qui, dès lors, ne se mêla plus de politique, tout en approuvant la volonté hitlérienne de combattre le bolchevisme.

Le 14 octobre, Hitler lança un nouveau défi au Monde, en décidant de se retirer unilatéralement de la Société des Nations (SDN) et de la Conférence de Genève sur le désarmement.

Le pari était risqué mais, à la grande surprise d'Hitler, ce coup de force passa comme une lettre à la Poste : ni la France ni l'Angleterre ne réagirent.

Un mois plus tard, par le plébiscite du 12 novembre, Hitler fit avaliser ce retrait par le peuple allemand, qui l'approuva à 95%, justifiant a posteriori la légitimité de sa décision.

Jusqu'au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les plébiscites allaient devenir la "marque de fabrique" du Troisième Reich, et ce qui lui tiendrait lieu d'élections...

(*) (Ian Kershaw, "Hitler, Essai sur le charisme en politique", Folio, 2003, page 102)

dimanche 23 mai 2004

441 - l'incendie du Reichstag

... en janvier 1933, la droite traditionnelle allemande constituait un véritable bottin mondain d’aristocrates, de grands bourgeois, de banquiers, d’industriels et d’intellectuels, tous convaincus de pouvoir ne faire qu’une bouchée de ce fils de paysans autrichiens, de cet obscur caporal de 1914, de cet arriviste nommé Adolf Hitler.

Mais ces gens si intelligents avaient gravement sous-estimé l’intelligence, et le sens tactique, du petit caporal qui, loin de se
laisser manœuvrer par eux, les manoeuvrait en réalité depuis des années.

Trois ans plus tôt, devant un tribunal de Leipzig, Hitler avait affirmé sur l’honneur que le NSDAP ne cherchait pas à parvenir au Pouvoir par des voies illégales. Maintenant qu’il y était parvenu par des moyens légaux, à défaut d’être légitimes, il pouvait, sans se parjurer, faire remarquer qu’au fond, il n’avait jamais promis d’y rester légalement une fois qu’il y serait parvenu...

L’incendie du Reichstag, le 27 février 1933, allait constituer l’ultime coup de pouce du Destin. Immédiatement attribué à un complot communiste, mais sans la moindre preuve, il permit à Hitler de suspendre dès le lendemain, par un décret "Pour la défense du Peuple et de l’État", toutes les libertés fondamentales, tandis que s’organisait la chasse aux communistes et à tous les opposants de gauche.

Beaucoup ont prétendu par la suite, mais sans apporter davantage de preuves, que cet incendie "communiste" avait en réalité été allumé, sinon commandité, par les nazis eux-mêmes.

Geste isolé ou complot savamment orchestré, de gauche ou de droite, d’un déséquilibré ou d’un saboteur, l’incendie du Reischstag fut en tout cas l’acte fondateur du Troisième Reich, celui qui fit voler en éclats les plans de la droite traditionnelle, celui qui rendit tout le reste possible.

Organisées dans la foulée de l’incendie, les élections du 5 mars propulsèrent le parti nazi à 44% des suffrages,... et légitimèrent a posteriori son décret liberticide. Jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, ce type de légitimation après coup de force devint la marque de fabrique du régime.

Le 10 mars, les Nazis étaient maîtres de tous les Länder qu’ils ne contrôlaient pas encore. Le 20 mars, Heinrich Himmler annonça la création du premier camp de concentration, à Dachau.

Trois jours plus tard, réuni en séance extraordinaire, le Reichstag vota les pleins pouvoirs à Hitler pour quatre ans.

Il allait en profiter au-delà de toute attente...

samedi 22 mai 2004

440 - la boîte de Pandore

... Le 4 janvier 1933, Adolf Hitler rencontra l’ancien Chancelier Von Papen chez le banquier Kurt Von Schröder, à Cologne. Von Papen, qui avait démissionné de son poste le 17 novembre de l’année précédente, proposa la Chancellerie à Hitler, lequel lui fit remarquer que le Président Hindebourg avait déjà refusé sa candidature par deux fois, et avait même nommé le général Von Schleicher à ce poste deux mois auparavant (!).

Fin janvier, l’impasse politique restant totale, Von Papen s’en fut négocier avec Von Schleicher, tout en maintenant la pression sur le vieux maréchal Hindenbourg.

Après plusieurs jours de tractations, Von Schleicher accepta de démissionner, et Hindenbourg de nommer Hitler à la Chancellerie, ce qu’il avait toujours refusé jusqu’alors.

Dans l’esprit de Von Papen et de la plupart des conservateurs, la formule n’était évidemment qu’un pis-aller transitoire, et chacun était convaincu de parvenir à manœuvrer ce petit parvenu autrichien, naturalisé allemand à peine un an auparavant.

Du reste, Von Papen ne prendrait-il pas le titre de vice-chancelier, tandis que le NSDAP devrait se contenter, en plus d’Hitler, de deux uniques porte-feuilles ministériels, pour Wilhelm Frick et Hermann Goering ?

Avec tant d’aristocrates, de politiciens professionnels et d’intelligence pour les surveiller, Hitler et ses trublions ne pourraient, ils en étaient certain, causer grands dommages. Ils s’affaibliraient, ou rentreraient bien vite dans le moule de la social-démocratie traditionnelle, les laissant gérer l’Allemagne entre eux, comme à leur habitude.

Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler fut donc nommé Chancelier par le Président Hindebourg, au sein d’un "gouvernement de concentration nationale" dominé par les conservateurs.

La boîte de Pandore venait de s’ouvrir...

vendredi 21 mai 2004

439 - le pouvoir de nuisance

... au début des années 1930, le parti nazi était à son apogée. Restructuré en 1925 après le lamentable échec du putsch de l’année précédente, progressivement expurgé des derniers cadres contestant le leadership d’Hitler, le NSDAP, qui n’avait remporté que 2.6% des suffrages aux élections de 1928, avait multiplié son score par 7 (18.3%) aux élections de 1930, et l’avait encore doublé (37.3%) à celles de juillet 1932.

Paradoxalement, lorsqu’il se présenta en personne à la présidentielle de mars-avril 1932, Adolf Hitler fut largement battu par le vieux maréchal Hindenbourg (37% contre 53%). Et aux élections législatives de novembre 1932, le NSDAP, bien que demeurant premier parti politique d’Allemagne, recula pour la première fois, à 33% des suffrages.

A l’évidence, les nazis avaient désormais "fait le plein" d’électeurs, et la perspective de prendre le Pouvoir par le biais d’élections régulières risquait, pour Hitler et ses partisans, de ne rester qu’un rêve impossible.

Mais s’il ne pouvait plus guère espérer prendre le Pouvoir seul, le NSDAP conservait une importance capacité de nuisance, empêchant par sa seule présence la constitution d’un ouvernement stable.

En août 1932, Hindenbourg avait proposé la Vice Chancellerie à Adolf Hitler, qui l'avait refusée et exigé la direction du gouvernement, ce qu’Hindebourg avait à son tour refusé. En septembre, le Chancelier Von Papen avait dissout le Reichstag, pensant ainsi, à la faveur de
nouvelles élections, se débarrasser du NSDAP,... qui était pourtant resté premier parti d’Allemagne. Devant cet échec, ce fut au tour de Von Papen de présenter sa démission, le 17 novembre suivant (!)

Deux jours plus tard, plusieurs industriels, menés par Hjalmar Schacht (futur Président de la Reichsbank), avaient supplié Hindenbourg de nommer Hitler au poste de Chancelier, mais Hindenbourg avait à nouveau refusé d’en entendre parler, et nommé le général Von Schleicher à la place

L’impasse politique était donc totale, et l’interminable succession d’élections depuis 1928 n’avait certes pas redoré le blason de la Démocratie chez les électeurs allemands, déjà pris à la gorge par la Crise économique mondiale, et aspirant plus que jamais à un changement radical de régime...

jeudi 20 mai 2004

438 - l'épouse au foyer

... à l'exception de Magda Goebbels et - quoi que dans un registre moins politique - des Leni Riefenstahl ou autres Hannah Reich, la quasi-totalité des femmes allemandes furent reléguées dans leurs foyers dès l'arrivée au Pouvoir du parti nazi qui, en tant que champion des vertus familiales et "traditionnelles", ne pouvait se permettre de les voir se précipiter au combat, comme le faisaient pourtant nombre de leurs consoeurs en Union soviétique.

L'Art nazi lui-même se mit au service de cette idéologie, véhiculant partout l'image de l'épouse fidèle et de la mère exemplaire, attendant stoïquement le retour du conjoint, parti aux champs ou à la bataille

Les peintures d'Adolf Wissel, de Paul Padua ou les affiches de propagande
ne laissent à cet égard planer aucun doute sur les véritables intentions du régime.

Et de fait, tout au long de son règne, Adolf Hitler, qui contraignait sa maîtresse Eva Braun à regagner sa chambre en cas de réception officielle, manifestera les plus grandes réticences à l'idée de faire sortir les Allemandes de leurs foyers.

Pour pallier la pénurie de main d'oeuvre dans l'industrie d'armements - la majorité des hommes valides ayant été envoyés au Front - le Troisième Reich préférera recruter à l'étranger, ou enrôler de force des prisonniers et des déportés, plutôt que de recourir massivement à la main d'oeuvre féminine pourtant disponible, et ce alors-même que l'ennemi juré - l'Union soviétique - ne se prive pas pour sa part d'embaucher des légions d'ouvrières.

A de rares exceptions-près, comme Hannah Reich, jamais on ne verra, si ce n'est dans les toutes dernières heures du régime, des Allemandes transformées en femmes-soldats, pilotant des avions de combat, ou combattant sur le Front, alors que l'Union soviétique, là encore, y ecourra abondamment, y compris dans sa propre propagande.

Au handicap de combattre sur deux fronts en même temps, au déficit démographique criant entre l'Allemagne nazie et les Alliés, le Troisième Reich y ajoutera, de sa propre volonté, la très faible mobilisation des femmes qui, sans même le savoir, contribueront ainsi à hâter sa chute...

mercredi 19 mai 2004

437 - "la femme a été créée pour devenir mère"

... le régime nazi n'étant, in fine, que l'émanation des pensées et conceptions de son Führer, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il se soit caractérisé par un machisme effréné, réduisant les femmes à la portion congrue : celle d'épouses et de mères de futurs bons aryens, attendant fidèlement à la maison le retour de leur mari ouvrier, paysan ou - mieux encore - soldat.

De fait, à l'exception de Magda Goebbels, aucune Allemande ne se vit attribuer de fonctions officielles. Encore Magda Goebbels devait-elle son statut de "Première dame du Reich" - et de seule qui soit présentable en société - au fait qu'elle était l'épouse du Ministre de la Propagande, et l'amie intime du Führer, lequel était prudemment resté célibataire.

Ayant triomphé sans opposition mais pas sans panache, Magda n'en était pas moins limitée dans ses aspirations : mettant fidèlement au monde un petit Goebbels chaque année (six au total, sans parler d'un fils issu d'un premier mariage), ses activités extra-familiales ne sortaient guère du domaine caritatif.

Du reste, ses positions sur la place de la femme allemande dans la société n'étaient certes pas pour bouleverser la philosophie nazie :

"La femme a été créée pour devenir mère, l'homme pour préserver et protéger la famille. De la même manière que l'homme trouve son plus grand bonheur dans le résultat de sa création, de ses aspirations et de son travail, en atteignant le but de sa vie, la femme ne trouve ce bonheur qu'en accomplissant ce pour quoi elle vit, la maternité !".

Magda Goebbels se suicida en compagnie de son mari, à côté des corps d'Hitler et d'Eva Braun, le 1er mai 1945, après avoir tué ses six enfants, âgés de 5 à 12 ans, et portant tous un prénom commençant par "H"...

... en hommage à Adolf Hitler.

mardi 18 mai 2004

436 - elle promenait son ennui et ses Scottish Terrier













... après la mort de Geli Raubal (18 septembre 1931), plus jamais on ne vit Hitler s'afficher publiquement au bras d'une femme en particulier.

Il faut dire que l'usure du Pouvoir, puis l'entrée en guerre de l'Allemagne, exercèrent un effet particulièrement dévastateur sur le physique - et probablement la libido - du maître du Troisième Reich, qui à la fin de sa vie paraissait facilement dix ans plus vieux qu'il ne l'était en réalité.

Et si Eva Braun eut finalement droit à l'honneur suprême de pouvoir signer "Eva Hitler", ce ne fut que 24 heures avant le suicide du dictateur, quand plus rien n'avait d'importance.

Après la mort de Geli, jamais on ne vit Hitler renier son credo, qu'il
résuma en ces termes à Albert Speer :

"Les gens très intelligents doivent prendre une femme primitive et bête. Vous vous rendez compte si j'avais en plus une femme qui se mêle de mon travail ! Pendant mon temps libre, je veux être au calme. Je ne pourrai jamais me marier"

Et de fait, Eva Braun resta toujours la femme de l'ombre, la "maîtresse cachée"... que l'on cachait réellement au Berghof (où elle s'était installée en 1936) quand Hitler recevait des invités.

Entre 1936 et 1945, Eva Braun passa les deux tiers de son temps au Berghof, y compris lorsque Hitler ne s'y trouvait pas, ce qui était le cas le plus fréquent

Elle s'y fana lentement, comme une plante un peu lourde que l'on maintient dans une serre. De pièce en pièce, elle promenait son ennui et ses Scottish Terrier. Elle en possédait deux, et devait régulièrement voler à leur secours quand ils se faisaient agresser par Blondi, la femelle berger allemand d'Hitler.

Elle se suicida le 30 avril 1945, à l'âge de 33 ans, en compagnie de l'homme qu'elle avait attendu toute sa vie, et qui l'avait finalement épousée, 24 heures plus tôt...

lundi 17 mai 2004

435 - "Mon épouse, c'est l'Allemagne"

... "Mon épouse, c’est l’Allemagne", se plaisait à répéter Adolf Hitler. Et s’il considérait tout au plus les femmes comme d’agréables objets décoratifs, qu’il fallait exhiber au bon peuple de temps à autre, ne serait-ce que pour le rassurer sur la puissance virile du chef, de nombreuses femmes, en revanche, lui vouaient une admiration sans borne.

Plusieurs se suicidèrent, ou tentèrent de se suicider, pour attirer son attention, ou par désespoir de jamais pouvoir y arriver.

La plus connue d’entre elles est évidemment sa propre nièce, Geli Reubal, qui se suicida dans son propre appartement. Mais avant elle, il y eut Maria Reiter, modeste boutiquière de Berchtesgaden, qui tomba amoureuse de lui à 17 ans, devint sa maîtresse et qui, après avoir reçu de "son loup" deux volumes dédicacés de Mein Kampf pour son anniversaire (!), se pendit à un pilier de portail dont sa famille la sauva in extremis. Elle mourut
en 1992

Il y eut également Unity Metford, célèbre aristocrate britannique, admiratrice et entremetteuse d’Hitler au sein de la bonne société anglaise. Quelques heures après la déclaration de guerre, elle se tira une balle dans la tête, dans un jardin de Münich. Ayant survécu par miracle, elle fut rapatriée en Grande-Bretagne. Souffrant d’importants dommages cérébraux, la balle toujours logée dans la cavité crânienne, elle mourut d’une méningite en 1948.

Il y eut aussi, et à deux reprises, Eva Braun elle-même, qui se tira une balle dans la poitrine en novembre 1932, et avala 35 cachets de somnifères en mai 1935. A chaque fois, "la Bécasse" - comme la surnommait avec mépris l’entourage d’Hitler - survécut, s’attirant, pour quelques temps, un regain d’intérêt de la part du Führer, avec qui elle mit fin à ses jours, le 30 avril 1945.

"Je crains de ne pas porter chance aux femmes", déclara sobrement ce dernier après la tentative de suicide d’Unity Mitford en septembre 1939.

Le problème, c’est qu’il ne portait chance à personne...

dimanche 16 mai 2004

434 - le germe de l'inhumanité

... s’il méprisait les femmes et évitait soigneusement de s’afficher au bras de l’une d’elles en particulier, Adolf Hitler n’en fut pas moins cruellement affecté par le suicide de sa nièce, Geli Raubal

Le régisseur du Berghof, Herbert Döhring, rapporta ainsi que son épouse avait vu Hitler sur le point de suicider après le drame : "Il était sous le choc, décomposé. Il n’a pas mangé. Ensuite, il s’est enfermé dans la chambre de Geli. Le pistolet chargé sur la table. "Je vais me tuer, ma vie est finie". Mon épouse a emporté le pistolet. Plus tard, elle l’a regretté".

Certains ont douté de l’authenticité de cette anecdote, d’autres du fait qu’Hitler ait réellement voulu mettre fin à ses jours, mais tous s’accordent à reconnaître le véritable culte qu’Hitler consacra ensuite à Geli, comme si, incapable de l’aimer de son vivant, il entendait à présent se faire pardonner par delà sa mort.

"Il n'a jamais aimé qu'une seule femme, écrivit la cinéaste Leni
Riefenstahl, sa nièce Geli Raubal. Lorsqu'elle s'est suicidée, il a pris Eva Braun. Il la tolérait plus qu'il ne l'aimait. Il se sentait coupable envers elle parce qu'elle avait tenté à deux reprises de se suicider pour lui. Je crois qu'Hitler était incapable d'aimer une femme : sa seule passion, c'était l'Allemagne"

Au Berghof, dans une pièce secrète située non loin de la chambre d’Eva Braun, il venait régulièrement se recueillir auprès des tableaux, bustes et photographies de sa nièce.

Après le drame, déclara Henriette Von Schirach (ancienne maîtresse d'Hitler, devenue en mars 1932 l'épouse de Baldur von Schirach, chef des Jeunesses hitlériennes), après le drame, tout sentiment de tendresse disparut en lui.

"C’est à cette époque que s’est développé en lui le germe de l’inhumanité", ajouta le père de celle-ci, Heinrich Hoffman, photographe attitré d’Hitler et patron d'une modeste apprentie nommée Eva Braun...

samedi 15 mai 2004

433 - le suicide de Geli

... le 18 septembre 1931, après une énième dispute orageuse, Geli Raubal fut retrouvée morte dans l'appartement d'Adolf Hitler, à Munich.

L'enquête officielle conclut à un suicide de la jeune-femme qui, peu après le départ de son oncle, se serait tuée d'une balle dans le coeur, tirée par un revolver appartenant à ce dernier.

Comme il fallait s'y attendre, les rumeurs les plus folles se mirent à circuler, en particulier chez tous les opposants au parti nazi.

La rumeur la plus courante soutenait qu'Hitler avait lui-même assassiné Geli dans une crise de jalousie. Une autre affirmait que la jeune-fille avait été exécutée sur ordre d'Heinrich Himmler, chef de la SS, parce que sa relation avec Hitler nuisait à l'ascension politique du Führer et à l'image du parti nazi lui-même.

Les journaux s'emparèrent bien évidemment de l'affaire,... avant d'être rappelés à l'ordre par Hitler lui-même, qui les menaça de multiples procès en diffamation.

Faute de toute preuve matérielle, et craignant les foudres de la Justice, la Presse allemande abandonna très vite ses attaques contre Hitler, encore que des menaces plus "physiques" ne sont pas à exclure

Comme aimait en effet à le rappeler Joseph Goebbels - ami intime d'Hitler et futur Ministre de la Propagande du Reich - "Un rédacteur a de la manière la plus ignoble attaqué l'honneur de mon épouse. Un SS s'est présenté chez lui et l'a frappé avec sa cravache jusqu'à ce qu'il s'effondre sur le sol, ensanglanté. Puis il a déposé sa carte de visite
sur la table et a quitté la rédaction sans qu'aucun des reptiles journalistiques présents l'en empêche. C'est l'unique moyen de venir à bout de ces calomniateurs".

vendredi 14 mai 2004

432 - une nièce prénommée Geli

... Soixante ans plus tard, le rapport de l'OSS sur la sexualité supposée d'Adolf Hitler reste sujet à controverses.

Évidents pour les uns, son sado-masochisme, son attrait pour l'ondinisme et son homosexualité refoulée sont au contraire tournés en dérision par d'autres, qui se contentent de souligner que la volonté de Führer de ne jamais se marier, et même de ne jamais manifester la moindre préférence publique pour une femme en particulier, tenait d'abord et avant tout de son désir de rester, dans le coeur des Allemandes, comme l'éternel fiancé possible, celui que toutes souhaiteraient avoir mais qu'aucune n'obtiendrait jamais, puisque sa seule épouse était et resterait à jamais la Nation allemande.

S'ils restent divisés sur les réels penchants sexuels d'Hitler, tous les historiens s'accordent en revanche pour considérer qu'il n'eut qu'un seul amour dans sa vie : sa nièce Geli Raubal.

Née à Linz le 4 juin 1908, et de 19 ans sa cadette, Geli Raubal emménagea chez son oncle en août 1928.

Dès le début, les relations entre cette jeune-fille de vingt ans et cet homme qui approchait la quarantaine furent tumultueuses. Les disputes étaient fréquentes et orageuses ce qui, pour un homme politique en pleine ascension sociale (son parti venait d'envoyer ses premiers députés au Reichstag) représentait un lourd handicap.

Geli soupçonnait son oncle de lui être régulièrement infidèle, en particulier avec Eva Braun, alors apprentie chez Heinrich Hoffmann, photographe préféré d'Hitler.

De son côté, Hitler reprochait constamment à sa nièce son attirance envers son propre chauffeur, Emil Maurice. Si la plupart des observateurs s'accordent à penser que cette relation fut purement platonique, il n'en demeure pas moins qu'Hitler contraignit Geli à écrire une lettre de rupture à Maurice, avant de licencier lui-même ce dernier.

Mais ce n'était rien à côté du drame qui se préparait...

jeudi 13 mai 2004

431 - l'OSS, les psychiatres et Hitler

... on a énormément écrit sur la vie sexuelle - ou l'absence de vie sexuelle - d'Adolf Hitler. Il faut dire que les bizarreries du personnage, et sa volonté, manifeste dès le début des années 1930, de ne jamais s'afficher au bras d'une femme en particulier, ont tout fait pour alimenter les rumeurs.

Au printemps 1943, l’OSS américain demanda même à cinq psychiatres et psychanalystes renommés de rédiger une synthèse sur la vie sexuelle du maître du Troisième Reich.

Se penchant sur tous les documents disponibles, interrogeant divers témoins réfugiés au Canada ou aux États-Unis, ces experts remirent un rapport de 150 pages qui, aujourd'hui encore, prêtent à controverses.

"La plupart de ses plus proches compagnons ignorent tout de ce sujet.
Certains croient qu’il est totalement dépourvu de pulsion de ce type; d’autres, qu’il est un masturbateur chronique; d’autres encore pensent qu’il tire son plaisir sexuel du voyeurisme; d’autres enfin, et ils sont sans doute la majorité, estiment qu’il est homosexuel. Il est probablement vrai qu’il est impuissant, mais certainement pas homosexuel, dans le sens ordinaire du terme. Sa perversion est d’une nature toute différente, que peu de personnes ont devinée. Il s’agit d’une forme extrême de masochisme dans laquelle l’individu obtient une gratification sexuelle quand une femme urine ou défèque sur lui".

(...) Nous ne supposons pas que Hitler s’adonne fréquemment à son étrange perversion. Les patients de ce type le font rarement et dans le cas de Hitler, il est hautement probable qu’il ne s’est autorisé à aller aussi loin qu’avec sa nièce, et peut-être avec Henny Hoffmann [fille du photographe Heinrich Hoffmann].

(...) Chez la plupart des patients souffrant de cette perversion, celle-ci n’apparaît dans sa totalité que lorsqu’une relation amoureuse forte s’est établie (...) Dans les autres cas, l’individu se contente d’activités sexuelles moins dégradantes. Cela apparaît clairement dans le cas de [Mlle] Müller, qui a confié [qu’un soir] Adolf Hitler [nu] s’est couché par terre et l’a suppliée de lui donner des coups de pied. (...) Elle a finalement accepté et elle l’a battu. Cela l’a beaucoup excité et il l’a priée de le faire encore et encore…

(...) Il est possible que Hitler ait eu des relations homosexuelles à un moment donné de sa vie. (...) Les personnes souffrant de sa perversion s’adonnent parfois à la pratique homosexuelle dans l’espoir d’assouvir leur désir. Cette perversion est plus acceptable pour eux que celle dont ils sont affligés".

mercredi 12 mai 2004

430 - la fierté d'être allemand

... En 1938, il n'y avait certes pas beaucoup d'Allemands pour contester le génie du Führer, ni le droit inaliénable de l'Allemagne à diriger l'Europe.

L'Allemagne avait récupéré la Sarre, puis la Rhénanie. Elle avait permis à Franco de s'emparer de l'Espagne. Elle avait annexé l'Autriche et envahi la Tchécoslovaquie sans que les pacifistes européens ne s'en émeuvent et sans que les gouvernements français et britanniques n'interviennent, trop occupés qu'ils étaient à rechercher "La Paix pour notre génération"

Construites par Ferdinand Porsche, qui consacrerait bientôt ses talents à dessiner des tanks, les Mercedes et Auto-Union triomphaient sur tous les circuits d'Europe et sillonnaient les "autoroutes" - c'était nouveau - qu'Hitler faisait construire à travers le Reich de Mille Ans.

Au cinéma, les Européens contemplaient, fascinés, les grands-messes de Nuremberg, fabuleusement mises en scène par Leni Riefenstahl, laquelle venait de révolutionner - pour ne pas dire d'inventer - le documentaire sportif avec son célèbre film "Les Dieux du Stade" tourné en 1936, lors des Jeux Olympiques de Berlin.

En 1938, donc, et pour autant que l'on ne fut ni Juif ni communiste, on pouvait de nouveau se sentir fier d'être allemand, fier de faire trembler l'Europe, et se convaincre que, finalement, on appartenait peut-être à la "race supérieure" appelée à la dominer.

Dans son roman "En Crabe", écrit longtemps après la guerre, l'écrivain Gunther Grass résume bien ce que fut cette époque pour les simples citoyens allemands :

[Lors du lancement du paquebot Wilhelm Gustloff, le 5 mai 1937] "tout Hambourg était là (...) Le train spécial d'Hitler entra à dix heures du matin en gare de Dammtor. Puis le trajet fut poursuivi en Mercedes décapotable, le bras saluant, tantôt tendu, tantôt replié, à travers les rues de Hambourg, au milieu des cris d'allégresse, cela va de soi (...) Les ouvriers des chantiers se bousculaient au pied de la tribune tandis qu'il en montait les marches. Lors des dernières élections libres, à peine quatre ans auparavant, la plupart d'entre eux avaient voté socialiste ou communiste. Il n'y avait plus maintenant qu'un seul et unique parti; et en chair et en os, il y avait le Führer"

Un Führer qui pouvait apprécier le chemin parcouru depuis le lamentable échec du putsch de novembre 1923, suivi de son incarcération à la prison de Landsberg...

mardi 11 mai 2004

429 - éviter la faillite

... En 1938, l'Allemagne hitlérienne avait résolu le problème du chômage de masse par une politique de grands travaux, mais aussi par un réarmement tout aussi massif.

Même si Hitler, qui avait interdit les syndicats et fait du NSDAP le seul parti autorisé en Allemagne, même si Hitler pouvait maintenant se dispenser de repasser directement par les urnes, il n'entendait pas moins rester populaire, et ne pas se fier à la puissance de son seul appareil répressif.

Outre la suppression du chômage, il avait ainsi offert au peuple allemand la possibilité de s'acheter enfin une voiture

Il lui avait également offert des centres de villégiature d'une dimension jamais vue jusque là

Il lui avait encore permis de partir, gratuitement, en croisières grâce à la construction de paquebots financés... à même les caisses des syndicats désormais interdits.

Bien sûr, cette gigantesque machine de propagande était bâtie sur le sable d'un endettement massif,... que seule une victoire militaire tout aussi massive sur les autres puissances européennes aurait permis de consolider...

Le 7 janvier 1939, le président de la Reichsbank, Hjalmar Schacht adressa un mémorandum à Hitler, dans lequel il lui expliqua, en termes néanmoins prudents, qu'il était absolument impératif de réduire les dépenses publiques qui, de 1933 à 1939, avaient été consacrées à 52% au réarmement. Même les milliards en or "récupérés" gratuitement dans les banques centrales tchèques et autrichiennes - le rêve de tout banquier - n'avaient pu colmater la brèche.

Mais cette réduction drastique des dépenses publiques eut assurément entraîné un vaste mécontentement populaire, et peut-être - hypothèse privilégiée par la France - la fin du régime du régime nazi lui-même.

Hitler ne l'entendit pas de cette oreille : il limogea Schacht et n'eut plus de cesse que de s'emparer de tout l'or disponible dans les banques centrales des pays qu'il se proposait d'envahir...

lundi 10 mai 2004

428 - populiste mais populaire

... Marlène Dietrich a écrit "Je suis allemande et je comprends les Allemands. Ils ont tous besoin d'un guide. Nous en voulons tous un, les Allemands sont comme ça. Ils voulaient leur Führer. Et ils l'ont eu".

Et impossible en vérité de comprendre la réussite d'Hitler, sa formidable ascension, ou l'immense popularité personnelle dont il bénéficiait encore jusqu'à la fin de la guerre, en se basant uniquement sur la puissance de son appareil répressif.

Hitler était populiste, mais il était surtout populaire. Et s'il n'a jamais véritablement été élu, son parti et ses idées étaient néanmoins dominants au début des années 1930, quand l'appareil répressif n'était encore qu'embrionnaire.

Pour mesurer l'étendue de sa popularité, il n'est évidemment pas possible de se reposer sur le résultat des seules élections, qui furent interdites peu après son arrivée au Pouvoir, tandis que le NSDAP était proclamé parti unique dès le 14 juillet 1933.

On peut évidemment, comme nous l'avons vu, s'intéresser à l'audience du parti nazi lui-même, passé d'une trentaine d'adhérents (!) en 1919 à... 1 600 000 en janvier 1933.

On peut également se pencher sur le résultat des élections avant qu'elles ne soient interdites, et constater ainsi que le NSADP, qui représentait 2.6% des suffrages en 1928 était devenu, avec 37% des voix, la première formation politique allemande en juillet 1932.

On peut aussi aborder le problème par l'autre bout de la lorgnette, par les témoignages d'Allemands ordinaires qui, pour autant qu'ils ne fussent ni Juifs ni communistes, étaient plutôt contents de ce Herr Hitler qui avait non seulement résorbé le chômage massif du début des années 1930, mais aussi restauré la "grandeur de l'Allemagne" (redevenue une puissance "crainte et respectée") et lancé quantités de programmes sociaux dont la population bénéficiait directement : des autoroutes aux logements sociaux, en passant par les centres récréatifs, ou même les croisières d'agrément, gratuites, pour les ouvriers allemands...

dimanche 9 mai 2004

427 - rééchelonner la dette

... condamnée en 1919 à payer de lourdes réparations à ses vainqueurs qui ne l'avaient pas réellement vaincue, l'Allemagne était bien en peine de s'acquitter de sa dette.

Déjà, en 1923, Belges et Français avaient envahi et occupé militairement le bassin industriel de la Rühr pour obtenir paiement. Cette action avait, comme on s'en doute, entretenu le ressentiment des citoyens allemands, et contribué lourdement à la popularité des divers groupuscules d'extrême-droite qui, à l'image du parti nazi, ne rêvaient plus que de revanche et de restauration de la puissance allemande.

En 1924, un banquier américain, Charles G. Dawes, avait été chargé par les Alliés de rééchelonner les paiements de la dette allemande. Pendant les cinq années suivantes, l'Allemagne put enfin, quoique à grand-peine, rembourser les sommes auxquelles elle avait été condamnée.

Mais en 1929, elle se trouvait à nouveau au bord de la cessation de paiement.

Une nouvelle fois, le Comité allié pour les réparations de guerre se tourna vers les États-Unis, et vers un autre banquier américain, que le magazine Time consacra "Homme de l'Année 1929"

Comme son prédécesseur, Owen D. Young se prononça en faveur d'un énième rééchelonnement des paiements allemands (cette fois jusqu'en... 1988), mais aussi pour la suppression des trois-quarts de la dette.

Malgré tout, il y en avait encore pour... 26 milliards de dollars, à payer en 59 ans (!)

Le gouvernement allemand soumit ce plan à un référendum,... que tous les partis de droite combattirent avec énergie, recueillant pour la première fois près de 14% des suffrages.

La machine électorale nazie était lancée, et plus rien cette fois ne viendrait l'arrêter.

Adopté contre l'avis d'une forte minorité d'Allemands, le plan Young eut à peine le temps d'entrer en service : la crise économique mondiale contraignit en effet l'Allemagne à réclamer - et obtenir - un moratoire dès 1931.

Deux ans plus tard, sitôt parvenu au Pouvoir, Adolf Hitler dénonça le plan Young et refusa de continuer à payer, découvrant alors, à sa grande surprise, que les puissances alliées, loin de prendre le mors aux dents, jouaient au contraire la carte de la conciliation et de l'apaisement (!)

Le déculottage des démocraties européennes venait de commencer...

samedi 8 mai 2004

426 - un travail de sape

... le 1er avril 1924, Adolf Hitler fut condamné à cinq ans de prison pour complot contre la Sûreté de l'État.

Incarcéré à la prison de Landsberg, il en profita pour rédiger les premières pages de Mein Kampf, sur le papier que lui avait pieusement fourni Winifred Wagner, belle-fille de Richard Wagner.

Il put aussi réfléchir à loisir sur les causes de son échec, et en tira la conclusion que dans l'Allemagne légaliste, il ne pourrait parvenir au Pouvoir que par le biais des élections.

Grâce à ses relations dans la bonne société, il fut libéré après 9 mois, en décembre 1924. Bien que plusieurs décrets des gouvernements régionaux lui aient interdit de prendre la parole en public, l'apprenti-dictateur n'en continua pas moins ses activités politiques, reconstituant le NSDAP dès février 1925, faisant paraître les premiers tomes de Mein Kampf (juillet 1925, décembre 1926), et entreprenant un lent et patient travail de sape des institutions démocratiques de la République de Weimar.

En mars 1927, deux ans après l'interdiction, il prenait à nouveau la parole à Munich. En mai 1928, son parti sortait enfin des catacombes, obtenant 2.6% (et 12 députés) aux élections au Reichstag. Encore six mois, et il tenait discours à Berlin.

Le "cordon sanitaire" avait vécu, mais la messe n'aurait probablement jamais été dite si ses adversaires, parfois bien involontairement, n'avaient persisté à accumuler les erreurs dont Hitler, en fin tacticien, sut toujours profiter.

Un de ces gaffeurs était américain, banquier, et "Homme de l'année 1929" pour le magazine Time

Il s'appelait Owen D Young.

vendredi 7 mai 2004

425 - le "grand machin" de la SDN

... au lendemain de la Première Guerre mondiale, Woodrow Wilson, 28ème Président des États-Unis, avait eu l'idée de la "Société des Nations" (SDN) ou "association générale des nations (...) formée sur la base de pactes spécifiques afin d'assurer les garanties mutuelles d'indépendance politique et d'intégrité territoriale, aussi bien aux petits États qu'aux grands"

Et c'est toujours sur convocation du Président Wilson que se tint première réunion du "Conseil de la Société des Nations", à Paris, en janvier 1920.

Nain militaire jusqu'en 1917, les États-Unis n'ont jamais cru à la "politique de puissance" déployée par les différents nations européennes depuis des siècles, avec des résultats oujours plus calamiteux.

Ils rêvent d'un monde que l'on qualifierait aujourd'hui de "multipolaire", un monde où les querelles des Nations ne se régleraient plus que par le Droit, au sein d'organisations internationales. Un monde où les États-Unis, de par leur richesse et leur neutralité, joueraient les arbitres sinon les gendarmes

Mais le Sénat américain, qui ne se voit pas arbitrer les querelles de pays européens toujours prêts à en découdre par les armes, ni réclamer à ses contribuables nationaux le financement, au profit de l'Europe, d'une gigantesque armée et d'une non moins gigantesque marine de guerre pour imposer les arbitrages, le Sénat américain refuse d'adhérer à la Société des Nations qui, dès lors, n'abritera plus que des illusions ainsi que les légions de fonctionnaires inutiles admirablement décrits par Albert Cohen dans "Belle du Seigneur".

Installés à Genève dans le "Palais Wilson", ces fonctionnaires continueront de remplir imperturbablement leurs notes de frais et demandes de congés lorsque Hitler entamera la persécution des Juifs, ou se préoccuperont d'uniformiser l'écartement des voies ferrées européennes quand ce même Hitler parlera d'envahir la Pologne...

jeudi 6 mai 2004

424 - le coup d'État de la brasserie

... si les partisans d'Hitler se laissèrent abuser par ce petit caporal autrichien, que dire alors de ses adversaires, qui durant toutes les années de son ascension le tinrent pour quantité négligeable et ne cessèrent de multiplier les erreurs alors que lui-même, avec un flair finalement formidable, multipliait les coups de poker vainqueurs ?

Le Traité de Versailles de 1919 avait été une erreur, qui tenait l'Allemagne invaincue pour seule responsable de la guerre et, partant, pour la seule à devoir payer la note des indemnisations. Une note qu'elle était bien incapable d'honorer

L'occupation de la Rühr par plusieurs divisions belges et françaises, en janvier 1923, fut une faute. Désespérant de jamais percevoir les sommes auxquelles l'Allemagne avait été condamnée, Belges et Français décidèrent "de se payer sur la bête", en occupant la Rühr et son bassin industriel.

"Chaque remise en question du désarmement suscitait un ultimatum des Alliés, qui parlaient d'occuper le pays. Mais quand le gouvernement respectait les conditions qui lui étaient imposées par le traité de paix, c'est lui que la surenchère politique intérieure menaçait. (...) En occupant la Ruhr pour faire payer l'Allemagne qui rechignait, la France suscita des manifestations monstres contre "les espions" qui profitaient du contrôle pour assujettir le pays".

C'est sur ce terreau ô combien fertile des rancoeurs et frustrations de tout un peuple qu'Hitler et les nationalistes semèrent leurs premières graines : quinze jours à peine après l'invasion belgo-française de la Rühr, le parti nazi tint son premier congrès.

Des rumeurs de coup d'État paramilitaire contre la faible démocratie de Weimar, reconnue incapable de s'opposer au diktat des Alliés, se mirent à circuler.

Le 8 novembre 1923, ce fut le putsch : à Munich, Hitler proclama la révolution nationale. L'armée, restée fidèle à la démocratie, ouvrit le feu sur les insurgés, tuant une vingtaine de personnes.

Hitler fut arrêté et, le 1er avril 1924, condamné à cinq ans de réclusion pour complot contre la Sûreté de l'État. Il fut enfermé à la prison de Landsberg. Il y trouva lettres de réconfort et visites de ses supporters.

Il y trouva surtout l'occasion de ruminer sur les causes de son échec, et celle de commencer à écrire Mein Kampf...

mercredi 5 mai 2004

423 - infatuation

... si la Révolution française doit beaucoup aux aristocrates désireux de se débarrasser d'un Roi devenu trop impotent à leur goût, le succès du national-socialisme allemand doit d'abord et avant tout autant aux bourgeois et industriels, soucieux d'éliminer la démocratie de Weimar et de conjurer le péril bolchevique.

Et comme les aristocrates français, trop imbus d'eux-mêmes, finirent décapités ou pendus aux réverbères d'une Révolution qu'ils avaient provoquée et soutenue, les bourgeois et industriels allemands furent finalement laminés par le national-socialisme et son petit caporal, qu'ils aidaient en public mais dont ils se gaussaient en privé.

Et s'il est une morale en Histoire, c'est celle dont fut victime un homme comme l'avionneur Hugo Junkers, qui après avoir aidé et financé le parti nazi par crainte des communistes et volonté de voir restaurée la grandeur de l'Allemagne, finit emprisonné en 1934, et contraint de céder la direction de ses usines à l'État nazi.

Encore eut-il la chance de mourir avant de les voir détruites par la guerre...

Et quand, le 4 janvier 1933, l'ex chancelier Von Papen rencontra Hitler chez son ami, le banquier Kurt Von Schröder, et lui proposa une articipation au gouvernement, lui et les aristocrates qui le soutenaient pensaient ne faire qu'une bouchée de ce petit parvenu autrichien.

Ils contraignirent Von Schleicher à démissionner de son poste de Chancelier, et persuadèrent le Président Hindebourg de nommer Hitler à sa place, ce que Hindenbourg avait toujours refusé.

Le 30 janvier 1933, Hitler fut donc nommé Chancelier du Reich. Seuls ses deux acolytes, Frick et Goering, se virent offrir des mandats ministériels au sein d'un gouvernement de coalition dominé non par les nazis, mais par des conservateurs qui, sans le savoir, venaient de faire entrer le loup dans la bergerie...

mardi 4 mai 2004

422 - charmer le peuple

... bien que plus lente que celle de ses adhérents, la progression électorale du parti nazi sous la conduite d'Adolf Hitler n'en demeure pas moins spectaculaire.

Officiellement interdit après le lamentable échec du putsch de novembre 1923, le parti est reconstitué en février 1925. En mai 1928, il obtient 12 députés au Reichstag, soit 2.6% des suffrages exprimés. Deux ans plus tard, en septembre 1930, il multiplie son score par dix, avec 107 députés et 18.3% des voix.

Et si Hitler est personnellement battu par Hindenbourg à la présidentielle d'avril 1932 (36.8% des suffrages contre 53%), son parti devient, avec 230 sièges et 37% des voix, la principale formation politique allemande aux élections de juillet 1932.

Impossible dans ces conditions d'attribuer le succès d'Hitler et de son parti à la seule logique répressive : bien que la SA (ou "Section d'assaut") ait été créée en août 1921, cette garde prétorienne est encore loin, à l'été 1932, de pouvoir contraindre l'électeur allemand à voter azi.

Comme souvent, l'explication tient à une multitude de facteurs, dont le charisme personnel d'Hitler et la fascination qu'il exerce sur un électorat véritablement dégoûté par la démocratie de Weimar, frappé de plein fouet par la crise économique du début des années 1930, et qui rêve de prendre sa revanche sur "l'humiliation" infligée par les Alliés, et en particulier par la France, lors du Traité de Versailles.

Elle tient aussi aux multiples erreurs de ses adversaires...

lundi 3 mai 2004

421 - Rienzi

... pour Winifred Wagner, épouse de Siegfried Wagner et belle-fille de Richard Wagner, la première rencontre avec Hitler est une révélation.

Même son très vieux mari, homosexuel et de 28 ans son aîné, est lui aussi tombé sous le charme du petit caporal devenu modeste agitateur politique : "Dieu soit loué, il existe encore des hommes allemands. Hitler est un être magnifique, la véritable âme populaire allemande. Il y arrivera certainement", écrit-il

Pendant des années, le couple Wagner, et particulièrement Winifred, va aider le jeune tribun, l'accueillant à de multiples reprises, le présentant à la bonne société, lui faisant rencontrer les "décideurs", corrigeant ses détestables manières de parvenu autrichien.

C'est Siegfried Wagner qui payera l'hospitalisation d'Hermann Goering, blessé lors du lamentable échec du putsch de Munich, en novembre 1923. C'est Winifred Wagner qui fournira à Hitler le papier et les crayons avec lesquels il commencera à rédiger Mein Kampf, dans sa cellule de la prison de Landsberg. C'est Winifred qui remuera Ciel, Terre, et surtout relations bien placées, pour l'en faire sortir après neuf mois alors qu'il a été condamné à cinq ans.

Et c'est toujours Winifred qui remettra la musique de son beau-père dans les mains du Troisième Reich...

Il faut dire qu'Hitler est lui aussi un authentique passionné de l'oeuvre wagnérienne, ce qui facilite certainement les choses.

En novembre 1906, à 17 ans, Hitler a d'ailleurs connu l'émotion de sa vie dans le parterre de l'opéra de Linz, où l'on jouait Rienzi, de... Richard Wagner.

"Nous vécûmes bouleversés la chute de Rienzi", écrivit son ami August Kubiczek, et bien qu'en général, lorsqu'une expérience artistique l'avait ému, il eut l'habitude de s'exprimer immédiatement (...) Adolf garda longtemps le silence après celle-ci. (...) Il parla soudain d'une "mission" qui le ferait guider le peuple allemand vers "les sommets de la Liberté". On aurait dit qu'un autre moi s'exprimait en lui, et lui inspirait le même saisissement qu'à moi-même"

Et de fait, Rienzi devint l'hymne officiel des congrès du Parti nazi, et c'est en parlant de Rienzi, de ce concert de 1906, qu'il déclara à Winifred Wagner "c'est à cette heure précise que tout commença"

dimanche 2 mai 2004

420 - "Je n'ai pas couché avec Adolf Hitler"

... Pour Hitler comme pour la majorité des Allemands, l'armistice du 11 novembre 1918 fut d'abord ressenti comme un humiliation : invaincue sur le terrain, combattant encore à l'extérieur de ses frontières, et n'ayant pas eu à souffrir de destructions sur son sol, l'Allemagne toute entière ne s'estimait pas battue, et certainement pas à la régulière.

A cette humiliation s'ajouta bientôt l'injustice du Traité de Versailles du 28 juin 1919 qui, en la présentant comme seule responsable de la Première Guerre mondiale, la condamna à verser de solides indemnités à ses vainqueurs, des indemnités qu'elle n'était pas en mesure de payer et qui, durant plus d'une décennie, alimentèrent les rancoeurs de la population.

Et comme il fallait un coupable, c'est naturellement la fragile République de Weimar elle-même, qui avait succédé à la monarchie, qui en fit les frais.

On vit bientôt la bourgeoisie, les industriels, mais aussi de nombreux prolétaires allemands, se mettre à rêver d'un "sauveur", d'un "chef", d'un homme providentiel qui saurait restaurer la grandeur de l'Allemagne, chasser les politiciens par trop traditionnels, et venger l'humiliation de Versailles.

Parmi ces personnes se trouvait celle qui devint plus tard la muse d'Hitler, celle qui remit entre les mains du Troisième Reich l'héritage d'un génie ainsi que du plus allemand de tous les compositeurs, celle qui, en mai 1945 déclara à Klaus Mann, fils de l'écrivain Thomas Mann, "Il est inutile de me poser la question, je n'ai pas couché avec Adolf Hitler".

Elle s'appelait Winifred Wagner.

samedi 1 mai 2004

419 - la création du NSDAP

... En septembre 1919, Adolf Hitler adhéra, sous le numéro 55, au Parti Ouvrier allemand.

A l'époque, ce groupuscule parmi tant d'autres de la droite populiste allemande comptait moins d'une trentaine de membres actifs. Et si Internet avait existé à l'époque, on n'aurait entendu que ricanements de sorcières le jour où un Internaute se serait hasardé à en évoquer la dangerosité sur un forum de discussions.

Mais grâce à ce qu'il faut bien appeler la force de conviction et les talents d'orateur d'Adolf Hitler, cet embryon du parti nazi (rebaptisé "Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei" (NSDAP) ou "Parti national-socialiste des travailleurs allemands" en mars 1920), vit bientôt les nouveaux adhérents affluer par milliers.

D'une trentaine en septembre 1919, les Nazis sont déjà 2 000 fin 1920, plus de 3 300 en août 1921, 20 000 à la fin de 1922, et... 800 000 à l'été 1932, alors même qu'Hitler n'est pas encore arrivé au Pouvoir.

L'afflux est même tel qu'en mai 1933, le NSDAP décide carrément de ne plus procéder à de nouvelles adhésions, passées de 1 600 000 le 30 janvier 1933 à 2 500 000 le 1er mai de la même année (!)

Bien qu'assouplie en mai 1937, cette interdiction ne sera définitivement levée qu'en mai 1939.

A cette date, le parti compte 5.3 millions d'adhérents, qui seront 8.5 millions en 1945...