vendredi 30 avril 2021

6719 - sous le jardin, le bunker

Le bunker de la Chancellerie : en rouge foncé le Führerbunker, en clair le Vorbunker
… Bunker de la Chancellerie, Berlin, 17 janvier 1945

En 1936, dans le cadre des premiers travaux de réaménagement de la Chancellerie du Reich, un abri souterrain d’environ 10 mètres sur 20, destiné à protéger son Maître d’une éventuelle attaque aérienne, avait été installé sous une des caves du bâtiment.

Hitler ne passant - comme nous l’avons vu - que fort peu de temps dans la capitale, à laquelle il préférait de loin  la quiétude de sa résidence privée du Berghof, ou alors l’ambiance monacale de cette Wolfsschanze qui lui rappelait tant de souvenirs heureux de la 1ère G.M., l’abri n’avait ensuite quasiment pas été utilisé jusqu’en 1943, lorsque les revers de fortune, l’accroissement de la menace aérienne, mais aussi la mise en œuvre par les Alliés de bombes de plus en plus lourdes, ont fini par imposer la construction d’un second bunker, construit cette fois plus profondément, et doté d’un plafond bétonné deux fois plus épais.

Achevé en 1944, et directement relié au bunker originel, rebaptisé pour la circonstance "Vorbunker" ou "bunker avant", ce nouveau Führerbunker d’environ 20 mètres sur 20, équipé d’une dalle de toit de quatre mètres et de murs de deux mètres  d’épaisseur, a quant à lui été érigé à plus de huit mètres sous le jardin de la Chancellerie, profondeur jugée suffisante pour résister aux plus intenses bombardements alliés mais qui, parce que située sous la nappe phréatique, a contraint architectes et ingénieurs a installer un imposant système de pompes de drainage, lesquelles, bien que fonctionnant 24 heures sur 24, n’empêchent cependant pas le bunker de s’avérer épouvantablement humide et insalubre… donc en tout point conforme à l’habitat dans lequel le Führer vient de passer l’essentiel de ces cinq années de guerre…

jeudi 29 avril 2021

6718 - l'ultime bunker

L'entrée du Führerbunker, ici en 1947
… Adlerhorst, 16 janvier 1945


Au soir du 14 janvier, l’État-major d’Hitler, qui ne se nourrit guère d'illusions sur la véritable capacité de la Ligne Siegfried à constituer une ligne de défense efficace à l’Ouest, réclame le repli derrière le Rhin de toutes les unités allemandes,... y compris de celles encore occupées à combattre dans les Ardennes.

Mais Hitler refuse ! Son "pari ardennais" est un nouvel échec, soit, mais puisque les troupes qui y ont participé se sont élancées depuis la Ligne Siegfried, qu'elles s'en retournent là-bas et nulle part ailleurs ! 

Ainsi, et avec le talent qu'on lui connaît, le docteur Goebbels sera peut-être en mesure de présenter la chose comme une sorte de "retour à la normale après une fructueuse opération militaire" plutôt que comme l'aveu d'une nouvelle et cinglante défaite...

De toute manière, il n'est déjà plus question de cela dès le lendemain : au lieu de l'annonce de la Chute de Strasbourg, que le Führer espérait encore, c'est une toute autre nouvelle qui lui parvient : à l'Est, l’Armée rouge a en effet fait voler en éclats les trop faibles lignes de défense allemandes et a commencé à se déverser dans toute la Prusse orientale !


Et puisqu’il n’y a désormais plus rien à gagner à l’Ouest, à quoi bon demeurer à l’Adlerhorst ?

 Le 16 janvier, le "Cirque Hitler" embarque donc pour une dernière fois dans le Führersonderzug qui le dépose bientôt à Berlin, où Hitler s’enferme alors dans un nouveau - et cette fois ultime - bunker : celui construit sous la Chancellerie du Reich

mercredi 28 avril 2021

6717 - quelques jours de sursis

Canon d'assaut soviétique, début 1945
… Adlerhorst, 12 janvier 1945

Et le 12 janvier, comme l’avait prédit Guderian, quelque 2 200 000 soldats soviétiques passent à l’attaque contre des forces allemandes cinq fois moins nombreuses et qu’elles écrasent donc tel un rouleau-compresseur sans que le "courage" ou la "volonté de fer" puisse y changer quoi que ce soit !

Le lendemain, la situation à l’Est parait si dramatique qu’Hitler parle ouvertement de quitter l’Adlerhorst… pour s’en retourner à la Wolfsschanze afin d'y assumer lui-même le commandement des opérations !

Mais les événements à l’Est, lui rétorque son État-major, sont maintenant si rapides que toute la Prusse orientale, et donc la Wolfsschanze elle-même, risque bientôt de tomber entre les mains des Soviétiques !

Hitler, pourtant, ne se résigne pas encore à ordonner la destruction de son précieux quartier-général… où les travaux de construction se poursuivent toujours comme si de rien n’était !

Les arguments de ses généraux étant cependant incontestables, même pour lui, il consent cependant à ne pas s’en retourner sur place, et même à autoriser l’évacuation immédiate de tout le personnel militaire et administratif, et de tous les ouvriers, qui s’y trouvent encore.

Mais pas question pour autant d’ordonner le dynamitage de la Wolfsschanze, qui va donc obtenir quelques jours de sursis…

mardi 27 avril 2021

6716 - vol au-dessus d'un nid de coucous

Heinz Guderian : "Le Front de l'Est est comme un château de cartes"
"Ne croyez pas cela, Mein Führer", s’exclame aussitôt le Maréchal du Reich, "Ce ne sont pas de vrais avions. Ce sont simplement des leurres !"


Pour Hitler, qui a moins que jamais envie d’entendre le moindre propos défaitiste, l’occasion est trop belle de surenchérir et de déclarer, dans la foulée, que les estimations des services de renseignement de Guderian sont "complètement aberrantes" et que l'homme qui les a rédigées "devrait immédiatement être enfermé dans un asile d'aliénés".

Offusqué, Guderian réplique que l’homme en question est un de ses meilleurs officiers, et que si le Führer veut l’envoyer dans un asile, et bien "qu’il n’hésite pas à l’y envoyer lui aussi" !

Et alors que Guderian, complètement écœuré, s'apprête à quitter la place, Hitler, comme pour l’apaiser, le prend alors à part et le remercie de ses efforts grâce auxquels, lui dit-il, "le Front de l'Est n'a jamais encore possédé d'aussi puissantes réserves"

"Le Front de l'Est", rétorque Guderian, "est comme un château de cartes. S'il vient à être rompu en un seul endroit, tout le reste s'effondrera", ce à quoi Hitler, toujours soucieux d’avoir le dernier mot, rétorque que "le courage" et "une volonté de fer" permettront de "tenir le Front".

Comment faire la guerre dans ces conditions…

lundi 26 avril 2021

6715 - quand le pire est encore à venir

Panzer IV détruit lors de la Bataille des Ardennes
... Adlerhorst, 9 janvier 1945

Le 3 janvier, la nouvelle d’une vaste contre-offensive alliée parvient à l’Adlerhorst; le 8, Hitler, qui craint que ses troupes ne finissent encerclées et dès lors impossibles à ravitailler, se résout enfin à autoriser un premier retrait, certes timide mais qui en préfigure bien d’autres…

Mais le pire est encore à venir car, le lendemain, c’est Guderian qui se présente à nouveau au quartier-général où Hitler vient tout juste d’ordonner que des unités blindées actuellement stationnées sur la Vistule soient immédiatement expédiées en Hongrie afin d'y soutenir une (très) hypothétique contre-offensive jusque Budapest, encerclée (1) depuis Noël !

Folie que tout cela, estime Guderian tant l’Armée rouge est plus puissante que jamais : sur un front s'étendant de la Baltique à l'Adriatique, celle-ci a en effet rassemblé près de 7 millions de soldats, soit... deux fois plus que l'armée allemande n'en avait elle-même aligné quatre ans auparavant pour envahir l’URSS, et... dix fois plus que ce dont elle dispose aujourd’hui à l’Est !

Mais lorsqu’il tente d’expliquer cette réalité à Hitler, et lui explique que, selon les dernières reconnaissances aériennes en sa possession, les Soviétiques ont massé  près de 8 000 (!) avions de combat sur la Vistule et en Prusse orientale, il est aussitôt interrompu par Hermann Goering


(1) débuté le 26 décembre 1944, le siège de Budapest par l’Armée rouge et l’armée roumaine désormais ralliée à celle-ci se terminera par la capitulation de la ville - bien évidemment suivie de l’habituel cortège de pillages et de viols de masse - le 13 février 1945.

dimanche 25 avril 2021

6714 - être et avoir été

Tank-destroyer M18 "Hellcat" lors de la Bataille des Ardennes
... Adlerhorst, 1er janvier 1945

Et à ceux qui douteraient encore de son déséquilibre mental, Hitler d’alterner les périodes d’exaltation et de profond abattement : le 28 décembre, il reconnait ainsi devant ses généraux réunis que la situation est "désespérée" mais, trois jour plus tard, se déclare à nouveau convaincu de pouvoir l’emporter à l'Ouest où l'offensive se double maintenant d'une attaque vers Strasbourg !

Sa dégradation physique, elle, est visible à l'oeil nu

"L’Hitler de 1945 n’était plus l’homme qui était parti pour la Pologne en 1939. Il avait vieilli, son dos était voûté, son visage livide, sa voix tremblotante, ses cheveux étaient devenus gris et sa célèbre moustache avait maintenant la blancheur de la neige.

(…) Sa réunion de mi-journée ne débutait maintenant plus avant 17h00. Après quoi, ses docteurs insistaient pour qu’il aille dormir. Il prenait alors de fréquentes marches dans la neige autour de son bunker, s’efforçant de maîtriser les tremblements de sa main gauche.

A cause de ses tremblements, il lui était maintenant difficile d’écrire. Depuis le mois de décembre, un fonctionnaire de confiance imitait donc sa signature sur toutes les citations et récompenses officielles" (1)

(1) Baxter, op cit

samedi 24 avril 2021

6713 - ... finit par coûter énormément

Tiger II lors de la Bataille des Ardennes : aussi puissants qu'inadaptés au terrain
... Adlerhost, 23 décembre 1944

En lançant son offensive dans les Ardennes, Hitler avait parié sur une victoire rapide qui, en lui offrant plusieurs mois de répit à l’Ouest, lui permettrait ensuite de reprendre l’initiative à l’Est.

Mais la victoire à l’Ouest tarde à se dessiner et, pire encore, la situation est en train de s’aggraver à l’Est !

Le 23 décembre, le général Heinz Guderian, chef de l'OKH, est en effet venu lui dresser le bilan de la situation militaire, qu'il résume en un double et implacable constat : la Bataille des Ardennes est un échec, et un échec dont il importe dès à présent de tirer les conséquences... en ramenant le plus rapidement possible à l’Est les troupes - en particulier celles de Sepp Dietrich - actuellement occupées à piétiner en vain en Belgique.

Mais à mesure qu'il développe son exposé, l'humeur du Führer s’assombrit, signe habituel et précurseur des grandes explosions de colère dont le maître du Troisième Reich est familier
 

Et de fait, lorsque Guderian souligne que, selon les renseignements dont il dispose, l'Armée rouge va lancer, aux alentours du 12 janvier prochain, une vaste offensive sur la Vistule, avec une supériorité numérique de onze contre un pour les fantassins, de sept contre un pour les chars, et même de vingt contre un pour l'aviation (!), Hitler entre dans une rage folle

"C'est la plus grande imposture depuis Gengis Khan !", hurle-t-il, "Qui a répandu toutes ses âneries ?"
 Authentique voix de son maître, le général Jodl affirme alors que l'offensive dans les Ardennes doit à tout prix se poursuivre, et comme c’est exactement ce qu'Hitler veut entendre, le débat en reste là jusqu'au dîner où Guderian, stupéfait, entend le nouveau commandant-en-chef du Groupe d'Armées Oberrhein, le Reichsführer-SS Heinrich Himmler, lui déclarer que, selon lui, les Russes ne lanceront pas la moindre offensive, attendu que tout cela n’est "qu'un énorme bluff !"

vendredi 23 avril 2021

6712 - ce qui devait rapporter gros...

Sherman américain, prés de Bastogne
 … Adlerhorst, 11 décembre 1944, 11h30

Lorsqu’il se réveille à 11h30, le 16 décembre, il y a déjà six heures que l’enfer s’est déchaîné sur le Front des Ardennes, défendu par les 2ème, 4ème, 28ème, 99ème et 106ème divisions d'Infanterie, ainsi que par la 9ème division blindée américaines, soit environ 80 000 hommes et 400 tanks.

Peu de choses en vérité, surtout si l'on considère que deux des divisions d'Infanterie, éreintées par les combats des semaines précédentes, n'ont été envoyées dans les Ardennes que pour s'y reposer et s'y rééquiper, et que deux autres, ainsi que la division blindée, sont composées de novices qui ne se trouvent là que pour se faire les dents et glaner sans trop de risques un peu d'expérience dans ce secteur unanimement considéré comme "calme" !

Une fois de plus, Hitler semble sur le point de remporter son nouveau pari, mais après quelques jours, et une fois de plus, la résistance se durcit, la progression ralentit, les pertes augmentent (1),... et ce pari qui devait rapporter gros finit par coûter de plus en plus !

Hitler, pourtant, veut encore y croire !

"Sa confiance perdura jusqu’à Noël, qu’il célébra, à la surprise de beaucoup, avec un verre de vin. C’était la première fois que Fraulein Schroeder l’avait vu s’abandonner ainsi" (2)

(1) sur la Bataille des Ardennes : Saviez-vous que… Nuts
(2) Baxter, op cit

jeudi 22 avril 2021

6711 - "Tout ce que Hitler veut que je fasse est de traverser une rivière, de prendre Bruxelles, et de poursuivre pour m’emparer d’Anvers"

Tiger II abandonné à la Gleize : sur le papier, c'était pourtant facile...
…  "Depuis le début", déclare Hitler,"je me suis efforcé de mener chaque fois que possible la guerre de manière offensive. Au bout du compte, les guerres se décident quand l’une ou l’autre partie reconnaît que la guerre ne peut plus être gagnée. La tâche la plus importante est donc d’amener l’ennemi à s’en rendre compte"

Mais pour ces hommes qui, pour certains, combattent depuis 1939, les "motivations politiques" du Führer, et "l’importance de la mission", ne sauraient compenser le manque d’essence et de moyens, l’absence totale de soutien aérien, ou encore l’obligation de se battre dans la neige et le froid et avec des troupes trop souvent composées de soldats trop jeunes ou trop âgés pour combattre !

En définitive, c’est Sepp Dietrich, commandant de la 6e Armée blindée SS (et avant cela de la Leibstandarte Adolf Hitler), et pourtant fidèle d’entre les fidèles et vieux compagnon du "Temps de la Lutte" (il était membre des Freikorps avant d’adhérer au NSDAP en 1926), qui résumera le mieux l’opinion des participants à l’égard de toute cette opération.

"Tout ce que Hitler veut que je fasse est de traverser une rivière, de prendre Bruxelles, et de poursuivre pour m’emparer d’Anvers. Et tout ceci au pire moment de l’année dans les Ardennes, alors que l’on s’enfonce dans la neige jusqu’à la poitrine, et qu’il n’y a pas la place pour déployer quatre chars de front, sans même parler de divisions blindées. Alors qu’il fait nuit jusqu’à 8 heures du matin et que l’obscurité s’installe à nouveau à partir de 16 heures, avec des divisions fraîchement reconstituées, composées essentiellement d’enfants ainsi que d’hommes âgés et malades" (1)

(1) Guillaume Pikety, La Bataille des Ardennes

mercredi 21 avril 2021

6710 - paranoïa

Un des bunkers de l'Adlerhorst, aujourd'hui. A l'origine, il était revêtu d'un parement en bois
… "à peine quelques heures après son arrivée, Hitler était déjà de retour au travail. Lors d’une réunion de guerre inhabituellement longue, ses généraux remarquèrent qu’il semblait extrêmement optimiste au sujet de l’offensive à venir. Il réitéra à quel point il était important de l’emporter si on voulait conserver une chance de reprendre l’initiative à l’Est. Même à ce stade de la guerre, Hitler imaginait encore retourner à la Tanière du Loup"

Le plan de la bataille établi, ne reste plus maintenant qu’à l’expliquer à ceux qui vont devoir l’appliquer sur le terrain et qui, paranoïa oblige,... n’ont jamais été avertis de ce qu’on va leur demander !

"(…) Hitler convoqua les commandants du Front Ouest pour discuter avec lui. Après avoir dû se départir de leurs armes et serviettes, ceux-ci furent promenés à travers la campagne pour perturber leur sens de l’orientation jusqu’à ce que la colonne de voitures finisse par stopper à l’entrée du vaste complexe de bunkers qui constituait l’Adlerhorst. Ils pénétrèrent dans l’enceinte lourdement gardée sans savoir pour quelle raison on les avait convoqués

(…) La moitié des participants convoqués n’avaient plus vu Hitler depuis plusieurs mois et ils furent choqués de découvrir "une figure voûtée, au visage pâle et bouffi, recroquevillée sur sa chaise, les mains tremblantes, et le bras gauche agité de mouvements compulsifs qu’il s’efforçait de dissimuler". Un garde du corps armé se tenait debout entre chaque chaise.

Dans un discours de deux heures devant la soixantaine de commandants rassemblés, Hitler leur expliqua les motivations politiques de sa décision de lancer une vaste offensive à l’Ouest" (1)

(1) Baxter, op cit

mardi 20 avril 2021

6709 - de la Wolfsschanze à l'Adlerhorst

Un des bunkers de l'Adlerhorst, de nos jours,... et toujours déguisé en chalet
… Adlerhorst, Bad Nauheim, 11 décembre 1944

Le 11 décembre, le "Cirque Hitler" débarque donc dans le plus grand secret dans son nouveau quartier-général de l’Adlerhorst

Par rapport à la Wolfsschanze, le site est bien plus petit, mais infiniment plus enchanteur puisqu’on y trouve en effet un véritable château-fort, celui de Kransberg, bâti sur un éperon rocheux, et dont les origines remontent au 12ème siècle

Transformé au 19ème en une vaste résidence d’apparat de style néo-gothique, le château a été réquisitionné par le Reich en 1939, et confié à Albert Speer afin de devenir le principal Führerhauptquartier à l’Ouest.

Soucieux des détails, l’architecte favori d’Hitler, et futur Ministre des Armements, a alors eu l’idée d’ériger, en contrebas du château, sept grands bunkers aux murs et plafonds d’une épaisseur d’un mètre (jugée suffisante en 1940) mais dotés d’un revêtement en bois, d'un faux toit en tuiles, de colombages, et de petites lucarnes destinés à les faire passer pour de simples chalets allemands traditionnels.

Décorés dans le même style, ces bunkers nouveau genre n’ont pourtant pas plu à Hitler lorsqu’ils les a inspectés, en février 1940. Le Führer leur ayant finalement préféré ceux, infiniment plus traditionnels et spartiates, du Felsennest, les bunkers de l’Adlerhorst ont alors été attribués à la Luftwaffe, et en particulier à son chef, Hermann Goering, dont le goût et l’appétit pour le luxe se sont bien mieux accommodés des conceptions architecturales de Speer.

Après l’abandon du projet d’invasion des îles britanniques, l’Adlerhorst est entré en semi-léthargie, avant de reprendre du service actif à l’automne 1944, en tant que quartier-général pour l'OB West du maréchal von Rundstedt

lundi 19 avril 2021

6708 - un adieu en forme d'au-revoir

Hitler, à la Chancellerie, recevant Ferenc Szálasi, chef de l'État hongrois, 4 décembre 1944
… Wolfsschanze, 20 novembre 1944, 03h15

Aux premières heures du 20 novembre, le "Cirque Hitler" embarque donc dans le Führersonderzug qui doit le ramener dans la capitale du Reich, où il va demeurer quelques jours avant de rejoindre un nouveau quartier-général de campagne, l’Adlerhorst de Bad Nauheim (Hesse), dans lequel Hitler a prévu de superviser le déroulement de la Bataille des Ardennes.

Avant de monter dans le train, les membres de l’entourage du Führer ont naturellement jeté un dernier regard à cette Wolfsschanze où leur maître aura passé plus de 800 jours de guerre, et où les travaux, aussi incroyable cela puisse-t-il sembler, se poursuivent toujours jour et nuit !

Et plus incroyable encore : alors que, deux jours plus tard, Hitler va donner à Keitel l’ordre formel d’élaborer un programme de destruction complète des installations, réalisable sous 24 heures, et ce afin d’éviter qu’elles ne puissent tomber intactes aux mains des Soviétiques, les dits travaux vont encore continuer en parallèle, et comme si de rien n’était !

Dans ce Troisième Reich depuis longtemps plongé dans une réalité "alternative", des centaines d’ouvriers vont donc, pendant des semaines, s’acharner à bâtir et aménager des bunkers… que d’autres ouvriers vont préparer pour la destruction…

En donnant ses ordres à Keitel, Hitler lui a certes assuré qu’il entendait, malgré tout, revenir sous peu en Prusse orientale, c-à-d, en pratique, lorsque l’offensive qu’il s’apprête maintenant à lancer dans les Ardennes belges aura été couronnée de succès… et aura convaincu Britanniques et Américains sinon de signer une paix séparée avec lui, du moins de se tenir tranquilles durant quelques mois.

Mais croit-il réellement en ses propres paroles ?

dimanche 18 avril 2021

6707 - sur le départ

Carte des opérations en Prusse orientale, à l'automne 1944

… Wolfsschanze, 18 novembre 1944

Et pendant quelques jours, Hitler semble bel et bien sur le point de tenir une fois de plus sa promesse : en Prusse orientale, au terme de combats acharnés, les forces allemandes, appuyées par une poignée de monstrueux Tiger II de… 70 tonnes (!), réussissent en effet à contenir, puis à repousser, l’Armée rouge.

C’est une victoire importante, et une victoire précieuse, mais, dans ce qui n’est plus depuis longtemps qu’une guerre d’attrition, c’est inévitablement une victoire sans lendemain, qui ne fait que repousser de quelques jours le tout aussi inévitable abandon de la Wolfsschanze, désormais bien trop proche des canons soviétiques.

Mais cet abandon - car c’en est bien un - Hitler se doit de le présenter d’une manière plus optimiste et bien plus riche de promesses !

"Hitler surprit son entourage en lui annonçant qu’il avait maintenant l’intention de quitter la Tanière du Loup afin de mieux superviser la [future] Bataille des Ardennes. Il n’avoua devant personne y être contraint par l’avancée de l’Armée rouge. Pour lui, cela aurait équivalu à reconnaître la défaite.

Son départ du quartier-général devait être tenu secret. La plupart des membres de son entourage se firent dire qu’ils s’en allaient pour le Front Ouest, et s’avérèrent soulagés lorsqu’il leur donna l’impression qu’il s’en retournerait bientôt à la Tanière du Loup" (1)

L’important, dans une guerre, c’est toujours de faire semblant d’y croire…

(1) Baxter, op cit

samedi 17 avril 2021

6706 - "Hitler répondit avec un grand sourire qu’il n’avait pas l’intention de mourir des mains d’une de ses secrétaires"

Un Panther croisant une colonne de réfugiés. Prusse orientale, automne 1944
… Wolfsschanze, 25 octobre 1944

Et une fois de plus, Hitler est le seul à demeurer d’un optimisme imperturbable !

"A la stupéfaction de son entourage, Hitler était déterminé à rester. Mais il était encore loin d’être rétabli et la moitié des réunions de guerre furent annulées afin qu’il puisse se mettre au lit"

Au fil des jours, la rumeur de multiples atrocités commises par l’Armée rouge sur la population civile de Prusse orientale parvient jusqu’à la Wolfsschanze, accroissant encore l’angoisse de ses locataires. 

"L’anxiété continuait à faire des ravages au quartier-général, en ce compris parmi les généraux, qui estimaient tous qu’il serait bien plus sûr de s’en retourner à Berlin (…) Chacun était terrifié à l’idée de se retrouver capturé, torturé et assassiné".

(…) [le 25 octobre], Hitler dit à Bormann qu’il ne quitterait pas le quartier-général tant que la crise sur le Front de l’Est ne serait pas maîtrisée. Son entourage se résigna nerveusement à demeurer avec le Führer

(…) Ses secrétaires lui demandèrent si elles devaient apprendre à utiliser une arme, mais Hitler répondit avec un grand sourire qu’il n’avait pas l’intention de mourir des mains d’une de ses secrétaires. Il leur promit que tout le monde au quartier-général s’en sortirait et que l’ennemi serait finalement anéanti". (1)

(1) Baxter, op cit

vendredi 16 avril 2021

6705 - le péril rouge

Panther, à Goldap, novembre 1944
… Wolfsschanze, 22 octobre 1944

Et le 16 octobre, comme pour lui donner raison, l’Armée rouge franchit la frontière nord-est de la Prusse orientale !

Pendant deux semaines, des combats acharnés se déroulent sur le sol-même du Reich, et la situation est si préoccupante que, dès le 22, le bruit quasi-continu des canonnades se répercute jusqu’à la Wolfsschanze elle-même, ce qui, on s’en doute, ne manque pas d’inquiéter ses locataires !

"Beaucoup craignaient de se réveiller un matin avec des combats juste devant leur baraque ou leur bunker (…) Keitel se présenta au Führerbunker et demanda à Hitler de partir immédiatement pour Berlin. 

En secret, Martin Bormann ordonna aux sténographes de commencer à emballer leurs affaires en prévision du départ vers la Chancellerie 

(…) Des officiers et un bon nombre d’officiels du parti, avides de s’en aller, fournirent quantités d’excuses justifiant leur présence obligatoire à Berlin"

Mais si chacun s’attend à devoir déguerpir d’un moment à l’autre, les travaux de renforcement et  d’agrandissement se poursuivent néanmoins comme si de rien n’était !

"(…) les travailleurs de l’Organisation Todt continuaient d’œuvrer 24 heures sur 24 pour améliorer les installations (…) les ordres étaient de poursuivre les travaux sans égard à la situation militaire" (1)

(1) Baxter, op cit

jeudi 15 avril 2021

6704 - le miracle des injections

Panther en action près de Goldap (Prusse orientale) à l'automne 1944
… Wolfsschanze, 26 septembre 1944

Mais si le ciel s’est - légèrement - éclairci au-dessus du Reich, la santé de son Führer, elle, a recommencé à se détériorer !

Le 19, se plaignant de sévères maux de tête, il avait déjà dû se rendre, sous une impressionnante escorte de véhicules blindés, jusqu’à l’hôpital de campagne voisin afin d’y subir des examens.

Mais une semaine plus tard, ce sont ses douleurs d’estomac qui sont devenues intolérables ! Les épaules basses, le teint jaunâtre, Hitler erre péniblement et comme une âme en peine. Lorsqu’il le rencontre, le 26, le général Nikolaus von Vormann remarque que le Führer - qui n’a tout de même que 55 ans - marche et s’assied "comme un vieillard" et parle d’une voix si faible qu’elle en est presque inintelligible.

Dans la soirée, son état s’aggrave à un point tel que plusieurs membres de son entourage en viennent à penser qu’il ne s’en relèvera pas. Incapable de sortir de son lit - ce qui pour la première fois provoque l’annulation pure et simple des réunions de guerre - il perd trois kilos en autant de jours, et rien, pas même la lecture des nouvelles du Front par l'une ou l'autre personne de son entourage, ne réussit à le sortir de sa torpeur.

Début octobre, les "injections-miracles" du docteur Morell (1) semblent enfin faire de l’effet, mais Hitler, malgré les recommandations de son médecin, s’obstine une fois de plus à demeurer dans l’atmosphère insalubre de son bunker de la Wolfsschanze plutôt que de s’en aller goûter l’air frais de sa résidence du Berghof.

Et à son docteur qui lui en fait reproche, Hitler de rétorquer que ce n’est qu’en restant à la Wolfsschanze qu’il pourra protéger la Prusse orientale des visées soviétiques… et du pessimisme de ses propres généraux…

(1) bien qu'authentique médecin généraliste, Morell était considéré comme un véritable charlatan par la quasi-totalité des intimes d'Hitler, qui se gardaient bien de faire appel à ses services et le soupçonnait même de vouloir empoisonner Hitler avec ses traitements et injections fort peu conventionnels...

mercredi 14 avril 2021

6703 - comme un miracle en automne

Paras américains, après l'échec de Market-Garden "et maintenant, que fait-on" ?
… avec les Soviétiques qui reprennent leur souffle aux portes de Varsovie, les Britanniques étrillés en Hollande, et les Américains en panne d'essence au Luxembourg (!), le Reich, en ce début d'automne de 1944, se retrouve finalement en bien meilleure posture que prévu !

Il a certes perdu l'essentiel de ses conquêtes des années précédentes, mais cette perte lui a au moins permis de raccourcir ses lignes de communication et d'approvisionnement alors que celles de ses adversaires se sont au contraire démesurément étirées.

Ce véritable "miracle d'automne" - qui ne doit pourtant rien aux armes du même nom -  offre maintenant au Reich quelques semaines, et peut-être même quelques mois, de répit assurément bien utile pour réfléchir, panser ses plaies,... et voir ce qui peut encore être fait ou non.

Pas question évidement d'envisager une quelconque "victoire finale" sur un des deux Fronts, ni a fortiori sur les deux à la fois !

... mais en jetant ses ultimes réserves dans un ultime "grand coup" à l'Ouest, comme l’exige Hitler, il y a - peut-être - encore moyen sinon de forcer les Anglo-Américains à une paix séparée, du moins de les contraindre à demeurer dans une attitude strictement défensive durant plusieurs mois supplémentaires, ce qui permettrait - peut-être - alors d'endiguer l'attaque que l'Armée rouge se prépare quant à elle à lancer contre le Reich dès les premiers jours de 1945...

mardi 13 avril 2021

6702 - la débâcle de Market-Garden

Market-Garden : une opération bâclée, dont l'échec allait prolonger la guerre de plusieurs mois
… Arnhem, 26 septembre 1944

Le plan britannique est ambitieux, mais il est surtout incroyablement bâclé : des premières études à la décision finale d’aller de l’avant (10 septembre 1944), il ne se sera en effet écoulé qu’une dizaine de jours, et il ne s’en écoulera que sept de plus avant que ne soit lancée une offensive dont tout le monde reconnaît pourtant l'extrême complexité mais aussi la formidable importance puisqu’elle doit, selon ses promoteurs, permettre de terminer la guerre pour la Noël de 1944 !

Contre toute attente, et à la consternation de Patton, Eisenhower se prononce néanmoins en faveur de ce plan, qui va donc mobiliser l’essentiel des moyens et, surtout, du carburant disponibles.

Exagérément optimiste, puisque conçu comme un véritable rallye de blindés circulant à toute vitesse sur une unique route à deux voies serpentant au milieu de polders inondés (!), Market-Garden se solde, le 26 septembre, par un sanglant mais fort prévisible échec : les paras, que personne n’a été en mesure de secourir à temps, n’ayant d’autre choix que de déposer les armes à Arnhem.

Le bilan est lourd : rien que du côté allié, on compte en effet plus de 17 000 tués, blessés ou prisonniers, soit environ 20 % des effectifs engagés dans cette opération, ou encore deux fois plus que lors du débarquement du 06 juin 1944, en Normandie !

Mais au-delà des pertes humaines, l’échec de Market-Garden signifie surtout que la guerre va se prolonger bien au-delà de la Noël,… et que la Wehrmacht va donc disposer d’un sursis de plusieurs mois avant l'assaut final des Alliés contre le Reich

lundi 12 avril 2021

6701 - plaisirs d'essence...

La disponibilité de l'essence : le coeur du problème pour les armées alliées...
… car si les citoyens de ce qui reste de l’Europe occupée rêvent à présent de voir le Troisième Reich s’effondrer avant la Noël, la réalité n'est hélas pas aussi simple : à l’Est, les troupes soviétiques victorieuses ont à présent besoin de se reposer et de se réapprovisionner avant leur assaut final sur Berlin, tandis qu’à l’Ouest, les troupes alliées sont quant à elles confrontées au manque de carburant !

[Début août] "Les forces américaines disposaient de 9 jours d'avance pour les munitions, de 16 jours pour l'essence. (...) A J+98 (12 septembre 1944), les armées atteignaient en effet une ligne qu'elles auraient dû atteindre à J+350. 260 jours de campagne avaient ainsi été concentrés en 19. Cette avance frénétique accrut la consommation des unités. La 1ère Armée américaine brûla à elle seule, le 24 août, 3 552 626 litres de carburant et, à la fin août, les réserves étaient à sec. La 1ère Armée ne disposait que de 0.31 jour pour l'essence, la 3ème de 0.007 jour" (1)

Impossible, dans ces conditions, de soutenir à fois l’effort de guerre des Américains et celui des Britanniques : si l’on veut percer en Allemagne à brève échéance, il va falloir offrir tout le carburant disponible aux uns,... et contraindre les autres à s’arrêter et à s’enterrer sur place.

Au schéma classique d'attaque frontale, à l'Est, préconisé par Bradley et Patton, les Britanniques sont alors parvenus à substituer le plan "périphérique" de Montgomery au Nord : Market-Garden (2), qui vise à aéroporter des troupes en territoire hollandais, entre la frontière belge et la ville d'Arnhem, avec pour seule et unique mission de s'emparer, et de tenir jusqu’à l’arrivée de renforts blindés, tous les ponts et ponceaux qui mènent jusqu'à cette ville et au Pont d'Arnhem qui, parce qu'il enjambe le Rhin, offrira un accès direct au territoire allemand…

Voilà pour la théorie…

(1) Wievioka, Histoire du Débarquement de Normandie, page 345
(2) Sur le sujet : Saviez-vous que… Des ponts trop loin

dimanche 11 avril 2021

6700 - la réalité parallèle

La 2ème DB française, sur les Champs Élysées, 26 août 1944. Une humiliation de plus pour Hitler
"Il était sûr qu’en envoyant ses puissants Panzers à travers les Ardennes, comme il l’avait fait à l’été de 1940, il pourrait l’emporter.

Le brouillard et la neige gêneraient les opérations alliées et il prévoyait que le port stratégique d’Anvers serait à sa portée. Anvers perdu, dit-il, les Britanniques et les Américains seraient condamnés. Il se produirait un nouveau Dunkerque où l’ennemi, cette fois, serait entièrement détruit.

Bien que cette idée sembla périlleuse aux membres de l’État-major, ceux-ci estimèrent que le Führer montrait à nouveau une énergie et un enthousiasme qu’ils ne lui avaient plus vu depuis longtemps. Beaucoup crurent qu’ils se trouvaient à nouveau en présence de l’Hitler dynamique de 1940" (1)

L’irréalisme total d’une pareille idée démontre pourtant la réalité parallèle dans laquelle vit à présent Hitler, mais aussi la totale sujétion de l’État-major, incapable de faire comprendre au Führer qu’en supposant-même que l’on parvienne à rassembler une fois encore suffisamment de troupes et de matériel pour lancer une attaque d’envergure, celle-ci n’a aucune chance de rallier Anvers en plein hiver, sous la neige, et dans les délais prescrits,… et encore moins de contraindre ensuite les Alliés à un humiliant rembarquement !

Reste que ce plan délirant va de toute manière exiger plusieurs semaines, et même plusieurs mois, de préparation, pendant lesquels les Alliés ne vont évidemment pas demeurer inactifs…

… encore que…

(1) Baxter, op cit

samedi 10 avril 2021

6699 - l'éternel retour du "grand coup"

Hitler, à la Wolfsschanze, recevant l'ambassadeur du Japon Hiroshi Oshima, 4 septembre 1944
… Wolfsschanze, 12 septembre 1944

Il faut dire que le Führer n’a plus vraiment le choix tant les désastres ne font que succéder aux désastres : le 18 août, soit deux jours à peine après l’amorce du repli en France, l’Armée rouge se retrouve aux portes de la Prusse orientale; le 23, la Roumanie change d'alliance et se range aux côtés de l'URSS et contre le Reich; le 25, Paris est libérée; le 28, c'est le tour de Marseille, et le 03 septembre, celui de Bruxelles.

Et le lendemain, après des mois de tractations secrètes, c'est l’allié finlandais qui se retire définitivement du jeu et qui, sans qu’Hitler soit à nouveau en mesure de s'y opposer, signe une paix séparée - et pour lui fort coûteuse - avec l'URSS !

Le 08 septembre, l'Armée rouge pénètre en Bulgarie; le 10, l'US Army en fait de même au Luxembourg avant d'investir Aachen, qui se voit ainsi décerner le titre de première ville allemande à tomber aux mains des Alliés.

Hitler, pourtant, n’a aucune intention de s’avouer vaincu : le repli général qu'il a ordonné à l’Ouest ne vise en fait qu’à récupérer, avant leur complet anéantissement, le maximum de troupes et de matériel possible pour défendre les frontières historiques du Reich mais aussi, et aussi incroyable cela puisse-t-il sembler,… pour tenter un nouveau "grand coup" !

Le 12 septembre, Jodl se voit en effet convoqué au Führerbunker par un Hitler qui, véritablement extatique, lui annonce son intention de lancer… une vaste offensive d’hiver dans les Ardennes et en direction d’Anvers !

vendredi 9 avril 2021

6698 - bons baisers de Provence

Le Débarquement de Provence : le signal de la retraite générale à l'Ouest
… Wolfsschanze, 16 aout 1944

Pour les Allemands qui continuent de lutter avec acharnement en Normandie, l'annonce du Débarquement de Provence (1), le 15 août 1944, sonne comme un glas, car après l'Italie et la Normandie, l'ouverture de ce "Troisième Front" à l'Ouest signifie tout bonnement la fin des ultimes illusions.

Le lendemain, à la Wolfsschanze, Hitler n’a même d’autre choix que de poser un geste inouï et à vrai dire sans équivalant depuis le début de la guerre.

Déprimé par les dépêches, toutes plus mauvaises les unes que les autres, en provenance des différents Fronts, et en particulier de ce nouveau Front provençal, le Führer, avisant les cartes du Sud de la France, se déclare en effet disposé à envisager non seulement une retraite, mais aussi, et surtout, une retraite de plusieurs centaines de km, et ce avant-même que ses généraux ne l’aient expressément réclamée, et alors que rien, au niveau militaire, ne l’impose encore !

Finie donc - du moins pour l’instant - la stratégie, et même l’obsession, du "plus un pas en arrière" : le plan de retraite, formellement adopté le 17, prévoit en effet le repli en bon ordre vers le Nord et la Bourgogne de toutes les unités allemandes présentes dans le Sud de la France, à l’exception des 148ème et 157ème D.I. qui devront retraiter vers les Alpes, mais aussi des diverses unités de forteresse, et en particulier de celles de Toulon et Marseille, qui devront quant à elles continuer à se battre jusqu’au bout afin de favoriser le dit repli et ainsi priver le plus longtemps possible les Alliés de ces importants ports stratégiques…

(1) sur le Débarquement de Provence : Saviez-vous que… Dragoon

jeudi 8 avril 2021

6697 - mauvais présage

Hitler, prêchant la bonne parole auprès de ses Gauleiters. Wolfsschanze, 4 août 1944
... Wolfsschanze, 4 août 1944

Et la situation n’est pas meilleure à l’Est, où les Soviétiques ont partout progressé de quelque 600 km !

Et si ces derniers, épuisés et à court de ravitaillement, sont à présent contraints de marquer le pas aux abords de Varsovie, nul ne doute qu’ils repartiront bientôt à l’attaque avec, à court terme, la Prusse orientale comme principal objectif à court terme.

Or la Prusse orientale, c’est l’Allemagne elle-même ! Pour la défendre contre la marée rouge, il est impératif de mobiliser à présent l’ensemble de la population du Reich, à commencer par ses principaux responsables politiques, ce pourquoi Hitler décide-t-il de convoquer ses fidèles Gauleiters le 4 août à la Wolfsschanze.

"C’est un Hitler vouté qui accueillit ses Gauleiters à l’extérieur du Führerbunker. Il allait de l’un à l’autre en serrant des mains. A l’instar de Friedrich-Karl Florian, de Düsseldorf, nombre d’entre eux furent émus à la vue de leur bien-aimé Führer. 

Bien qu’ils se sentirent ragaillardis par sa présence, ils ne purent s’empêcher de constater à quel point il était en mauvaise santé. Après une discours passionné à ses Gauleiters, un repas fut servi, après quoi Hitler se leva en chancelant et quitta lentement le bâtiment" (1)

Mauvais présage

(1) Baxter, op cit

mercredi 7 avril 2021

6696 - les grandes chevauchées

Avranches, ou la guerre telle que rêvée par les Américains....
… car face aux Américains, il n'y a quasiment que le vide, ce qui permet à ces derniers de progresser à marche forcée vers le Sud, le long du littoral : Canisy tombe le 26, Coutances le 28; le 30, c'est au tour d'Avranches.

Voilà enfin la guerre telle que la rêvaient les Américains depuis leur arrivée en Europe, et la guerre pour laquelle ils s'étaient entraînés et équipés depuis des années. Une guerre de mouvements rapides et de grandes chevauchées, où tanks Sherman et camions GMC ne s’arrêtent que le temps de faire le plein, avant de repartir en trombe au milieu de foules en liesse.

En seulement deux semaines, la 3ème Armée de Patton, va ainsi parcourir un millier de kilomètres, grâce à l'effondrement des Allemands bien sûr, grâce au soutien sans faille de l’Aviation tactique également, mais aussi grâce aux conceptions tactiques fort peu orthodoxes de "Blood and Guts"

"Patton ne s'attarda pas à bâtir des plans ou à imaginer des mouvements. Le goulot d'étranglement formé par la seule route allant d'Avranches à Pontaubault devint une véritable piste de course.

A l'entrée, des officiers supérieurs laissaient passer les unités dans n'importe quel ordre mais, à la sortie, celles-ci étaient dirigées vers les routes qui rayonnaient de Pontaubault et orientées dans la bonne direction. Défiant les règles de la circulation et tous les règlements, Patton fit passer sept divisions par cette route en 72 heures" (1)

(1) Fana de l'Aviation, HS 28, page 44

mardi 6 avril 2021

6695 - s'assoir et écouter

Hitler visitant le général Buhle après l'attentat, 1er août 1944
… "à l’été 1944, Hitler avait réduit ses généraux à un groupe d’hommes anxieux et terrifiés. Il n’y avait plus aucune opposition envers lui, pas même la moindre critique.

Dans les jours qui suivirent, l’État-major général se fit régulièrement donner la lecture sur la manière dont la guerre devait être menée sur tous les Fronts. Lors des réunions de situation, ils devaient se contenter de s’assoir et d’écouter pendant qu’Hitler réglait le sort d’armées entières d’un coin de la carte à un autre.

Les membres de l’état-major général continuaient d’émettre leur propre opinion sur la stratégie, sur les mouvements des troupes ou encore sur le ravitaillement, mais ne s’obstinaient plus avec le Führer si celui-ci décidait de passer outre à leurs décisions ou leurs idées" (1)

Mais cette victoire - car c’en est bien une - d’Hitler sur ces généraux, ou encore l’imposition du salut hitlérien à toute l’armée à la place du traditionnel salut militaire (24 juillet), ne change cependant rien à la situation dramatique des troupes allemandes, tant à l’Est qu’à l’Ouest !

A l’Ouest, justement, les Alliés, après des semaines de piétinement, sont enfin parvenus à se sortir du bocage : le 24 juillet, 5 000 tonnes de bombes larguées à saturation ont en effet ouvert un passage dans les défenses au sud de Saint-Lô, permettant alors à la 3ème Armée de Patton de s’engouffrer dans une brèche que les Allemands n’ont cette fois plus les moyens de colmater…

(1) Baxter, op cit

lundi 5 avril 2021

6694 - le panier de crabes

von Kluge, avec Hitler, en 1940
… mais si l’on excepte la pauvre Eva Braun, le seul et véritable bénéficiaire de l’attentat du 20 juillet contre Hitler n’est autre… qu’Hitler lui-même, à présent débarrassé des ultimes opposants à son régime, et ayant désormais l’Armée toute entière à sa botte !

Car à la Wolfsschanze comme dans tout l’appareil militaire, les officiers, non contents d’avoir été choqués par cet attentat, sont désormais terrifiés à l’idée que quelqu’un puisse établir un lien, fut-il ténu, entre eux-mêmes et les comploteurs déjà identifiés !

Et c’est particulièrement vrai des généraux qui, jusqu’ici, et comme nous l’avons vu à maintes reprises, avaient constamment bénéficié de la mansuétude d’Hitler, lequel s’était toujours contenté de simplement congédier - et avec solde complète ! - ceux qui lui avaient déplu ou dont il estimait qu’ils avaient failli à leur devoir envers lui.

Désormais, chacun a toutes les raisons de craindre pour sa vie et de se voir fusillé comme Tresckow, ou alors acculé au suicide comme Beck (1), von Kluge (2) ou encore Rommel.

Et pour s’éviter un sort aussi funeste, chacun de se précipiter à la Wolfsschanze pour assurer leur Führer de leur complète et indéfectible loyauté !

"Même les officiers congédiés, craignant de se voir suspectés d’avoir perdu la foi envers le Führer ou, pire encore, d’avoir sympathisé avec les comploteurs, s’empressèrent de quitter leur retraite pour se rendre à la Tanière du Loup et assurer personnellement Hitler de leur totale allégeance. 

Même le maréchal von Brauchitsch, dont Hitler avait dit pis que pendre en raison de tous les ennuis qu’il lui avait causé en Russie, même le Grand Amiral Raeder, se présentèrent au quartier-général pour mettre l’accent sur leur éternelle et profonde admiration envers le Führer et pour condamner les comploteurs. Ils applaudirent également la nomination d’Himmler à la tête de l’Ersatzheer, en dépit du fait qu’ils n’avaient cessé de critiquer ce dernier par le passé" (3)

(1) 20 juillet 1944
(2) craignant son arrestation, von Kluge se suicida au cyanure le 18 aout.
(3) Baxter, op cit

dimanche 4 avril 2021

6693 - "Ma chère petite bécasse"

Hitler, lors de son discours à la Nation, après l'attentat du 20 juillet
… pour Hitler, l'attentat du 20 juillet, même s'il n’a provoqué ni sa mort ni sa chute, va néanmoins entraîner d’importantes conséquences.

Au plan physique d’abord, il va accélérer le vieillissement d'un homme qui, à 55 ans, en parait maintenant 10 ou 15 de plus.

Mais au plan mental, il va surtout renforcer la paranoïa et le sentiment de cet homme d’être un véritable "Élu de la Providence" qui, à ce titre, doit être protégé à n’importe quel prix.

Après le 20 juillet, l'accès au Führer, déjà problématique même pour ses plus fidèles partisans, va donc devenir quasiment impossible : plus que jamais claquemuré dans un bunker, et constamment entouré d'une légion de SS, Hitler n’écoutera plus personne, et surtout pas les porteurs de mauvaises nouvelles ou tous ceux qui tenteront encore de lui présenter une vision un tant soit peu réaliste de la situation militaire et économique.

Ironiquement, la seule personne qui, en dehors de lui, va réellement profiter de cet attentat n’est autre… qu'Eva Braun, laquelle lui a d'ailleurs écrit une longue lettre d'amour dès qu'elle a pris connaissance de l'attentat.

Et cette fois du moins, la réponse d'Hitler sera conforme à ses attentes : "Ma chère petite bécasse", lui écrira-t-il, "je vais bien, ne te fais pas de souci (…) J'espère revenir bientôt et pouvoir me reposer dans tes bras (…) mais mon devoir envers le peuple allemand passe avant tout. Je t'ai envoyé l'uniforme que je portais le jour de l'accident. Il prouve que la Providence m'a protégé et que nous n'avons plus à craindre nos ennemis. De tour cœur, ton A.H." (1)

(1) Knopp, Les femmes d’Hitler, page 122

samedi 3 avril 2021

6692 - le champion de la retraite stratégique

Manstein, dans les années 1950 : l'art d'opérer des retraites stratégiques au bon moment...
… premier choix des comploteurs, Erich von Manstein aura plus de chance

Ironiquement, c’est pourtant un des comploteurs, Alexander Stahlberg, qui va probablement lui éviter la potence : Stahlberg - rappelons-nous - a en effet été placé par son cousin, Henning von Tresckow, comme aide-de-camp du feld-maréchal, avec pour mission de sonder discrètement les intentions de ce dernier à l'égard d'un complot contre Hitler et, si possible, de le rallier à la conjuration.

Bien qu'il ait très vite compris que Manstein n'entreprendrait jamais rien contre Hitler, Stahlberg est malgré tout demeuré à son service tout au long de la guerre,… y compris après le congédiement de ce dernier, en mars 1944 (1)

Lorsque début juillet, Stahlberg a annoncé à Manstein l'imminence d'un attentat contre Hitler  - information qu'il tenait de la bouche-même du général Erich Fellgiebel (2) - Manstein, d'abord incrédule, a ensuite réagi avec sa célérité coutumière et décidé de procéder à une nouvelle retraite stratégique, ou plus exactement... de prendre quelques jours de vacances le plus loin possible de toute agitation, et en l'occurrence sur l'Île d'Usedom, au bord de la mer Baltique !

Sage précaution en vérité, qui va lui permettre d'échapper à la hargne de la Gestapo, dont les limiers, faute de pouvoir prouver la moindre implication de sa part dans l'attentat (3), le laisseront tranquille jusqu'à la fin de la guerre...

(1) conformément à la coutume hitlérienne, les généraux mis en "disponibilité" bénéficiaient non seulement de leur solde complète mais aussi du droit de conserver des aides-de-camp
(2) exécuté à Berlin le 4 septembre 1944 pour sa participation à l'attentat contre Hitler

(3) contrairement à Rommel, Manstein avait aussi l'avantage de ne plus exercer le moindre commandement ou activité officielle au moment de l'attentat

vendredi 2 avril 2021

6691 - le suicide du renard

Funérailles officielles de Rommel... officiellement décédé "des suites de ses blessures"
... s'il avait accepté de s'engager directement dans la conjuration, Erwin Rommel aurait assurément constitué un atout de poids, et à tout le moins un homme susceptible d'incarner une légitimité nouvelle et de se poser en "Sauveur de la Patrie" advenant la disparition d'Hitler.

Mais à l'instar d'Erich von Manstein, Rommel n'accepta jamais d'endosser ce rôle, se contentant de manifester sa "sympathie" à l'égard des comploteurs.

Blessé en Normandie lors d'une attaque aérienne, le 17 juillet 1944, c'est sur son lit d'hôpital que le "Renard du Désert" apprend l'échec de l'attentat du 20 juillet, un attentat auquel il n’a certes pas participé directement, mais dont il connait néanmoins les auteurs, ce qui, dans l'esprit d'Hitler, suffit déjà à le propulser en bonne place sur la liste des traîtres à exécuter.

Mais comme Rommel est considéré par beaucoup d'Allemands comme un véritable héros national, Hitler va néanmoins estimer plus judicieux de lui proposer un suicide discret, qui lui épargnera du moins un procès ignominieux, assorti de représailles envers sa famille.

Rommel va donc accepter de s'empoisonner "sur ordre" et, ayant officiellement succombé "des suites de ses blessures contractées sur le Front", pourra ensuite être enterré, le 18 octobre 1944, avec tous les honneurs militaires dus à son rang....

jeudi 1 avril 2021

6690 - un sort joué d'avance

Roland Freisler : "au nom du Führer"
… à la Wolfsschanze, après avoir chaleureusement souhaité un bon retour à Mussolini, reparti vers l’Italie, et son destin (1), sur le coup de 19h00, Hitler a fiévreusement passé la soirée à attendre des nouvelles de Stauffenberg et de la rébellion mais a été très vite rassuré par la tournure des événements qui, non contents de virer entièrement en sa faveur ont, et comme il l’avait prédit, permis de démasquer la quasi-totalité des comploteurs,... dont le sort ne fait évidemment aucun doute !

Dans les semaines qui vont suivre, les hommes de la SS et de la Gestapo vont en effet les arrêter par dizaines, beaucoup préférant se suicider plutôt que d'affronter la torture et un procès de parodie, à l’issue jouée d’avance.

Ce procès, orchestré par l’inévitable juge Roland Freisler (2), déjà responsable de la condamnation à mort de Sophie et Hans Scholl, Hitler exigera du reste qu'il soit filmé, et montré à toute la population allemande.

Et toujours enragé par la trahison dont il a été l'objet, il exigera également que les exécutions elles-mêmes soient photographiées et filmées, et que les clichés lui soient envoyés à la Wolfsschanze,… peut-être pour se convaincre lui-même que les coupables avaient bel et bien été exécutés.

En tout, plus de 200 personnes qui avaient participé, de près ou de loin, au complot du 20 juillet seront pendues, suspendues à des crocs de boucher ou, comme Erwin Rommel, poliment priées de se suicider.

Et quand les derniers d'entre eux auront été passés par les armes, il n'existera plus, en Allemagne, aucune forme d’opposition structurée à Hitler, qui pourra donc mener celle-ci jusqu’à sa chute finale…

(1) Hitler ne devait plus jamais revoir son "ami" Mussolini, exécuté par les partisans le 28 avril 1945
(2) réputé pour son caractère impitoyable et les milliers de condamnations à mort qu'il prononça sous le Troisième Reich, Roland Freisler sera tué par un bombardement aérien en février 1945