jeudi 31 mars 2016

4783 - "dans un état voisin de l'hystérie"

27 février 1933 : le Reichstag est en flammes. Hitler va en profiter
... Berlin, 28 février 1933

 A côté du Reichstag en flammes, l'anarchie règne en maître.  

(...) "Lorsque Rudolf Diels, plus tard premier chef de la Gestapo prussienne, voulut informer Hitler de l'interrogatoire de Van der Lubbe, il trouva le Chancelier du Reich dans un état voisin de l'hystérie. Il essaya de lui expliquer que l'incendie était l'oeuvre d'un "détraqué", mais Hitler lui coupa brutalement la parole, hurlant que c'était un coup préparé de longue date. Il fallait pendre les députés communistes séance tenante, affirma-t-il d'un ton rageur. Il fallait être aussi impitoyable envers les socio-démocrates et le Reichsbanner.   

(...) Si bon acteur fut-il, Hitler ne simulait pas. Il n'était pas non plus assez maître de ses nerfs pour lui donner des ordres clairs. C'est Goering qui inonda Diels d'un flot anarchique d'instructions, ordonnant la mise en état d'alerte maximale de la police, l'emploi sans restriction des armes à feu, et l'arrestation massive des communistes et des socio-démocrates. A en croire Diels, on se serait cru dans un asile d'aliénés" (1)

Dans les heures qui suivent, un décret d'urgence "pour la protection du peuple et de l'État" est rédigé en bonne et due forme, lequel suspend provisoirement  toutes les libertés fondamentales, dont la liberté d'expression et d'association, et permet l'arrestation - légale - des communistes,... y compris de ceux siégeant comme députés au Reichstag, ce qui, du coup, légitime la tenue de nouvelles élections, lesquelles, tenues à peine une semaine plus tard, propulsent cette fois le NSDAP à 44% des suffrages (!), et constituent pour Hitler un véritable plébiscite légitimant a posteriori sa politique et ses actions... 

 (1) Kershaw, op cit, page 651

mercredi 30 mars 2016

4782 - quand l'opportunité se présente

Marinus Van der Lubbe lors de son procès. Il allait finir guillotiné
 ... Berlin, 27 février 1933

En politique comme à la guerre, la première victime de la bataille est toujours le plan de la bataille.

Le plan de Papen et des conservateurs implique qu'Hitler et son parti, maintenant au Pouvoir, vont  se comporter exactement comme ils "doivent" se comporter et, surtout, sans qu'aucun événement aussi majeur qu'imprévisible ne vienne brouiller les cartes dans les semaines et les mois à venir, ce qui, compte tenu des passions et des violences qui, depuis des années, déchirent la fragile République de Weimar, constitue tout de même un pari extraordinairement risqué.

Et malheureusement pour eux, et pour l'Allemagne, ce pari est définitivement perdu le 27 février suivant, lorsqu'un obscur militant communiste du nom de Marinus Van der Lubbe, arrivé à Berlin une dizaine de jours plus tôt,  décide de sa propre initiative, et pour "galvaniser la classe ouvrière et l'inciter à se battre contre la répression dont elle était victime" (1)... de bouter le feu au Reichstag !

Arrivé en trombe, et dans tous ses états, sur les lieux de l'incendie, Hitler, en parfait opportuniste, décide bientôt d'en profiter :

"C'est un signe de Dieu, Herr Vice-Chancelier", confie-t-il, à Papen. "Si ce feu, comme je le crois, est l'oeuvre des communistes, nous devons écraser cette peste meurtrière d'une poigne de fer !"(2)

(1) Kershaw, Hitler, volume 1, page 649
(2) ibid page 651 ...

mardi 29 mars 2016

4781 - un pouvoir précaire

Goering, au Reichstag, dont il était devenu Président en 1932
 ... bien que nommé Chancelier le 30 janvier, Hitler sait que sa situation demeure précaire.

Surveillé par le vice-chancelier Papen, il a impérativement besoin, pour gouverner, des députés du centre-droit,... lesquels n'attendent en vérité que l'occasion de le voir trébucher.

Surtout, il est à la merci du vieux Président Hindenburg qui, en s'appuyant sur sa fidèle Reichswehr, peut le démettre à tout moment, dissoudre le Reichstag, et gouverner par décrets jusqu'à ce que de nouvelles élections lui offrent enfin le gouvernement et le Chancelier qu'il désire.

Himmler, qui a travaillé en coulisses au rapprochement entre le Führer et Papen, n'est guère plus avancé puisque sa SS ne bénéficie pour l'heure d'aucun statut particulier,... et qu'il doit à présent composer avec cet autre favori d'Hitler qu'est Hermann Goering !

Gravement blessé lors du putsch de 1923, réfugié en Suède, puis rentré en Allemagne à la faveur d'une amnistie décrétée par Hindenburg, Goering est devenu député en 1928, et Président du Reichstag en 1932.

Bien que Ministre sans portefeuilles - donc sans pouvoir - dans le cabinet Hitler, il est aussi, et surtout, le nouveau Ministre de l'Intérieur de Prusse, c-à-d du plus important Land allemand, ce qui lui permet de nourrir de grandes ambitions en matière de sécurité et de maintien de l'Ordre, et l'amène d'ailleurs, dès le 12 février, à mettre la main sur toute la Police de Prusse, prélude à la création d'une véritable Geheime Staatspolizei ("Police secrète d'État") que l'Histoire retiendra bientôt sous le nom de Gestapo

Mais n'anticipons pas...

lundi 28 mars 2016

4780 - le loup et la bergerie

Hitler (assis) et Papen (à droite), lors de l'assermentation, 30 janvier 1933
... Berlin, 30 janvier 1933 

En cette fin de janvier 1933, la droite traditionnelle allemande ressemble à s'y méprendre à un bottin mondain acquis au nazisme : aristocrates, grands bourgeois, banquiers, industriels, tous - à commencer par Franz von Papen - sont désormais décidés à soutenir un Adolf Hitler qu'ils sont convaincus de pouvoir contrôler.

Le 28 janvier, conformément à la promesse de Papen, von Schleicher est démis de ses fonctions par le Président Hindenburg qui, deux jours plus tard, remet les clés de la Chancellerie à Hitler

Moins de dix ans après l'échec de son putsch sanglant, ce dernier a enfin atteint son objectif, en devenant le nouveau chef d’un "gouvernement de concentration nationale" dominé par les Conservateurs, tous gens très intelligents mais ayant, malheureusement pour eux, et malheureusement pour l'Allemagne, tous gravement sous-estimé le flair et le sens tactique de ce petit moustachu atrabilaire qui, loin de se laisser manœuvrer par eux, les manœuvre en réalité depuis des années ! 

De leur plein gré, les élites allemandes ont donc laissé entrer dans leur bergerie un loup  qui, trois ans auparavant, devant un tribunal de Leipzig, a certes affirmé sur l’Honneur qu'il ne chercherait jamais à arriver au Pouvoir par des voies illégales mais qui, hélas, n'as pas été jusqu'à jurer qu'il s'y maintiendrait légalement une fois parvenu au but...

dimanche 27 mars 2016

4779 - la proposition

von Papen : l'apprenti-sorcier qui finir par faire entrer le loup dans la bergerie
... Cologne, 4 janvier 1933

En ce début de janvier, c'est néanmoins un Adolf Hitler sûr de lui et de sa "bonne étoile" qui, à l'invitation de l'ex Chancelier Franz von Papen, se présente à Cologne au domicile du banquier Kurt von Schröder, afin de paver la voie à son arrivée au Pouvoir.

Quelques jours plus tard, Papen, qui, après avoir voulu se défaire du NSDAP s'est lui-même vu contraint à la démission, finit par lui proposer la Chancellerie.

Échaudé par les précédents refus d'Hindenburg, Hitler hésite, mais Papen se fait fort de convaincre le vieux maréchal.

Dans son esprit, et dans celui de la plupart des aristocrates et ultra-conservateurs allemands, cette proposition ne constitue de toute manière rien d'autre qu’un pis-aller transitoire, uniquement destiné à ramener le calme et un peu de stabilité politique dans un pays déchiré et qui ne cesse de voguer de crise en crise.

Comme ses homologues, Papen est de toute manière convaincu qu'il parviendra à manœuvrer facilement ce petit parvenu autrichien, naturalisé allemand à peine un an auparavant et qui, contrairement à lui, n'a effectué aucune étude supérieure et n'est certes pas "bien né"

Du reste, ne prendra-t-il pas lui-même le poste de vice-chancelier, et le NSDAP ne devra-t-il pas se contenter, en plus d’Hitler, de deux uniques porte-feuilles ministériels, l'un pour Wilhelm Frick et l'autre pour Hermann Goering ?

samedi 26 mars 2016

4778 - le dernier dinosaure

Affiche électorale en faveur d'Hindenburg, 1932
... en cette fin d'automne, Adolf Hitler a toutes les raisons d'être satisfait : interdites durant quelques semaines, la SA et la SS sont à nouveau autorisées,... et à nouveau fort visibles dans les rues; et son parti, bien qu'en recul, est toujours le premier d'Allemagne,... et toujours aussi incontournable !

Mais les apparences sont trompeuses : fut-il léger, ce recul du NSDAP tend à démontrer que les nazis ont désormais "fait le plein" de voix, et que la perspective de prendre le Pouvoir par le biais d’élections régulières risque bel et bien de demeurer un rêve à tout jamais impossible.

A cela s'ajoute la présence de von Hindeburg : à 85 ans, et en mauvaise santé, le vieux maréchal est certes un dinosaure de la politique, mais un dinosaure qui demeure extrêmement populaire - Hitler a d'ailleurs lamentablement échoué contre lui à la Présidentielle de mars-avril - peut-être parce que perçu comme l'ultime rempart contre l'aventurisme.

De par la Constitution de la République de Weimar, Hindenburg bénéficie en effet d'un privilège formidable : celui de dissoudre le Reichstag, et d'appeler à de nouvelles élections, quand bon lui semble,... et donc, in fine, de n'accepter que le gouvernement et le Chancelier qui lui plaît !

Et pas question de passer en force : malgré la modestie de ses effectifs, la Reichswehr lui demeure acquise et Hitler lui-même, depuis le fiasco du putsch de 1923, s'est juré de ne plus jamais tenter l'expérience...

vendredi 25 mars 2016

4777 - le pouvoir de nuisance

... aux élections fédérales de 1930, le NSDAP avait déjà obtenu un véritable triomphe, multipliant par sept son score de 1928 (à 18.3% des suffrages), et faisant élire pas moins de 107 députés

Deux ans plus tard, il renouvelle l'exploit, avec pas moins de 37,3% des votes (et 230 députés), devenant ainsi le premier parti politique d'Allemagne !

Toujours incapable de gouverner seul,... mais parfaitement en mesure de faire tomber tout gouvernement quand bon lui semble, le NSDAP est donc plus que jamais incontournable, ce pourquoi Hindenburg, en dépit de son aversion personnelle, décide-t-il, dans la foulée de l'élection, de proposer la Vice Chancellerie à Hitler, lequel, parce qu'il ne rêve que de la première place et n'entend certes pas se contenter d'un strapontin,... la rejette dédaigneusement !

Le mois suivant, le nouveau Chancelier von Papen décide alors de dissoudre ce Reichstag à peine élu (!) pensant ainsi, à la faveur de nouvelles élections, se débarrasser des nazis ou, du moins, obtenir une majorité parlementaire stable, qui lui permettrait de gouverner sans leur soutien.

Mais le 6 novembre, malgré un recul sensible, à "seulement" 33% des suffrages - et 196 députés - le NSDAP demeure néanmoins le premier parti d'Allemagne, ce qui, le 17, contraint von Papen à présenter à son tour sa démission au Président Hindenburg !

Deux jours plus tard, plusieurs industriels menés par Hjalmar Schacht (futur Président de la Reichsbank), supplient alors ce dernier de nommer Hitler à la Chancellerie

Mais cette fois, c'est Hindenburg qui refuse et porte plutôt son choix sur von Schleicher, lequel, comme il fallait s'y attendre, s'avère incapable de former un gouvernement !

L’impasse est à présent totale, et cette interminable succession d’élections depuis 1928 n’a certes pas redoré le blason de la République de Weimar auprès de la populaion allemande qui, par ailleurs prise à la gorge par la crise économique mondiale, est désormais mûre pour un changement radical de régime...

jeudi 24 mars 2016

4776 - une interdiction vite levée

Marche de SA à Berlin, 1932. Notez les policiers qui se contentent de les encadrer
... en avril 1932, le Chancelier Heinrich Brüning, qui depuis deux ans s'efforce de mener la barque de gouvernements systématiquement minoritaires, décide néanmoins de réagir en ordonnant rien moins que la dissolution de la SA et de la SS,... s'attirant aussitôt les foudres d'Hitler qui, de son côté, négocie depuis des mois avec le Ministre de la Guerre et de l'Intérieur Kurt von Schleicher.

En tant que général, Schleicher estime qu'il ne pourra pas, avec son armée de seulement 100 000 hommes, s'opposer encore longtemps à des milices privées qui en alignent dix fois plus (!)

Mais comme la plupart des aristocrates ultra-conservateurs, Schleicher considère également que le NSDAP représente le meilleur rempart contre le communisme et l'agitation sociale...

Le bannissement de la SA et de la SS constitue en quelque sorte l'occasion rêvée pour sceller un accord mutuellement satisfaisant : en échange du soutien d'Hitler et de son parti, Schleicher s'engage à lever l'interdiction et à organiser de nouvelles élections aussitôt après avoir obtenu le renvoi de Brüning auprès de Paul von Hindeburg qui, pour sa part, vient tout juste de battre Hitler - par 53% contre 37% - aux élections présidentielles de mars-avril.

Lui aussi aristocrate, et lui aussi ultra-conservateur, Hindenburg n'aime pas Hitler - les deux hommes se sont d'ailleurs violemment querellés lors d'une première tentative de rapprochement en octobre de l'année précédente - mais il aime encore moins les communistes et l'agitation sociale, en sorte qu'il ne se fait pas trop prier pour accéder à la demande de Schleicher : le 30 mai 1932, Brüning est démis de ses fonctions, et remplacé à la Chancellerie par Franz von Papen, un autre aristocrate ultra-conservateur...

Le 17 juin, en conformité avec l'accord, l'interdiction de la SA et de la SS est levée, et de nouvelles élections au Reichstag fixées au 31 juillet suivant...

mercredi 23 mars 2016

4775 - concevoir l'inconcevable

Deux lettres blanches sur fond noir : un symbole aussi puissant que la swastika
... en ce début des années 1930, et bien que freinée par la "règle du 10%" imposée par Röhm mais surtout par les exigences d'Himmler lui-même quant au pedigree des candidats, le recrutement de SS va bon train : chaque mois, un nombre de plus en plus élevé de candidats se joint à cette organisation aux deux lettres blanches sur fond noir appelée un jour à faire trembler l'Europe entière.

Mais pour le lecteur contemporain, le plus difficile, au fond, est encore de se figurer une démocratie - car la République de Weimar en est bel et bien une ! - où des milices privées de gauche comme de droite peuvent non seulement constituer de véritables services de renseignement chargés de collecter des informations sur tous les "ennemis" qu’elles se découvrent, mais aussi enrôler des centaines de  milliers d’hommes, et les faire régulièrement défiler en uniforme dans les rues, sans que la police, parfois sympathisante et de toute manière submergée par le nombre, fasse autre chose que régler la circulation sur leur passage !

Héritière bâtarde et chétive d'un Empire déchu et ruiné, la République a toujours été la mal-aimée d'une population allemande qui, depuis l'Armistice de 1918 et le Traité de Versailles de l'année suivante, ne rêve que de revanche et est prête à se donner au premier parti qui la lui promet, a fortiori lorsque les partis politiques "traditionnels" s'avèrent pour leur part incapables de s'entendre entre eux,... sans même parler de redresser l'économie ou de juguler la hausse du chômage !

Privée de soutien populaire, la dite République est aussi minée de l'intérieur par la défaillance de ses élites qui, pour se débarrasser de la menace communiste sont à présent prêtes à conclure un pacte avec le Diable...

mardi 22 mars 2016

4774 - la thèse... et l'antithèse

Himmler et son épouse : un "idéal racial"... pas franchement évident
… mais si Himmler conçoit la SS comme une élite raciale, sportive, dominatrice et quasiment surhumaine, il en lui-même l'antithèse absolue !

Dans l'intimité de son foyer, et s'il faut du moins en croire Henriette von Schirach (1), il s'avère au contraire un homme effacé et sous la domination totale de son épouse qui, il est vrai, a quelques motifs de se plaindre.

Hitler et Goebbels ne correspondent certes pas davantage aux canons de l’Aryanité triomphante - tous les deux sont également bruns et de petite taille, le second étant par ailleurs affligé d’un pied-bot -  mais du moins parviennent-ils, par leur charisme et leur talent oratoire, à susciter l'adulation des foules, alors qu’Himmler, lui, provoque immanquablement l'ennui chez tous ceux qui le côtoient en personne.

Albert Krebs, Gauleiter du NSDAP de Hambourg se souviendra d’ailleurs longtemps des six heures de voyage qu'il dut passer dans un compartiment de chemin de fer en sa compagnie.

"Himmler ne dégageait aucune chaleur ni aucune séduction (...) il se comportait d'une manière extrêmement abrupte et directe : il fanfaronnait avec des manières de soudard en tenant des propos antibourgeois, alors qu'il était visible qu'il ne cherchait qu'à masquer son manque d'assurance et sa maladresse. Mais c'était supportable à la rigueur. En revanche, ce qui a fait de lui un compagnon de voyage presque insupportable, c'est le flot d'idioties et de paroles sans queue ni tête qu'il m'a infligé à jet continu.

Aujourd'hui encore, je crois pouvoir dire sans exagérer que jamais un homme de formation supérieure ne m'a servi un tel concentré d'inepties politiques. Ses développements étaient un étrange méli-mélo de rodomontades martiales, de verbiage de Café du Commerce, et de prophéties dignes d'un prédicateur illuminé" (2)

(1) épouse de Baldur von Schirach, chef des Jeunesses hitlériennes, et, peut-être, ancienne maîtresse d'Hitler
(2) Knopp, op. cit, page 100

lundi 21 mars 2016

4773 - l'élite raciale selon Himmler

Alignement de SS en vue d'une parade : l'idéal aryen par excellence
… le recrutement de Reinhard Heydrich sur des critères bien plus "raciaux" que professionnels est l’exemple parfait de la manière dont Heinrich Himmler conçoit la SS, c-à-d comme une sorte de Chevalerie des Temps modernes, de taille obligatoirement réduite parce que regroupant la véritable "élite raciale" de la Nation.

Mais pour définir cette "élite raciale", et donc déterminer qui pourra - ou non - en rallier les rangs, Himmler s’appuie sur des critères d’autant plus flous qu’ils sont d’abord et avant tout… les siens, nourris par ses années de lecture antérieures.

Le Reichsführer-SS met ainsi un point d’honneur à éplucher lui-même le dossier de chaque candidat, et à n’accepter que ceux ayant des traits "purement nordiques", "à dominante nordique" ou encore "avec de légères adjonctions alpines, dinariques et méditerranéennes" (sic)

Et lorsqu’il créera sa Waffen-SS ("SS en armes") en 1939, il poussera la barre encore plus haut, en exigeant rien moins qu’un certificat d’Aryanité (défini par les Lois de Nuremberg de 1935 - nous y reviendrons) prouvant les origines de l’intéressé jusqu'à l’année 1800 !

Et cette obsession d’Himmler pour la "pureté raciale" ne s’arrête  certes pas au profil personnel des membres de la SS, puisque, dès le 01 janvier 1932, tout SS désirant contracter mariage doit, au préalable, obtenir l’assentiment d’un Bureau de la Race dirigé par nul autre que Walther Darré, membre éminent de la Ligue des Artamans, et chargé d’examiner la "santé héréditaire" de l’épouse potentielle, dans le but évident de produire une descendance "racialement pure"…

dimanche 20 mars 2016

4772 - toujours meilleur... mais toujours en retrait

Himmler et Heydrich... toujours quelques pas en arrière
… plus "Aryen", plus intelligent, plus courageux - il obtiendra son brevet de pilote de chasse et voyagera toujours sans escorte - Reinhard Heydrich ferait sans doute un meilleur chef de la SS que son supérieur en titre, Heinrich Himmler, et on ne peut que tenter d'imaginer ce que serait devenue la dite SS s’il en avait lui-même pris la tête en janvier 1929, ou s’il n’avait pas été prématurément abattu dans une rue de Prague, en mai 1942.

En pratique pourtant, et pendant plus d’une décennie, Heydrich et Himmler vont collaborer main dans la main et sans tension particulière, Heydrich demeurant toujours - en particulier sur les photos - sagement en retrait d'Himmler.

Pour beaucoup, cet apparent paradoxe s’explique par la rumeur de "judéité" qui ne cessera de hanter Heydrich (1) dès son accession à la tête du SD, et qui incitera d’ailleurs Himmler à ordonner, en juin 1932, l'ouverture d'une enquête raciale sur son subordonné.

Même si elle innocentera totalement l’intéressé, bel et bien reconnu comme "d'origine allemande et ne présentant pas de sang de couleur ni de sang juif" (sic), la dite enquête ne mettra pourtant pas un terme définitif aux soupçons, peut-être parce que les dits soupçons, comme l’affirmera une autre rumeur, sont en réalité entretenus et encouragés par Himmler voire par le Führer en personne, les deux hommes ayant en effet de forts bonnes raisons de craindre le Pouvoir, et l'appétit de Pouvoir, de ce subalterne ô combien zélé et capable…

(1) en 1874, devenue veuve, la mère de Bruno Heydrich, futur père de Reinhard, s'était en effet remariée avec un serrurier protestant du nom de Gustav Robert Süss, patronyme fréquemment - mais abusivement - associé à la judéité.

samedi 19 mars 2016

4771 - le Troisième H

Heydrich, dans son bureau de Munich, en 1934
... à seulement 180 Reichsmarks par mois, et à une époque où un travailleur qualifié peut espérer en gagner plus de 220, le salaire offert par Himmler est pourtant modeste et Heydrich, du reste, a déjà refusé des offres financièrement plus avantageuse.

Mais contre toute attente, et que ce soit pour pour plaire à sa future femme - quant à elle une nazie de la première heure - parce que la nature quasi-militaire du poste lui rappelle sa défunte carrière dans la Marine, ou parce que le nazisme rejette et combat le régime politique qu’il rend responsable de tous ses problèmes actuels, ce jeune-homme romantique qui, il y a quelques semaines encore n'éprouvait pourtant que mépris pour les partis et considérait Adolf Hitler comme un simple "caporal de Bohème", s'empresse d'accepter, devenant ainsi, après Hitler et Himmler, le "Troisième H" d'un trio bientôt infernal.

Comme composante de la SS, le "Sicherheitsdienst" ("Service de Sécurité", ou SD) hâtivement conçu par Heydrich sur un coin de la table d'Himmler, aura deux objectifs : la collecte de tout renseignement utile sur les "ennemis" communistes du KPD ou socio-démocrates du SPD, et la traque aux indicateurs de police, aux communistes, et à tous les "traîtres" tapis au sein d'un parti nazi lui-même en pleine expansion.

Reste néanmoins à y arriver avec des moyens ridiculement modestes - un minuscule bureau et une unique secrétaire à temps partiel - et sans autre connaissance du domaine que la lecture de romans d'espionnage !

Heureusement pour lui, Heydrich, non content d'être beaucoup plus intelligent que son chef en titre, est un homme obstiné et méthodique, qui a très vite l'idée de constituer un système de classement des "ennemis politiques" basé sur des fiches cartonnées à index multiples.

Même si on est encore à des années-lumières de notions comme "l'informatisation" ou les "bases de données croisées", le système qu’il va mettre en place dans son petit bureau munichois va rapidement prendre de l'ampleur et faire preuve d'une redoutable efficacité...

(1) ibid, page 52

vendredi 18 mars 2016

4770 - l'Aryen incarné

Heydrich : l'Aryen incarné
... avec sa grande taille, sa blondeur, ses yeux bleus, ses qualités athlétiques - il est, entre autres, champion d'escrime - sa réputation - non usurpée - de coureurs de jupons, mais aussi son brevet d’officier - fut-il déchu - Heydrich représente l'Aryen idéal, presque caricatural, dont parlent tous les propagandistes d’extrême-droite,… et tout ce qu'Himmler, lui-même petit, brun, binoclard, chétif, sexuellement complexé, et demeuré aspirant, a sans doute rêvé d'être.

(…) "Depuis qu'il avait pris la tête de la SS (à l'époque encore peu nombreuse), le désir d'Himmler de la transformer en une organisation vouée à l'élite raciale s'était matérialisé dans l'introduction de critères physique de recrutement. Il considérait "l'Aryen" comme le summum du genre humain, qui se distinguait de lui-même des malades et des "races inférieures". Il voulait des hommes grands et aux yeux bleus, capables de présenter un arbre généalogique exempt de toute "origine raciale inférieure".

(...) sans surprise, Himmler fut fort impressionné par le jeune candidat qui se présenta devant lui dans l'après-midi du 14 juin 1931. Grand blond aux yeux bleus de près d'un mètre quatre-vingt-dix, Heydrich surpassait même les stricts critères de recrutement de la garde personnelle d'Hitler : la Leibstandarte Adolf Hitler" (1)

Reste que le premier est à la recherche d'un "Spécialiste du Renseignement", alors que le second n'est qu'un simple officier radio. Qu'importe : en vingt minutes, et avec un aplomb inouï, le second, beaucoup plus intelligent que le premier, entreprend de dresser le schéma organisationnel du service de Renseignement que celui-ci lui réclame !

"Sans aucune expérience préalable dans le domaine de l’Espionnage, Heydrich se basa sur les connaissances minimales acquises lors de ses années de lecture de romans bon marché et réussit à emballer ses suggestions pour le futur service de Renseignement de la SS dans une phraséologie militaire convenable.

(...) le Reichsführer-SS fut impressionné et décida de l'engager au détriment du second candidat, un ancien capitaine de Police nommé Horninger" (2)

(1) Gerwarth, op.c cit, page 50
(2) ibid, page 51

jeudi 17 mars 2016

4769 - "recherche spécialiste du Renseignement avec trois années d'expérience à l'Etat-major"

Heydrich : grand, blond, sportif,... tout le contraire d'Himmler
...  Munich, 14 juin 1931

Il était peut-être inévitable, finalement, que le petit et très myope Heinrich Himmler, complexé par son physique ingrat, ses carences sportives, son peu d'assurance avec les femmes, et son consternant manque de charisme, ait immédiatement succombé au charme naturel de Reinhard Heydrich, et à son profil de demi-dieu aryen, lorsqu'il le rencontra pour la première fois à son élevage de volailles près de Munich, le 14 juin 1931.

Bien décidé à développer "sa" SS dans toutes les directions possibles et imaginables,... tout en respectant néanmoins le ratio de un à dix décrété par Röhm, Himmler est à présent à la recherche d'un "spécialiste du Renseignement", dont il a - ne fut-ce qu'intuitivement - bien perçu l’intérêt, et même le caractère indispensable, depuis 1926 et sa propre nomination au poste d’adjoint à la Propagande

Fraîchement renvoyé de la Reichsmarine pour "manquement à l'Honneur", et donc à la recherche d'un nouvel emploi (1), Reinhard Heydrich n'a pourtant rien du "spécialiste du Renseignement avec trois années d'expérience à l'Etat-major" que réclame Himmler : jusqu'ici, il n'était en effet qu'un modeste Lieutenant des Transmissions, dont l'expérience en matière de Renseignement, d'Espionnage ou de Contre-Espionnage se limitait en réalité… à la lecture de romans policiers !

Et contrairement à Himmler, Heydrich n'est pas non plus un nazi convaincu : il n'a en effet adhéré au NSDAP, sous le numéro 554 916, que deux semaines plus tôt,... précisément en vue de cet entretien d'embauche (!), et son antisémitisme - si tant est qu'il existe - ne dépasse certes pas celui de l'Allemand moyen !

Dit autrement, Heydrich ne possède aucune des qualités professionnelles et morales que souhaite Himmler...

… sauf peut-être une…

... celle d’être tout ce qu'Himmler a toujours rêvé être 

(1) Saviez-vous que... l'homme au cœur de fer

mercredi 16 mars 2016

4768 - Meine Ehre heißt Treue

Himmler, comme attendant le moment de frapper, et Röhm
... en rappelant Röhm de son exil bolivien, et en le replaçant à la tête de la SA, Hitler n'a en réalité fait qu'acheter la paix pour quelques mois : pour l'heure, Röhm a certes éteint l'incendie qui menaçait d'engloutir la maison nazie, mais Hitler sait que celui-ci n'attend qu'une occasion pour se rallumer, et que le meilleur moyen de s'en prémunir est encore de contracter une bonne assurance, à savoir celle incarnée par Himmler et sa SS

Une SS désormais régie par la devise Meine Ehre heißt Treue ("Mon Honneur s'appelle Fidélité"), qui résume bien la manière dont le Führer la perçoit... et la distingue de la SA

Au fil des mois, s'engage alors une étrange pantomime, dans laquelle Himmler, sur l'ordre officieux d'Hitler, surveille, mais toujours fort discrètement, un Röhm... dont il demeure très officiellement le subordonné, et recrute frénétiquement pour sa SS,... tout en respectant le ratio maximal d'un SS pour dix SA (1) décrété par Röhm lui-même !

Pour compliquer encore un peu plus les choses, Himmler et Röhm se connaissent bien, et s'apprécient depuis longtemps : en 1923, lors du Putsch de la Brasserie, le premier n'était-il pas le porte-étendard du second ?, alors que rien ne l'y obligeait, ne lui a-t-il pas ensuite rendu plusieurs visites à sa prison de Stadelheim ?, n'a-t-il pas correspondu avec lui tout au long de son exil bolivien ?, n'a-t-il pas œuvré pour son retour en  Allemagne ?, ne continue-t-il pas, aujourd'hui encore, de le remercier avec chaleur, et sans doute avec sincérité, pour tout ce qu'il lui a appris dans la SA et peut à présent appliquer dans sa propre SS ?

(1) en pratique, les difficultés de recrutement ne permirent cependant à la SS de n'atteindre qu'une ridicule fraction de cet objectif : en octobre 1931, bien que multiplié par cinq depuis janvier, ses effectifs se montaient à peine à 10 000 hommes. Dans le même temps, les effectifs de la SA étaient passés de 88 000 à 260 000 personnes...

mardi 15 mars 2016

4767 - l'homme de la pampa

Röhm, en uniforme SA
… à plusieurs reprises au cours de l’automne, des militants SA, insatisfaits de leur sort et de la place réservée à leurs dirigeants au sein des instances du NSDAP, n’hésitent pas à investir et saccager des bureaux régionaux du parti - en particulier à Berlin (1) - et à faire le coup-de-poing avec les quelques SS qui en assurent la garde !

Bien conscient qu’il y a péril en la demeure, Hitler ramène le calme à grand-peine, d’abord en assumant lui-même le commandement de la SA, puis en le remettant, en novembre, entre les mains de son vieux complice Ernst Röhm qui, après sa (très légère) condamnation dans l’affaire du Putsch de la Brasserie a finalement préféré s’exiler en Bolivie pour y servir comme conseiller militaire

Rappelé à la demande expresse d’Hitler (2), Röhm réussit certes à rétablir l’ordre dans les rangs de la SA… mais en profite aussi pour augmenter ses effectifs qui, au moment de la prise du Pouvoir par Hitler, en janvier 1933, dépasseront le million d’hommes (!), soit bien davantage que n’en dispose la Reichswehr ce qui, comme nous le verrons bientôt, va provoquer une nouvelle crise majeure à laquelle Hitler, Himmler et Heydrich répondront cette fois de manière brutale… et définitive

Mais n’anticipons pas

Dans l’immédiat, l’affaire a en tout cas rappelé à Hitler l’importance de disposer d’une Garde prétorienne entièrement dévouée à sa cause et en mesure d’assurer non seulement sa protection personnelle mais aussi celle du parti dans son ensemble

L’heure d’Himmler a sonné…

(1) à cette occasion, Hitler lui-même n’eut d’autre choix que de d’abandonner précipitamment sa loge au Festival de Bayreuth et de venir en personne à Berlin pour rétablir l’ordre
(2) au moment de l’appel d’Hitler, Röhm, victime d’une révolution en Bolivie, avait trouvé refuge à l’ambassade d’Allemagne

lundi 14 mars 2016

4766 - quand l'incendie menace

Hitler, Goering... et de fort nombreux SA, Nuremberg, 1928
… en cet automne de 1930, le NSDAP, que chacun donnait pourtant comme mort il y a peine six ans, s’est ressoudé autour d’Hitler et recueille désormais les voix de près d’un électeur sur cinq, ce qui en fait le deuxième parti d’Allemagne et lui a permis, lors du dernier scrutin fédéral, de faire élire plus d’une centaine de députés au Reichstag et de disposer enfin des moyens pour rétribuer convenablement ses dirigeants, et notamment son nouveau Reichsführer-SS, Heinrich Himmler qui, sans doute pour la première fois de sa vie, peut à présent envisager l’avenir avec optimisme.

Mais un incendie, qui couve en réalité depuis plusieurs années, menace à présent de consumer jusqu'aux fondations de la maison nazie.

La SA

Tout au long des années de lutte ces fiers et bruyants bagarreurs ont certes largement contribué à l’expansion du parti, avant de lui éviter de disparaître complètement après l’échec du Putsch de la Brasserie

Mais à l’heure où le dit parti peut raisonnablement briguer le Pouvoir de manière légale, les SA sont plutôt devenus un boulet qui inquiète l’Armée, les bourgeois, les industriels et, plus généralement, tous les nouveaux électeurs peu tentés par la violence et l'aventurisme mais dont Hitler a impérativement besoin pour accéder à son objectif ultime…

dimanche 13 mars 2016

4765 - le député fantôme

Himmler, en 1930, désormais entièrement voué au développement de la SS
… mais contrairement à son compère Joseph Goebbels (1) dont il est toujours officiellement l’adjoint à la Propagande, Heinrich Himmler ne s’intéresse déjà plus à la politique "traditionnelle".

Bien qu’élu au Reichstag le 14 septembre, Himmler n'est en effet qu'un député-fantôme, qui se contente de quelques apparitions sporadiques et, jusqu'à la Capitulation de l’Allemagne nazie quinze ans plus tard, ne prononcera jamais le moindre discours devant l'assemblée.

Car pour lui, le véritable Pouvoir est ailleurs, et plus précisément dans "sa" SS, dont les effectifs, suite au triomphe du 14 septembre, commencent enfin à augmenter, ce qui, à la mi-novembre, l’amène d’ailleurs à démissionner de son poste d’adjoint de Goebbels pour se consacrer désormais exclusivement à la direction et au développement de la SS.

Mais même s’il n’en fera jamais le moindre usage politique, cette députation-fantôme lui offre au moins une immunité parlementaire bien utile en ces temps troublés, et aussi, et surtout, des avantages matériels fort concrets,… à commencer bien sûr par un salaire à la fois convenable et régulier, qui lui permet de se sortir enfin de ses embarras financiers,… et d’échapper par là-même aux récriminations de Margarete à l’égard de la disparition de sa dot…

(1) Goebbels avait déjà été élu au Reichstag, en compagnie de onze autres députés du NSDAP, aux élections de mai 1928

samedi 12 mars 2016

4764 - le Crash du 24 octobre

Le Crash de 1929 : le séisme qui fit sortir le NSDAP de l'ombre
… 14 septembre 1930

Bien plus que la "Volonté" d’Hitler et les efforts de ses séides, c’est la crise économique de 1929 qui va finalement permettre au NSDAP de s'extraire des oubliettes de la politique allemande.

Débutée à Wall Street par le Crash du 24 octobre - le célèbre jeudi noir  - cette crise se propage bientôt au monde entier, provoquant partout une kyrielle de faillites ainsi qu'un chômage massif.

Et en Allemagne, les conséquences sont d’autant plus graves que le pays se remet à peine de l’hyper-inflation du début des années 1920, et est largement tributaire des capitaux américains, lesquels ne tardent pas à se réduire comme peau de chagrin.

Tout cela ne contribue évidemment pas à la popularité des partis politiques traditionnels, qui semblent incapables de faire face, en sorte qu'aux élections fédérales du 14 septembre 1930, le NSDAP, qui depuis une décennie plafonnait à moins de 3% des suffrages, voit soudain son audience passer  à plus de 18%, devenant ainsi le deuxième parti d’Allemagne, juste derrière le SPD !

Et dans cette République de Weimar qui a toujours été fragile et mal-aimée, ce résultat provoque un second séisme, sans doute plus grave que la crise économique elle-même, puisque le nombre de députés nazis au Reichstag passe subitement de 12 à… 107 !

Parmi eux, Heinrich Himmler…

vendredi 11 mars 2016

4763 - "Il n'est pas particulièrement intelligent, mais il travaille dur et est plein de bonnes intentions"

Himmler, en 1929, photographié par Heinrich Hoffmann
… si la SS ne représente pour l’heure que fort peu de choses, Himmler la traite en tout cas avec le plus grand sérieux, la réformant en profondeur… et multipliant les règlements et procédures internes.

A l’obligation de faire preuve en tout temps d’une "conduite irréprochable", chaque SS se voit par exemple astreint à la plus grande ponctualité, Himmler allant même jusqu’à stipuler, par écrit, qu’ils doivent tous régler leur montre sur l’heure de la gare de Nuremberg dès leur arrivée pour le grand rassemblement annuel du parti !

Consacrant de plus en plus de temps et d’énergie à "sa" SS, Himmler n'a  cependant d'autre choix que de délaisser progressivement son exploitation familiale, qui finira par faire faillite, mais aussi la Propagande, dont Hitler, lui-même débordé, confie finalement la direction, au printemps de 1930, à nul autre que Joseph Goebbels, avec lequel Himmler, malgré ses réticences initiales, ne tarde pas à trouver un terrain d'entente mutuellement satisfaisant et qui perdurera d'ailleurs jusqu'à la fin de la guerre.

"Nous sommes rapidement parvenus à un accord", note Goebbels dans son journal, "Il [Himmler] n'est pas particulièrement intelligent, mais il travaille dur et est plein de bonnes intentions".

Mais malgré tous les efforts d'Hitler, de Goebbels, d'Himmler et de tant d'autres, la "pâte nazie" ne se décide toujours pas à lever...

jeudi 10 mars 2016

4762 - enfin le bon bout !

Erhard Heiden, prédécesseur d'Himmler à la tête de la SS
… si la naissance de Gudrun, affectueusement surnommée "Püppi", comble Himmler de bonheur, elle accroit en revanche les difficultés financières du couple,… et les récriminations de Margarete, effrayée par la vitesse à laquelle disparaît sa dot.

A force d’efforts et de persévérance, Himmler est certes parvenu à se faire un (petit) nom au sein du NSDAP,... mais comme le parti demeure lui-même cantonné à l’anecdote, cette relative notoriété s’avère bien incapable de faire bouillir la marmite.

Pour mettre toutes les chances de son côté, Himmler multiplie donc les fonctions : déjà Gauleiter de Basse Bavière, et adjoint du chef de la Propagande, il est devenu, en 1926, Gau-SS-Führer (chef-SS de Gau) puis Stellvertreter Reichsführer-SS (chef-SS adjoint) en septembre 1927.

Bien que ronflant, ce titre d’adjoint d’Erhard Heiden ne doit cependant pas faire illusion  puisque la SS de l’époque - rappelons-le - ne compte encore que quelques centaines de membres, vivotant péniblement dans l’ombre de la SA.

Mais en janvier 1928, après avoir définitivement évincé Strasser, Hitler a pour sa part repris le poste de chef de la Propagande à son compte, faisant de facto d’Himmler son nouvel adjoint, et même un de ses proches, ce qui, en janvier de l’année suivante, vaut d'ailleurs à l’intéressé sa nomination au titre de Reichsführer-SS suite à la démission-surprise d’Erhard Heiden (1)

Même s’il l’ignore encore, Himmler tient cette fois le bon bout…

(1) aujourd'hui encore, les raisons exactes de la démission d'Erhard Heiden restent un mystère. Certains historiens l'attribuent à la rumeur d'avoir personnellement tiré profit de la vente d'uniformes à la SS, d'autres au fait que les dits uniformes aient été confectionnés par un tailleur juif, et d'autres enfin à l'insatisfaction d'Hitler à l'égard de cet homme sous le règne duquel les effectifs de la SS n'avaient cessé de décroître

mercredi 9 mars 2016

4761 - justes noces

Himmler et sa fille, au début des années 1930
... 3 juillet 1928

Le 3 juillet, Himmler et Margarete convolent enfin en justes noces,… des noces dont on s’accorde à penser qu’elles constituent, pour lui, sa première expérience sexuelle.

Mais si Himmler a enfin satisfait un de ses plus ardents désirs, il n’en a pas pour autant fini avec les difficultés, en particulier matérielles.

Le maigre salaire qu’il reçoit en tant que fonctionnaire du NSDAP ne saurait en effet les faire vivre tous les deux, en sorte que la dot de Margarete - ou du moins ce qu’il en reste après l’achat de la Dixi ainsi que d’une petite maison et d’un terrain près de Munich - est bientôt investie dans un élevage familial de volailles, censé leur garantir l’indépendance financière.

Himmler, rappelons-le, est ingénieur agronome, et même le "spécialiste en matière agricole" au sein du parti.

Pourtant - mais faut-il vraiment s’en étonner - le dit élevage ne parvient pas à décoller, et va même finir par faire faillite, à la grande fureur de Margarete.

En aout 1929, le couple a au moins la satisfaction d’assister à la naissance de Gudrun, dont Himmler s’entiche immédiatement, et qui demeurera leur unique enfant…

mardi 8 mars 2016

4760 - l'idéal enfin incarné

Une Dixi, semblable à celle qu'acheta Himmler avec l'argent de sa femme
… dans les nombreuses lettres qu’elle échange avec Himmler, Margarete fait preuve d’une sollicitude toute maternelle, s’inquiétant sans cesse de sa santé, et en particulier de ses problèmes d’estomac, ainsi que du poids de ses nombreuses responsabilités au sein du parti nazi

"Oh non", lui écrit-elle, "vous avez vraiment besoin de prendre la parole vingt fois lors de ces vingt meetings ? C’est terrible ! Et vous en avez ainsi jusqu’à Noël ?" (1)

Parce qu’elle partage les mêmes idées que lui, et les mêmes frustrations, et parce qu’elle incarne à merveille cet étrange "idéal féminin" après lequel il court depuis tant d’années, Himmler s’attache de plus en plus à Margarete, qu’il finit, dans un bel élan romantique, par appeler sa "chérie" et sa "bien-aimée".

Et alors qu’il se considérait jusqu’ici comme un humble chevalier servant à jamais condamné au célibat de part l’importance et la noblesse de sa mission, Himmler en vient petit à petit à envisager le mariage, et même le sexe, avec cette si parfaite représentante de la race aryenne.


En février 1928, l’affaire est entendue, Margarete troquant même ses parts dans la clinique contre la somme de 12 000 Reichmarks... dont Himmler entend bien consacrer une partie - en réalité le quart - à l’achat d’une voiture, en l’occurrence une Dixi (2) et ce malgré les reproches de Margarete, qui juge ce véhicule bien trop coûteux et excessif pour cet homme ne possédant même pas un permis de conduire (3)

(1) Longerich, op. cit., page 103

(2) Dixi fut racheté quelques mois plus tard par BMW

(3) Himmler n’obtiendra son permis de conduire que le 27 juin 1928, une semaine avant son mariage

lundi 7 mars 2016

4759 - cherchez la femme...

Margarete Boden, en 1918
… Sulzbach (Bavière) 12 septembre 1927

Mais ce qui retient surtout l’attention d’Himmler, et de son journal, en cette fin d’été de 1927, c’est Margarete Boden, qu’il rencontre à Sulzbach, le 12 septembre, au cours d’un de ses meetings.

Bien que divorcée, et de sept ans son aînée, Margarete correspond en tout point à l’idée qu’Himmler se fait des femmes, à la fois créatures fragiles et en définitive assez sottes, mais aussi parangons de toutes les vertus familiales et domestiques.

Petite blonde aux yeux bleus, Margarete est en effet une infirmière diplômée, qui a exercé ses talents lors de la Première Guerre mondiale.

Fille d’un respectable propriétaire terrien, elle dispose en outre  des moyens qui, après l'Armistice, lui ont permis d’acquérir des parts dans une clinique privée.

Entre les deux, s’engage aussitôt une correspondance passionnée… si tant est que l’on puisse qualifier de la sorte les nombreuses lettres édifiantes et truffées de références antisémites qu’ils s’échangent l’un l’autre et qu’Himmler, fidèle à ses habitudes. répertorie et classe scrupuleusement par date et même par heure…

dimanche 6 mars 2016

4758 - la Ligue des Artamans extraordinaires

Symbole de l'Artamanen-Gesellschaft
… ingénieur agronome de formation, Himmler se verrait bien Ministre de l’Agriculture dans un futur cabinet Hitler.

Mais Himmler étant Himmler, la dite agriculture serait nécessairement idéale, c-à-d largement délocalisée sur des territoires conquis à l’Est - en particulier en Pologne.

Dans son journal, Himmler expose aussi sa vision très personnelle du paradis terrestre. où "entre les villages militaires de gens de sang nordique, on trouverait des camps de travailleurs esclaves qui, quelles que soient les pertes, construisent nos villes, nos villages, nos fermes" (1)

Il faut dire que dans la liste de ses lectures de chevet, les écrits de Willibald Hentschel (2) fondateur de l’Artamanen-Gesellschaft ou "Ligue des Artamans", figurent en bonne place.

Au sein de la sous-culture völkisch, les Artamans, qui compteront jusqu'à 2 000 membres (3) incarnent une tendance que l'on peut qualifier de "romantico-agraire", axée sur un "retour à la terre" source de quantités de bienfaits et en tout cas seul capable de "purifier la race" en la sauvant des incroyables périls que représentent la vie urbaine et le métissage (3)

Prônant la constitution de communautés rurales militarisées et autarciques, mais aussi l’eugénisme, et même la polygamie, les Artamans exercent une incontestable fascination sur Himmler, qui va d’ailleurs reprendre bon nombre de leurs préceptes pour sa future SS...

(1) Knopp, op cit, page 94
(2) ayant rallié le parti nazi en 1929, Hentschel sombrera ensuite dans l'anonymat et décédera à Berg (Bavière) en 1947
(3) à l'image de leur fondateur, la plupart des Artamans passeront au parti nazi dans les années qui vont suivre, plusieurs d'entre eux y occuperont d'ailleurs des postes importants, en particulier Richard Walther Darré, qui deviendra Ministre de l'Agriculture du Reich
(3) fréquente à droite, cette tendance se retrouve également à l’extrême-gauche de l’échiquier politique, puisque mise par exemple en application dans la Chine de Mao lors du « Grand Bond en Avant », ou encore au Cambodge, lorsque les Khmers rouges, sitôt arrivés au Pouvoir, vidèrent les villes de tous leurs habitants pour les « rééduquer » et en faire des « hommes nouveaux » dans les campagnes

samedi 5 mars 2016

4757 - l'Information, c'est la Force

Hitler - et sa traditionnelle Mercedes - lors d'un rassemblement à Weimar, en 1926
… même s’il n’en a qu’une connaissance intuitive, même s'il aborde le problème de manière précipitée et fort brouillonne, Himmler a déjà compris que "l’Information, c’est la Force", et il saura s’en souvenir dans les années qui viennent.

Reste que pour l’instant, ses demandes de renseignements aussi exhaustives qu’incessantes ne rencontrent que fort peu d’écho au sein d’un parti en pleine reconstruction mais qui peine à simplement retrouver son niveau d’avant 1924.

Ces "Années de Lutte", comme les appellera un jour Hitler, sont en effet, et pour tous les militants, des années de frustration où, en dépit de tous les efforts entrepris, y compris par Himmler lui-même, les gains électoraux - lorsqu’ils existent ! - s’avèrent insignifiants : à Hambourg, en février 1927, le NSDAP ne recueille ainsi que 2.2% des voix, et le résultat est pire encore aux élections fédérales de 1928, où le parti n’obtient que 2.8% des suffrages… contre 3% en 1924 alors qu’Hitler était en prison et le parti officiellement interdit et contraint d’opérer sous d’autres étiquettes !

Et de toute manière, quand bien même ces informations lui parviendraient-elles qu’Himmler serait bien incapable de les exploiter, faute de moyens bien sûr, mais aussi parce qu’il ne saurait pas du tout comment s’y prendre,... d’où la nécessité, un jour, de se mettre à la recherche d’un véritable "Spécialiste du Renseignement" en mesure, lui, de traiter toutes ces données mystérieuses mais ô combien indispensables à l’existence d’un régime totalitaire.

Mais n’anticipons pas…

vendredi 4 mars 2016

4756 - Führerprinzip

Herbert Albrecht, typique des Gauleiter d'avant l'arrivée d'Hitler au Pouvoir
... si son titre de Gauleiter ne lui confère aucun pouvoir sur la société civile, ni sur les institutions de la République de Weimar, Himmler le considère pourtant avec un respect proche de la vanité.

A 26 ans, ce jeune-homme, qui n'avait jusqu'ici rien accompli, et qui désespérait de son avenir, est désormais convaincu de sa grande importance !

En tant qu'adjoint du chef de la Propagande, il n'hésite d'ailleurs pas à inonder les autres instances du NSDAP de demandes de renseignements qui, vu le peu de moyens dont dispose le parti, confinent à l'absurde.

"Sur deux pages pleines, il [Himmler] avait dressé la liste de treize types de rapports différents que les différentes branches locales devaient régulièrement lui envoyer, et lourdement insisté sur le fait que ne pas s'y plier dans les délais impartis entraînerait un sévère avertissement et, si nécessaire, serait rapporté au Führer".

Himmler, pourtant, n'a toujours pas rencontré Hitler, mais sa tendance à prendre des initiatives personnelles et à se porter spontanément au-devant des désirs du chef, ce mode de gouvernance si particulier du NSDAP d'aujourd'hui, de tout le Troisième Reich de demain, et connu sous le nom de Führerprinzip c-à-d Principe du Führer, est particulièrement bienvenue au sein du parti et, encouragée par Hitler lui-même.

Signe des Temps, ou plutôt de ce qui s'envient, plusieurs des rapports exigés par Himmler concernent "tous les Juifs, qu'il faut recenser à l'intérieur de chaque Gau, avec le détail exact de leur nom, âge, emploi et domicile, et en y incluant si possible les Juifs qui ont été baptisés"

Mais en plus des Juifs, Himmler veut également tout savoir sur les Francs-maçons, sur "les opposants politiques les plus vicieux" (sic), sur les Allemands vivant à l'étranger, ainsi que sur "tous les cas de mauvais traitements, d'attaques ou d'actes terroristes contre des camarades du parti commis par des opposants dans chaque district ou Gau depuis la création du parti" (1)
(1) Longerich, op cit. page 91

jeudi 3 mars 2016

4755 - le Gauleiter Himmler

Goebbels, en 1926, année de son ralliement à Hitler
... au printemps de 1926, Joseph Goebbels, littéralement tombé sous le charme d'Hitler, décide de retourner sa veste et de rallier l'aile droite du parti.

En échange de ce ralliement, il obtient, en octobre, sa nomination comme responsable officiel du Gau le plus important d’Allemagne, celui de Berlin, avec la lourde tâche d’arracher la ville aux socio-démocrates et aux communistes.

En septembre, lâché par Goebbels, et de plus en plus marginalisé, Gregor Strasser se voit pour sa part confier le poste de chef de la Propagande du NSDAP, tandis que d'autres représentants éminents de l’aile gauche se voient également attribuer des postes importants au sein de l’appareil du parti.

Mais ce qui pourrait passer pour autant de promotions n’est en fait qu’une manœuvre d’Hitler pour écarter ceux qui le gênent dans sa quête de Pouvoir absolu.

Dans l'histoire qui nous intéresse ici, la dite manœuvre a toutefois pour effet, en janvier de l’année suivante, de propulser Himmler - demeuré fidèle à Strasser et devenu l’adjoint très officiel de ce dernier - au rang de Gauleiter de Basse Bavière.

Si les Gauleiters hériteront un jour d’un véritable pouvoir de gouvernance, et deviendront d'authentiques potentats ayant la haute main sur la police et de la justice de leur Gau, ils ne sont pour l’heure que de vulgaires responsables politico-administratifs - par ailleurs fort mal payés - d’un des ces nombreux partis qui se contentent de grenouiller à l’extrême-droite de la politique allemande.

Mais contrairement aux partis analogues, le NSDAP - et c’est sa force - entretient une présence dans toute l’Allemagne et, sous l’impulsion d’Hitler, est occupé à se structurer autour d’un chef et d’une doctrine uniques...

mercredi 2 mars 2016

4754 - ni fidèle, ni admirateur

Mein Kampf : bible du nazsime mais tirage confidentiel jusqu'en 1929
… si, pour Hitler, il deviendra un jour "Le Fidèle Heinrich", Himmler, qui n’a toujours pas été présenté au grand homme, n’est certes pas un fidèle de la première heure, ni un admirateur inconditionnel.

Il s’en faut même de beaucoup : commentant le premier tome de Mein Kampf, paru en juillet 1925, Himmler ne peut ainsi s’empêcher de noter que les premiers chapitres contiennent "un grand nombre de faiblesses" (sic), alors que dans le second tome, paru en décembre 1926 mais dont il n’entreprend la lecture qu’un an plus tard, il marque surtout son adhésion à la légende, ô combien populaire à l’époque, du "coup de poignard dans le dos" et à cette remarque selon laquelle il aurait suffi "de gazer de douze à quinze mille de ces Juifs corrupteurs de la Nation" (1) pour épargner à l’Allemagne la défaite de 1918 ainsi que la ruine et les humiliations qui s’ensuivirent.

Le manque d'empressement et d’enthousiasme d’Himmler envers un ouvrage tout de même appelé à devenir un jour la Bible officielle du régime, et tiré à plus de dix millions d’exemplaires (!) jusqu’en 1945, peut s’expliquer par sa fidélité au clan Strasser, par la nature il est vrai confuse et indigeste de la prose hitlérienne - qui sera d’ailleurs révisée et réécrite à plusieurs reprises par divers correcteurs - mais aussi par le fait que la dite prose ne constitue pour l’heure qu’un élément parmi tant d’autres au sein de la sous-culture völkisch

Dit autrement, les écrits d’Hitler, et Hitler lui-même, ne convainquent pour l’heure que les convaincus (2), et seraient bien incapables d’attirer de nouveaux fidèles si la situation économique de l’Allemagne de Weimar, après une brève embellie, n’était condamnée à se dégrader à nouveau…

(1) Longerich, op cit, page 87
(2) jusqu'en 1929, le tirage total des deux tomes de Mein Kampf ne dépassera pas 40 000 exemplaires

mardi 1 mars 2016

4753 - un silence faussement paradoxal

Gregor Strasser, en 1928. Il représentait l'aile gauche du parti nazi
… revenons à présent à Himmler, que nous avons laissé à l’automne de 1924, alors qu’il s’affairait à prendre à sa charge les activités et l’organisation du parti nazi en Basse Bavière, progressivement abandonnées par un Gregor Strasser appelé à de plus hautes fonctions.

Et dans ce domaine-là comme lors de son parcours scolaire, Himmler se révèle bien plus appliqué que brillant, compensant un travail trop souvent brouillon par un militantisme infatigable et donc de nature à lui attirer les éloges.

De novembre 1925 à mai 1926, et alors qu’Hitler, de son côté, est en train de transformer le NSDAP en authentique machine de guerre entièrement acquise à sa cause, Himmler prend ainsi la parole dans près d’une trentaine de meetings publics en Basse Bavière, et à une vingtaine d’autres dans le reste de l’Allemagne, alimentant du même coup son propre journal politique, le Kurier für Niederbayern, dont le tirage avoisine les 4 000 exemplaires.

Outre le fidèle compte-rendu de ses innombrables activités militantes, le Kurier, reconnu par les plus hautes instances du NSDAP comme l’organe de propagande officiel du parti en Basse Bavière, reprend les pseudo-analyses d'Himmler sur la politique nationale et internationale, où Francs-maçons et, surtout, Juifs, tiennent naturellement le mauvais rôle.

Sur Hitler, en revanche, et sur le véritable culte de la personnalité que ce dernier est occupé à bâtir, Himmler et son Kurier demeurent totalement muets, ce qui, à première vue, semble paradoxal mais peut en fait s’expliquer par la fidélité d’Himmler à son mentor, Gregor Strasser, nullement disposé quant à lui à se rallier à ce "mythe Hitler" en pleine expansion…