vendredi 30 juin 2017

5239 - entretenir la routine

soldats allemands à Honsfeld, à côté de cadavres d'Américains
... Stavelot, 17 decembre, 18h00

Inconscient des exactions commises derrière lui par ses hommes, mais s'en souciant de toute manière comme d'une guigne, Peiper poursuit sa route vers Ligneuville, qu'il rallie en début d'après-midi,... après avoir été brièvement retardé par un Sherman déchenillé mais néanmoins désireux de combattre jusqu'au bout (1), preuve supplémentaire, et fort ennuyeuse, du fait que les Américains - contrairement à ce qui était attendu - sont parfaitement en mesure d'opposer une résistance aussi acharnée que sans espoir.

À Ligneuville, et histoire d'entretenir la routine, une dizaine de prisonniers américains sont à nouveau exécutés... toujours en l'absence de Peiper (qui a aussitôt continué sur Stavelot) et sans que ce dernier en ait expressément donné l'ordre.

En fin de journée, Peiper et son Kampfgruppe arrivent enfin sur les hauteurs de la ville.

Les Américains n'ont pour ainsi dire rien à lui opposer mais Peiper l'ignore et, de de toute manière, ses chars lourds sont à présent loin derrière et lui-même fort à court de carburant, ce pourquoi décide-t-il de passer la nuit sur place et de n'attaquer que le lendemain matin, décision a priori judicieuse mais qui va une fois de plus lui coûter de précieuses heures...

(1) une scène en tout point semblable est longuement évoquée dans le film Fury

jeudi 29 juin 2017

5238 - une simple routine machinale...

Schwimmwagen du Kampfgruppe Peiper, entre Saint-Vith et Malmedy
… après guerre, les avocats de Joachim Peiper - et Peiper lui-même - ne manqueront pas de faire remarquer que celui-ci n’a jamais ordonné les exécutions de Baugnez, pas plus que celles de Büllingen ni toutes celles, ultérieures - soit près de 400 militaires et plus de 100 civils belges - dont le Kampfgruppe se rendra coupable jusqu’à la fin de la Bataille des Ardennes.

Et ils souligneront également qu’à aucun moment l’intéressé n’était physiquement présent lors de celles-ci...

Simple figure de rhétorique : fatigués par une journée et demie de marches et de combats presque ininterrompus dans le froid et la neige, convaincus de l’extrême importance de leur mission pour le devenir du Reich, et se sachant déjà en retard sur l’horaire prévu, les SS de Peiper, pour beaucoup vétérans du Front de l’Est, ont tout simplement, et très machinalement, reproduit dans les Ardennes belges un comportement - l’exécution presque systématique des prisonniers de guerre - depuis longtemps devenu routinier en URSS, et un comportement - faut-il le rappeler - ostensiblement couvert et même encouragé par la hiérarchie, et en particulier par le Reichsführer Heinrich Himmler lui-même (1)

Mais dans l’immédiat, ce comportement a en tout cas un résultat parfaitement contre-productif pour la dite mission car, jusque-là disposés à se rendre honorablement face à un ennemi supérieur en nombre, les soldats américains, une fois informés de l’existence des dits massacres, sont au contraire décidés à lutter jusqu’au bout, et à venger la mort de leurs camarades de combat…

(1) Saviez-vous que… Au coeur des Ténèbres

mercredi 28 juin 2017

5237 - le Massacre de Baugnez

cadavres américains, après la reprise du site
... si les paras de von der Heydte brillent pour l'heure par leur totale inutilité, les SS de la deuxième "unité spéciale" - le Kampfgruppe Peiper - ont quant à eux déjà commencé à se distinguer... pour les mauvaises raisons.

Dès 06h00, ses hommes se rendent en effet maîtres du village de Honsfeld, où ils mettent la main sur une cinquantaine de véhicules, mais aussi sur une quinzaine de soldats américains... qu'ils exécutent promptement après leur reddition.

Quelques heures plus tard, au dépôt américain de Büllingen, ils s'emparent de quelque 200 000 litres d’essence… butin d’autant plus précieux qu’ils se savent déjà en retard sur l’horaire prévu.

Poursuivant sur la route qui mène à Malmedy, les avant-gardes de Peiper tombent, sur le coup de 13h00, près de Baugnez, sur les artilleurs d’un bataillon d’observation de la 7ème D.B. américaine.

Tandis que Peiper lui-même continue son chemin vers Ligneuville, les 125 Américains qui se sont constitués prisonniers sont rassemblés dans un champ… et fauchés peu après à la mitrailleuse par des tankistes SS qui, pressés par le temps, ne tardent pas à s’en aller, abandonnant les cadavres dans la neige.

Double mauvais calcul : d’abord parce qu’une vingtaine de G.I.’s, bien vivants, vont réussir à regagner leurs lignes, et ensuite parce que le récit du Massacre de Baugnez va vite se propager, telle une traînée de sang, dans toute l’armée américaine…

mardi 27 juin 2017

5236 - en retard sur l'horaire

Épave d'un Jagdpanzer, près de Cherain
… pour ne rien arranger, les avant-gardes de la VIème Armée de Panzer-SS, que von der Heydte devait précisément retrouver près de Malmedy, ne sont pas au rendez-vous !

Dietrich a en effet déjà près d’une journée de retard sur l’horaire prévu, et les seuls véhicules que von der Heydte aperçoit à l’horizon ne sont autres… que les camions de la Big Red One, la 1ère D.I. américaine, expédiée en renfort par le général Collins !

Une 1ère D.I. occupée à foncer vers Bütgenbach et que von der Heydte, dont les hommes sont éparpillés sur des dizaines de kms carrés, est bien incapable d’arrêter !

Et Dietrich n’est certes pas prêt d’arriver, lui qui butte en ce moment contre les villages de Rocherath et Krinkelt, points de passage obligé des 2ème et 99ème D.I. en pleine retraite, et que les Américains sont bien décidés à conserver coûte que coûte,... non sans succès puisqu'au soir, et malgré tous ses efforts, la 12ème Panzer-SS, qui devrait déjà être en train de rouler vers la Meuse, est toujours bloquée, alors que dans le même temps, et à l’insu de Dietrich, les Américains de la Big Red One sont pour leur part occupés à se retrancher près de Bütgenbach, quelques kms plus à l'ouest, pour y constituer une solide ligne de défense sur la crête d'Elsenborn...

lundi 26 juin 2017

5235 - le saut dans l'inconnu

soldats de la 116ème Panzer lors de la Bataille des Ardennes
… 17 décembre 1944, 03h30

A 03h30, les quelque 1 200 parachutistes du lieutenant-colonel Friedrich von der Heydte sont largués sur le plateau des Hautes Fagnes, au nord de Malmedy.

Depuis les pertes catastrophiques encourues en Crète - ce "tombeau du parachutisme allemand" sur lequel nous reviendrons dans une chronique ultérieure - Hitler s’était pourtant juré de ne plus jamais recourir à ce genre d’opérations au résultat par trop incertain et dans tous les cas bien trop coûteuses en matériel et en vies humaines.

Mais vu la situation actuelle, le Führer n’a eu d’autre choix que d’accepter tous les risques, et d’autant plus que la mission des paras de von der Heydte est de la plus haute importance puisqu'ils doivent, comme nous l’avons vu, protéger l’aile droite de la VIème Armée de Dietrich contre l’arrivée éventuelle de renforts américains venus du Nord.

Mais si le largage de plus d’un millier de parachutistes de jour et par beau temps constitue déjà une gageure en soi, le faire de nuit, dans des conditions météorologiques exécrables, et avec des équipages aussi inexpérimentés que ceux de la Luftwaffe de cette fin de guerre, relève du saut dans l'inconnu, pour ne pas dire de la mission impossible !

Et de fait, au grand désespoir de von der Heydte, et de tout l'État-major allemand, les paras, mais aussi tout leur équipement, se retrouvent aussitôt dispersés sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés, donc pas du tout à même de mener rapidement quelque action militaire que ce soit…

dimanche 25 juin 2017

5234 - "sur le Front Ouest, le vent a enfin tourné en faveur du Reich"

soldats allemands près de Poteau, et devant un M8 Greyhound capturé, 18 décembre 1944
… au soir du 16 décembre 1944, le bilan peut être considéré comme mi-figue, mi-raisin… pour les deux camps.

Côté américain, personne, et surtout pas le haut-commandement, n’est encore parvenu à se faire une idée exacte de la situation... et de la véritable gravité de la menace qui pèse sur les troupes engagées dans les Ardennes

En revanche, Honsfeld, Clervaux, Echternach et, surtout, Saint-Vith sont toujours américaines,  les G.I.’s présents sur place s’accrochent finalement mieux qu’espéré en pareille circonstance, et trois divisions, dont deux blindées, sont déjà en route pour les soutenir.

Côté allemand, on peut certes se féliciter des premiers succès remportés sur le terrain au point-même, parfois, d’estimer, comme Hitler, que "sur le Front Ouest, le vent a enfin tourné en faveur du Reich" (1)

Pour autant, l’offensive accuse déjà plusieurs heures de retard sur l’horaire prévu, ce qui s’explique au moins autant par la résistance des Américains que par la nature difficile du terrain ardennais,... ou la trop grande fragilité de ponts pas du tout conçus pour supporter des tanks de 40 à 70 tonnes.

De tels aléas sont naturellement inévitables en temps de guerre, et avaient du reste été anticipé par l’État-major, mais c’est la manière de les surmonter qui pose aujourd’hui problème : n’en déplaise à Hitler, les soldats allemands de décembre 1944, souvent beaucoup plus jeunes ou alors beaucoup plus vieux que leurs devanciers, ne sont plus les conquérants habiles, endurants et très réactifs, des premières années du conflit…

(1) Piketty, op. cit. page 60

samedi 24 juin 2017

5233 - le "retour des Boches"

Sherman américain, en mouvement dans les Ardennes
"Il importe également de renforcer ces facteurs psychologiques en ne laissant passer aucun instant sans faire comprendre à l’ennemi que, quoi qu’il fasse, il ne peut compter sur une capitulation, jamais, jamais. Voilà le point décisif !" (Adolf Hitler, Adlerhorst, 12 décembre 1944)

… plus au Sud, les vétérans de la 28ème D.I. du général Norman Cota, très éprouvés par leurs combats des semaines précédentes, font ce qu’ils peuvent face aux hommes de Manteuffel.

Mais plus que la résistance des G.I.’s, c’est l’effondrement d’un pont sur l’Our, incapable de supporter le poids démesuré des Panzers, qui freine la progression des Allemands en direction de Clervaux où les civils belges, totalement paniqués par le "retour des Boches", fuient en masse vers l’Ouest,… en ajoutant encore un peu plus à la confusion.

La confusion, justement, continue de régner dans le camp allié : au 12ème Groupe d’Armées US, le général Omar Bradley, en route pour Versailles, est convaincu que cette attaque allemande ne constitue en fait qu’une manœuvre destinée à attirer la 3ème Armée de Patton vers le Nord, et ainsi à lui faire renoncer à son offensive depuis longtemps prévue en Sarre.

A Versailles, où il a finalement été rejoint par Bradley, "Ike" a néanmoins des doutes et, par sécurité, ordonne à la 7ème D.B. de Simpson et à la 10ème D.B. de Patton de se mettre rapidement en mouvement vers les Ardennes, un mouvement auquel se joint, quelques heures plus tard, la 1ère D.I., la fameuse Big Red One, expédiée de sa propre initiative par le général Collins

Ce n’est guère… et certes pas assez pour empêcher ensuite les deux hommes de s’en aller fêter dignement, et jusqu’à l’aube, la 5ème étoile tout juste décernée à Eisenhower…

vendredi 23 juin 2017

5232 - la surprise

Les soldats américains ne s'attendaient nullement à être attaqués dans les Ardennes
 "Depuis le début, je me suis efforcé de mener chaque fois que possible la guerre de manière offensive. Au bout du compte, les guerres se décident quand l’une ou l’autre partie reconnaît que la guerre ne peut plus être gagnée. La tâche la plus importante est donc d’amener l’ennemi à s’en rendre compte" (Adolf Hitler, Adlerhorst, 12 décembre 1944)


… 16 décembre 1944, 05h30

A 05h30, l’enfer se déchaine donc sur les quelque 140 kms du Front ardennais, prenant par surprise les troupes américaines, en en particulier les bleus de la 99ème D.I.

Après une heure de pilonnage intensif, le calme revient soudainement, mais un calme ô combien relatif puisque les soldats allemands ne tardent pas à surgir du brouillard, éclairés, tels des spectres, par les premières lueurs de l’aube... mais aussi par d’énormes projecteurs de DCA spécialement amenés sur place.

Bien que totalement pris au dépourvu, les G.I's s’accrochent comme ils peuvent - au début surtout - mais se retrouvent trop souvent débordés par le nombre, et n’ont dès lors plus d’autre choix que de décrocher.

Si les Panzers de Dietrich menacent directement Rocherath et Büllingen au Nord, c’est au Sud que la situation est la plus préoccupante puisque la 106ème D.I. est sur le point de se retrouver totalement encerclée près de Schönberg par les troupes de Manteuffel, lesquelles visent directement Saint-Vith, où le général Alan Jones, qui ne contrôle déjà plus grand-chose et peine à se faire une idée exacte de la situation, a établi son propre quartier-général…

jeudi 22 juin 2017

5231 - ... et des "contre"

Un Tiger II, à l'abandon,... et à l'image de ce qui attendait l'armée allemande
... parce qu’elles sont indispensables à la réussite de l’opération, les très mauvaises conditions météo attendues peuvent être considérées comme un avantage, mais elles n'en vont pas moins compliquer et ralentir la progression normale des troupes... et faire grimper en flèche la consommation d'essence des blindés !

Or, aujourd’hui encore, il n’existe rien de plus incertain que la météo : que celle-ci vienne subitement à s’améliorer, et l’Aviation alliée ne fera qu’une bouchée des lourds et patauds Panzers, ce pourquoi il est vital de rallier Antwerpen en seulement une semaine… objectif qui ne laisse pour ainsi dire la place à aucun retard ou imprévu dont chacun, à commencer par Hitler, devrait pourtant savoir qu’ils font partie de la guerre elle-même.

Et quand bien même parviendrait-on à rallier Antwerpen dans les délais que la conduite ultérieure des Alliés occidentaux, et en particulier leur volonté de s’asseoir - ou pas - à une table de négociations demeure inconnue.

Surtout, nul ne peut présumer des intentions des Soviétiques qui, sachant les meilleures unités de la Wehrmacht et de la Waffen-SS à présent engagées à l’Ouest, peuvent tout aussi bien décider de précipiter leur propre offensive à l’Est.

Mais quand le schnaps est tiré…

mercredi 21 juin 2017

5230 - les "pour"...

Le Tiger II : une machine de guerre formidable... à condition d'avoir de l'essence
... même si Hitler a depuis longtemps pris la décision de passer à l'offensive, et abandonné toute idée de rationalité, Wacht am Rhein repose, comme d'ailleurs toute opération militaire, sur un certain nombre de "pour", de "contre",... mais aussi sur de totales incertitudes.

Du côté des "pour" figure incontestablement l'effet de surprise : les Alliés, nous l'avons vu, ne s'attendent absolument pas à une attaque d'envergure, a fortiori dans ce secteur unanimement considéré comme "calme" et "infranchissable" du Front

Les tanks, mais aussi les fantassins allemands sont supérieurs à leurs adversaires - les Américains eux-mêmes le reconnaissent - et bénéficieront d'autre part, et pour la première fois depuis longtemps, d'une énorme supériorité numérique, alors que l'Aviation alliée, clouée au sol par la météo, ne sera cette fois pas en mesure d'intervenir.

Au rayon des "contre", la faiblesse de la chaîne logistique vient immédiatement à l'esprit : quelques minutes avant de démarrer, on ne dispose toujours de munitions que pour une dizaine de jours, et de carburant que pour parcourir 150 kms…

Que l'on rencontre une trop forte résistance en quelque endroit de la route, que l'on soit forcé de s'arrêter un jour ou deux, et on ne pourra jamais atteindre Antwerpen, but de toute cette opération.

Et on risque même, dans l'aventure, de tomber en panne sèche, à moins bien sûr de réussir à s’emparer des stocks américains…

mardi 20 juin 2017

5229 - M10, M36... ou M18 ?

Le M18 Hellcat : la vitesse et la maniabilité d'un hors-bord... sur terre
… en cet automne de 1944, le tank destroyer le plus courant demeure encore, et de loin, le M10.

Construit sur un châssis légèrement modifié de tank Sherman, le M10 dispose certes d’un canon à l’origine antiaérien - donc à haute vitesse initiale - mais malheureusement de trop faible calibre - 76mm - pour représenter une véritable menace pour les Panther et, a fortiori, les Tiger allemands.

Son héritier, le M36, également construit sur un châssis de Sherman, est lui aussi doté d’un canon d’origine antiaérienne, mais cette fois de 90mm, ce qui lui permet, du moins en théorie, d’affronter les chars lourds allemands avec une chance raisonnable de succès.

Le troisième larron, le M18 Hellcat, est beaucoup plus original : conçu pour être le plus rapide et le agile possible, il ne possède certes qu’un très modeste canon de 76mm, mais sa légèreté (18 tonnes seulement) et son châssis, assez semblable à celui du M24, lui autorisent en revanche une vitesse record, qui peut atteindre 80 kms/h sur route et s’avère bien utile pour échapper aux tirs allemands.

Sur le plan de la puissance de feu et, surtout, du blindage, ces trois tanks sont néanmoins irrémédiablement surclassés par leurs adversaires et, en pratique, s’avèrent bien moins chasseurs que… chassés

lundi 19 juin 2017

5228 - le tank destroyer

Le M10 - notez, comme sur tous les tanks destroyers américains, l'absence de toit
… à l’instar des Allemands, les Américains ont également construit et mis en service des chasseurs de chars, ou plus exactement des tanks destroyers, c-à-d des destructeurs de chars… ce qui n’est pas exactement la même chose.

Dans la logique allemande, le chasseur de chars opère en effet à l’affut, soigneusement dissimulé par le relief, et le plus souvent en solitaire, alors que, dans la logique américaine, le tank destroyer est plutôt supposé se battre au grand jour, et par pelotons entiers.

Après la Campagne de France, les stratèges américains se sont en effet convaincus - à tort - qu’ils auraient un jour ou l’autre à affronter de véritables hordes de chars d’assaut ennemis, chargeant à découvert, et en grand nombre, sur un Front relativement étroit.

Conséquence de cette différence doctrinaire, le chasseur de chars allemand, cantonné à un rôle relativement statique, privilégie le blindage au détriment de la mobilité, et abandonne sa tourelle pour abaisser sa silhouette et mieux se confondre ainsi avec le terrain.

A l’inverse, le tank destroyer américain est conçu pour demeurer extrêmement mobile, ce qui lui impose de faire l’impasse sur un lourd blindage, mais aussi - et ne serait-ce que pour demeurer en mesure de riposter lorsque contraint de battre en retraite - de conserver sa tourelle, néanmoins débarrassée de son toit, histoire de gagner du poids … au détriment des équipages, qui n’ont dès lors qu’une simple toile pour se protéger de la pluie comme des éclats d’obus…

dimanche 18 juin 2017

5227 - le char léger qui se prend (presque) pour un grand

Le M24 Chaffee : le char léger qui se prend (presque) pour un grand
… depuis El Alamein, en octobre 1943, la guerre blindée oppose, dans le camp occidental, une conception américaine fortement quantitative à une conception allemande davantage qualitative,... encore que les prétendues "qualités" des tanks allemands soient - comme nous l’avons vu - largement discutables.

En cet automne de 1944, le Sherman, qui dote à présent l'intégralité du corps de bataille américain, mais aussi plus des deux-tiers du britannique, est sans doute loin de constituer l'arme idéale, mais c’est en revanche une arme qui - standardisation américaine oblige - se trouve disponible dans des quantités bien plus importantes (1) que tout ce que les Allemands peuvent raisonnablement aligner contre elle.

Contrairement aux Allemands, mais à l’instar des Soviétiques, les Américains font également un large usage de chars légers, essentiellement pour la Reconnaissance.

Avec sa quinzaine de tonnes et un canon de 37mm aussi ridicule que son blindage, le M3/M5 Stuart, qui constitue encore le gros des effectifs de chars légers, représente évidemment une proie facile et non pas une quelconque menace pour les Panzers.

A près de 20 tonnes, et avec son canon de 75mm, son successeur désigné, le M24 Chaffee, dont les premiers exemplaires viennent d’apparaître sur le sol européen, est beaucoup plus prometteur mais ne saurait cependant l’emporter que dans des circonstances exceptionnellement favorables…

(1) la production totale du Sherman dépassera les 50 000 exemplaires

samedi 17 juin 2017

5226 - moyen en tout

Le Tiger et le Sherman... ou le jeu des 40 tonnes de différence !
… icône par excellence de la Libération de l’Europe, et de la puissance américaine, le M4 Sherman n’est pourtant qu’un char moyen… très moyen, qui manque autant punch que de protection.

Né en août 1940, et entré en service à partir de 1942, le Sherman est à l'évidence inutilement haut (3,40m), trop léger (30 tonnes) et trop faiblement armé, avec son petit canon de 76mm, pour rivaliser avec les Panther et Tiger allemands, de quinze à quarante (!) tonnes plus lourd que lui, et dotés de canons bien plus puissants que le sien.

En cet automne de 1944, ses seuls véritables atouts résident dans sa grande fiabilité mécanique et une maniabilité supérieure aux tanks allemands car, au combat, les équipages ne doivent souvent leurs succès, ou leur survie, qu’à la simple loi du nombre et au soutien efficace de l'aviation.

L'US Army en est bien consciente, qui reconnaît elle-même qu'il faut en moyenne cinq Sherman pour détruire un seul Panther, et aussi qu'en 1944, un seul Tiger isolé est parvenu à détruire 25 Sherman avant d'être lui-même mis hors de combat (!)

Capable quant à lui de rivaliser avec les meilleurs chars allemands, son remplaçant, le M26 Pershing, est déjà connu mais, malheureusement pour les Américains, n’entrera en service que dans les ultimes semaines du conflit...

vendredi 16 juin 2017

5225 - les derniers préparatifs

les Allemands disposaient d'une supériorité écrasante : restait à l'utiliser...
... Adlerhorst, Bad Nauheim, 11 décembre 1944.

Contraint, suite à l'avancée des troupes soviétiques, d'abandonner son Q.G. de campagne de Rastenburg (Prusse Orientale) où il vient de passer l'essentiel de la guerre, Hitler a transféré son État-major à l'Adlerhorst, le "nid d'aigle" (1)

C'est là, dans ce vaste complexe d'abris bétonnés construits dans le plus grand secret près de Kransberg (Hesse), qu'il va personnellement superviser le déroulement de Wacht am Rhein, dont il a approuvé la version finale quatre jours auparavant.

Dans la nuit du 13 au 14 décembre, puis encore la nuit suivante, les unités prévues pour l'attaque se mettent lentement en place.

La première vague comprendra environ 200 000 hommes, ainsi qu'un millier de chars et de canons automoteurs soutenus par près de 2 000 canons de divers calibres. Mais une deuxième vague, forte d'une cinquantaine de milliers d'hommes et de plusieurs centaines de tanks, est déjà prête à prendre la relève, tandis que d'autres unités pourront également être appelées en renfort si nécessaire.

Pour la première fois depuis longtemps, Wehrmacht et Waffen-SS vont donc bénéficier d'une supériorité écrasante sur leur adversaire, qui ne dispose guère que de quelque 80 000 hommes, à peine épaulés par 300 à 400 blindés sur lesquels il faut à présent s'attarder quelque peu...

(1) l'Adlerhorst de Kransberg ne doit pas être confondu avec la  bien plus modeste, mais beaucoup plus connue Kehlsteinhaus, cet autre 'ni d'aigle" bâti dans les Alpes bavaroises, à proximité immédiate du Berghof, résidence privée d'Hitler.

jeudi 15 juin 2017

5224 - des "bleus" et des "fatigués"

Soldats américains, à l'affut dans les Ardennes
... pour défendre tout le secteur des Ardennes belges, les Américains n'alignent donc que les 2ème, 4ème, 28ème, 99ème et 106ème divisions d'Infanterie, ainsi que de la 9ème division blindée, soit environ 80 000 hommes et 400 tanks.

Ce n'est pas grand-chose,... surtout si l'on considère que deux des divisions d'Infanterie, éreintées par les combats des semaines précédentes, n'ont été envoyées dans les Ardennes que pour s'y reposer et s'y rééquiper, et que deux autres, ainsi que la division blindée, sont composées de novices qui ne se trouvent là que pour se faire les dents et glaner sans trop de risques un peu d'expérience dans ce secteur unanimement considéré comme "calme".
 
Pour ne rien arranger, ces "bleus" et "fatigués" n'ont pour ainsi dire rien fait pour miner le terrain, ériger des barbelés ou encore se préparer à faire sauter ponts et autres ouvrages d'Art en cas d'offensive ennemie.

Quant aux patrouilles, et malgré un incontestable regain d'activités observé chez l'ennemi, celles-ci sont pour ainsi dire inexistantes, tant les officiers sont convaincus que les Allemands sont "finis",... et les soldats bien davantage occupés à se préserver comme ils le peuvent du froid et de l'humidité qu'à creuser des trous et des tranchées dans le sol gelé.

mercredi 14 juin 2017

5223 - le plan B

Dubitatif face à une attaque allemande, Patton avait néanmoins prévu un plan B
… de l’analyse des informations qui lui sont parvenues, le colonel Benjamin Dickson, chef du Renseignement de la 1ère Armée américaine, en est en effet arrivé à la conclusion que les Allemands s’apprêtent bel et bien à lancer, d’ici la fin décembre, une vaste offensive dans la région d’Aachen.

S’il se trompe sur le lieu, Dickson a au moins raison sur la date, et l’intention, mais personne, au sein de l’État-major du général Courtney Hodges, ne lui prête la moindre attention.

Son homologue auprès de la 3ème Armée américaine, le colonel Oscar Koch, a davantage de succès : devant les arguments que ce dernier lui présente, le grand George Patton demeure certes dubitatif, mais du moins, dans son cas, prend-il la précaution de faire réaliser par son État-major une sorte de plan B, un plan "au cas où...", un plan qui prévoit de faire pivoter de 180 degrés l’axe d’attaque prévu de la 3ème Armée - c-à-d, si nécessaire, de la faire remonter rapidement vers le Nord - et une précaution qui vaudra bientôt son pesant d’or.

Mais n’anticipons pas car, dans l’intervalle, le nœud du problème c’est que dans les Ardennes, c-à-d entre la 1ère Armée d’Hodges et la 3ème de Patton, il n’y a pas grand-chose !

En cet automne de 1944, sur les 69 divisions dont les Alliés disposent en Europe, six seulement sont stationnées dans les Ardennes, sur un Front qui s’étend de Monschau au Nord au Grand-Duché de Luxembourg au Sud, soit sur quelque 149 kilomètres…

mardi 13 juin 2017

5222 - "les Allemands n’ont plus les moyens de mener une offensive majeure"

"les Allemands n’ont plus les moyens de mener une offensive majeure"
… pour que Wacht am Rhein ait la moindre chance de succès, les Allemands devront donc bénéficier, durant plusieurs jours, d’une météo suffisamment exécrable pour interdire toute intervention de l’Aviation alliée, et aussi s’emparer, intacts, de plusieurs dépôts de carburants américains.

A ces conditions déjà difficiles à remplir s’ajoute l’obligation du secret le plus absolu : depuis des semaines, les communications radio, même cryptées, sont réduites à leur plus simple expression et remplacées par de simples estafettes ne communiquant les informations indispensables que de vive voix,… ou encore par le bon vieux téléphone civil qui, depuis que les Allemands combattent sur leur propre sol, a retrouvé tout son intérêt.

Toutes ces précautions ne sauraient cependant empêcher les Alliés d’avoir vent de rumeurs, ni d’obtenir, grâce à des interrogatoires de prisonniers, de multiples informations faisant état de concentrations de troupes ou de la constitution, ici et là, d’importantes réserves de carburant et de munitions.

Mais à l’image d’Hitler devant Stalingrad, les Alliés sont à ce point persuadés que leur adversaire est "fini" qu’ils n’accordent que peu d’importance à ces renseignements pourtant capitaux : 24 heures avant le début de l’attaque, le général Montgomery en sera encore à déclarer que "les Allemands n’ont plus les moyens de mener une offensive majeure"

Deux hommes au moins ne sont pas dupes…

lundi 12 juin 2017

5221 - plaisirs d'essence

Le Tiger II : 500 litres au 100 kms... sur route !
… mais quelles que soient leurs caractéristiques respectives, tous ces blindés souffrent du même et terrible handicap : un appétit démesuré pour une essence depuis longtemps devenue une denrée fort rare en Allemagne.

Et ce handicap est naturellement exacerbé dans le cas des Tiger qui, malgré les quelque 860 litres de leurs réservoirs peinent à parcourir 170 kms !

Encore ce résultat n’est-il possible que sur route : en tout-terrain, au combat, dans la neige, et par des températures négatives, l'autonomie de ces monstres sera facilement réduite de moitié, voire des deux-tiers !

Des stocks ont évidemment été constitués pour l’offensive, mais sur les 33 millions de litres que les planificateurs de Wacht am Rhein estiment nécessaires pour se rendre jusqu’à Antwerpen, seul le tiers a jusqu’ici été livré !

Avant-même de démarrer, il est donc entendu que le seul moyen de toucher au but sans tomber en panne sèche en cours de route est de mettre la main sur les stocks d’essence américains situés sur le parcours, ce qui implique évidemment de s’en emparer, et surtout de s’en emparer intacts, perspective qui on le devine, est loin d’être garantie !

dimanche 11 juin 2017

5220 - un tank trop loin

Le JagdTiger : le tank trop loin...
... si le JagdPanther constitue une belle réussite que l'Allemagne est malheureusement incapable de produire en nombre suffisant, le JagdTiger est en revanche un désastre total que l’on s’échine pourtant à vouloir mettre en production,... et même à aligner sur le terrain. 

Il faut dire que les caractéristiques de l’engin sont à ce point kolossales qu’Hitler s’en est aussitôt entiché dès que la maquette lui a été présentée, en octobre 1943. 

Comme pour le JagdPanther, la recette a pourtant consisté à supprimer la lourde et encombrante tourelle d’un char existant - en l'occurrence le nouveau Tiger II – et à la remplacer par une simple casemate fixe dotée d’un canon de plus fort calibre. 

Mais sur le JagdTiger, cette suppression ne s’est nullement traduite - ce qui est tout de même un comble - par une quelconque diminution de la hauteur de caisse, les ingénieurs se contentant en effet, sans doute pour gagner du temps, de construire la dite casemate... à l'emplacement exact de la tourelle initiale ! 

En conséquence, et à 3,10 mètres, la hauteur du JagdTiger est en tout point identique à celle du Tiger II,… et supérieure de 60 centimètres à celle du JagdPanther

Du fait de sa disposition, l'énorme canon de 128mm installé sous cette casemate se retrouve sévèrement limité en débattement latéral,… ce qui ne serait pas encore trop grave si ce handicap - commun au JagdPanther et à tous les chasseurs de chars dépourvus de tourelle - n’était ici exacerbé par le poids démesuré du véhicule et du canon : faire régulièrement riper sur place une masse de plus de 70 tonnes constitue en effet une contrainte insupportable pour une transmission et un moteur déjà trop fortement sollicités sur le Tiger II.

Bien plus que les tirs ennemis, ce sont donc les pannes mécaniques qui ont le plus souvent raison des JagdTiger que l'Allemagne ne produira qu’à moins de 80 exemplaires avant sa chute…

samedi 10 juin 2017

5219 - un redoutable prédateur

Le JagdPanther : très efficace lui aussi... et lui aussi construit en trop petit nombre
... car à l'été 1942, décision a été prise d'extrapoler un nouveau chasseur de chars sur la base de l'excellent Panther que MAN est alors occupé à réaliser.

La suppression de la lourde et encombrante tourelle au profit d'un simple glacis à l'avant a permis non seulement d'abaisser la hauteur de l'engin de 50 cm (2.5 m au lieu de 3 m), mais aussi d'augmenter le blindage et de remplacer le canon de 75mm d'origine par le beaucoup plus redoutable 88mm,... le tout sans augmenter le poids du véhicule, qui est demeuré dans la limite – néanmoins élevée – des 45 tonnes.

Élégant, très populaire chez ses utilisateurs, aussi efficace que le Tiger en puissance pure  - et bien plus facile à dissimuler aux regards -  le JagdPanther serait même le tank idéal… si la production était en mesure de satisfaire la demande !

Hélas pour l'Allemagne, c'est au compte-gouttes que les JagdPanther sortent des usines il est vrai accaparées par des programmes plus grandioses : initiée en décembre 1943, la production, prévue pour 150 exemplaires mensuels, n'atteindra son maximum qu'en janvier 1945, avec... 72 exemplaires seulement ! 

Au bout du compte, à la Capitulation du Reich, on n’aura finalement construit que moins de 450 exemplaires d'un engin qui, entré en service trop tard et en trop petit nombre, ne pouvait plus rien faire pour bouleverser le cours d'une guerre depuis longtemps perdue pour l'Allemagne...

vendredi 9 juin 2017

5218 - si son nez avait été moins long...

Le JagdPanzer : l'ampleur du porte-à-faux causait des problèmes en franchissement
… aujourd’hui oubliés, les chasseurs de chars dépourvus de tourelle ont pourtant largement été utilisés lors de la 2ème G.M., particulièrement côté allemand, puisque plus faciles à construire, avec leur simple casemate, que leurs homologues conventionnels, dont ils reprenaient par ailleurs - standardisation oblige - le châssis, le moteur, la suspension et, parfois, le canon lui-même 

Mis en service à près de 2 000 exemplaires à partir de 1944, et conçu sur la caisse du Panzer IV, le JagdPanzer IV dispose donc du même canon de 75mm, mais aussi d’une silhouette ultra-basse qui le dissimule efficacement aux regards de l’adversaire. 

Malheureusement pour lui, cette recherche de la hauteur la plus faible possible a conduit les ingénieurs à installer le canon tout à l'avant, créant ainsi un important et fort lourd porte-à-faux qui handicape gravement l’engin lors du franchissement des tranchées. 

Sur le papier, cette hauteur très réduite favorise la survivabilité, mais n’apporte en revanche aucune réponse aux handicaps fondamentaux des tanks "sans tourelle", à savoir la vulnérabilité aux attaques menées de côté ou de l'arrière, et l'absence de toute protection en cas de retraite précipitée, puisque le canon, noyé sous sa casemate ne peut évidemment tirer que vers l’avant 

Rétrospectivement, et considérant le fait que le JagdPanther remplit exactement le même rôle, on ne peut d’ailleurs que donner raison au général Heinz Guderian, qui s'est opposé dès le départ à la construction du JagdPanzer, n'y voyant qu'un bien inutile gaspillage de ressources... .

jeudi 8 juin 2017

5217 - la panthère

Le Panther : efficace mais produit en trop petit nombre...
… tout a commencé en avril 1942, lorsque les ingénieurs de MAN, à la recherche d'une solution pour contrer les T-34 russes, ont fait approuver les plans d'un nouveau char de combat - baptisé Panther - dont les premiers exemplaires ont été testés en septembre de la même année. 

Avec son blindage cette fois raisonnablement incliné, et son puissant canon de 75mm, le Panther est un excellent blindé, qui ne le cède en rien au T-34, et qui, au combat, force régulièrement les Sherman américains à se mettre à trois ou quatre pour en venir à bout. 

Mais pour en arriver à un tel résultat, ses concepteurs n'ont eu d'autre choix que de laisser s'envoler le poids de l'ensemble à environ 45 tonnes – soit 10 tonnes de plus que le T-34 – ce qui n’est pas allé sans poser d'importants problèmes, en particulier au moteur Maybach qui, malgré ses 700 CV, peine à propulser l'engin et qui, dans les premiers exemplaires du moins, s’avère toujours au bord de la surchauffe. 

Hitler, qui voulait absolument en disposer pour la nouvelle offensive qu'il se promettait de lancer au printemps 1943, a néanmoins insisté pour que le Panther entre immédiatement en production, à raison de 600 exemplaires par mois (1) 

En vain lui a-t-on fait remarquer que la bête n'était pas prête et manquait terriblement de mise au point : comme d'habitude, le Führer s'est entêté et, comme d'habitude, le résultat de cet entêtement s’est traduit par un désastre - à Koursk, en juillet, la plupart des Panther sont tout simplement tombés en panne sur la route qui les menait du chemin de fer au front, et les rares exemplaires qui ont survécu à la bataille et à la défaite ont ensuite dû être renvoyés chez MAN pour y être reconstruits.. 

Finalement guéri de ses maladies de jeunesse, le Panther, en cet automne de 1944, représente aujourd’hui sinon le meilleur atout, du moins l’engin le plus homogène de l’arsenal blindé allemand… 

(1) cet objectif ambitieux ne fut jamais réalisé bien que la production totale du Panther ait fini par atteindre  le chiffre respectable de 5 000 exemplaires.

mercredi 7 juin 2017

5216 - ... au Tiger II

Le Tiger II : les mêmes qualités en mieux, les mêmes défauts... en bien pire
... le Tiger I à peine en production, les ingénieurs se sont en effet intéressé à son successeur,… bien évidemment plus kolossal encore. 

L'expérience des combats aurait pourtant dû les convaincre qu'ils perdaient leur temps avec ces engins bien trop gros, trop difficiles à construire, et de surcroît impossibles à soustraire aux attaques aériennes. 

Mais l’obligatoire recherche d’armes "miracle" les a hélas conduit à persévérer dans la même voie et donc à mettre en fabrication, à l'été 1944, un Tiger II - ou Koenigstiger -  reprenant l'essentiel des caractéristiques de son aîné, à commencer bien sûr par son célèbre canon de 88mm, et un blindage certes plus efficace mais entraînant un surcharge pondérale encore plus conséquente : la facture atteignant cette fois les 70 tonnes sur la bascule, contre 55 au Tiger I… pourtant unanimement considéré comme trop lourd (1) 

Déjà à la limite dans le Tiger I de 55 tonnes, mais aussi dans le Panther de "seulement" 45 tonnes, le moteur Maybach est à présent à l'agonie : au Front il n'est pas rare de rencontrer des Tiger II intacts mais que leurs équipages ont dû abandonner suite à un banal problème mécanique. 

Utilisé par petits groupes de quatre ou cinq, ce tank parvient généralement à stopper l'ennemi, voire même à créer une brèche dans ses rangs, mais vu la disproportion des forces en présence, ce résultat n’est jamais que de courte durée, et lorsqu'arrive l'inévitable moment de battre en retraite, le Tiger II, handicapé par sa faible vitesse, sa piètre fiabilité, et sa consommation gargantuesque, devient alors une proie facile. 

Au total, moins de 500 exemplaires de ce formidable tank seront produits, les derniers défendant Berlin assiégée avant de succomber eux aussi sous le simple poids du nombre...

(1) ce poids excessif empêchait notamment les Tiger d'emprunter la quasi-totalité des ponts de l'époque...

mardi 6 juin 2017

5215 - du Tiger I...

Le Tiger : puissant mais pataud et peu fiable...
... dès 1937, l'armée allemande a réclamé l'étude d'un tank lourd d’environ 30 tonne, mais du fait de l'entrée en service des Panzer III et IV, et de leur relatif succès lors la Campagne de France, rien de véritablement convainquant n'en est sorti avant 1941, lorsque les insuffisances de ces derniers face aux T-34 russes ont ressuscité l’idée. 

Porsche et Henschel ont alors été consulté pour réaliser un tank dont le poids, à 55 tonnes, avait pratiquement doublé par rapport au projet initial ! 

Le prototype de Porsche rapidement écarté (1) Henschel a alors été choisi pour construire en série le nouveau tank, baptisé Tiger, qui avec son formidable canon de 88mm à haute vitesse initiale (2), est aussitôt devenu le plus puissant char du monde.

Malheureusement pour lui, sa masse, en plus d'exercer une fâcheuse influence sur la fiabilité de son moteur Maybach de 700 CV, l’a considérablement handicapé sur le champ de bataille. 

D’autres limitations, comme la complexité générale de l’engin, ou encore l’obligation, du fait de sa trop grande largeur, de le décheniller et de lui ôter ses roulements externes avant de le hisser sur les plate-formes de chemin de fer, ont fini par entraîner l’arrêt de sa production à la mi-1944, après seulement 1 300 exemplaires construits. 

Si quelques-uns sont encore en service ici et là, c’est son successeur-  le Tiger II - qui recueille désormais l’attention,… et tous les espoirs du Reich.

(1) celui-ci devait néanmoins donner naissance au catastrophique chasseur de chars Elefant 
(2) le canon de 88mm était à l'origine un canon anti-aérien ...

lundi 5 juin 2017

5214 - Achtung Panzer !

Panzer IV de fin de guerre, avec plaques supplémentaires sur les flancs et la tourelle
… sur le papier, Wacht am Rhein peut également compter sur quelque 800 appareils de combat, ce qui peut paraître élevé mais s’avère en réalité dérisoire en regard des milliers d’avions dont disposent les Alliés occidentaux ! 

Si on y ajoute les pénuries d’essence, le manque de formation des jeunes pilotes allemands, ou encore le fait que les conditions météorologiques prévues empêcheront de toute manière la plupart des vols, le succès de toute l’opération ne repose donc en définitive que sur les seules épaules des fantassins et, surtout, des tanks, les fameux Panzer dont il importe à présent de dire quelques mots. 

Conçu dès 1935 comme char de soutien, le Panzer IV représente encore, près de dix ans plus tard, l’essentiel des effectifs engagés, mais à l’instar du Messerschmitt 109 pour l’Aviation de chasse, c’est l'absence de véritable remplaçant, bien plus que ses qualités intrinsèques, qui justifie aujourd’hui son maintien en production, dans des conditions qui, au demeurant, relèvent de plus en plus de l'acharnement thérapeutique. 

Notoirement inférieur aux blindés russes dès 1941, le Panzer IV a certes connu une seconde jeunesse à partir de 1942, grâce au remplacement de son obusier de 75mm par un canon long de même calibre qui, sur ce plan-là du moins, l’a rendu enfin comparable au T-34 russe. 

Sur le domaine du blindage, en revanche, le design général, avec ses panneaux désespérément verticaux, ne se prêtait guère à d'importantes améliorations, lesquelles ont donc consisté, pour l'essentiel, à ajouter des plaques supplémentaires, parfois fixées sous formes de "jupes" le long des flancs ou tout autour de la tourelle. 

A environ 25 tonnes, et face aux blindés américains et britanniques pas mieux armés ni protégés que lui, le Panzer IV demeure néanmoins un adversaire redoutable et, à la différence de ses successeurs Panther ou Tiger, s'avère de surcroît raisonnablement fiable et surtout facile à construire et entretenir, ce qui explique pourquoi, à la capitulation du Reich sa production aura dépassé les 9 000 exemplaires…

dimanche 4 juin 2017

5213 - "Tout ce que Hitler veut que je fasse est de traverser une rivière, de prendre Bruxelles, et de poursuivre pour m’emparer d’Anvers"

Sepp Dietrich, à Kharkov, en 1943
… sans surprise, ce sont évidemment les commandants du Front de l’Est - du moins ceux mis dans la confidence - qui se montrent les plus critiques à l’endroit de Wacht Am Rhein.

Pour Heinz Guderian, chef d’État-major de l’OKW et responsable des opérations sur le dit Front de l’Est, l’affaire est vouée à l’échec et le prive de surcroit de ressources ô combien vitales à l’heure où les Soviétiques sont sur le point de lancer leur assaut final contre le Reich : dès les premiers signes de piétinement dans les Ardennes, nous verrons d’ailleurs l’intéressé faire des pieds et des mains auprès d’Hiler afin de réclamer l’arrêt de l’offensive et le rapatriement immédiat vers l’Est des unités qui s’y trouvent engagées.

Mais n’anticipons pas.

Au bout du compte, c’est finalement Sepp Dietrich, pourtant fidèle d’entre les fidèles, qui résume le mieux l’opinion des chefs militaires à l’égard de toute cette opération.
 
"Tout ce que Hitler veut que je fasse est de traverser une rivière, de prendre Bruxelles, et de poursuivre pour m’emparer d’Anvers. Et tout ceci au pire moment de l’année dans les Ardennes, alors que l’on s’enfonce dans la neige jusqu’à la poitrine, et qu’il n’y a pas la place pour déployer quatre chars de front, sans même parler de divisions blindées. Alors qu’il fait nuit jusqu’à 8 heures du matin et que l’obscurité s’installe à nouveau à partir de 16 heures, avec des divisions fraîchement reconstituées, composées essentiellement d’enfants ainsi que d’hommes âgés et malades" (1)

(1) Guillaume Pikety, La Bataille des Ardennes

samedi 3 juin 2017

5212 - une bonne idée, mais peu de moyens

Wacht am Rhein ne s'éloignait guère du Fall Gelb conçu... 4 ans plus tôt
… 22 octobre 1944

Le 22 octobre, soit au lendemain de son baptême officiel,… et au lendemain de la prise d’Aachen par les troupes américaines, Wacht Am Rhein est présenté aux deux plus hauts responsables à l’Ouest, soit les maréchaux Gerd von Runstedt et Walther Model, respectivement commandant-en-chef du Front Ouest et commandant du Groupe d’Armées B.

En vieux briscards, les deux hommes reconnaissent certes l’utilité d’une contre-offensive, et même la pertinence de la lancer en plein hiver et sur un terrain - une forêt enneigée et jugée impénétrable - où personne chez les Anglo-Américains ne s’attend à une attaque.

Mais ils estiment aussi, et surtout, que l’objectif est beaucoup trop ambitieux en regard des moyens aujourd’hui disponibles !

Un tel plan a certes brillamment réussi en 1940, concède Rundstedt,... mais les forces allemandes d’alors étaient deux fois et demi plus nombreuses qu’aujourd’hui, disposaient de la supériorité aérienne sur l’adversaire, et n’avaient de surcroît pas à composer avec les inévitables rigueurs d’une météo hivernale.

Model est bien du même avis, et propose lui aussi des alternatives infiniment moins audacieuses, comme se limiter à une vigoureuse attaque sur Aachen, histoire d’isoler et d’écraser les Ière et IXème Armée américaines, un objectif davantage à la portée de la Wehrmacht, mais un objectif qui ne saurait en rien constituer un "gros coup" de nature à bouleverser la situation militaire à l'Ouest...

vendredi 2 juin 2017

5211 - la garde au Rhin

la victoire à l'Ouest, préalable obligé pour rétablir la situation à l'Est...
… 21 octobre 1944

Si tout se passe bien, la Meuse devrait être atteinte au second jour de l’offensive, et Antwerpen cinq jours plus tard !

N’était le fait qu’Antwerpen a remplacé Dunkerque (1), et les Ardennes belges les Ardennes françaises, on pourrait au fond considérer le plan soumis par Jodl comme la simple photocopie de celui conçu par von Manstein au printemps de 1940 puisqu’il s’agit, une fois de plus, d’atteindre la mer en annihilant au passage toutes les forces alliées qui se retrouveront prises en étau entre deux Armées - dans ce cas-ci la VIème de Dietrich et la Vème de Manteuffel.

A supposer qu’il réussisse, le coup ainsi porté au moral, mais aussi à la logistique, des Alliés occidentaux sera sans aucun doute terrible : quand bien même ne suffirait-il pas à les contraindre à la négociation qu’il garantirait en tout cas au Reich plusieurs mois de répit à l’Ouest,… soit le temps nécessaire pour repousser à l’Est l’offensive d’hiver que les Soviétiques ne manqueront pas de lancer dès les premiers jours de 1945.

Au sein de la Wehrmacht, mais aussi de la Waffen-SS, la plupart des responsables n’en considèrent pas moins ce plan, officiellement baptisé Wacht Am Rhein ("Garde au Rhin") (2) le 21 octobre, comme parfaitement irréaliste, ou en tout cas beaucoup trop ambitieux en regard des moyens dont on dispose…

(1) toujours aux mains des Allemands, et transformée en place-forte, Dunkerque elle-même ne capitulera que le 9 mai 1945
(2) en référence au chant Die Wacht am Rhein, longtemps hymne national officieux

jeudi 1 juin 2017

5210 - les unités spéciales

Joachim Peiper
… au sein de cet impressionnant dispositif, trois unités se verront également confier des tâches bien particulières

* issu de la VIème Armée de Panzers-SS, et fort de 5 000 hommes et de plusieurs centaines de véhicules lourds et légers, le Kampfgruppe ("groupement tactique") de l’Obersturmbannführer-SS (lieutenant-colonel) Joachim Peiper devra s’emparer de plusieurs ponts stratégiques sur la Meuse, tâche aussi urgente que vitale et pour laquelle - comme nous allons le voir - il ne fera guère dans la dentelle... et ne s’embarrassera pas davantage de prisonniers.

* commandée par un autre Obersturmbannführer-SS, en l’occurrence le célèbre Otto Skorzeny, qui a libéré Benito Mussolini de sa prison du Gran Sasso, la 150ème brigade de Panzer SS se chargera quant à elle de semer la confusion et la paranoïa dans les rangs ennemis, notamment par l’emploi de soldats parlant anglais et revêtus d’uniformes américains, qui mèneront diverses actions de sabotage à l’intérieur-même des lignes alliées

* enfin, plus d’un millier de parachutistes, menés par le lieutenant-colonel Friedrich von der Heydte seront largués près de Malmedy afin de protéger l’aile droite de la VIème Armée de Dietrich contre la possible arrivée de renforts américains venus du Nord.

Voilà pour la théorie...