vendredi 31 mars 2017

5148 - "Qu'on ne nous ait pas permis de mourir avec le Führer est le plus grand chagrin de notre vie"

Hanna Reitsch, avec le gauleiter Karl Hanke, en 1941
... on s'empresse alors d'aller quérir Hanna Reitsch puis à pousser le couple vers un véhicule blindé qui les conduit à un petit Arado 96 qui, par miracle, a survécu aux multiples bombardements et est prêt à décoller.

Contre toute attente, et à la stupéfaction des soldats russes qui viennent juste d'investir le Tiergarten, Hanna Reitsch réédite son exploit précédent, en parvenant  cette fois à faire décoller l'avion sous le feu de l'artillerie soviétique, puis en volant jusqu'à Plön (Schleswig-Holstein,) où le grand-amiral Karl Dönitz a établi son quartier général

"Qu'on ne nous ait pas permis de mourir avec le Führer est le plus grand chagrin de notre vie", déclarent à l'unisson Greim et Reitsch, "il ne reste qu'à s'agenouiller avec respect devant l'autel de la Patrie et à prier" (1)

Dernier et ô combien éphémère commandant d'une Luftwaffe qui a mis l'Europe à genoux, Ritter Von Greim n'assistera pas à son procès : il se suicidera dans sa cellule de Salzourg le 24 mai 1945.

Après 18 mois d'emprisonnement chez les Américains, Hanna Reitsch, reprendra quant à elle ses compétitions de planeurs, battra plusieurs records mondiaux, et décédera en 1979, à l'âge 67 ans, sans jamais avoir renié son attachement au national-socialisme

(1) Kershaw, Hitler, volume 2, page 1169

jeudi 30 mars 2017

5147 - "Un traître ne doit en aucun cas me succéder comme Führer !"

Ritter von Greim : ultime commandant de la Luftwaffe
... sur ces entrefaites, Hitler, plus ulcéré encore par la trahison de son "Fidèle Heinrich" que par celle de Goering, cinq jours auparavant, continue de fulminer.

Il ordonne que le Reichsführer, déclaré "traître" et "félon", soit immédiatement arrêté, démis de toutes ses fonctions, remplacé par Karl Hanke (1), et chassé du parti.

Mieux encore : craignant que ses ordres ne puissent être communiqués à temps à l'extérieur de Berlin, il se précipite dans la pièce où Ritter Von Greim, nouveau commandant suprême de la Luftwaffe (2) se repose de sa blessure contractée deux jours auparavant, lorsque le minuscule avion d'observation dans lequel il se trouvait en compagnie de sa maîtresse, la célèbre aviatrice Hanna Reitsch, avait réussi à se poser in-extremis près de la Porte de Brandebourg, sous le feu de l'artillerie soviétique...

"Un traître ne doit en aucun cas me succéder comme Führer !", lance-t-il à Greim, éberlué, "vous veillerez à ce qu'il ne le fasse pas !" (3)

(1) Obergruppenführer-SS et Gauleiter de Basse-Silésie, Karl Hanke sera capturé, en uniforme de simple soldat, par des partisans tchèques, et abattu lors d'une tentative d'évasion le 8 juin 1945
(2) après avoir démis Goering de toutes ses fonctions le 23 avril, Hitler avait ordonné à Ritter von Greim de venir le rejoindre à Berlin puis, à son arrivée, l'avait nommé commandant-en-chef d'une Aviation qui n'existait quasiment plus que sur le papier
(3) Beevor, op cit, page 368

mercredi 29 mars 2017

5146 - l'exécution de Fegelein

Hermann Fegelein
... Berlin, 28 avril 1945

En apprenant par la radio les ouvertures d'Heinrich Himmler au comte Folke Bernadotte, Adolf Hitler est abasourdi et se refuse dans un premier temps à croire que le "Fidèle Heinrich" ait pu nourrir jusqu'à l'idée de signer une paix séparée avec les Alliés occidentaux, et a fortiori de lui succéder à la tête du Reich.

Mais Bormann et Goebbels, qui depuis une décennie craignent et jalousent le Reichsführer, poussent à la barre, ce qui leur est d'autant plus facile que la désertion soudaine d'Hermann Fegelein le jour précédant est déjà de nature à éveiller les soupçons.

Hitler entre alors dans une rage folle et fait immédiatement venir l'intéressé qui, depuis son arrestation par les hommes du RSD, est demeuré enfermé dans les caves de la Chancellerie pour y cuver son alcool.

La désertion du 27 avril n'a pourtant rien à voir avec les ouvertures formulées par Himmler le 24, et les deux hommes ne se sont probablement plus parlés depuis l'anniversaire d'Hitler le 20, mais interrogé par Heinrich "Gestapo" Müller en personne, Fegelein ne peut nier avoir effectivement eu connaissance des projets de son supérieur, ce qui suffit à signer sa perte.

Une court martiale improvisée est hâtivement mise sur pieds. Toujours sous l'effet de l'alcool, Fegelein se démène, vomit, urine sous lui, hurle que personne n'a le droit de le juger puisqu'il n'est responsable que devant Himmler...

En vain : bientôt reconnu coupable il est traîné dans les jardins de la Chancellerie, et exécuté dans le dos quelques instants plus tard.

Son épouse, Gretl Braun, désormais veuve, survivra quant à elle a la guerre, et accouchera le 5 mai d'une petite fille, prénommée Eva...

mardi 28 mars 2017

5145 - et pour quelques bouteilles d'alcool de plus...

canon automoteur soviétique, en action dans une rue de Berlin
... mais peut-être parce qu'il a ensuite réalisé que la ville était désormais totalement encerclée, Fegelein a préféré rester au lit avec une compagne d'occasion... et plusieurs bouteilles d'alcool.

Au Führerbunker, quelqu'un - probablement Martin Bormann - se souvient alors du luxueux appartement de Charlottenbourg, où le GruppenFührer-SS a coutume d'inviter ses maîtresses.

Un détachement du Reichssicherheitsdienst (RSD) y est promptement envoyé et découvre l'intéressé dans un état proche du coma éthylique, plusieurs valises remplies de bijoux, d'argent et de faux passeports au pied de son lit.

Vu son rang, son appartenance à la SS, ou sa qualité de beau-frère d'Eva Braun, Fegelein, ramené sous bonne escorte et enfermé dans les caves de la Chancellerie, aurait peut-être échappé au pire si, dans la soirée du lendemain, un événement dramatique n'était venu bouleverser Hitler.

Relayant une dépêche de l'agence Reuters, la BBC vient en effet de révéler au monde les ouvertures faites par le Reichsführer-SS Heinrich Himmler au comte Folke Bernadotte et visant à obtenir une paix séparée avec les Alliés occidentaux.

Le choc est terrible...

lundi 27 mars 2017

5144 - "une scène qui vous ébranlait jusqu'au fond de vous-même"

Artillerie de campane soviétique, dans Berlin
... Berlin, 27 avril 1945

Du haut de la Tour à Flak du zoo de Berlin, aux murs épais de plus de deux mètres, le colonel Wöhlermann bénéficie "d'une vue panoramique de cette grande ville brûlant et se consumant au milieu de la fumée, une scène qui vous ébranlait jusqu'au fond de vous-même" (1)

Mais à mesure que les derniers défenseurs de Berlin refluent vers le centre de la capitale, c-à-d vers la Chancellerie et le Reichstag, la répression, loin de s'atténuer, gagne encore en férocité !

Appliquant à la lettre les instructions d'Himmler selon lesquelles "tout individu mâle se trouvant dans une maison ou apparaît un drapeau blanc doit être fusillé", l
es SS n'hésitent plus à pénétrer en trombe dans toutes celles où ils voient un tel drapeau, et à exécuter tous les hommes qui s'y trouvent, quitte à les jeter carrément par la fenêtre

Et malheur à celui que l'on suspecte de vouloir se soustraire à son "devoir".

Dans la soirée, quelqu'un au Führerbunker s'avise ainsi de l'étrange absence du GruppenFührer-SS Hermann Fegelein, officier de liaison d'Himmler auprès du Führer.

De fait, l'intéressé, abandonné par son chef à la Chancellerie, et peu soucieux de mourir en compagnie des derniers fidèles du régime, est rentré chez lui avec la ferme intention de quitter Berlin en vêtements civils...

(1) Beevor, op cit, page 366

dimanche 26 mars 2017

5143 - le grand final du Troisième Reich

autochenille de la SS Nordland, dans une rue de Berlin
... en ce printemps de 1945, l'orgueilleuse Waffen-SS d'Heinrich Himmler n'existe plus en tant que formation organisée, et ceux de ses officiers et soldats qui combattent encore sont pour la plupart... étrangers.

Français de la Charlemagne, Scandinaves de la Nordland ou de la Norge, Lettons, Baltes, Belges,... toute l'Europe du national-socialisme s'est pour ainsi dire donnée rendez-vous à Berlin pour le grand final d'un Troisième Reich dont l'ultime paradoxe réside sans doute dans le fait qu'après avoir voulu conquérir toutes les nations européennes, il trouve à présent ses ultimes défenseurs parmi chaque nation d'Europe !

Et ces combattants, soldats perdus d'une guerre perdue, se battent avec d'autant plus d'acharnement qu'ils se savent - contrairement à leurs compagnons d'armes allemands - dans l'impossibilité de pouvoir "rentrer chez eux" : leur choix se limitant en fait entre une balle russe et le peloton d'exécution que ne manqueront pas de leur proposer leurs propres compatriotes.

Arrivés à Berlin contre toute attente, Krukenberg et ses SS français s'installent dans un wagon de métro abandonné,... non sans avoir au préalable pillé les magasins d'alimentation avoisinants.

Ils sont rejoints par des SS suédois, qui ont quant à eux volé quelques transporteurs de troupes blindés à l'Armée rouge. Les uns et les autres se retrouvent finalement affectés à la défense de la Chancellerie du Reich sous laquelle le Führer, qu'aucun d'entre eux n'a jamais vu, sinon de très loin ou alors en photo, est toujours claquemuré

A leur manière, ces soldats maudits incarnent l'Europe de demain...

samedi 25 mars 2017

5142 - "Nous n'avions pas le temps de distinguer qui était qui",

canon de 203mm sur chenilles, en action dans une rue de Berlin
... malgré leur énorme supériorité en hommes, en tanks et en artillerie, les troupes russes ne progressent dans les rues de Berlin qu'avec une lenteur qui désespère leurs officiers et exaspère le maréchal Joukov.

L'Armée rouge, qui utilisait déjà ses énormes canons de 152 ou 203mm pour tirer à bout portant sur les immeubles où se trouvaient pourtant de fort nombreux civils, a alors l'idée de  recourir à de petites sections d'assaut qui, inlassablement, passent à l'attaque des bâtiments et combattent de maison à maison, d'étage à étage, et même de pièce en pièce.

Pour les étages supérieurs, ils ont recours aux grenades, aux pistolets mitrailleurs, voire même aux Panzerfaust récupérés chez leurs adversaires, lesquels, lorsqu'ils sont tirés contre un mur, offrent non seulement l'avantage d'y percer une brèche, mais aussi celui d'éliminer sans coup férir tous ceux - civils ou militaires - qui se trouvent derrière.

Pour les caves, rien ne vaut cependant les lance-flammes, qui unissent les hommes, les femmes, les enfants, les civils et les militaires dans un même magma anonyme et carbonisé.

Le sort des civils est de toute manière considéré comme négligeable : dans le meilleur des cas, ceux-ci sont expulsés dans la rue manu militari, et n'ont plus qu'à prier pour qu'une grenade, un obus, ou une balle simplement perdue ne se retrouve pas sur leur chemin.

Pour les femmes, cette glorieuse incertitude de la Mort s'accompagne aussi, malheureusement de la quasi certitude d'être violées au préalable par un, cinq ou dix soldats russes...

"Nous n'avions pas le temps de distinguer qui était qui", déclara un officier russe. "Parfois, nous jetions tout simplement des grenades dans les caves et continuions notre chemin"

vendredi 24 mars 2017

5141 - comme des rocs

Sturmovik au-dessus de Berlin. L'Aviation allemande a disparu du ciel
... Berlin, 26 avril 1945

Le 26 avril, le violent orage et les pluies torrentielles qui font taire les canons russes et éteignent certains des incendies en train de ravager la ville, offrent aux Berlinois quelques instants de répit

Bientôt, les femmes se remettent à faire la file devant les rares magasins d'alimentation encore ouverts.

Mauvaise idée : les obus ne tardent pas à retomber, projetant à nouveau des morceaux de corps humains dans toutes les directions.

Mais les rangs ainsi clairsemés se reforment aussitôt : aucune de ces femmes ne veut en effet risquer de perdre sa place dans l'interminable file d'attente, et chacune se contente donc d'enjamber stoïquement le cadavre de celle qui est tombée devant elle

"Elles restaient là comme des rocs", nota un témoin, "ces femmes qui, à une époque encore récente, se ruaient aux abris si trois avions de chasse étaient signalés au dessus du centre de l'Allemagne".

Mais si les femmes risquent constamment leur peau pour quelques grammes de pain ou de saucisson, les hommes - du moins les rares qui ont la chance de ne pas appartenir à l'armée ou à la milice - ne se dérangent vraiment que s'il y a distribution de schnaps : la volonté de survivre des unes semblant correspondre au besoin d'oublier des autres...

jeudi 23 mars 2017

5140 - y a-t-il un Allemand au bout du fil ?

chars lourds soviétiques, en progression dans Berlin
... pour franchir le canal de Teltow, que les troupes soviétiques ont atteint au soir du 22 avril 1945, le général Rybalko a fait rassembler la bagatelle de 3000 canons et mortiers lourds sur un front de... quatre kilomètres, ce qui représente l'incroyable concentration de 650 pièces d'artillerie au kilomètre, ou encore d'un canon tous les 1,5 mètre (!)

A 06H20, le 24 avril, ces 3 000 pièces ouvrent le feu, pulvérisant littéralement tous les bâtiments situés de l'autre côté du canal,... et les pitoyables adolescents de la Volksturm qui s'y trouvaient dissimulés.

Quarante minutes plus tard, les premiers fantassins traversent en barques. Et à midi, les premiers tanks russes franchissent le canal sur des pontons improvisés.

Pendant ce temps-là, isolés dans le Führerbunker, les derniers officiers présents en sont réduits, pour faire le point de la situation, à lire les dépêches de l'agence Reuters ou, après avoir choisi au hasard des numéros dans l'annuaire,... à téléphoner dans tous les appartements civils situés dans la périphérie de la ville.

Quand un civil allemand décroche, ils lui demandent ce qu'il peut apercevoir de chez lui, et si c'esr une voix russe qui répond, la conclusion s'impose d'elle-même...

mercredi 22 mars 2017

5139 - La morale de la guerre, c'est qu'elle n'a aucune morale...

Juive de Berlin, en 1941. Il en restait environ 600 quatre ans plus tard
... aussi incroyable cela puisse-t-il sembler, il reste encore, en cette fin d'avril 1945, quelque 600 juifs à Berlin (!), internés au camp de transit de la Schulstrasse dans le quartier de Wedding.

Nombre d'entre eux ne sont en fait que des Mischlinge, des demi-juifs, ou des Schutzjuden, des "juifs protégés", comme les organisateurs des J.O. de Berlin de 1936, ou encore les juifs étrangers originaires de pays neutres, comme la Suède ou l'Argentine.

Entassés sur deux étages et se nourrissant d'épluchures de pommes de terre et d'un peu de soupe, ces privilégiés - si tant est qu'on puisse les appeler ainsi - craignent néanmoins de faire bientôt les frais de la prochaine arrivée des troupes russes, attendu que celle-ci risque surtout de pousser leurs geôliers allemands à les supprimer pour ne pas laisser de témoins gênants derrière eux.

Le commandant du camp, l'Obersturmbannführer-SS Doberke, a d'ailleurs reçu l'ordre de les fusiller, et n'hésiterait pas à le faire si la proximité des Russes, et d'un probable tribunal militaire, ne l'incitait à faire preuve d'un peu de retenue.

Un représentant des prisonniers s'en vient donc lui proposer un marché : leur laisser la vie sauve en échange d'un document signé par eux tous et dans lequel ils reconnaissent lui devoir la vie.

Mais deux heures après lui avoir remis le dit document, les 600 Juifs s'avisent soudain que leurs gardiens ont tout bonnement disparu, laissant les portes grandes ouvertes.

Les soldats russes arrivent quelques heures plus tard pour les libérer définitivement,... et violer au passage les détenues féminines !

La morale de la guerre, c'est qu'elle n'a aucune morale...

mardi 21 mars 2017

5138 - et vint la Charlemagne

Les français de la Charlemagne : les derniers défenseurs du Reich à pénétrer dans Berlin
... Berlin, 24 avril 1945

A Berlin, les habitants, soumis depuis plusieurs jours à l'intense pilonnage de l'artillerie soviétique, sont prêt à se raccrocher à n'importe quelle rumeur, et notamment à celle de voir bientôt arriver des renforts allemands - comme l'a annoncé le Führer - ou, à défaut des soldats américains

Pourtant, les seuls soldats qui vont réussir à entrer dans Berlin assiégée ne sont ni Allemands ni Américains, mais tout bonnement... français (!), et membres de la division SS Charlemagne.

Aux petites heures du 24 avril, le commandant de la division - le Brigadeführer-SS Krukenberg - a en effet reçu l'ordre de quitter son campement de Neustrelitz pour se rendre à la Chancellerie du Reich.

Ayant réveillé Henri Fenet - le dernier chef de bataillon encore présent - Krukenberg et une centaine de volontaires montent dans des camions, accompagné de l'aumônier de la division, Monseigneur Mayol de Lupé.

En chemin, ces soldats perdus d'une guerre perdue croisent des milliers de civils fuyant dans le sens opposé,... mais aussi nombre de soldats de la Wehrmacht qui, goguenards ou simplement incrédules, ne cessent de les interpeller en leur criant qu'ils s'en vont dans la mauvaise direction...

lundi 20 mars 2017

5137 - la "trahison" de Goering

... dans un message envoyé de Bavière, Hermann Goering, fidèle d'entre les fidèles, vient en effet d'annoncer que puisque lui, Hitler, se trouve à présent encerclé à Berlin par l'Armée rouge, il se propose pour sa part, en tant que Président du Reichstag (1) et tel que le prévoit la Loi, d'assumer la lourde tâche... de présider aux destinées du Troisième Reich.

"Si aucune réponse [de votre part] ne m'est parvenue avant 22H00", écrit Goering, "je tiendrai pour acquis que vous avez perdu votre liberté d'action (...) et agirai dans les meilleurs intérêts de notre pays et de notre peuple"

Et Goering d'ajouter "Vous savez ce que je ressens à votre égard en cette heure qui est la plus grave de toute ma vie (...) Puisse Dieu vous protéger et vous faire revenir très rapidement ici. Votre fidèle Hermann Goering".

Sur le plan juridique, la position de Goering est inattaquable et ne relève aucunement de la trahison mais plutôt du simple bon sens : encerclé à Berlin, le Führer risque à tout moment de ne plus pouvoir communiquer avec l'extérieur, et donc de ne plus être en mesure d'exercer son rôle de chef de l'État

Mais le Führer, lui, ne l'entend pas de cette oreille : après un superbe éclat de rage, il ordonne que Goering soit immédiatement destitué de tous ses titres et fonctions, arrêté par la SS, et placé en résidence surveillée au Berghof en attendant d'être fixé sur son sort...

(1) Goering était Président du Reichstag depuis le 30 aout 1932

dimanche 19 mars 2017

5136 - ma vie pour du papier-toilette

des Sturmovik, au-dessus des ruines de Berlin
... si l'approche de la Mort exacerbe la libido de nombreux Berlinois, elle en incite également d'autres à accumuler tout ce qui peut leur passer sous la main et servir éventuellement de monnaie d'échange dans cette ville où le Reichsmark a perdu toute valeur

Ainsi, lorsque la rumeur se répand qu'un wagon chargé de rations destinées à la Luftwaffe se trouve immobilisé et à l'abandon sur une voie de garage près de Neukölln, des centaines de femmes se précipitent pour le piller.

Alors que l'une d'entre elles s'enfuit les bras chargés de cartons de papier-toilette, des chasseurs-bombardiers soviétiques apparaissent dans le ciel et se mettent à mitrailler la gare, tuant instantanément la malheureuse voleuse de papier-toilette...

Mais au soir de ce 23 avril, au moment où, à Lübeck, Heinrich Himmler se décide enfin à franchir le Rubicon, c'est un tout autre événement qui retient l'attention d'Hitler, claquemuré dans le bunker de la Chancellerie...

samedi 18 mars 2017

5135 - six jours sans bouger, sur la même marche d'escalier.

canon de 88mm, détruit près de l'Anhalter, après la guerre
... de temps à autres, quelques jeunes femmes se trouvant près de l'issue de l'abri tentent néanmoins leur chance,... ne serait-ce que pour échapper l'espace de quelques secondes à l'intolérable promiscuité de ce bunker dont une des survivantes dira plus tard qu'elle avait passé six jours sans bouger, sur la même marche d'escalier...

Dans cet enfer qu'est devenu la capitale du Reich, toute décence a quasiment disparu tant l'omniprésence de la mort exacerbe le besoin de s'accoupler une dernière fois

Au désir éperdu des très jeunes miliciens de perdre leur virginité avant de perdre la vie répond volontiers celui des jeunes-filles, et même des femmes plus mûres, de se donner volontairement à n'importe quel Allemand de passage plutôt que d'être violées par la soldatesque russe,... l'un n'évitant hélas pas toujours l'autre.

Dans les bâtiments de la Grossdeutscher Rundfunk, la radio de Berlin, où les deux tiers du personnel sont composé de jeunes filles dont certaines ont à peine 18 ans, on assiste ainsi à "un véritable climat de désintégration""l'on pouvait trouver des couples s'ébattant jusque dans les salles où étaient stockées les archives sonores. Les mêmes phénomènes étaient observés dans les caves et les abris peu éclairés"

vendredi 17 mars 2017

5134 - "dans 10 ans, vous ne reconnaîtrez plus l'Allemagne".

Le bunker de l'Anhalter : 12 000 personnes s'y entassaient en avril 1945...
... Berlin, 23 avril 1945

A son arrivée au Pouvoir, en 1933, Adolf Hitler avait déclaré "dans 10 ans, vous ne reconnaîtrez plus l'Allemagne".

Et de fait, les centaines de milliers d'obus russes qui s'abattent à présent sur Berlin, déjà ravagée par les bombardements anglo-américains, lui donnent tristement raison.

Dès les premières minutes du pilonnage, le 21 avril 1945, des dizaines de femmes allemandes sont déchiquetées par les obus alors qu'elles font la queue devant les rares magasins d'alimentation encore ouverts.

Des morceaux de cadavres sont éparpillés sur toute la Hermannplatz, à proximité du grand magasin Karstadt, tandis que d'autres morceaux s'étalent tout autour des pompes à eau, où chacune faisait patiemment la file...

Deux jours plus tard, au bunker de la gare d'Anhalter - un des plus vastes abris de Berlin - 12 000 personnes, en majorité des civils, s'entassent déjà dans cet espace de 3 600 mètres carrés... sans installations sanitaires.

Il y a bien, à l'extrémité de la gare, une pompe à eau qui fonctionne encore,... mais celle-ci se trouve placée sous le feu direct de l'artillerie soviétique...

jeudi 16 mars 2017

5133 - les bus blancs

les "bus blancs" utilisés par Bernadotte pour exfilter les Juifs libérés par Himmler
… depuis qu’il a livré les camps de Buchenwald et de Bergen Belsen (1), la propagande alliée - regrette amèrement Himmler - ne cesse de diffuser d’horribles histoires d’atrocités dont il est tenu personnellement responsable. Et depuis des années - souligne-t-il -personne d’autre que lui n’a été aussi souvent traîné dans la boue par la Presse.

Masur, qui connait déjà, du moins en partie, la vérité sur les camps, écoute sans broncher – il n’est en réalité là que dans l’espoir d’arracher à Himmler la libération de quelques Juifs supplémentaires – et, de toute manière, le Reichsführer, tout à la défense du nazisme et de lui-même, l’écoute à peine.

Pour finir, Himmler se déclare disposé à livrer à la Croix Rouge un millier de Juives de Ravensbrück, ainsi que quelques petits groupes de prisonniers de diverses nationalités. Mais quoi qu’il arrive, rappelle-t-il avant de s’en aller, l’Allemagne ne capitulera pas, et puisque les meilleurs auront péri avec le nazisme, ce qui peut arriver au reste de la Nation est sans importance.

Masur et Himmler ne se reverront plus. Bien que très occupé à organiser l'exfiltration des Juifs libérés par Himmler avec ses "bus blancs" frappés de la Croix rouge et du drapeau suédois,  Bernadotte, aura cependant encore l’occasion de discuter avec le Reichsführer à deux reprises,  la dernière fois dans la nuit du 23 au 24 avril au consulat de Suède à Lübeck, important port de la Baltique,  où l'intéressé a également établi ce qui lui sert de quartier-général.

C'est là qu'Himmler, qui apparemment ne se sent plus lié par son "serment de fidélité" à Hitler, lui demandera cette fois d’arranger directement une rencontre avec le général Eisenhower, afin que lui, Himmler, puisse signer la capitulation des forces allemandes qui combattent encore sur le Front occidental.

Une rencontre qui n’aura jamais lieu mais dont la perspective, une fois connue d’Hitler, lui vaudra à la fois colère de ce dernier, et l’excommunication définitive…

(1) Buchenwald a en réalité été libéré par les Américains le 11 avril, et Bergen Belsen par Britanniques le 15.

mercredi 15 mars 2017

5132 - rencontre du troisième type

Norbert Masur, un juif allemand émigré en Suède et devenu témoin des dernières justifications d'Himmler
… incroyable rencontre en vérité que celle entre un antisémite convaincu et enragé, chef suprême de la SS, et déjà responsable de l’assassinat de millions de Juifs – Himmler – et un petit Juif allemand exilé en Suède et représentant du Congrès juif mondial – Masur.

Une rencontre en pleine guerre, organisée par un comte suédois – Bernadotte - dans le salon feutré de la résidence secondaire d’une star du massage – Kersten – et à  quelques dizaines de kilomètres d’une capitale en flammes – Berlin – où les derniers défenseurs du Reich – souvent étrangers – luttent mètre par mètre, et sans le moindre espoir de l'emporter, afin de défendre les idéaux nationaux-socialistes depuis longtemps foulés au pied par un dictateur fou – Hitler – et son séide maudit – Himmler – qui ne pense plus qu’à sauver sa propre vie et ses prérogatives envers et contre tout et, surtout, contre la Raison

Hollywood en ferait le sujet d’un film que personne n’y croirait : et pourtant, c’est vrai.

Et peut-être plus incroyable encore, c’est Himmler lui-même qui a voulu cette rencontre et qui, pendant des semaines, a exprimé à Bernadotte son souhait de discuter avec un représentant du Congrès juif, pour lui expliquer son point de vue et ce que lui, Reichsführer-SS, peut faire au profit des Juifs d’Europe encore entre ses mains.

Notre régime - affirme Himmler à son interlocuteur  - a en vérité tout fait pour que les Juifs émigrent, mais sitôt la guerre déclarée, il s’est malheureusement retrouvé confronté à une énorme quantité de Juifs de l’Est qui lui étaient hostiles et dont il a bien dû s’occuper. La guerre contre l’URSS a été imposée à l’Allemagne, et de nombreux Juifs - il en convient - sont morts du fait de cette guerre, mais celle-ci a également été très dure pour le peuple allemand. Les camps de concentration  ont constitué une mesure sévère mais juste.

Bien sûr il y a eu des abus - il l'admet - mais il a personnellement puni ceux qui en étaient responsables. Et c’est à cause de la mortalité due aux épidémies dans les camps qu’il a été contraint de bâtir des fours crématoires…

mardi 14 mars 2017

5131 - la nuit de tous les possibles

Felix Kersten, et Himmler. Il était le seul à pouvoir le soigner...
... de fait, le général Vasily Kazakov, qui est à l'Artillerie et à Staline comme Arthur Harris au Bombardement et à Churchill, a fait monter en première ligne ses plus gros canons de siège.

Sur les obus de 152 ou de 203mm, les artilleurs soviétiques ont peint diverses dédicaces "Pour le rat Goebbels", "Pour Stalingrad", "Pour le gros Goering"

Entre le 21 avril et le 2 mai 1945, ils vont faire pleuvoir plus de 1 800 000 obus sur Berlin...

Mais ces obus qui s'abattent sur la capitale du Reich, Heinrich Himmler n'a pas eu l'occasion de les entendre : après avoir pris congé d'Hitler, il a aussitôt pris la route de la résidence allemande de Felix Kersten, à quelque 70 kms de là.

Et c'est ici, dans la nuit du 20 au 21 avril, qu'il a enfin rencontré Norbert Masur, avec lequel il souhaitait s'entretenir depuis plusieurs semaines.

Né à Friedrichstadt en 1901, Masur est un Allemand... mais c'est aussi un Juif qui a eu la chance, ou alors la présence d'esprit, de s'exiler à Stockholm avant qu'il ne soit trop tard, et d'y devenir le représentant suédois du Congrès Juif Mondial, fondé à Genève en 1936.

A tous les égards, la rencontre entre ces deux hommes que tout - et notamment plusieurs millions de morts - sépare est incroyable, surréaliste, au point qu'aujourd'hui encore, on peine à croire qu'elle a réellement existé...

lundi 13 mars 2017

5130 - comme un vol de faisans...

... Berlin, 21 avril 1945

Au lendemain de l'anniversaire d'Hitler, les dignitaires du parti nazi, que la population berlinoise, par dérision, n'appelle plus depuis longtemps que sous leur sobriquet de "faisans dorés", tant ils semblent ne pas souffrir du rationnement, se présentent à l'état-major du général Reymann, non pour se porter volontaires contre les Russes, mais bien pour obtenir une autorisation officielle de quitter Berlin,.

Ce faisant, il contreviennent au dernier décret du docteur Goebbels qui stipule que "nul homme en état de porter les armes ne doit quitter la capitale"

"Les rats quittent le navire", note sobrement le colonel Von Refior, chef d'état-major de Reymann, dont les services vont ce jour-là délivrer plus de 2 000 laisser-passer officiels

A 9H30, les premiers obus soviétiques s'abattent sur Berlin, surprenant Hitler dans son sommeil.

"Que se passe-t-il ? D'où viennent ces tirs ?, demande-t-il, hagard, au général Burgdorf

Et lorsque celui-ci lui répond que le coeur de la capitale est désormais à portée de l'artillerie de campagne soviétique, le Führer se contente d'un soupir

"Déjà si près ?"

dimanche 12 mars 2017

5129 - le salut dans la fuite

Hermann Fegelein et Margarete Berta "Gretl" Braun, soeur d'Eva Braun, en 1944
... les Soviétiques, marmonne Hitler, comme pour les rassurer, vont bientôt subir une défaite retentissante !

Mais ces belles paroles n'ont hélas que bien peu d'effets sur ses interlocuteurs, lesquels ne sont finalement venus que par peur... de ne pas y être vus et, cette indispensable formalité accomplie,  se découvrent tous de puissantes raisons pour quitter Berlin au plus vite.

Sous prétexte d'importantes tâches officielles, Göring,  Ribbentrop, Kaltenbrunner et, bien entendu, Himmler lui-même abandonnent la capitale sur le point d'être encerclée.

Avant de quitter la Chancellerie, Himmler avise soudain son aide-de-camp auprès du Führer - donc condamné à demeurer sur place - le GruppenFührer-SS Hermann Fegelein, qui s'est fait un nom, et une carrière, en massacrant des Juifs en URSS et, surtout, en épousant, en juin 1944, Margarete Berta ("Gretl") Braun, soeur d'Eva Braun, maîtresse d'Hitler

"Quand je verrai Eisenhower", lui demande-t-il, "devrais-je lui faire le salut nazi ou simplement lui serrer la main" ?

Le jour de la Dernière Cène, Judas aussi se sentait encore indispensable...

samedi 11 mars 2017

5128 - la Dernière Cène

"soldat" de 16 ans, décoré de la Croix de Fer, 28 février 1945
... Berlin, 20 avril 1945

En deux jours de furieux combats pour s'emparer des hauteurs de Seelow, ultime obstacle naturel avant Berlin, Joukov perd plus de 30 000 hommes, soit une moyenne de 15 000 tués par jour, ou encore, pour les férus de statistiques,... la moitié des pertes de l'armée américaine en une quinzaine d'années de guerre au Vietnam (!)

De leur côté, les Allemands, qui ont perdu plus de 12 000 hommes, refluent à présent vers Berlin par la Reichsstrasse 1, au milieu de dizaines de milliers de réfugiés hagards et épuisés, contraints de fuir à pieds, droit devant eux, faute de moyens de transport.

Mais dans l'après-midi du 20 avril, c'est un tout autre spectacle qu'aperçoivent les rares Berlinois encore présents près de la Chancellerie du Reich, cible d'innombrables attaques aériennes : les derniers fidèles du national-socialisme se sont en effet donnés rendez-vous pour un étrange remake de la Dernière Cène, ou plus exactement pour l'anniversaire de leur Führer, Adolf Hitler

Göring, Ribbentrop, Dönitz, Himmler, Goebbels, Kaltenbrunner, Speer, Keitel, Jodl, Krebbs, Bormann,... ils sont tous là, ou presque, pour présenter leurs meilleurs vœux à un dictateur qui ne règne plus désormais que sur un amoncellement de ruines de quelques kilomètres carrés

Hitler à 56 ans, mais il en paraît 20 de plus. Hagard, le regard vitreux, maîtrisant à grand peine ses tremblements, il balaye néanmoins les suppliques de ceux qui le pressent de quitter la capitale avant qu'elle ne soit totalement encerclée par les Soviétiques...

vendredi 10 mars 2017

5127 - "Hitler kaputt, Stalin gutt !"

adolescent allemand décoré de la Croix de Fer, mars 1945
... dans ce gigantesque maelström de douleur qu'est devenu l'armée allemande, les plus à plaindre sont sans doute les adolescents de la Volkssturm ou des Jeunesses hitlériennes.

Sous-équipés, avec des casques trop grands et des fusils bien trop lourds pour eux - quand ils ont du moins la chance d'en posséder - et sans la moindre formation militaire, ces malheureux se font le plus souvent cueillir par les mitrailleuses russes comme autant d'épis de blé dans les champs, même si, parfois, ils parviennent à susciter une certaine pitié chez leurs adversaires

Alors qu'il assiste à la reddition d'une douzaine d'Allemands sortis de leur tranchée sur les hauteurs de Seelow, un officier russe a ainsi la surprise de voir un jeune garçon jaillir d'un bunker

"Il portait un long imperméable et une casquette. Il lâcha une rafale de pistolet-mitrailleur. Puis, voyant que je n'étais pas tombé, il lâcha son arme et éclata en sanglots. Il se mit à crier comme il put "Hitler kaputt, Stalin gutt !" Je me mis à rire et je le giflai. Ces pauvres gosses. J'avais pitié d'eux"

Dans la plupart des cas, néanmoins, la meilleure chance de survie de ces adolescents réside dans une fuite éperdue dès qu'ils aperçoivent un soldat russe, ce qui, malheureusement, et s'ils sont ensuite repris par leurs propres compatriotes, les expose alors à finir fusillés contre un mur ou pendus sous un arbre pour "lâcheté devant l'ennemi"...

jeudi 9 mars 2017

5126 - mettre le paquet

Après Seelow, rien ne pouvait plus empêcher les tanks russes de foncer sur Berlin
... copieusement réprimandé par Staline au soir du 16 avril 1945, et hanté par la crainte que son grand rival - Koniev - arrive avant lui à Berlin, Joukov entend maintenant en terminer coûte que coûte avec les dernières poches de résistance allemandes,... même si cela implique de sacrifier toute son armée sur les hauteurs de Seelow.

Heureusement, l'amélioration de la météo permet au moins à l'artillerie et à l'aviation soviétique de reprendre l'initiative, frappant systématiquement le moindre bâtiment, le moindre village, la moindre grange, le moindre clocher d'église qui pourrait vaguement abriter un soldat allemand, et occasionnant au passage un nombre incalculable de dégâts et de victimes que personne, à l'époque, n'appelle encore "collatéraux" tant chacun est convaincu de leur caractère aussi inéluctable que nécessaire.

Chez les Allemands, les blessés s'accumulent désormais en si grand nombre qu'on a tout simplement décidé de ne soigner que ceux qui semblent encore en état de porter une arme, tous les autres étant abandonnés à leur sort, tripes à l'air et membres arrachés, tandis que des officiers spécialement désignés arpentent tous les hôpitaux de campagne afin d'en extraire les quelques blessés encore aptes à reprendre le combat.

Quant à la Feldgendarmerie d'Himmler, elle ne se prive évidemment pas d'installer des barrages sur toutes les routes, afin d'intercepter traînards, soldats perdus et déserteurs, et de les renvoyer immédiatement vers le Front, même s'il faut pour cela en fusiller une partie sur les bas-côtés, ou en pendre une autre aux branches des quelques arbres encore debout...

mercredi 8 mars 2017

5125 - les crayons cassés

Seelow, ou l'obsession d'arriver les premiers à Berlin, quel qu'en soit le prix...
... à Berlin, ce 16 avril 1945, la population ne manque pas d'être réveillée par le grondement de tonnerre des milliers de canons russes qui viennent d'ouvrir le feu sur les hauteurs de Seelow.

Et l'intensité du pilonnage est telle que malgré la distance - une soixantaine de kilomètres - les maisons tremblent sur leurs fondations tandis que les cadres se décrochent des murs.

Partout dans la ville, l'on se met à dresser de nouvelles barricades,... tout en espérant que les Américains arrivent à temps pour empêcher la ville de tomber aux mains des Russes.

Sur les hauteurs de Seelow, l'offensive russe se déroule quant à elle tant bien que mal, et à vrai dire plutôt mal que bien : ce jour-là, des milliers de soldats russes, déchiquetés par les mines allemandes, écrasés par leurs propres tanks ou matraqués par leur propre artillerie (!), payent au prix de leur vie l'excès de précipitation du maréchal Joukov, sa constante rivalité avec Koniev, et l'obsession insensée de Staline d'arriver le premier à Berlin, quel que soit le prix à payer

Et de fait, ce prix s'avérera tellement élevé que l'État-major russe, pourtant habitué à composer avec des pertes représentant parfois 30 à 40% des effectifs (!), ne l'évoquera jamais qu'à mots couverts, demandant régulièrement le décompte des "allumettes brûlées" et des "crayons cassés"...

mardi 7 mars 2017

5124 - "ce n'était que maisons et villages en feu, avec des nappes de fumée".

16 avril 1945, les Soviétiques donnent l'assaut sur Seelow
... Seelow, 16 avril 1945

Le 16 avril 1945, soit 24 heures après qu'Eisenhower ait définitivement renoncé à s'emparer de Berlin, l'Armée rouge lance donc son assaut final sur la capitale du Reich.

Pour s'emparer des hauteurs de Seelow, ultime obstacle naturel avant Berlin, le général Kazakov a rassemblé la bagatelle de 8 983 canons, obusiers et lance-roquettes, répartis à raison de... 270 pièces au kilomètre !

A trois heures du matin, heure de Berlin, l'artillerie russe ouvre le feu, tirant 1 236 000 projectiles en une seule journée (!)

"En quelques secondes", racontera un soldat allemand du 27ème régiment de parachutistes, "les dix camarades qui se trouvaient dans ma tranchée étaient tous morts"

"A perte de vue", écrira le commandant du 502ème Bataillon de chars lourds, "le ciel entier semblait en flammes"

"Du plus loin qu'on puisse voir", souligna un autre observateur, "ce n'était que maisons et villages en feu, avec des nappes de fumée".

Cinquante ans plus tard, au même endroit, on retrouvera encore des corps...

lundi 6 mars 2017

5123 - la plus haute marche du podium

Churchill, Roosevelt (déjà mourant) et Staline, à Yalta
... en cette première moitié d'avril 1945, tout le monde, en ce compris les Allemands eux-mêmes, sait désormais que le Reich a perdu la guerre, et que sa disparition n'est plus qu'une question de jours

Il reste néanmoins une incertitude : qui, des anglo-américains ou alors des Soviétiques va finalement investir Berlin et ainsi contraindre Hitler à accepter cette "capitulation sans condition" à laquelle il se refuse obstinément et que personne dans son entourage ne semble en mesure, ni même désireux, de signer à sa place.

Du point de vue des civils et militaires allemands, et du point de vue des nazis eux-mêmes - à l'exception peut-être de Goebbels et d'Hitler - l'option anglo-américaine est largement préférable, ce pourquoi, et depuis des semaines, Wehrmacht et Waffen-SS luttent-elles bien plus férocement à l'Est qu'à l'Ouest, histoire de retarder autant que possible la progression des soviétiques vers Berlin, et de permettre à un maximum de civils de l'Est de se réfugier à l'Ouest.

Mais le problème, c'est qu'en février, à Yalta, les Alliés se sont déjà entendus sur le partage de Berlin, mais aussi sur celui de l'Allemagne et même de l'Europe entière !

A quoi bon dès lors chercher à tout prix à être les premiers à pénétrer dans le bunker de la Chancellerie du Reich ?

Du point de vue des Occidentaux, surtout américains, le jeu n'en vaut tout simplement pas la chandelle. Et puisque les Soviétiques, eux, brûlent littéralement du désir de monter sur la plus haute marche du podium, et ce quel que soit le nombre de soldats qu'il leur faudra encore sacrifier pour y arriver, autant les laisser faire...

dimanche 5 mars 2017

5122 - "changer radicalement d'avis"

Hitler et Himmler, en 1944, "je t'aime, moi non plus"...
... nullement surpris par le refus britannique, Bernadotte n'en a pas moins continué ses rencontres avec Himmler qui, du reste, lui ont permis de sauver des Juifs supplémentaires

Dans le compte rendu qu'il a livré à Victor Mallet, ambassadeur de Grande-Bretagne à Stockholm, de sa rencontre du 02 avril avec le Reichsfuhrer, Bernadotte a souligné que ce dernier avait cette fois ouvertement reconnu que la guerre était perdue mais qu'à la suggestion de capituler, Himmler lui avait simplement répondu qu'Hitler ne l'accepterait jamais et que lui-même se sentait toujours lié par son serment de fidélité au Führer

Dans une lettre ultérieure à Bernadotte, Himmler a néanmoins dit espérer que le comte accepterait de jouer les médiateurs à son profit au cas où le Führer "changerait radicalement d'avis"

Pour qui accepte de lire entre les lignes, l'hypothèse d'un coup d’État n'est donc pas à exclure - on sait d'ailleurs aujourd'hui que plusieurs membres de l'entourage d'Himmler, mais aussi le Ministre des Finances von Krosigk, étaient alors occupés à l'y inciter - mais quand Bernadotte, dans sa réponse, s'est déclaré prêt à accepter la médiation à condition qu'Himmler, de son coté, prenne le pouvoir et dissolve le NSDAP, le Reichsfuhrer est demeuré évasif, signe que même en ces heures décisives, il n'est pas prêt lui non plus à renverser à franchir le Rubicon...

samedi 4 mars 2017

5121 - trouver l'intermédiaire

Folke Bernadotte, intermédiaire d'Himmler auprès des Alliés
... se sachant en semi-disgrâce, et en tout cas sérieusement menacé, Himmler a donc décidé de jouer la carte occidentale.

A la mi-février, à la clinique d'Hohenlychen, il avait déjà discrètement rencontré le comte Folke Bernadotte, vice-président de la Croix-Rouge suédoise, pour lui demander de sonder les intentions des anglo-américains.

Mais les négociations se sont surtout accélérées en mars, après le retour de son masseur personnel et préféré, Felix Kersten qui, après avoir déménagé en Suède, a contacté le Ministère des Affaires étrangères, où il s'est proposé comme intermédiaire

De fil en aiguille, le Reichsführer a commencé à formuler ses exigences et ses propositions, lesquelles ne se sont avérées ni originales ni inédites

Au plan personnel, Himmler a évidemment réclamé des garanties sur sa sécurité. Au plan politique, il a affirmé que l'Allemagne se soumettrait aux Britanniques et aux Américains... à la seule condition d'être laissée libre de combattre le bolchevisme.

Et pour prouver sa bonne foi, il a accepté de livrer plusieurs milliers de Juifs scandinaves aux autorités suédoises, tout en se déclarant prêt à en libérer bien davantage.

Appâtés, les Suédois ont aussitôt alertés les autorités britanniques qui, parce qu'elles se savaient proches de la victoire et aussi, et surtout, parce qu'elles ne voulaient rien savoir de propositions signées Himmler, les ont évidemment balayées du revers de la main...

vendredi 3 mars 2017

5120 - quand les temps changent...

Josef ("Sepp") Dietrich au Berghof, résidence d'Hitler
... comme d'autres hauts responsables nazis, Himmler s'efforce donc, depuis plusieurs mois de nouer des contacts avec les Alliés occidentaux.

Mais en dépit de ses efforts, et de ses nombreuses promesses de remise de Juifs, tout cela est demeuré vain alors que l'urgence, elle, n'a fait que croitre.

Sur le plan militaire, l'Allemagne est en effet prise dans un étau dont les mâchoires se referment inexorablement jour après jour, heure après heure.

Mais la situation n'est pas meilleure au plan personnel !

Sa démission du poste de commandant-en-chef du Groupe d'Armées de la Vistule, bien qu'inévitable en raison de sa propre inaptitude à l'exercer, a laissé des traces : Hitler, visiblement, n'est pas prêt de lui pardonner cette faiblesse... et d'autant moins que dans le même temps, en Hongrie, la SS Leibstandarte Adolf Hitler, qui depuis 1933 est au Führer ce que La Garde était autrefois a Napoléon, a lamentablement échoué à reprendre Budapest, un échec qui a poussé Hitler à exiger des hommes de cette division d'élite, et de leur chef, le pourtant si nazi Sepp Dietrich, qu'ils arrachent de leur uniforme toute référence à son nom !

Pour la Waffen-SS, c'est un geste inouï, pour ne pas dire une trahison. Mais pour son chef suprême, c'est une humiliation personnelle qui prouve que les temps sont en train de changer, et que même le "Fidèle Heinrich" n'est désormais plus a l'abri !

jeudi 2 mars 2017

5119 - trouver une échappatoire

Hitler et Himmler : les associés du crime de masse...
... et cette "Justice des Hommes", Heinrich Himmler a de plus en plus peur de devoir l'affronter.

L'étrange épisode "Juifs contre camions" du printemps 1944, puis l'ordre - prudemment non-écrit - de devenir un "protecteur des Juifs" donné à Adolf Eichmann à l'automne, n'ont en fait constitué que les prémisses d'une véritable tentative destinée à garantir sa propre sécurité, et le rôle qu'il entend bien jouer, dans l'Allemagne de l'après-guerre.

Mais même soixante-dix ans plus tard, il reste toujours aussi difficile de distinguer le vrai du faux, le geste sincère de la pure intox, ou encore ce qui relève de l'initiative personnelle ou du plan concerté.

Depuis au moins 1943, et par l'intermédiaire de personnalités ou d'organismes internationaux comme la Croix Rouge, ou de pays neutres comme la Suisse, l'Espagne, le Portugal ou même le Japon (1), des hommes comme Himmler, Goebbels, Ribbentrop ou même Hitler, se sont efforcés, à de multiples reprises, de nouer de discrets contacts avec les Alliés, tantôt occidentaux, tantôt soviétiques, dans le but d'arracher une paix séparée aux uns ou aux autres ou, à tout le moins, de semer la zizanie entre eux.

Mais aucune de ces tentatives n'a jamais porté fruit, en partie à cause du puissant et hautement médiatisé verrou de "Capitulation sans condition" formulé par Roosevelt en janvier 1943 et qui rend quasi-impossible tout retour en arrière, en partie parce que, selon les propos-mêmes d'Hitler, "on ne négocie qu'en position de force", et que le Reich n'est jamais parvenu, malgré plusieurs tentatives à l'Ouest comme à l'Est, à réussir le "grand coup", c-à-d à remporter la grande victoire qui aurait poussé l'un ou l'autre des Alliés à revoir ses positions...

(1) jusqu'à la décision soviétique de déclarer la guerre au Japon, en aout 1945, les deux pays étaient encore en paix et continuaient d'entretenir des relations diplomatiques mutuelles

mercredi 1 mars 2017

5118 - "Ils ne voulaient pas nous voir revenir",

fosse commune de Bergen-Belsen, avril 1945
... "Ils ne voulaient pas nous voir revenir", écrira ainsi Walter Fried, jeune juif slovaque.

Un soir, Walter et son père seront notamment pris à partie par un groupe de jeunes, parmi lesquels Walter reconnaîtra Josho, un ancien camarade de classe.

"Juifs, sales Juifs "!, criera Josho en les rouant de coups. "Juifs !, vous prenez le sang des chrétiens !", hurleront les autres.

Aucun passant ne daignera intervenir. "Je croyais connaître quantités de gens, mais soudain plus personne ne nous connaissait".

Les jeunes-gens pousseront alors Walter et son père jusqu'au commissariat. "La police ne valait pas mieux. Au lieu de les chasser ou de les arrêter, ils les ont laissé filer. Et ils nous ont tabassé à leur tour"

Comme des centaines de milliers d'autres, Walter préférera alors abandonner l'Europe et émigrer en Israël, dans un pays où, l'espère-t-il, les Juifs n'auront plus à compter sur l'illusoire protection des autres, et pourront se défendre seuls.

Et vivre uniquement entre eux...

Pendant ce temps-là, dans toute l'Europe, des millions d'autres citoyens exigeront des comptes et voudront punir les coupables d'une guerre qui aura fait des millions de morts et ruiné le continent tout entier. Ils réclameront ce que David Irving appellera plus tard "La Loi du Lynch" (1), et d'autres "la Justice des Hommes"...

(1) David Irving, "Nuremberg, the last Battle", Focal Point, 1996, chapitre II "Lynch Law", pp 31 à 56