
... Obsédé par la trahison sa vie durant, il n'y avait rien d'étonnant à ce que Joseph Staline se soit convaincu de la duplicité de ses alliés anglo-américains, ni qu'il ait craint jusqu'au bout que ces derniers ne tentent de le priver de "sa victoire" en arrivant les premiers à Berlin
De cela, le "petit Père des Peuples", qui avait un compte personnel à régler avec Hitler depuis que ce dernier l'avait trahi en 1941, ne voulait à aucun prix : Berlin était à lui, et à lui seul, et c'était le drapeau rouge, et pas la bannière étoilée ni l'Union Jack, qui devait flotter sur ses ruines.
Dans un premier temps, il fallait donc "endormir" les Alliés, en leur dissimulant la progression réelle des armées russes. Pendant des semaines, les officiers et diplomates soviétiques eurent donc pour consigne de mentir et de minimiser l'avancée de leurs troupes à chaque fois qu'ils conversaient avec leurs homologues britanniques ou américains.
Mais s'il importait de minimiser la progression vis-à-vis des Alliés, il était encore plus indispensable de la pousser au maximum sur le terrain, et donc de brûler toutes les étapes - au propre et au figuré - pour être sûrs d'arriver les premiers.
Ayant rapidement envoyé Rokossovsky sur une voie de garage au motif qu'un "Polonais" ne pouvait décemment s'emparer de Berlin, Staline n'eut ensuite de cesse que d'aiguillonner ses deux autres champions - Joukov et Koniev - pour que l'un arrive avant l'autre, et les deux avant Patton et les Américains.
Et puisque Joukov et Koniev, et leurs États-majors respectifs, minimisaient constamment l'avancée de leurs troupes lorsque confrontés à un Américain ou un Britannique, Staline ne vit aucun inconvénient à mentir à Joukov et Koniev, en exagérant la progression des Anglo-américains, afin d'inciter les deux hommes à aller plus vite. Et pour les pousser à aller plus vite encore, il ne vit pas davantage d'inconvénients à mentir à Joukov en parlant de Koniev, et à Koniev en parlant de Joukov.
Lorsque l'un des deux se plaignait d'être freiné dans sa progression par des problèmes de ravitaillement ou par la résistance acharnée des derniers soldats allemands, il suffisait au maître du Kremlin de parler de l'arrivée prochaine de Patton à Berlin pour lui faire oublier ses griefs, puis d'insinuer que son rival avait quant à lui dépassé ses objectifs pour qu'il s'en retourne au front avec la ferme intention de reprendre l'offensive de jour comme de nuit, et même s'il devait pour cela conduire ses hommes à la mort, et fusiller les moins enthousiastes.
Des dizaines de milliers de soldats russes, et des millions de soldats et de civils allemands, allaient payer cette rivalité entre deux hommes, et l'obsession de leur maître pour la vitesse.











