dimanche 6 décembre 2009

2464 - Azul

… Hendaye, 23 octobre 1940

Adolf Hitler écume. Non seulement Francisco Franco, dont le train était en retard, l’a-t-il contraint à une longue attente sur le quai de la gare, mais surtout a-t-il ensuite refusé d’engager l’Espagne dans la croisade que lui, le Führer de la Grande Allemagne, se prépare à lancer contre le "judeo-bolchevisme" !

"Il n'y a rien à tirer de ce type !", grommèle Hitler après leur séparation. "Ces gens-là sont insupportables", rétorque Franco , en aparté avec son Ministre des Affaires étrangères. "Ils veulent que nous entrions dans la guerre sans rien nous donner en échange" (1)

Il faut dire qu’en exigeant rien moins que Gibraltar, le Maroc, la province d’Oran, mais aussi d’importantes livraisons de céréales et de matériel militaire, le Caudillo a placé la barre si haut qu’on peut se demander s’il n’a pas tout bonnement cherché un prétexte commode pour ne pas avoir à répondre favorablement à un Hitler venu lui réclamer une aide espagnole contre l’URSS.

L’affaire n’est pourtant pas terminée, car si le dictateur espagnol n’a aucune envie de se lancer dans cette aventure, il n’a pas non plus les moyens de se brouiller avec l’Allemagne nazie, sans laquelle il ne serait jamais parvenu au Pouvoir, et envers laquelle il a contracté de nombreuses dettes.

Alors, quand cette même Allemagne nazie envahit l’URSS, le 21 juin 1941, il s'empresse lui aussi d’autoriser la création d’une "Légion" de volontaires disposés à prêter main-forte à la Wehrmacht sur le Front de l’Est.

Franco espère attirer 4 000 hommes, ce qui suffirait à prouver sa bonne volonté, mais, dans ce pays qui regorge de vétérans de la Guerre d`Espagne autant que d’anti-communistes rabiques, ils sont dix fois plus nombreux à répondre à l’appel et à se déclarer prêt à en découdre avec une URSS à qui ils ne pardonnent pas non seulement son appui à la défunte République, mais aussi la disparition des réserves d’or de la Banque d’Espagne (2)

Au final, ils ne sont pas loin de 20 000 à être jugés aptes au service en URSS. Avec pareil effectif, autant parler d’une "Division" plutôt que d’une "Légion", et même d’une "Division Bleue" ("Division Azul"), en raison de la chemise bleue – celle des phalangistes – portée par les volontaires.

Le 13 juillet 1941, dans l’allégresse générale, les premiers éléments de cette Division Azul prennent donc le train pour la Bavière afin d’y être entraînés… et d’y recevoir leur uniforme allemand.

(1) Kershaw, Hitler, tome 2, page 498
(2) A la fin de 1936, les réserves financières de la Banque d’Espagne avaient été expédiées en URSS, comme paiement et garanties pour les fournitures militaires soviétiques.

2 commentaires:

omen999 a dit...

"A la fin de 1936, les réserves financières de la Banque d’Espagne avaient été expédiées en URSS,"
pas tout à fait, une quarantaine de tonnes d'or espagnol (moins de 10% des réserves totales) atterrira dans les coffres de la Banque de France.
Cette dernière les restituera en juin-juillet 1939 en exécution des accords Bérard-Jordana

Anonyme a dit...

Bonjour...On est frappé du côté inventaire à la Prévert des supplétifs étrangers de la SS et de la Wehrmarcht sur le front de l'Est et aileurs...et à côté des troupes "folkloriques" (les nazis bretons de Breizen Perot ou des troupes sans valeur militaire (légions musulmanes ou indiennes) la Légion Azur (comme on l'appelle parfois en France)fait figure de "bon élève" des nazis. Vous avez fort bien souligné les finasseries de Franco (ménager le camp des démocraties tout en donnant des gages à Hitler) et le fait que la Légion Azur étaient en bonne part composée de durs à cuire vétérans de la sanglante Guerre Civile espagnole.

Franco était une tête éminemment politique avant d'être un militaire ...et on ne peut s'empêcher de se demander si le départ des plus fanatiques phalangistes espagnols ne l'arrangeait pas sur le plan de la politique intérieure....Il aurait pu se trouver parmi eux un chef tenté de devenir Calife à la place du Calife (ou plus exactement Caudillo à la place du Caudillo)....Après tout Franco avait eu bien de la chance (à laquelle il a peut-être donné un coup de pouce discret) lorsque ses alter ego du Putsch (Le Général Sanjurgo, puis son collègue Mola ) ont pris place dans des avions qui ont eu le bon esprit de se crasher en débarassant le cher Francisco d'un problème de concurrence embarrassant.