... peu avant la Première Guerre mondiale, la marine impériale allemande avait commandé à Krupp l'étude et la réalisation de plusieurs dizaines de canons de 350 et 380mm destinés à ses nouveaux cuirassés (1)
Mais la construction des navires ayant pris beaucoup de retard (2), plusieurs des canons prévus vont se trouver disponibles au début des hostilités, ce qui permet à l'Armée de Terre, qui a un urgent besoin de pièces à longue portée, de les reprendre rapidement à son compte.
Encore faut-il à présent les acheminer jusqu'au Front, puis les mettre en batterie,... ce qui n'a rien d'évident puisque, conçus pour un usage marin, ces canons géants ne peuvent emprunter le rail qu'en pièces détachées, ce qui implique donc de nombreux jour de remontage une fois rendus sur place.
Encore ce remontage exige-t-il également la construction préalable, sur le site de tir, de cuves bétonnées capables d'accueillir des affûts eux-mêmes largement improvisés.
Il faut donc attendre février 1915 avant que la première de ces pièces, baptisées "Lange Max" ("Max-le-Long"), soit en mesure de donner de la voix, en l'occurrence sur le malheureux Fort de Douaumont, distant de près de 30 kilomètres ce qui, pour l'époque, constitue déjà un record puisque plus de 8 kilomètres ont été gagnés par rapport à la version marine du même canon.
Même s'il s'avère beaucoup plus contraignant au point de vue logistique, l'usage terrestre permet en effet une élévation du tube à 30 degrés, très supérieure à celle - 16 degrés seulement - que l'on peut obtenir à l'intérieur de l'étroite tourelle d'un cuirassé
Mais l'armée allemande veut beaucoup plus. A l'automne 1915, en augmentant encore l'élévation, et en réduisant le poids de l'obus de 800 à 400 kilos, les ingénieurs de Krupp parviennent à tirer à 50 kms avec une pièce de 350mm, et même à 60 kms avec un obus dont le poids est réduit à 350 kilos.
Pendant ce temps, à l'arrière du Front, la construction d'une dizaine de plateformes bétonnées bat son plein, permettant des tirs réguliers sur plusieurs villes françaises, dont Dunkerque.
(1) les premiers étaient destinés aux quatre croiseurs de bataille de la classe Mackensen, les seconds aux quatre cuirassés de la classe Bayern.
(2) Seuls deux cuirassés sur quatre furent finalement lancés et mis en service avant la fin de la guerre. Aucun des croiseurs de bataille n'eut le temps d'être achevé
(2) Seuls deux cuirassés sur quatre furent finalement lancés et mis en service avant la fin de la guerre. Aucun des croiseurs de bataille n'eut le temps d'être achevé
3 commentaires:
histoire de chipoter un peu à propos des canons géants, votre article #130 de juillet 2003 sur les Pariser Kanonen (développés à partir du Lange Max) contient une petite inexactitude.
Ce n'est pas la pression qui provoquait une usure démesurée de la bouche à feu mais la conséquence d'une astuce scabreuse adoptée par les ingénieurs de Krupp: les obus n'étaient pas dotés d'une classique ceinture de cuivre mais d'une ceinture d'acier "pré-rainurée" qui devait laisser à la sortie un joli sillage de limaille. Cet artifice assurait au projectile une vitesse initiale plus élevée ainsi qu'une plus grande vitesse de rotation.
Mais bon, il faut vraiment se lever de très bonne heure pour trouver une erreur sur votre site ;-)
N'étant pas moi-même métallurgiste, je ne remets pas en cause votre explication, mais notez tout de même que les Canons de Paris, dont je reparlerai d'ici quelques jours, tiraient à une pression nettement plus élevée que les canons conventionnels, ce qui explique notamment pourquoi leur calibre interne était limité à 210mm alors qu'ils étaient issus de tubes qui, dans leur version marine, en offraient 350
"N'étant pas moi-même métallurgiste"
je vous rassure, moi non plus même si j'ai été artilleur quelques mois...
à ce propos, déclaration d'un artilleur anonyme recueilli par le journal Le Matin du 4 avril 1918:
"Enfin, les Allemands ont ajouté à cela un artifice qui n’est que la réalisation d’une vieille idée française, comme le prouve l’examen des éclats. Ils ont substitué à la ceinture de cuivre, qui se rayait à forcement contre les rayures du canon, des rayures
creusées d’avance dans la paroi externe d’acier de l’obus. On obtient ainsi les avantages suivants :
premièrement, l’effet de forcement de la ceinture, qui tendait à ralentir la vitesse initiale pour une charge de poudre donnée est supprimé et partant cette vitesse augmentée ; enfin, l’obus étant mieux guidé dans la pièce et y tournant plus vite est mieux assuré sur sa trajectoire à la sortie et par conséquent n’a pas les mouvements de balancement qui, dans les tirs ordinaires, augmentent beaucoup la résistance de l’air pendant le trajet."
une petite photo: http://img24.imageshack.us/img24/8983/kanone1.png
chaque tir équivalait à un réalésage de l'âme du canon
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