mardi 8 janvier 2019

5796 - ni blâme ni sanction

Freyberg, en 1943, bien plus promu que blâmé...
... Londres, 14 juin 1941

"Je suis loin d'être satisfait", écrit Churchill le 14 juin, "de la manière dont le général Freyberg a mené la défense au plan tactique" (...) Il semble n'y avoir eu aucune contre-attaque d'aucune sorte dans le secteur occidental jusqu'à plus de 36 heures après le début des parachutages. Il n'y a eu aucune tentative de constituer une réserve mobile avec les meilleures troupes (...) Il n'y a eu aucune tentative pour obstruer l'aérodrome de Maleme [à l'atterrissage] même si le général Freyberg savait qu'il ne disposerait d'aucune aviation durant la bataille. La conception toute entière semble avoir reposé sur une défense statique des positions plutôt que sur l'anéantissement rapide et à n'importe quel prix des troupes parachutées" (1)

Même si elle fait malheureusement l'impasse sur l'aveuglement de Freyberg à l'égard de la véritable menace qui courait sur la Crète, et sur son entêtement à privilégier l'hypothèse d'un débarquement naval... inexistant, l'analyse de Churchill n'en révèle pas moins crûment les principaux reproches que l'on peut adresser au commandant-en-chef de la Creforce

En toute logique, ces reproches, mais aussi l'ampleur de la débâcle subie en Crète, auraient pu, auraient dû, sinon expédier Bernard Freyberg devant une court martiale, du moins briser définitivement sa carrière militaire et ses espoirs politiques pour l'après-guerre.

Mais c'est tout le contraire qui va se produire puisque l’intéressé, en plus de conserver le commandement du corps expéditionnaire néo-zélandais, va bientôt se voir promu lieutenant-général (trois étoiles), décoré de l'Ordre de l'Empire britannique, et finalement anobli après la guerre !

Pour expliquer cette étrange mansuétude à l'égard de Freyberg, mais aussi de tous les autres protagonistes de la débâcle crétoise, plusieurs raisons peuvent être avancées...

(1) Beevor, op cit

2 commentaires:

Christophe92 a dit...

Passionnante cette histoire, que je ne connaissais pas.j'attends la suite avec impatience. Je suis votre blog quotidiennement depuis bientôt 3 ans mais ce recit, vos commentaires et analyses sont captivants.
Un bel hommage à tous ces soldats héroïques et sacrifiés.
Pour reprendre Churchill en 41 la fin du début n'avait pas encore commencé .
Ceci explique aussi les erreurs britanniques , résister en Crête oui mais à quoi bon ?

Anonyme a dit...

Freyberg , par la suite a continué sa carrière avec des hauts et des bas mais n'a pas été retiré du service actif.

Il a fait de bonnes choses, parfois, sur des théâtres d'opérations restreints où il montré un vrai sens tactique et une grosse connerie à la bataille de Monte Cassino où , persuadé que les allemands de Kesselring étaient dans le monastère, il en a réclamé la destruction à coups de bombes lourdes.

Les Allemands qui N'AVAIENT PAS investi le monastère (vague gène vis a vis d'unlieu de culte? , crainte d'ennuis diplomatiques?) ont investi les ruines (qui se sont avérées encore plus imprenables que le monastère intact)et il a fallu que ce soient les tirailleurs marocains du général Juin qui débloquent la situation dans une opération ultra difficile au cops à corps, au couteau d'égorgeur et à la baïonette dans des sentiers de montagnes impossibles pour contourner cette place forte. Un acte d'héroïsme efficace mais sanglant (qui fut suivi de pillages et de viols -voir le livre la ciociaria de Moravia- car Juin avait accordé 48 H de razzia à titre de récompense)...

En fait Freyberg illustre assez bien le Principe (humoristique, mais assez vrai) de Peter et Hull: Tout employé(ou tout soldat) tend à grimper dans la hiérarchie en étant récompéensé par des promotions...jusqu'au jour où il atteint son niveau d'incompétence, ne progresse plus et devient une nuisance. Chez les militaires c'est plus ou moins indolore en temps de paix ...mais pas en temps de guerre.
Freyberg aurait dû s'arrêter au grade de colonel ou un peu mieux, mais ne pas avoir un commandement complexe impliquant une coordination des troupes et une vision un peu stratégique.