Avec leur lenteur et leur allure de rescapés de la Première Guerre mondiale, on pourrait penser que les Swordfish n'ont aucune chance face aux canons antiaériens modernes du Bismarck et leurs artilleurs qui, alertés par la découverte du Modoc, puis par le remue-ménage autour du Prince of Wales, ont déjà le doigt sur la détente.
Mais ces disgracieux oiseaux sont solides, et d'autant plus qu'avec leurs surfaces encore entièrement entoilées, ils n'offrent finalement aucune résistance aux projectiles allemands, lesquels se contentent donc de les traverser de part en part sans causer de gros dommages.
Qui plus est, le contrôle de tir des canons du Bismarck a été conçu pour engager des avions évoluant à une vitesse minimale de 100 nœuds (1), soit 10 nœuds... de plus que les Swordfish chargés de leur lourde torpille de 800 kilos.
En conséquence, et aussi incroyable cela puisse-t-il sembler, malgré les tonnes de mitrailles que les Allemands expédient dans leur direction (2), aucun des neufs appareils qui se présentent tour à tour face au cuirassé aux alentours de minuit n'est envoyé au tapis !
Mais si les Swordfish réussissent tous à regagner le Victorious au terme de leur attaque, la dite attaque se révèle pour le moins décevante, puisqu'une seule des neuf torpilles parvient au but, en ne provoquant que des dégâts insignifiants à tribord.
Les véritables dommages sont purement collatéraux : un marin, projeté contre une cloison par l'onde de choc, a été tué; surtout, les violentes manœuvres qu'a dû effectuer le Bismarck pour éviter les torpilles ont accru la voie d'eau à l'étrave, forçant dès lors le cuirassé à ralentir le temps que les équipes d'intervention puissent colmater la brèche...
(1) environ 170 kms/h
(2) en plus des canons antiaériens, les Allemands ont utilisé les pièces principales de 380mm qui, en tirant au ras des vagues, ont projeté d'immenses gerbes d'eau devant les appareils anglais, contraints de voler à quelques mètres d'altitude pour pouvoir lancer leurs torpilles
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