3095 - l'homme aux deux visages

... comme le souligne fort justement Harriman, MacArthur a en effet deux visages, dont l'un est sinon détestable, du moins très difficile à supporter.

Mais quoi que l'on puisse penser de l'homme, force est d'admettre que le militaire, lui, n'est tout de même pas arrivé à ce poste par pur hasard

Dans l'armée américaine, "quel que soit le grade, MacArthur avait toujours été le plus jeune officier à l'obtenir, pas seulement le plus jeune commandant de division en France lors de la Première Guerre mondiale, mais aussi le plus jeune superintendant à West Point (...) le plus jeune chef d'État-major, le plus jeune major-général, et le plus jeune général" (1)

Aux Philippines, en 1942, devenu l'équivalant d'un proconsul romain, il avait certes connu le premier véritable échec dans sa brillante carrière, et un échec qui plus est de dimensions et de conséquences cataclysmiques, mais il s'en était très vite relevé au point, trois ans plus tard, de présider lui-même la cérémonie de reddition de l'Empire japonais, accédant ainsi au Panthéon des plus grands héros américains.

Et s'il avait lamentablement failli à prévenir la Guerre de Corée, et tout aussi lamentablement erré dans les premières semaines de celle-ci, son projet de débarquement à Inchon, que même ses plus farouches détracteurs s'étaient empressés d'applaudir, ce projet démontrait que si l'homme avait beaucoup vieilli, le chef de guerre, lui, avait encore du répondant.

Bien sûr, l'idée de contre-attaquer là où l'ennemi s'y attendait le moins, c-à-d derrière ses propres lignes (!), cette idée n'avait rien d'inédite : sans remonter à Ulysse et son célèbre cheval, il y avait déjà eu, en 1944, un vaste débarquement analogue, opéré derrière les lignes allemandes.

Un débarquement qui avait d'ailleurs pris la Wehrmacht totalement par surprise, mais aussi un débarquement qui, à la consternation de ses promoteurs, s'était vite transformé en calvaire - et même en véritable honte - pour l'US Army.

Dans une petite bourgade italienne connue sous le nom d'Anzio...

(1) ibid, page 103