mardi 7 décembre 2010

2832 - "Les incendies font qu'on a l'impression qu'il fait jour en pleine nuit"

Kienitz, 2 février

A Kienitz, on ne trouve guère que quelques compagnies de la Volksturm, composées de miliciens trop jeunes ou trop âgés pour servir dans l'armée régulière.

Sous la conduite d'un vieux directeur d'école, les uns et les autres ont d'ailleurs jugé plus sage de ne rien tenter contre les soldats russes, et de se contenter d'attendre les renforts, lesquels se sont d'abord matérialisés sous la forme de Caucasiens antisoviétiques, des Hilfwillige" qui ont refusé de combattre leurs compatriotes et ont en conséquence été désarmés puis renvoyés à l'arrière pour y creuser des tranchées.

Leur ont succédé 350 jeunes recrues d'une division SS, tous âgés de 16 à 18 ans et équipés de bric et de broc, qui, avec beaucoup d'ardeur mais aucune expérience, ont alors entrepris de bombarder les Russes au mortier, avant de se lancer à l'attaque de leurs positions.

Certains n'arrivaient même pas à épauler correctement leur fusil, à la crosse trop longue pour leurs bras. De toute manière, leur commandant a été tué dès les premières secondes de l'assaut, atteint d'une balle tirée en pleine tête par un des innombrables snipers de l'Armée rouge, et seuls quelques-uns de ces adolescents sont parvenus à échapper au massacre...

Kienitz n'est qu'un point sur la carte, une petite anecdote dans l'immense tragédie de la guerre, mais une anecdote significative en ce sens qu'elle révèle que, malgré l'absence d'espoir et l'inégalité des forces en présence, les Allemands continuent à se battre, par fidélité envers leur Führer pour certains, par habitude ou par crainte des pelotons d'exécution pour d'autres, ou alors, pour beaucoup, parce qu'ils savent ce qui les attend, eux et leur famille, s'ils tombent aux mains de Soviétiques bien décidés à se venger de ce qu'ils ont eux-mêmes subis auparavant.

"Tout est en feu", écrit Vasily Grossman en pénétrant dans Schwerin avec les soldats de la 8ème armée de la Garde. "Une vieille femme saute par la fenêtre d'un immeuble en flammes (...) Le pillage continue (...) Les incendies font qu'on a l'impression qu'il fait jour en pleine nuit (...) Il arrive des choses terribles aux femmes. Un Allemand à l'air érudit explique en un russe incertain que, le jour même, sa fille a été violée par dix hommes à la suite"

Et l'écrivain russe d'évoquer cette jeune mère continuellement violée dans une grange : "Des membres de sa famille avaient dû venir supplier les soldats de lui accorder un peu de répit pour qu'elle puisse allaiter son bébé, qui ne cessait de pleurer. Tout cela se déroulait à deux pas d'un quartier général, et sous les yeux d'officiers censés faire respecter la discipline" (1)

(1) Beevor, La Chute de Berlin, page 103

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