… fidèle à ses habitudes, et à son sens du spectacle, c’est en décapotable, avec escorte de motards, et sous les acclamations des passants, que MacArthur se rend à la réunion qui doit décider de la future conduite des opérations dans le Pacifique.
Et c’est en véritable proconsul qu’il prend soin d’arriver en retard et de faire patienter les autres invités de la Conférence, à commencer par le Président Roosevelt lui-même !
Roosevelt, pourtant, ne semble pas lui en tenir rigueur : après avoir poliment écouté les arguments des uns et des autres, il se prête même à la traditionnelle séance de poses sur le pont du USS Baltimore avant que le croiseur, et son illustre invité, ne fassent leurs adieux à MacArthur, Nimitz et leurs suites respectives, et ne mettent le cap sur l’Alaska.
Et c’est par une simple lettre présidentielle, reçue deux semaines plus tard, que MacArthur va apprendre que Roosevelt s’est finalement rallié à son plan plutôt qu’à celui de Nimitz, lequel préconisait de laisser prudemment les Philippines de côté pour conquérir Formose (1), jugée plus facile à prendre, et qui, plus proche de l’archipel japonais, aurait par ailleurs offert de bien meilleures bases aux bombardiers B-29.
Lors de la Conférence, MacArthur, avait cependant aligné de solides contre-arguments, à commencer par la menace que continueraient de faire peser, sur les arrières des Alliés, les quelque 300 000 soldats japonais présents aux Philippines si on se contentait de les laisser sur place en attendant leur hypothétique reddition : contrairement à Truk ou Rabaul, les Philippines offraient en effet suffisamment de ressources pour que les dits soldats puissent s’y maintenir indéfiniment.
Un simple regard sur la carte suffisait également pour comprendre que les Philippines se trouvaient en plein milieu des routes commerciales japonaises : s’en emparer signifiait donc couper le Japon de ses conquêtes de Bornéo, de Malaisie et d’Indochine, donc du pétrole et du caoutchouc indispensables à la poursuite de la guerre.
Mais MacArthur avait également, et avec beaucoup de subtilité, fait jouer l’argument moral : celui de la "dette d’honneur" que les Américains auraient contractée vis-à-vis du peuple philippin, à qui ils avaient effectivement promis, en 1934, d’accorder l’Indépendance, au plus tard en 1946.
Farouche adversaire du colonialisme, Roosevelt a sans doute été sensible à ce dernier argument,.. encore que les mauvaises langues ne pourront s’empêcher d’observer que cette "dette" due aux Philippins, et bientôt payée avec le sang des soldats américains, va surtout servir les ambitions personnelles de MacArthur pour l’après-guerre, ou encore que les Philippines se situent dans la Southwest Pacific Area, donc dans la zone dévolue à MacArthur, tandis que Formose se trouve pour sa part dans la Pacific Ocean Area contrôlée par Nimitz…
(1) Formose, aujourd'hui Taïwan, était colonie japonaise depuis 1895
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