… par égard pour la légende, la bonne fortune des "Black Sheep" ne va pas s’arrêter au "Jour de Gloire" du 16 septembre 1943 : jusqu’au 18 octobre suivant, ils vont en effet être crédités de 57 victoires (+ 19 "probables") supplémentaires.Désormais officiellement crédité de 20 victoires au total, Boyington, peut savourer sa revanche : constamment dénigré chez les "Tigres Volants", il est à présent adulé par ses pilotes, tout autant séduits par ses résultats et sa popularité médiatique – qui rejaillissent également sur eux – que par son charisme et le style de commandement pour le moins informel de cette unité, où chacun lui donne du "Greg" et jamais du "Major", et où le code vestimentaire reste une vue de l’esprit.
Boyington, bien sûr, est toujours affligé des mêmes défauts, à commencer par sa dépendance à l’alcool mais, comme le notera un de ses pilotes, "Il était un alcoolique en ces jours où ne savions pas ce qu’était [réellement] un alcoolique. Mais j’ai toujours considéré que saoul, il pouvait voler mieux que la plupart des pilotes sobres. S’il existait un pilote [de chasse]-né, c’était lui : extrêmement agressif et, selon moi, absolument sans peur" (1)De fait, "Pappy" paye réellement de sa personne et n’hésite pas à prendre des risques et accepter des missions qu’il pourrait pourtant très facilement refiler à d’autres.
Une anecdote suffit à résumer le propos : à l’aube du 19 octobre 1943, alors que l’unité toute entière (qui la veille a longuement fêté la fin de son "tour d’opérations") est toujours plongée dans le sommeil, un message de l’État-major parvient à Boyington, lui enjoignant de lancer immédiatement un nouveau straffing sur Kahili."Ces hommes sont au combat depuis 42 jours, ils ont besoin de repos !", proteste véhémentement le médecin de l’unité . "Ce n’est rien, doc", réplique Boyington qui, victime de ses excès de la veille, peine à ouvrir les yeux. "Ils veulent qu’on attaque Kahili, on va l’attaquer. Qui veut venir avec moi ?".
Trois pilotes, presque aussi éméchés que lui, répondent à l’appel et se dirigent vers le dispersal. Alors que Boyington s’apprête tant bien que mal à se hisser dans un des "Corsair" disponibles (2), le médecin s’exclame "Bon dieu, Greg, vous, n’avez même pas de chaussures !" "Je n’ai pas besoin de chaussures pour voler", rétorque Boyington. "Vous en aurez certainement besoin si vous vous faites descendre !" (3), réplique le médecin qui, joignant le geste à la parole, se défait de ses propres bottes et les offre à Boyington, qui les enfile sans plus ajouter mot, et décolle quelques minutes plus tard...
(1) Gamble, op cit, page 305
(2) contrairement à une légende tenace, la plupart des pilotes de chasse de la 2ème G.M. n'avaient pas d'avion assigné, et prenaient donc le premier appareil disponible
(3) ibid, pages 302-303
(3) ibid, pages 302-303
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