samedi 5 juin 2010

2648 - de l'inconvénient d'être différent

... comme tous les avions nouveaux et différents, le "Corsair" posait aussi, et peut-être surtout, de redoutables problèmes logistiques à une US Navy jusque-là habituée aux chasseurs Grumman, beaucoup moins complexes.

Sur un porte-avions, donc un navire de petites dimensions et isolé en mer durant des semaines, le manque de pièces détachées pour tel ou tel type d'appareil pouvait compromettre la mission toute entière et c'est d'ailleurs cette raison, plus que les phénomènes de rebonds à l'appontage, qui allait finalement contraindre le VF-17 à abandonner le Bunker Hill à l'automne 1943 pour trouver refuge à terre, où il était en principe plus facile de ravitailler les unités.

Mais même depuis leurs bases terrestres des Salomon, les "Corsair" des Marines étaient fréquemment cloués au sol par manque de pièces de rechange... ou de mécaniciens capables de comprendre cet avion.

"Avoir l'opportunité de piloter le nouvel appareil de Chance-Vought était une chose, raconta le Capitaine Cupp, du VMF-213, mais le faire réellement en était une autre. Il n'y avait qu'un seul squadron de Corsair déjà établi à Guadalcanal et les magasins de pièces détachées les plus proches pour ce modèle étaient aux États-Unis.

(...) Nous étions descendus au sud armés jusqu'aux dents de pièces détachées pour nos Grumman F4F, mais avant-même d'avoir eu le temps de les décharger, elles ne nous servaient plus à rien. Même les munitions du Corsair étaient différentes"
.

(...) Quand nous avons pris la relève du VMF-124, [le 01 avril 1943] nous avons récupéré également leurs appareils. (...) Nous avions 14 de ces F4U-1 vétérans et nous nous estimions heureux quand arrivions à en faire décoller 8 en même temps" (1)

"Quand nous opérions à partir de Munda [à l'automne 1943] tous nos avions personnalisés étaient mis en commun et répartis chaque matin entre les pilotes des différentes escadrilles. C'était déjà suffisant pour nous faire de la peine, mais quand les SEABEE (2) (qui avaient été engagés comme mécaniciens) nous ont demandé où l'on mettait le carburant et l'huile, nous avons failli prendre notre solde et rentrer chez nous.

Il y avait quelques vrais mécaniciens sur la base, mais ils avaient toujours travaillé sur des Grumman, et nos chers avions n'étaient presque pas entretenus. Ils sont vite devenus sales et capricieux. Ils volaient encore, mais il y avait toujours un petit problème. Certains tombaient en panne quand vous changiez de pas d'hélice. D'autres marchaient tout le temps mal, et vous vous demandiez constamment s'ils allaient vous ramener ou pas"
(3)

(1) Styling, op cit, pages 12-13

(2) les SEABEE (littéralement "abeilles de mer") étaient des bataillons du génie, chargés de la construction des pistes d'atterrissage et des aérodromes
(3) ibid, page16

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