mardi 27 avril 2010

2609 - à titre posthume

... dans l'entre-deux-guerres, l'Italien Giulio Douhet avait prophétisé le triomphe final des grands croiseurs aériens, en mesure de porter le fer et le feu loin derrière les lignes de l'adversaire, de détruire son industrie de guerre et, en terrorisant sa population civile, de contraindre celle-ci à exiger une Paix rapide.

Mais, faute de moyens, et sans doute aussi d'ambition, la patrie de Douhet avait préféré tourner le dos à cette doctrine, et s'était contentée de bombardiers moyens d'autant plus incapables d'un pareil exploit qu'ils n'existaient qu'en petit nombre.

Pour ne rien arranger, les dits bombardiers devaient affronter, à chacune de leurs missions, une chasse alliée non seulement plus nombreuse mais aussi mieux équipée que la chasse italienne censée les escorter.

Si les centaines de bombardiers de la toute-puissante Luftwaffe allemande s'avéraient incapables de mettre l'Angleterre à genoux, que pouvaient espérer les quelques dizaines de Fiat Br-20 que la Regia Aeronautica était parvenue à rassembler contre Londres ?

Et si les plus grands as allemands, aux commandes de leurs formidables Messerschmitt 109, ne pouvaient rayer du ciel les Hurricane et Spitfire de la Royal Air Force, comment les pilotes italiens auraient-ils pu y arriver, avec leurs fort modestes biplans Fiat CR-42 ?

La suite de l'Histoire était donc connue d'avance : après le bombardement de Gênes du 22 octobre 1942, les villes italiennes, jusque-là relativement épargnées, se retrouvèrent les unes après les autres sous le feu des bombardiers alliés qui, n'ayant guère à craindre la DCA ou la chasse italiennes, pouvaient opérer bien plus confortablement qu'au dessus de l'Allemagne.

La population italienne, qui jusque-là ne s'était nullement émue des bombardements de son Aviation sur des villes ou villages éthiopiens, britanniques, grecs ou russes (y compris, en Éthiopie, avec des gaz de combat), goûta fort peu le fait d'être à présent prise pour cible dans ses propres villes et villages.

Le soutien au régime ayant déjà considérablement décliné depuis la perte des premières colonies africaines, suivies par les catastrophiques défaites d'El-Alamein et de Stalingrad, le bombardement de Rome du 19 juillet 1943, mené une semaine à peine après l'annonce du débarquement allié en Sicile, constitua la goutte d'eau qui fit déborder le vase et donna finalement raison, bien qu'à titre posthume, aux théories de Douhet (1) : six jours plus tard, le Grand Conseil du Fascisme, qui n'avait plus été convoqué depuis 1939, vota une résolution visant à octroyer les pleins pouvoirs au Roi, une résolution qui constituait de facto un véritable désaveu de la politique de Mussolini, "démissionné" dans les heures suivantes.

Six semaines plus tard, le nouveau gouvernement du Maréchal Badoglio signait l'Armistice...

(1) Giulio Douhet était mort à Rome le 15 février 1930

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