mardi 29 septembre 2009

2396 - l'engin à Ferdinand

… avant-guerre, Ferdinand Porsche concevait des voitures de course ultra-légères au bénéfice de la Propagande nazie.

Lorsque le Chancelier Adolf Hitler délaissa le sport automobile au profit de frissons plus guerriers, Ferdinand Porsche se recycla tout naturellement dans la conception de chars d'assaut.

En 1941, la Wehrmacht, réalisant les insuffisances de ses Panzers sur le Front de l’Est, a réclamé d’urgence un char lourd. Convaincu de l’emporter sur Henschel – qui a également soumissionné – Porsche a aussitôt lancé la fabrication d’une centaine de châssis… que la Wehrmacht a finalement refusé de commander pour lui préférer le dessin – plus conventionnel – de son concurrent, lequel va donner naissance au Tiger I

Le pauvre Ferdinand s'est donc retrouvé avec une centaine de châssis inutiles sur les bras… mais pas pour longtemps puisque, profitant de ses bonnes relations avec le maître du Troisième Reich, il a bientôt obtenu la permission de les utiliser sur un "chasseur de chars" sans tourelle : le Sd.Kfz. 184, plus communément appelé… "Ferdinand", en hommage à son concepteur (1)

Prix de consolation construit à seulement 91 exemplaires, l'engin ne ressemble à rien de connu. Pour la suspension déjà, on a recours à un système de barres de torsion, gage d’un excellent confort en terrain accidenté… mais aussi d’une grande complexité mécanique et d’un entretien difficile.

La motorisation est encore plus étonnante, car assurée non par un mais bien par deux moteurs Maybach de 300 CV qui, de manière encore plus inhabituelle, n’actionnent pas directement les chenilles mais se contentent d’alimenter des génératrices entraînant des moteurs électriques chargés de cette (lourde) tâche. Il en résulte un système certes fascinant pour l’esprit mais dont on peut tout de même se demander comment il se comportera en combat réel (2)

Très puissant, l’armement est quant à lui composé d’un canon de 88mm tout à fait capable de pulvériser n’importe quel tank soviétique à grande distance, mais simplement installé sous une casemate fixe, qui impose donc de faire riper le tank sur lui-même pour orienter le canon. Une contrainte certes commune à toutes les réalisations analogues mais toujours dangereuse pour la transmission qui, dans ce cas-ci, doit par ailleurs supporter un poids véritablement hors-norme.

Un blindage épais (jusqu’à 200mm à l’avant) est en effet censé conférer au Ferdinand une quasi-invulnérabilité au combat. Une revendication qui reste à démontrer mais qui, dans l'immédiat, propulse le poids de l’ensemble à 65 tonnes, ce qui présage non seulement d’une consommation catastrophique (10 litres d’essence… au kilomètre !) mais aussi de l’impossibilité, en cas de panne, de remorquer la bête puisque la Wehrmacht ne dispose dans son inventaire d’aucun engin capable d’assurer cette tâche (3)

Tout aussi préoccupante est l’absence de tout armement secondaire : en cas d’attaque par des fantassins russes, les 6 occupants du Ferdinand ne pourront en effet compter que sur leurs propres pistolets-mitrailleurs… et quelques embrasures découpées dans le blindage.

En mai 1943, les 91 Ferdinand semblent du moins en mesure de jouer leur rôle de "casseurs de tanks", et prennent donc la direction du saillant de Koursk

(1) Le nom d’”Elefant”, qui lui reste accolé, est postérieur à la Bataille de Koursk
(2) Les moteurs électriques utilisent par ailleurs beaucoup de cuivre, matériau sévèrement rationné
(3) Le remorquage d’un Tiger de “seulement” 55 tonnes mobilise déjà 3 ou 4 half-tracks FAMO et ne peut s’accomplir que dans des conditions très favorables

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