... militaires et politiciens ont beau se montrer rassurants, les populations, elles, sont loin d’être… rassurées par l’incroyable multiplication des armes nucléaires qui s’empilent dans les arsenaux, à bord des sous-marins ou des avions, sous la surveillance de machines au fonctionnement incompréhensible, elles-mêmes surveillées par des techniciens et des officiers que personne ne connaît, que personne n’a élu, et dont personne ne peut garantir la sûreté de jugement ni même la santé mentale.
Pour la première fois dans l’Histoire du Monde, la Fin… du Monde n’est plus une référence biblique ou la conséquence possible d’un événement – comme la Peste – sur lequel l’Homme n’a aucun contrôle.
Pour la première fois, l’Homme dispose d’un instrument qu’il a lui-même créé et qui est en mesure de mettre fin à sa propre présence sur Terre
Très vite, les romanciers, et Hollywood, vont s’intéresser à l’incroyable perspective d’un Monde victime de la bombe, d’un Monde où l’Homme disparaît, victime de sa folie ou de sa propre technologie
Dans Dr Strangelove (Dr Folamour, 1964), le cinéaste Stanley Kubrick livre sa propre vision de l’Apocalypse, dans laquelle un général américain passablement disjoncté - mais ne le sont-ils pas tous ? - ordonne à une escadrille de B52 de s’en aller bombarder l’URSS, déclenchant bien évidemment la riposte de Soviétiques eux-mêmes à ce point bornés qu’ils ont conçu tout leur système de défense sur la logique du "si je suis atteint par ne serait-ce qu’une seule bombe, toute la Planète va y passer".
Tragiquement humain chez Stanley Kubrick, l’Apocalypse devient purement technique chez Sidney Lumet qui, dans Fail Safe (Point Limite, 1964), imagine la défaillance d’un simple ordinateur, lequel, dans cet univers d’automatisation extrême, n’a besoin d’aucune intervention humaine pour forcer une autre escadrille de bombardiers - ici des B58 "Hustler" - à atomiser Moscou même si, cette fois, les Russes, irradiés mais néanmoins compréhensifs, accepteront de ne pas déclencher l’holocauste... à la seule condition que les Américains atomisent eux-mêmes New-York.
Mais au fond, si l’Apocalypse se produit, qu’importe d’en connaître les auteurs ou les raisons,... puisqu’il n’y aura de toute manière plus personne pour faire des révélations, et plus personne pour les entendre. Telle est l'implacable conclusion à laquelle Stanley Kramer arrive dès 1959 dans On the Beach (Le Dernier Rivage), lorsque, réfugiés dans l’hémisphère sud, et plus précisément sur le continent australien, les derniers survivants en sont réduits, chacun à leur manière, à attendre l’arrivée du grand nuage radioactif, tout en entretenant l’espoir – hélas vain – de découvrir une nouvelle terre qui leur permettrait d'y échapper et de perpétuer une race humaine dont personne ne doute qu'elle repartirait en guerre une ou deux générations plus tard…
Dans ces conditions, et puisqu'il ne faut rien attendre des Hommes - si ce n'est le pire - la seule manière d'empêcher l'Holocauste, et sa récidive tout aussi attendue, est encore de prier pour l'arrivée d'extraterrestres qui, de manière pacifique (The Day the Earth Stood Still, Le Jour où la Terre s'arrêta, Robert Wise, 1951) ou non (War of the Worlds, La Guerre des Mondes, Byron Haskin, 1953) sauront unifier le genre humain en lui apprenant la fragilité de sa propre existence...
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