jeudi 30 juillet 2009

2335 - quand le bombardement devient victoire par attrition

… qu’elles soient "planantes" ou "à ricochet", ces premières bombes "intelligentes" sont néanmoins trop spécialisées et trop coûteuses pour changer la donne en matière de bombardements, lesquels vont se poursuivre quasiment jusqu’à la fin avec des projectiles conventionnels et incendiaires, peu efficaces dans l’absolu, mais simples d’emploi et extrêmement économiques à l’usage.

Mieux encore : les bombardiers eux-mêmes vont progressivement se transformer en appâts destinés à attirer – et à épuiser – la chasse ennemie.

Jusqu’au début de 1944, la destruction des B17 et B24 américains, bien que périlleuse, ne posait pas de problèmes insurmontables à la chasse allemande.

Mais tout va bientôt changer avec l’apparition, dans le camp allié, du P51 "Mustang", intercepteur à long rayon d’action non seulement capable d’escorter les bombardiers tout au long de leur trajet vers et au retour d’Allemagne, mais aussi, et peut-être surtout, d’affronter la chasse allemande avec de bien meilleurs arguments qu'elle.

Pour abattre les gros quadrimoteurs américains, les pilotes allemands n’ont en effet d’autre choix que de tirer de forts nombreux obus de 20, 30, voire 50mm (!), ce qui leur impose de partir au combat avec des bimoteurs (Messerschmitt 410, Junkers 88) ou des monomoteurs (Messerschmitt 109, Focke-Wulf 190) de chasse lourde, dotés de nombreux canons ou roquettes air-air, équipements certes puissants mais très pesants et fort pénalisants en traînée aérodynamique.

A contrario, les pilotes de chasse américains, qui n’ont que ces chasseurs à affronter, peuvent se permettre de n’embarquer qu’un armement léger - quatre ou six mitrailleuses de 12.7mm – qui rend leurs P51 plus rapides et plus agiles que les lourds chasseurs allemands.

Le 6 mars 1944, lors du premier grand raid diurne sur la capitale du Reich, les pilotes de la Luftwaffe vont ainsi se faire étriller par la chasse américaine accompagnant les bombardiers, perdant 47 avions de chasse et 36 aviateurs, contre 11 aux Américains.

Même si ces pertes semblent faibles dans l'absolu, il est en réalité très difficile de les compenser : l'industrie allemande peut remplacer les avions perdus,... mais pas fournir des pilotes ayant la même expérience que ceux tués en combat aérien.

Deux jours après leur raid, les Américains sont ainsi en mesure de rebombarder Berlin alors que la plupart des unités de chasse allemandes, déjà à court d'effectifs, sont quant à elles incapables de retrouver leur ancien niveau opérationnel.

"Les pilotes quittaient l'école après 150 heures de vol. Leurs adversaires bénéficiaient d'une formation deux fois plus longue et étaient sept fois plus nombreux. (...) Entre le début de l'année et le mois de mai, la chasse de jour avait perdu mille pilotes, les meilleurs des capitaines d'escadrilles, des commandants en chef et des commandants d'escadre. On ne pouvait plus boucher les trous. Lorsque, de surcroît, il y eut au printemps des raids massifs sur les installations d'hydrogénation et qu'en septembre il ne resta plus qu'un sixième des rations d'essence dont on disposait jusque-là, la chasse allemande devint incapable de poursuivre ses opérations".

5 commentaires:

omen999 a dit...

ironie de l'histoire, la production aéronautique allemande a atteint son niveau historique au mois de septembre 44 au moment même où elle perdait les puits de roumanie et son industrie d'essence de synthèse...
plus de carburant, plus d'entrainement et à compter de l'automne 44, les nouveaux pilotes savaient tout juste décoller et atterrir sans se tuer avec leur avion d'armes
nb: les gondoles mg151 "zwilling" n'ont jamais été utilisées en opération par les fw190

Guillaume a dit...

Sans parler des ressources accaparées par la Flak : une grande partie des munitions de 88mm était en effet consacré à la défense anti-aérienne au détriment des unités blindées et PaK.

D'Iberville a dit...

En 1942, on estimait que la destruction d'un avion allié en plein vol nécessitait une moyenne de 4 057 obus (tous calibres confondus). Mais il en fallait plus de 33 000 à la fin de 1944 (!) De même, la consommation d'obus, estimée à 500 000 par mois en 1941/42 était passée à plus de 3millions par mois (!) En 1944, plus de deux millions de soldats et de civils étaient liés directement ou indirectement à l'artillerie anti-aérienne, qui absorba 30% de tous les canons et 20% de tous les obus produits durant l'année.

Pascal Boulerie a dit...

A Guillaume

Un obus anti-aérien (en général, explosif) n'a pas les mêmes caractéristiques qu'un obus anti-char (en général, perforant).

http://en.wikipedia.org/wiki/Shell_(projectile)

D'Iberville a dit...

Caractéristiques, non. Mais en revanche, il est construit sur les mêmes machines, par les mêmes ouvriers, avec les mêmes alliages...