... si le feu constitue la manière la plus efficace et la plus économique de détruire une ville comme Cologne, encore faut-il réussir à le faire démarrer, puis à l'entretenir.
Un bombardement incendiaire s'avère en effet inefficace si les pompiers, voire les habitants eux-mêmes, parviennent à circonscrire les foyers avant qu'ils se développent, se propagent, se rejoignent, et deviennent finalement incontrôlables.
A l'intérieur de la ville, les pompiers se sont entraînés aux effets des bombardements. La défense passive a distribué des centaines de tonnes de sable, qu'on a répandu sur le plancher de tous les greniers pour freiner la propagation des flammes par les toits et les soupentes. Les rideaux ont disparu des fenêtres. On a installé des parois ou des portes coupe-feu, écarté le mobilier des murs, dit adieu à tous les articles facilement inflammables, et rempli seaux et baignoires d'eau afin de pouvoir étouffer tout début d'incendie.
Pour l'attaquant-pyromane, le but consiste évidemment à déjouer tous ces moyens de défense. Un bombardement incendiaire est donc immédiatement précédé d'un bombardement conventionnel qui, en abattant les maisons, les murs et les portes, mais aussi en détruisant les canalisations d'eau et en projetant des débris dans toutes les directions, facilite la progression des flammes, et gêne l'intervention des pompiers.
Pour la contrarier davantage, on bombarde pendant des heures, ou on lance des bombes à retardement, lesquelles forcent les dits pompiers à se terrer eux-mêmes dans leurs propres abris, ce qui laisse aux flammes le temps de gagner en importance.
Dépendamment de la nature de la cible (ville ancienne ou nouvelle, constructions en bois, en pierres ou en briques, densité de population, etc.), on utilise différentes compositions chimiques, et différents dosages de bombes incendiaires et explosives.
A l'empirisme des débuts succède bientôt la recherche scientifique, laquelle fait un large usage du phosphore, des produits chimiques corrosifs, et du méthanol. Jour et nuit, des techniciens étudient les cartes d'Allemagne et épluchent les dossiers des compagnies d'assurances, comparant les habitats, réfléchissant et testant de nouveaux mélanges dont le but ultime est de provoquer l'apparition d'une "tempête de feu", comme celle qui va engloutir Hambourg en juillet 1943.
Sans surprise, ce sont les villes anciennes, à l'habitat très resserré, et construites en bois, qui brûlent le mieux. Si le feu adore les greniers, les poutres centenaires et les rues étroites, il n'aime en revanche ni le béton, ni les banlieues, ni les larges avenues, et il conserve toujours sa part de magie, laquelle fait précisément le désespoir des sorciers britanniques, qui ne parviennent pas à comprendre pourquoi Berlin brûle aussi mal, malgré tous les incendies qu'ils s'efforcent d'y allumer.
Berlin se serait-il avéré aussi combustible que Cologne ou Hambourg que la Seconde Guerre mondiale eut sans doute pris une tournure différente, et duré moins longtemps.
Ce ne fut hélas pas le cas...
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