dimanche 21 juin 2009

2296 - le délire total

... à aucun moment les partisans des "super-tanks", Hitler en tête, ne semblent s'être véritablement préoccupés des contraintes pratiques liées à la fabrication puis l'utilisation militaire d'engins chenillés trop lourds pour emprunter le moindre pont, et si massifs qu'ils attireraient le feu ennemi comme autant d'aimants.

Dans une Allemagne en guerre et de plus en plus réduite aux abois, où trouverait-on les milliers de tonnes d'acier, de caoutchouc, de cuivre, mais aussi les travailleurs et les usines nécessaires à leur construction ? Où trouverait-on le temps pour les fabriquer, et l'essence pour les faire rouler ?

Et en supposant-même que tous ces problèmes trouvent une solution, comment pourrait-on faire franchir fleuves et rivières à ces mastodontes ? les faire circuler dans la neige ou la boue ? les dissimuler aux bombardiers alliés ?

Ces questions, pourtant, sont loin d'être inédites. En 1917 déjà, l'État-major impérial, qui s'apprêtait à mettre en service ses monstrueux A7V de 30 tonnes, avait déjà passé commande pour des "K-Wagen" plus longs (13 mètres) et à peine moins lourds (120 tonnes) que le "Maus" de 1943 (!)

Reprenant, mais en quatre fois plus lourd, la forme et le concept des Mark I et IV britanniques, les K-Wagen, prévus pour entrer en service en 1919, ne pourraient rouler qu'au pas d'homme, et sur de courtes distances, ce qui avait contraint les ingénieurs à imaginer une conception modulaire, où les différents éléments de l'engin voyageraient séparément par train, avant d'être remontés à proximité du champ de bataille, à la manière des "Canons de Paris". Un remontage qui, on s'en doute, réclamerait plusieurs jours de travail acharné

Comment Hitler, qui au début de son règne s'est fait construire une maquette en bois et en grandeur nature d'un K-wagen, dont les deux prototypes inachevés avaient été ferraillés au lendemain de l'Armistice de 1918, comment Hitler ne s'est-il pas rendu compte de la totale futilité d'un pareil concept ?

Pourquoi, surtout, a-t-il ordonné la construction de tanks encore plus gros - comme les E-100 et Maus - et s'est-il enthousiasmé pour le projet, véritablement délirant, que lui a présenté, à l'été 1942, un directeur de Krupp : celui du Landkreuzer P. 1000 "Ratte" (rat), de 35 mètres de long et 11 mètres de haut, doté de deux canons de 280mm (1), un canon de 128mm, huit canons de 20mm et surtout d'un blindage de 15 à 36 cm d'épaisseur propulsant le poids de l'ensemble à la hauteur, véritablement stratosphérique, de... 1 000 tonnes !

(1) les mêmes canons que ceux équipant les "cuirassés de poche" comme le Graf Spee, et les 32 000 tonnes de la classe Scharnhorst

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Aux origines du char de combat, il y a un court livre de Science fiction /anticipation écrit par le très pacifiste Herbert George Wells, le Jules Verne britannique .

Il montre un peuple de guerriers entraînés dans la tradition militaire(on peut penser à la Prusse de Guillaume II) battu à plate couture par un peuple industrieux et fort peu belliqueux...mais qui disposent d'une arme secrète : Le "Land Ironclad" (cuirassé de terre) qui donne son nom au titre du livre, paru en 1903.

L'anticipation n'est pas très exacte (Wells s'était inspiré de l'invention d'un certain Joseph Diplock qui avait élucubré une sorte de locomotive avec des roues "pedrail" munies de pieds artificiels montés sur des gros ressorts) mais l'idée est là: transposer sur terre les invincibles navires cuirassés de la Royal Navy qui règnaient à l'époque sur toutes les mers du globe.

Cependant avec cette idée, le ver est en quelque sorte dans le fruit : la terre n'est pas la mer...Qu'il s'agisse de véhicules fabriqués de main d'homme (navires, chars et camions...) ou d'animaux vivants, l'eau se prête mieux au gigantisme (super pétroliers , Baleines bleues -160 tonnes- Dinosaures marins ou vivant dans les marécages...) que la terre où le plus gros animal vivant est l'éléphant ("seulement" 6 tonnes, avec une pléthore de muscles portés par des os proportionnellement courts et très trapus). Une baleine est incapable de se mouvoir sur terre et crève sous son propre poids dès qu'elle est échouée sur une côte à marées.

Dans ce bestiaire des tanks géants (et tragiquement sous motorisés, les décideurs allemands , Hitler en tête, semblent avoir quelque peu confondu les visions de ce brave HG Wells avec la réalité...