lundi 17 novembre 2008

2080 - avec le sang des Russes et les dollars des Américains...

... quittons à présent armes et équipements pour nous tourner du côté des hommes qui vont être amenés à s'en servir.

A l'aube de débarquer sur les côtes de France, quelles sont exactement les forces et faiblesses de ces soldats, qui dans leur immense majorité, souhaiteraient se trouver ailleurs, et de préférence chez eux.

Du côté britannique, les différentes lois de conscription ont permis de porter les effectifs militaires à 1 500 000 hommes début 1940, et à près de 4 500 000 en juin 1944.

Un effort assurément remarquable pour un pays de moins de 50 millions d'habitants, mais un effort néanmoins entaché de nombreuses faiblesses puisque, pour atteindre ce chiffre, il a non seulement fallu incorporer près d'un demi-million d'auxiliaires féminines - bien entendu mutées dans des unités non-combattantes - mais aussi racler les fonds de casernes et même les prisons (!) ceci sans parler bien sûr des usines et ateliers, vidés de leur main d'oeuvre masculine au profit du Front mais au détriment de la production de guerre.

Sur le plan du moral et de l'ardeur combative, les "Tommies" britanniques sont pour le moins ambivalents. Combattant depuis 1939, ils bénéficient certes de l'expérience de la guerre (et ce même si nombre d'entre eux ne l'ont vécue que de très loin). Vivant à quelques centaines de kilomètres de l'Allemagne (et à quelques dizaines de kilomètres seulement de l'Europe occupée), ils sont naturellement bien plus politisés et plus concernés par l'issue de ce conflit que peuvent l'être les GI's, qui ignorent tout du nazisme dont ils sont par ailleurs protégés par 6 000 kilomètres d'océan.

En revanche, cette guerre qui dure depuis 5 ans a laissé des traces. Chacun connaît un frère, un cousin, un ami, mort au champ d'honneur, abandonné dans un hôpital, ou croupissant dans un camp de prisonniers allemand ou japonais. A l'heure où la victoire finale fait de moins en moins de doutes, le soldat britannique se préoccupe bien plus - et qui pourrait l'en blâmer - de rester vivant (et si possible intact) que de faire triompher la Liberté et la Démocratie.

"Le soldat ordinaire n'est pas préoccupé par les théories politiques, mais il est fortement intéressé par le planning de l'après-guerre, dans la mesure où il affecte sa maison, son travail et l'avenir de sa famille" (1) note ainsi un rapport britannique de novembre 1943

Si "l'État-providence", qu'on lui promet pour l'après-guerre en cas de victoire, le motive à continuer le combat, il l'incite aussi à ne prendre aucun risque afin de conserver ses chances d'en profiter un jour. Comme le soulignent les cyniques, l'idéal britannique est de combattre sur des théâtres d'opération secondaires, et de préférence avec le sang des Russes et les dollars des Américains...

(1) Wieviorka, page 78

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