samedi 1 novembre 2008

2064 - soutenir le moral

... pour les Occidentaux d'aujourd'hui, anesthésiés par plus d'un demi-siècle de paix, la guerre est devenue un concept abstrait, au mieux une simple succession de clichés cinématographiques, dans lesquels des acteurs font semblant de s'entretuer à grands renforts d'effets pyrotechniques.

C'est oublier un peu vite que, dans une guerre, l'immense majorité de la population continue de vivre, de travailler, de payer des impôts et même de s'amuser, à des centaines voire des milliers de kilomètres du champ de bataille. Pour l'inciter à soutenir l'effort de guerre, et le régime responsable de cette guerre, les autorités ont alors recours à de multiples méthodes, allant de l'exaltation patriotique à la répression policière, en passant par la description de lendemains nécessairement enchanteurs en cas de victoire, et obligatoirement apocalyptiques en cas de défaite.

En 1940, Churchill pouvait encore se permettre de n'offrir à la population britannique que "du sang et des larmes". Mais en 1944, cette même population réclamait bien autre chose pour continuer à labourer les champs, extraire le charbon des mines, construire tanks ou avions et, bien entendu, envoyer fiancés, époux, frères ou fils au combat.

Avec l'entrée en guerre des États-Unis (décembre 1941) et puis avec les premiers succès décisifs remportés par les Alliés en Afrique du Nord, dans le Pacifique, ou en URSS (à partir de l'automne 1942), la population britannique, qui jusque-là avait accepté bien des sacrifices par crainte d'une invasion allemande, cette population en était venue à considérer la victoire finale comme une certitude dont seule la date demeurait inconnue, ce qui, paradoxalement, lui faisait paraître de moins en moins supportable un conflit qui durait depuis 1939, et un conflit qui, en plus de dévorer les hommes, ne faisait que ruiner le pays et allonger mois après mois la liste des produits soumis au rationnement.

Ne pouvant, à la différence de Hitler, s'appuyer sur un véritable appareil répressif, Churchill n'eut bientôt plus d'autre choix que de promettre l'État-providence aux paysans, aux mineurs et aux ouvrières britanniques : en novembre 1942, William Henry Beveridge publia donc un rapport qui instaurait pour l'après-guerre un système public universel d'assurance retraite, maladie et chômage.

Encore fallait-il au préalable parvenir à mettre un terme à cette guerre...

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