mardi 22 juillet 2008

1962 - ivres morts

... alors que le Zara et le Fiume achèvent de se consumer, les contre-torpilleurs italiens tentent de réagir, s'attirant en retout la contre-attaque des destroyers britanniques qui assurent la protection des cuirassés.

Dans cette nuit uniquement éclairée ça et là par les flammes des incendies, la confusion est bientôt si totale que Cunnigham juge plus prudent de faire reculer sa ligne de cuirassés, laissant à ses croiseurs et destroyers le soin d'en finir avec les Italiens.

A trois heures du matin, le Havock repère un grand bâtiment italien stoppé sur l'eau, que tout le monde sur la passerelle prend à nouveau pour le Vittorio Veneto. En fait, il s'agit, une fois de plus, du croiseur Pola, bourreau involontaire de la flotte italienne, que tout le monde a oublié dans la confusion générale !

Sur les ponts du Pola règne d'ailleurs une confusion tout aussi grande : bon nombre de marins italiens sont carrément ivres morts (1), et comme personne à bord ne semble disposé à se battre, les Britanniques se contentent d'aborder le grand croiseur, de transborder son équipage prisonnier à bord de leurs propres navires puis, une heure plus tard, d'expédier le Pola à la torpille.

Au final, cet engagement, connu sous le nom de Bataille de Matapan, se solde par un nouveau désastre pour la marine italienne qui y perd trois croiseurs lourds, deux destroyers et plus de deux mille marins. Les Anglais, de leur côté, ne déplorent que trois morts et des dégâts légers.

Quant au Vittorio Veneto, que les Anglais ont tant voulu détruire et n'ont cessé de voir partout tout au long de la nuit, il finira par rallier Tarente sain et sauf pour subir des réparations qui l'immobiliseront pendant près de six mois...

(1) après que le Pola eut été atteint par une torpille, son équipage, le jugeant sur le point de couler, s'était jeté à la mer. Ayant réalisé leur erreur, les marins étaient remontés à bord mais, transis de froid après avoir nagé dans des eaux glacées, n'avaient pas tardé à se ruer sur des bouteilles d'alcool pour se réchauffer. La propagande britannique, on s'en doute, ne conserva que la dernière partie de l'histoire...

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Bonjour, excellente lecture comme toujours.
Concernant la bataille de Matapan, il faut sans doute dire un mot de l'aspect renseignement et désinformation.
Les petits génies de Bletchley Park lisaient à livre ouvert dans les codes secrets italiens et allemands(tout en prenant mille précautions pour que celà ne se sache pas, notamment en faisant semblant d'être informés par d'autres sources).
Lorsque les officiers italiens du Pola et du Zara furent repêchés par les anglais , ils purent constater que la liste des navires et l'ordre du jour de la flotte italienne était punaisé sur le tableau du carré des officiers du Warspite.
Il y avait eu "forcément" trahison...et lors d'une série de procès dans l'Italie d'après-guerre les responsabilités et les traîtres furent recherchés...en vain (même si bien des doigts pointaient vers le très américanophile amiral Maugeri).

Plus anecdotique est la partie de cache-cache entre l'amiral Cunningham et le consul Japonais (tous deux fanatiques de Golf) la veille de l'appareillage (nocturne) de la flotte anglaise d'Alexandrie. Cunningham prit bien soin d'emporter une petite valise (ce qu'on nomme malicieusement un baise-en-ville) sur le green du golf d'Alexandrie et de taper posément ses neuf trous sous le nez de l'honorable espion japonais....avant de rentrer le plus discrètement possible à bord pour un appareillage en pleine nuit (qui à cette époque demandait quasiment cinq heures de préparatifs pour avoir de la vapeur et être manoeuvrant, avec un peu discret panache de suie lors du premier décrassage des chaudières...)