mercredi 9 janvier 2008

1767 - échange de bons procédés

... la proposition d'Eichmann de "vendre" un million de Juifs aux Alliés n'était pas, en soi, inédite: avant guerre déjà, le Reich s'était efforcé, à de multiples reprises, de refiler aux pays occidentaux - et si possible contre devises fortes - les Juifs jugés indésirables en Allemagne.

Mais ce qui rendait la démarche d'Eichmann extraordinaire était d'être formulée en pleine guerre, alors que plusieurs millions de Juifs avaient déjà été assassinés.

Après plusieurs entrevues entre Eichmann et Brand, le montant de la "vente" fut fixé à "dix mille camions équipés pour les opérations hivernales contre les forces soviétiques"

Arrivé à Istanbul le 19 mai 1944, Joel Brand dut néanmoins patienter jusqu'au 26 mai avant de pouvoir transmettre cette ahurissante proposition aux Alliés occidentaux qui, sans surprise, la balayèrent du revers de la main, n'y voyant qu'une tentative, par ailleurs fort maladroite, des Allemands pour semer la zizanie entre eux-mêmes et les Russes qui, à l'évidence, n'auraient jamais accepté, fut-ce pour le salut d'un million de Juifs, de voir la Grande-Bretagne et les États-Unis fournir 10 000 camions au Reich afin qu'il s'en serve dans sa lutte contre l'Union soviétique.

Britanniques et Américains n'en conseillèrent pas moins à Brand de conserver ses contacts avec Eichmann, et de le persuader, en témoignage de sa bonne volonté, de faire libérer un certain nombre de Juifs hongrois. Au bout du compte, Eichmann accepta d'en libérer 1 684, moyennant le versement de... 1 000 dollars par personne (!) Une somme que la plupart des Juifs hongrois étaient évidemment bien incapables de réunir, ce qui explique pourquoi, loin de comprendre des femmes et des enfants choisis au hasard parmi la communauté juive, le train qui partit finalement de Budapest, le 30 juin 1944, ne comprenait en vérité que des notables juifs, leur famille et un certain nombre d'amis et de connaissances qui surent habilement tirer parti de leurs relations ou de leur fortune.

Loin de prendre le chemin de la Suisse, comme beaucoup l'avaient espéré, le train s'arrêta en réalité au camp de concentration de Bergen-Belsen, où l'on réunissait déjà depuis longtemps tous les Juifs "échangeables". Sans être idyllique, la situation qui y régnait alors demeurait supportable et sans commune mesure avec ce qui les aurait attendu à Auschwitz. Pour finir, en décembre 1944, les négociations menées entre l'Allemagne nazie et les représentants juifs en Suisse permirent à ces Juifs hongrois de prendre le chemin de la Suisse...

Aucun commentaire: