... lorsque Rudolf Höss en prit le commandement, en mai 1940, Auschwitz n'était encore qu'un camp de concentration de forts modestes dimensions, pour détenus politiques polonais.L'évolution de la situation militaire, les capacités d'expansion offertes par le site, et sans doute aussi le talent de vendeur de Höss lui-même, amenèrent progressivement la SS à étendre le camp et ses activités, jusqu'à en faire le symbole-même de l'univers concentrationnaire.
Au bout du compte, la "zone d'intérêts" d'Auschwitz devait finir par comprendre une trentaine de camps et d'ateliers de travail satellites, articulés autour du camp d'Auschwitz originel (Auschwitz I), du camp d'extermination de Birkenau (ou Auschwitz II) ouvert en octobre 1941, et du camp de travail de Monowitz (ou Auschwitz III), ouvert en mai 1942 et plus spécifiquement chargé d'alimenter en main d'oeuvre gratuite l'usine de caoutchouc synthétique que la firme IG Farben avait fait construire en cet endroit.
C'est en juillet 1942, avec l'arrivée d'un convoi de Juifs slovaques, que fut systématiquement instaurée une pratique qui allait en quelque sorte devenir la "marque de fabrique" d'Auschwitz : la séparation entre ceux qui seraient directement "évacués" dans les chambres à gaz, et ceux qui seraient autorisés à vivre un peu plus longtemps, par le travail forcé.
Sélectionné parmi ceux qui auraient le privilège de travailler à Auschwitz, et donc de survivre quelque temps, Otto Pressburger fut affecté à l'enterrement des gazés - les crématoires n'existant pas encore. "Nous les enterrions le lendemain matin", déclara-t-il. "On versait un peu de chaux en poudre et on les recouvrait de terre. Juste assez pour dissimuler les corps afin que personne ne puisse les voir"
Trop primitive, cette méthode pour faire disparaître les cadavres avoua très vite ses limites sous la chaleur estivale : "Les corps morts s'animaient. Ils pourrissaient et sortaient des trous. Tout n'était que sang et crasse et il nous fallut les enlever à mains nues. Ça n'avait plus du tout l'air d'un cadavre : un amas de pourriture dans lequel nous devions creuser et dont nous retirions tantôt une tête, tantôt une main ou une jambe. L'odeur était insupportable. Je n'avais pas d'autre choix si je voulais vivre, autrement ils me tuaient".
Une fois les corps exhumés, Pressburger les faisait brûler dans une fosse géante transformée en crématorium de fortune : "Nous avons allumé un grand feu avec du bois et de l'essence. Nous les lancions dedans (...) la puanteur était terrible. Jamais on ne nous a donné un supplément de nourriture pour cela. Les SS passaient leur temps à boire de la vodka ou du cognac ou autre chose dans des bouteilles. Sans ça, ils ne pouvaient pas faire face eux non plus"
Heureusement pour les SS, la construction de crématoriums devait bientôt leur rendre le moral à défaut peut-être de la sobriété...
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