mardi 13 novembre 2007

1710 - "J'en ai assez de ces manifestations"

… qu'ils soient économistes, juristes, responsables politiques ou
simples citoyens, qu'ils soient dignitaires officiels du parti nazi ou au contraire opposants clandestins, ce qui leur posait problème à tous n'était certes pas la centaine de Juifs assassinés lors de la "Nuit de Cristal", mais bien le déchaînement de violences et de destructions que cet événement avait provoqué.

Contrairement à ce que l'on imagine souvent, et à l'exception des synagogues incendiées, la plupart des bâtiments brûlés, ou des biens volés ou détruits, appartenaient en effet à des Allemands, et pas à des Juifs (!) et étaient assurés par des entreprises allemandes. Ainsi en allait-il des vitrines brisées, qui appartenaient généralement à des Allemands, et étaient situées dans des immeubles dont les Juifs n'étaient que locataires.

Arguant que le pogrom avait été autorisé, et même organisé, au plus haut niveau de l'État, et mené sur le terrain par une milice d'État, les assureurs soutenaient, non sans logique, que l'État en était responsable, et se devait de faire un geste.

"J'en ai assez de ces manifestations, déclara Goering le 12 novembre 1938. Ce n'est pas aux Juifs qu'elles font du tort, c'est à moi, parce que je suis l'autorité responsable de la coordination de l'Économie allemande. Si aujourd'hui on détruit une boutique juive, si on jette des marchandises à la rue, la compagne d'assurance payera les dommages et le Juif n'aura rien perdu (…) Et on brûle les produits dont j'ai désespérément besoin (…) Je pourrais tout aussi bien mettre le feu aux matières premières avant qu'elles ne soient arrivées" (1)

Au terme d'âpres discussions, un compromis fut finalement dégagé : les biens allemands détruits, mais assurés, seraient remboursés aux propriétaires allemands, et les biens juifs assurés… remboursés à l'État allemand, à charge pour ces mêmes Juifs de payer la remise en état des immeubles endommagés, le déblaiement des synagogues incendiées et même… une "amende d'expiation" record d'un milliard de marks (!)

(1) Hilberg, pages 87-88

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