lundi 10 septembre 2007

1646 - d'impossibles représailles

... En 1944, il y avait déjà bien longtemps que le Bomber Command britannique larguait sur l'Allemagne bien plus de bombes que la Luftwaffe n'était capable d'en larguer sur l'Angleterre.

Conçue dès l'origine comme force aérienne tactique, la Luftwaffe avait complètement délaissé l'aspect stratégique, et ce n'étaient certes pas les quelques centaines de Heinkel 177, qui venaient enfin d'entrer en service opérationnel après des années de problèmes techniques, qui y changeraient quelque chose.

Le Heinkel 177 se voulait réplique allemande aux gros bombardiers quadrimoteurs américains et britanniques. Et de fait, il disposait bel et bien de quatre moteurs... mais de deux hélices seulement.

Sur le papier la formule des deux moteurs jumelés à l'intérieur d'une même nacelle, et entraînant une hélice commune par l'intermédiaire d'un réducteur, offrait l'avantage d'une importante réduction de traînée aérodynamique.

En pratique, elle s'avéra si catastrophique que les équipages de Heinkel, écoeurés, surnommèrent leur monture "le briquet volant de la Luftwaffe", en raison de l'incroyable propension que manifestaient les moteurs surchauffés à s'enflammer en plein vol.

Tout au long de leur existence, les moteurs du "Greif" occasionnèrent en effet un nombre inimaginable d'accidents, et firent preuve d'une fiabilité pathétique. Ainsi, le 13 février 1944, sur quatorze appareils prêts à décoller pour Londres sous le regard d'Hermann Goering, treize prirent le départ, huit furent contraints de rentrer prématurément à la base pour cause de surchauffe moteur, quatre atteignirent l'objectif, et trois seulement en revinrent (!)

Une telle répétition d'ennuis ne pouvait évidemment qu'exercer une fâcheuse influence sur la production de l'avion, qui ne fut construit qu'à un peu plus d'un millier d'exemplaires, chiffre ridicule comparé aux seize mille quadrimoteurs classiques construits par les Britanniques durant la même période, mais un chiffre incroyable rapporté à la faible disponibilité de l'avion, et à son rôle encore plus anecdotique dans le déroulement de la guerre.

Car lorsque le "Greif" fut à peu près au point, à la fin de 1944, il n'y avait de toute manière plus assez d'essence ni d'équipages entraînés pour le faire voler. La plupart des exemplaires survivants furent alors ferraillés sans presque jamais avoir servi...

1 commentaire:

Denis a dit...

Si la conception du He 177 était audacieuse, il était encore plus aventureux d'en confier les études techniques et le montage à des déportés politiques et prisonniers russes comme ce fut la pratique au camp de concentration d'Orianenburg- Sachensenhausen. Le sabotage y était de rigueur et accompagnait efficacement celui des résistants qui travaillaient dans les unités de production en France. Voir l'extrait de Amicale d’Oranienburg-Sachsenhausen, Sachso. Au coeur du système nazi, Plon,
1982, pages 408-412, donné sur le site du CRDP de Créteil (www.crdp.ac-creteil.fr/cddp94/Animation/resistance.../Sachsenhausen Sabotage He177.pdf )
Ce camp, le plus ancien était la propriété de Himmler, et c'est dans ce camp que furent expérimentées les méthodes d'extermination massives et notamment (entre autres) l'"essai" de la première chambre à gaz.
Ces modestes acteurs de la défaite des nazis n'étaient pas des "Chevaliers du ciel", mais ce combat de l'ombre à risques mortels permanents mérite que l'on se souviennent d'eux.