... si le 20ème siècle fut assurément celui de la vitesse, la Première Guerre mondiale fut sans conteste celle des tranchées, et donc de l'immobilisme.La généralisation des obus shrapnel (1) et - surtout - celle des mitrailleuses à tir rapide condamnèrent immédiatement les charges de cavalerie à l'ancienne mode, laissant aux seuls fantassins le soin de tenter de se frayer un passage au milieu de la mitraille ce qui, en plaine, se traduisait invariablement par des milliers de morts à chaque assaut.
Confrontés à des boucheries aussi sanglantes qu'improductives - comme celle de Verdun qui, en dix mois d'offensives et de contre-offensives infructueuses fit plus de 300 000 morts et plus de 500 000 blessés dans les deux camps - les États-majors se prirent à rêver au moyen de réaliser une percée fulgurante, qui ferait sortir les armées de leurs tranchées, et les enverrait rapidement sur les arrières de l'ennemi afin d'y remporter une victoire décisive.
L'Aviation promettait assurément beaucoup, mais il lui faudrait encore de nombreuses années de progrès techniques continus avant qu'elle soit enfin en mesure d'emporter des milliers de fantassins et des milliers de tonnes de bombes au dessus du champ de bataille.
Au fond, ce qu'il fallait inventer, c'était l'équivalent terrestre du croiseur ou du cuirassé naval, c-à-d un engin capable de progresser rapidement et par ses propres moyens en terrain découvert, et d'affronter victorieusement les tirs ennemis tout en abritant dans ses flancs un certain nombre de soldats qui constitueraient le fer de lance de la percée.
Un idéal plus facile à décrire qu'à matérialiser, et dont la fort longue gestation allait finalement donner naissance à de véritables Behemoths mécanisés...
(1) A la fin du 18ème siècle, le Britannique Henry Shrapnel eut l'idée de remplacer le traditionnel boulet plein par un boulet creux, rempli avec plusieurs centaines de billes en plomb (encore que des clous ou toute autre ferraille faisaient tout aussi bien l'affaire). Plutôt que d'éclater à l'impact du sol, le nouveau projectile se désintègrait en l'air, au dessus du champ de bataille, à quelques dizaines de mètres de hauteur : une fusée-retard, actionnant une petite quantité d'explosifs, se chargeant d'éparpiller les billes d'acier sur une large surface, avec les conséquences que l'on devine sur les fantassins. Les "bombes à fragmentation" tant décriées aujourd'hui ne sont rien d'autres qu'une bombe ou un obus schrapnel dont on a remplacé les billes par des grenades...
2 commentaires:
Bonjour!
très divertissante analyse de certains délires militaires dus à des responsables prenant leurs désirs pour des réalités et incapables de mettre en rapport l'état réel de la technique et notamment la puissance et la fiabilité des moteurs disponibles avec l'utilisation envisagée et le poids des canons et des blindages.
Ce qui semble en cause dans cette histoire c'est une vision : Celle de transposer sur terre la taille et la puissance de feu des cuirassés (les dreadnoughts).
Cela commence avec la science fiction de HG Welles "les cuirassés de terre" qui décrit la supériorité d'un peuple "technologique" sur un peuple de robustes guerriers défaits par des "cuirassés de terre". L'image du navire terrestre se retrouve dans les écrits de Churchill et plus tard dans l'appellation "Landkreuzer" (croiseur terrestre) des monstres élucubrés par Hitler et que même Ferdinand Porsche n'a pas pu réaliser (ils devaient être propulsés par des moteurs diesel de sous-marins)...Une prophétie qui n'a pas eu le bon goût de s'autoréaliser.
Voyez sur ce clip le plus beau des croiseurs terrestres
https://www.youtube.com/watch?v=ecFBcpY9NHI
(il faut regarder jusqu'au bout ...)
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