mardi 14 février 2006

1073 - le triomphe américain

... la France réclamait un procès. La Grande-Bretagne n'en voulait pas. La Russie était d'accord pour le procès pour autant qu'il fut spectacle et pour tout dire très "stalinien".

Ces trois puissances finirent pourtant par se rallier à la proposition d'une quatrième - les États-Unis - donc à celle d'un procès chargé de juger non seulement des individus mais aussi des "organisations" dans un contexte de "complot contre la Paix"

La proposition américaine n'était peut-être pas la meilleure, mais c'était assurément la seule possible vu l'époque et les circonstances. Ceci réglé, restait à définir la forme et les procédures judiciaires que suivrait ce "tribunal international". Si le Droit et les procédures américaines et britanniques étaient cette fois relativement identiques, tout les séparait en revanche du Droit et des procédures françaises, et plus encore de ce qui pouvait exister dans l'URSS de Joseph Staline : quelques jours avant l'ouverture du procès, le juge soviétique, le général Nikitchtenko, en était encore à se demander ce qu'il fallait entendre par "contre-interrogatoire" (1)

Arrivée à Londres le 20 juin 1945, la délégation américaine chargée de mettre le procès sur pied n'eut pas trop de mal à s'entendre avec sa consoeur britannique sur la formule des débats et une première liste d'Allemands à inculper. Les choses se compliquèrent néanmoins avec la venue des Français, le 24 juin, et surtout avec celle des Russes, le lendemain. Si les Français contestaient essentiellement certains points de Droit - comme la notion-même de "complot" à laquelle les Américains étaient très attachés - ce ne fut rien en comparaison de l'hostilité soviétique à l'égard du "complot" mais aussi du "crime contre la Paix"- on découvrira pourquoi par la suite - ainsi que de leur volonté maniaque de tenir le procès à Berlin, dans leur zone d'Occupation, ce que refusèrent absolument les Américains. Après une quinzaine de sessions, et six semaines de débats houleux, les Soviétiques se rallièrent pourtant, une nouvelle fois, à la position américaine.

Le procureur général américain, Robert H Jackson, avait en effet fini par menacer la délégation soviétique de tenir un procès à trois (USA, Grande-Bretagne et France) et de laisser les Russes organiser ce qu'ils voulaient de leur côté. Le problème, c'est que tous les "gros poissons" du défunt Troisième Reich se trouvaient aux mains des Américains (10), des Britanniques (5) ou des deux à la fois (3) Les Français ne détenaient que le fort pâle Constantin Von Neurath (Ministre des Affaires étrangères de 1932 à 1938); les Russes le tout aussi secondaire amiral Erich Raeder (commandant en chef de la Kriegsmarine jusqu'en 1943)

S'ils voulaient mettre en accusation des ténors comme Hermann Goering ou Joachim Von Ribbentropp, les Soviétiques n'avaient donc d'autre choix que d'accepter les positions américaines, ce qu'ils se résignèrent à faire le 2 août. Le "complot" fit donc bel et bien partie de l'acte d'accusation - les Soviétiques allaient bientôt s'en mordre les doigts - et le procès allait se dérouler à Nuremberg - donc en zone américaine - même si les Américains, magnanimes, finirent par consentir à ce que la séance d'ouverture se déroule à Berlin.

Le 8 août, les "Accords de Londres" et le "Statut du Tribunal militaire international" furent signés. Les choses sérieuses allaient pouvoir commencer.

(1) Gellately, page 16

Aucun commentaire: